« Les mots brûlent » : sociologie des Nouveaux Mouvements Religieux et déontologie (original) (raw)

Résumés

Cet article cherche à mettre en lumière les dilemmes éthiques affectant les recherches portant sur les Nouveaux mouvements religieux. En retraçant les enjeux et les points de vue divergents de l'éthique professionnelle des sciences sociales, nous souhaitons contribuer à une « sociologie de la sociologie des mouvements religieux », démarche réflexive nécessaire, soucieuse tant des exigences du travail scientifique que du respect des individus étudiés qui rendent possible l'élaboration de ce savoir.

The purpose of this paper is to cast light on the ethical dilemma in research on new religious movements. By sketching the diverging viewpoints and the implications of ethics in social sciences, it aims to contribute to a “sociology of the sociology of religious movements”, a necessary process, which intends to be guided by the exigencies of scientific research and the respect for the individuals who render possible the furtherance of knowledge.

La intención de este ensajo es de echar luz sobre la natura del dilema ético de investigaciones sobre “cultos”. Trazando los puntos de vista divergentes y las implicaciones de la ética en ciencias sociales, aspira a contribuir a una “socialogía de la socialogía de grupos religiosos”, un proceso necesario que intende seguir las exigencias de investigaciones científicas y el respeto de los individuos que permiten la posibilidad del progreso del saber.

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Texte intégral

1Cet article, centré sur la sociologie des Nouveaux Mouvements Religieux (NMR), pose de prime abord la question de la spécificité d'un tel champ d'étude. Domaine relativement jeune, la sociologie des NMR s'est pour ainsi dire développée suite à l'émergence de faits religieux nouveaux, historiquement inédits aux yeux de certains spécialistes 2. Dans les années soixante, revivalismes pentecôtistes et évangéliques, mouvements thérapeutiques quasi-religieux et religiosités d'origine asiatique sont devenus les objets d'étude de sociologues, surpris par la kyrielle d'innovations religieuses qu'ils ne s'attendaient pas à voir surgir de sociétés dont ils semblaient jusqu'alors prédire l'irréversible sécularisation. Ces mouvements, suscitant un regain d'intérêt pour les faits religieux, ont ainsi donné l'impulsion à une « revitalisation » de la sociologie des religions selon le terme de T. Robbins, l'un des tout premiers sociologues à s'intéresser à ces phénomènes 3. L'étude des NMR a également pour particularité d'être marquée par la sociologie anglo-saxonne. Tandis qu'en France les sciences sociales s'intéressaient plutôt au rétrécissement du champ religieux 4, la sociologie américaine notamment a développé un intérêt préférentiel pour les innovations religieuses. Aussi a-t-elle considéré avec attention ce qui semblait annoncer l'avènement d'un Grand Réveil, ou tout du moins une remise en cause de la disparition du religieux en cette fin de siècle. De fait, non seulement la sociologie des NMR se caractérise par une abondance des recherches menées aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais également par la prédominance de certaines problématiques. La forte empreinte de la sociologie anglo-saxonne sur l'étude des NMR a orienté les analyses vers la dimension protestataire et les dynamiques des organisations religieuses, avant de développer d'autres thématiques (charisme et autorité, processus de conversion, genre et NMR, etc.). Sur le plan théorique, en cherchant une signifiance à ces phénomènes religieux émergeants au sein des sociétés occidentales, l'étude des NMR a réactivé l'intérêt pour les approches wébériennes et trœltschiennes, et renouvelé en ce sens les cadres d'analyses du religieux en modernité 5.

2Nous nous limiterons ici à cette présentation succincte et sommaire de la sociologie des NMR pour s'attarder plutôt sur ce qui, dans la relation avec son objet, fait d'elle un domaine particulièrement marqué par des problèmes déontologiques 6. Nous ne voulons pas sous-entendre que la seule sociologie des NMR est concernée par ces difficultés, mais celles-ci ont été suffisamment manifestes et cruciales pour affecter la communauté scientifique et y susciter d'importantes dissensions 7. Toutefois, T. Robbins pense que les débats internes, bien qu'ils aient souvent été âpres, offrent l'opportunité de penser une « sociologie de la sociologie des NMR », invitant les chercheurs à expliciter leur relation à leurs objets d'étude et leurs méthodes de recherche 8. Soucieuse, tant des exigences de neutralité du travail scientifique que du respect des individus étudiés qui rendent possible l'élaboration de ce savoir, ayant nous-même rencontré ce type de difficultés sur le terrain, nous souhaitons ici contribuer modestement à cette démarche réflexive à laquelle aspire T. Robbins. C'est en ce sens que nous donnons une présentation générale (qui ne saurait être exhaustive) des problèmes déontologiques posés par l'étude des NMR et divisant les spécialistes. Nous espérons ensuite pouvoir éclairer d'un jour nouveau la nature des problèmes soulevés en les resituant dans le cadre plus large de la déontologie des sciences sociales.

