Peinture et couleur dans le monde grec antique (original) (raw)
S'il existait dans l'Antiquité des personnalités artistiques importantes, auteurs de créations "signées" qu'on copiait dans tout le monde grec - artistes qui, rivalisant de virtuosité lors de concours, étaient souvent employés par des commanditaires fameux, - les peintres en général étaient plus souvent considérés comme des artisans, et le travail d'atelier jouait un rôle non négligeable dans l'élaboration des oeuvres : l'art grec est avant tout technè.
Depuis l'époque médiévale, en Occident, on connaît des noms et des anecdotes d'artistes; on croit connaître certaines de leurs œuvres les plus fameuses, sans les avoir jamais vues : les auteurs, les titres, les motifs et les savoir-faire de très nombreuses oeuvres picturales tableaux sont connus, parce que mentionnés par des auteurs antiques, dans des ekphraseis, ou des traités.
A l'�poque du haut archa�sme (fin 6�me s. avant JC), la peinture se r�duisait � du dessin relev� de quelques aplats de couleur pure, d�pourvue de tridimensionnalit�; la peinture murale, comme le d�montre la Tombe du Plongeur de Paestum datant de - 480 est alors au m�me niveau d��laboration plastique que la peinture sur c�ramique : dessin cisel� mais chromatisme restreint, figures de profil, absence de repr�sentation de l�espace environnant.
Le tournant a lieu (notamment selon Th�ophraste) avec Polygnote de Thasos, actif � Ath�nes dans les ann�es - 460 : il peint de grandes compositions sur panneaux de bois accroch�s aux murs, dont les figures sont expressives et l'espace, plus illusionniste. Pausanias d�crit sa Prise de Troie visible dans la fameuse Stoa Po�kil� d'Ath�nes, et sa Descente aux enfers d'Ulysse � Delphes. Les oeuvres de Micon et de Panainos (fr�re de Phidias), ses contemporains de style s�v�re, ornent aussi la Stoa : � eux trois, ils marquent le d�but de la � grande peinture � grecque. Du coup, la peinture sur vase, qui se trouvait � la pointe de l�art de la couleur auparavant, recule en seconde position par rapport � la peinture et � la sculpture ; elle se contente d�s lors d�adapter � son format les motifs et techniques invent�s par les grands peintres.
La fin du 5�me si�cle est surtout marqu�e par les peintres Apollodore d�Ath�nes, Parrhasios et Zeuxis qui, selon Pline ou Quintilien, repr�sentent la v�ritable � r�volution � en peinture. En effet, Apollodore est, selon Plutarque, l�inventeur de l� � apparence de la r�alit� �, � savoir des variations chromatiques, du d�grad� (il est l�auteur auteur d�un Pr�tre en pri�re � Pergame). Parrhasios est connu pour avoir affin� les lignes du dessin, Zeuxis pour avoir invent� le clair-obscur. Ce dernier travaille pour le roi mac�donien Arch�laos; son � r�alisme � et ses clairs-obscurs le rendent tr�s c�l�bre. D�autres peintres de la m�me �poque sont �voqu�s tels que Protog�ne pour son acribie (auteur d�un Satyre appuy� � une colonne � Rhodes), Antiphilus (cit�s par Quintilien) lou� pour sa phantasia, Th�on de Samos pour sa gr�ce et sa puissance d�invention, et encore Pamphile ou M�lanthius (auteur d�une Dana�, d�un Dyonisos et Ariane, et d�une V�nus anadyom�ne � Rome).
Euphranor, � la fois peintre et sculpteur, actif � Ath�nes au milieu du 4�me si�cle, d�fend dans un trait� une esth�tique de l'illusionnisme, de la perspective, des couleurs nuanc�es et vari�es. L'�cole de Sicyone, qui couvre 4�me si�cle, comprend les peintres Eupompos, Pamphilos, Pausias (auteur d�un Eros, L�ivresse � Epidaure et inventeur, selon Pline, du proc�d� du raccourci) et fait beaucoup pour l'autonomie de la peinture vis-�-vis du dessin, en l'�loignant du formalisme du 5�me si�cle s; elle promeut un statut privil�gi� pour le peintre. Apelle, n� � Cos en -332, leur est li�; il est le peintre le plus c�l�br� (pour sa capacit� de mim�sis, sa � gr�ce �, sa pr�cision) du monde antique. On lui doit une V�nus anadyom�ne, d�Alexandre le Grand tenant la foudre. Signalons �galement le contemporain Nicomachos de Th�bes, r�put� pour un Enl�vement de Pers�phone et sa rapidit� d�ex�cution (via compendaria), ainsi que son disciple, Philoxenos d�Er�trie, auteur d�une Bataille d�Alexandre que l�on retrouve copi�e en mosa�que dans la Maison du Faune � Pomp�i.
Ainsi, de la technique de ces peintres, nous sont parvenus des �chos notamment sur st�les peintes, parfois contemporains des �uvres mais provenant surtout de la p�riode hell�nistique. Echos qui confirment que les �uvres et les artistes circulaient dans le monde grec, que souvent les ateliers travaillaient � partir de cartons, mais aussi que certains peintres jouissaient d�une renomm�e et d�une auctoritas sans pr�c�dent, relay�es par les �crits et/ou les ekphraseis.