Dilemmes éthiques de l'étude des NMR

Réenchantement du monde, sociologues désenchanteurs

3À l'instar de l'étude de groupes militants, radicaux et d'autres milieux, la sociologie des NMR confronte le sociologue à des difficultés d'accès au terrain. Le refus de la présence et des activités du sociologue est ici justifié par le caractère ineffable de l'expérience religieuse 9. Bien souvent, aux yeux des disciples, cette expérience ne peut être appréhendée que de manière subjective et personnelle, non par une observation distanciée. Elle serait ineffable, elle semble se consumer et se dissoudre si jamais on tente de la mettre en parole. Ainsi, « les mots brûlent », nous répondit la disciple d'un maître de yoga, justifiant par là son refus d'être interviewée. Les disciples de mouvements néo-hindous que nous avons étudiés illustrent effectivement ce primat de l'expérience. Leur discours révèle deux approches opposées du réel : l'une expérientielle et intuitive, l'autre « mentale » et dépréciée en ce qu'elle ne peut saisir cette vérité subjective, fondamentale dans leur adhésion aux enseignements néo-hindous 10. Refuge dans l'intime et refus de l'approche analytique sont également articulés dans la réaction d'un responsable de stages thérapeutiques sur lesquels nous avions publié un article :

Décrits de l'extérieur [ces stages] n'ont aucun intérêt [...] Il ne s'agit pas de danse, d'acrobatie, de performance, il ne s'agit que d'expérience intérieure, de découverte de soi-même, de développement d'un bien-être intérieur. Quel est l'intérêt de décrire une session de Zazen ? Quel est l'intérêt de décrire le sommeil d'un individu ? On saura s'il est en phase de sommeil superficiel, paradoxal ou profond mais on ne connaîtra ni la nature de ses rêves ni la qualité de son repos. La « description » de l'atelier ne permet pas d'en rendre compte car, à supposer qu'elle soit véritablement neutre [...] elle ne saisit pas son objet 11.

4La résistance que l'on oppose au sociologue, justifiée par le caractère insaisissable de « l'expérience enchantée » pour reprendre une expression de P. Bourdieu 12, n'est pas sans rapport avec la dimension protestataire des NMR héritée de la contre-culture. Cette dernière exprimait une quête de certitude intuitive via l'expérience et une aspiration à l'épanouissement de soi au sein d'une communauté intime. Elle dénonçait par là une société qui impose la pluralisation des rôles et la diversification des espaces, ainsi que les religions institutionnelles pour leur absence d'expériences extatiques et leur approche froide. Elle s'opposait également à une rationalité hégémonique : les « religions de communautés émotionnelles » décrites par D. Hervieu-Léger offrent ainsi à leurs membres « un espace “libéré” » de cette tutelle de la raison, dans lequel la possibilité d'une expérience directe et sensible de la présence divine puisse être reconquise 13. Aux yeux des intéressés, la science prétend pouvoir expliquer leur perception du monde en réfutant des causalités et des hypothèses sortant d'un cadre analytique rationaliste et positiviste, qu'elle rangerait du côté de « l'irrationnel » et de la « superstition ». Aussi s'agit-il d'un refus d'être analysé par un système de valeurs, un mode explicatif dont on critique l'hégémonie idéologique, et dont on souligne l'incapacité à rendre compte d'une réalité intime fondamentale. Cette attitude protestataire à l'égard de l'approche rationnelle du religieux a valu à S. Palmer maintes « exclusions » de son terrain :

For most groups, [the word sociologist] denotes a boring, depressingly secular, time-wasting, spiritually contaminated nerd. When I told the sannyasis at my neighbourhood Rajneesh Meditation Center in 1985 that I wished to do a sociological study of their commune, they rolled their eyes. « Talk about missing the point ! » one remarked. One swami who had an MA [Master] in Sociology commented, « it's a good way to avoid looking inside yourself and get your energy stuck » 14.

5Ce dernier commentaire de l'acteur social jugeant la démarche du sociologue n'est pas anodin. Il peut être interprété comme une réponse au projet des sciences sociales, réponse par laquelle les sujets de la recherche à leur tour observent, appréhendent le sociologue et sa démarche en fonction de leur propre système de valeurs. Le sociologue peut alors être perçu comme étant en quête de spiritualité (un converti potentiel), un émissaire d'une force supérieure, etc. Bon nombre de chercheurs en observation participante au sein de NMR ont ainsi constaté la difficulté sur le long-terme d'être considéré comme un observateur extérieur 15.

6Bien entendu, ce genre de conflit idéologique peut survenir sur d'autres terrains, il devient un enjeu partout où le sociologue entend jouer le rôle de « désenchanteur » 16. « Les mots brûlent », cette assertion ne saurait mieux exprimer la violence symbolique que peut représenter l'entreprise sociologique. Toutefois, l'étude des faits religieux en particulier suppose que nous interrogions ce qui, pour les acteurs sociaux, ne peut (ou ne doit) pas être remis en cause. Ce rôle de désenchanteur sera d'autant plus difficile à jouer que le mouvement étudié développe un système de valeur exclusif, ce qui n'est pas exceptionnel au sein des NMR. Dans ce cas, le fait que les principes du groupe doivent être tenus comme étant l'unique source de vérité fait de tout autre système de sens – ou de la prise de distance – une subversion. C'est ce qu'expriment très clairement les disciples du Sahaja Yoga lorsque, prenant connaissance de l'étude de J. Coney les concernant, ils interpellent la sociologue sur ses analyses : « You have to understand that we believe you are criticising God, Jude, and we are shocked and concerned for you » 17.

7Devons-nous renoncer à étudier les NMR défiants à l'égard de l'analyse sociologique ? Certains chercheurs ont répondu à cette question en optant pour une observation participante à l'insu des acteurs sociaux. La poursuite du savoir scientifique entre alors en conflit avec d'autres intérêts (le consentement des sujets de la recherche, la crédibilité de la profession que le chercheur représente, etc.), enfermant le sociologue dans un dilemme d'ordre déontologique. Si cette méthode rend possible une enquête qui autrement serait menacée, elle pose une autre question : doit-on étudier un groupe qui ne souhaite pas l'être ?

Un objet d'étude controversé

8Ces difficultés associées à l'étude des NMR pourraient être tenues pour anecdotiques si elles n'étaient pas renforcées par un lourd climat de controverse entourant cet objet d'étude en particulier. Étiquetés sous le label dépréciatif de « sectes » (cults en anglais), les NMR représentent pour le sens commun des forces « dystopiques » menaçant les structures et les valeurs fondamentales de la société 18, associées à la manipulation psychologique, la conspiration envers l'État et à la corruption du système de valeurs dominant. Dès les années soixante-dix, l'émergence de NMR a provoqué la naissance d'énergiques mouvements de lutte contre ceux-ci, aux États-Unis puis en Europe 19. Les médias ont ardemment nourri la polémique, relatant les expériences malheureuses de disciples et de leur famille, ainsi que la radicalisation spectaculaire d'une minorité de groupes. La controverse s'est également cristallisée dans des procédures juridiques (surtout dans le contexte légaliste des États-Unis) opposant les NMR et leurs détracteurs – anciens membres, familles de disciples, militants anti-sectes 20.

9Le contexte européen de la controverse est différent, compare J. Beckford, même si les lobbies anti-sectes sont tout aussi actifs. L'importance numérique et le pouvoir financier des NMR sont bien moindres, mais le principe du droit absolu de religion est plus relatif et le sentiment anti-religieux plus répandu qu'aux États-Unis 21. La France s'est tout particulièrement distinguée par sa gestion étatique du phénomène et par l'intensité de la controverse, notamment au cours de la dernière décennie. Le massacre de Waco, les attaques au gaz sarin perpétrées au Japon par Aum Shinrikyô et les suicides collectifs de l'Ordre du Temple Solaire ont suscité l'inquiétude générale qu'un véritable battage médiatique a entretenue. Cette conjoncture a donné toute sa légitimité à la commission d'enquête parlementaire et au rapport officiel qu'elle publie en 1995, Les sectes en France, aujourd'hui encore considéré par le plus grand nombre comme une référence en la matière. Reprenant les critères des Renseignements Généraux, ce rapport veut donner une définition de la « secte » par ce qui constitue ses dérives et établit une liste de 172 groupes considérés comme dangereux. Accusés nommément, les NMR sont placés sous les feux des projecteurs et font également l'objet d'une mobilisation de l'État français. Quelques mois après la rédaction du susdit rapport, le Premier ministre se conforme aux propositions de celui-ci et institue un Observatoire interministériel sur les sectes 22, remplacé en 1998 par la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS), le passage de l'observatoire à la mission de lutte exprimant un renforcement de l'investissement institutionnel sur la question 23. Enfin, le paroxysme – et la limite – de la lutte étatique contre les dites sectes semblent avoir été atteints avec une législation spécifique, la loi du 12 juin 2001, « tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales » 24.

10Que le sociologue choisisse ou non de s'intéresser à la controverse sociale, celle-ci affecte nécessairement les conditions de production et de diffusion de ses travaux. En effet, dans un contexte où le milieu étudié constitue un « problème de société », l'analyse sociologique fait immanquablement l'objet d'enjeux sociopolitiques 25. On peut tout d'abord s'attendre à ce que des NMR controversés tentent d'utiliser la recherche scientifique afin d'acquérir une légitimité sociale 26. C'est la raison pour laquelle les NMR ont souvent fait appel aux sociologues pour que ceux-ci les soutiennent vis-à-vis de leurs détracteurs – ce fut notamment le cas au moment de la publication du rapport parlementaire français 27. Travaillant durant cette période sur le Sahaja Yoga, notre recherche fut accueillie avec enthousiasme par le mouvement, alors épinglé comme secte dangereuse par Les sectes en France. À notre surprise, elle répondait à une attente, certains disciples ayant décidé de travailler à la communication extérieure du groupe 28. D'autres mouvements ont développé des stratégies plus organisées, tels l'Église de l'Unification (Moon), invitant les sociologues à des conférences en sciences de religions (nous reviendrons plus loin sur cet exemple), ou ISKCON qui édite une revue scientifique, ISKCON Communication Journal, à laquelle contribuent disciples et éminents sociologues. Dans ce contexte, ce que les NMR communiquent au sociologue risque d'être affecté par cette nécessité de communication et de légitimation. S. Kent et T. Krebs donnent l'exemple d'un mouvement poursuivi pour abus sexuels sur enfants ayant invité des sociologues à entreprendre une étude à son sujet. Selon les auteurs, le mouvement en question ne s'est pas contenté d'utiliser la recherche scientifique à son avantage, mais a littéralement organisé les visites dans des locaux prévus à cet effet et entraîné les disciples à se présenter d'une certaine façon pour que l'étude soit positive et le réhabilite 29.

11À l'inverse, le discours scientifique peut être instrumentalisé pour disqualifier et condamner des acteurs sociaux. Dans le cas des NMR, la simple visibilité sociale est susceptible d'entraîner une marginalisation à un niveau collectif ou individuel, ce qui explique la réticence des plus vulnérables d'entre eux à faire l'objet d'une étude sociologique 30. Aussi, diffuser une recherche sur l'un de ces mouvements peut représenter un véritable dilemme. Il s'agit d'un choix que résume le jeu de mots de la sociologie anglo-saxonne, « between superiors stressing the need to “publish or perish”, and those being researched whose message is “publish and perish” » 31... Le dilemme ne serait pas si profond si les sciences sociales ne faisaient pas l'objet d'une institutionnalisation croissante, impliquant le développement de ses usages et des commandes institutionnelles et politiques. Discours scientifique sur les mécanismes sociaux, elle affecte aussi les institutions étatiques, les médias et l'opinion publique. Or, concernant l'étude des NMR, la démarche du sociologue, ses compétences et son objectivité sont remises en question dans la sphère publique, « comme si le souci de comprendre se confondait nécessairement avec la volonté de justifier » note D. Hervieu-Léger 32. La démarche compréhensive au cœur des sciences sociales, lorsqu'elle s'applique à l'étude des NMR, est une source de malentendus pour les acteurs sociaux concernés peu ou prou par la question des « sectes ». Certains acteurs sociaux considèrent qu'ici l'approche des sciences sociales dessert la société par une sous-estimation des dangers, un désintérêt pour des infractions pénales et financières éventuelles de ces mouvements et une absence de prise de position normative. Ils renvoient ainsi le sociologue à la question de son rôle et de ses responsabilités dans l'espace public, point capital sur lequel nous reviendrons tout au long de cet article.

Extension de la polémique dans le milieu scientifique

12La controverse sociale s'est profondément répercutée au sein de la communauté scientifique qui s'intéresse à ce terrain, et c'est là une autre spécificité de la sociologie des NMR. Bien entendu, la polémique a influé sur les angles d'attaques par lesquels sont analysés les NMR comme l'atteste, par exemple, le nombre important d'études portant sur la conversion. Le développement de cette thématique s'explique par la récurrence des débats de société autour de la supposée nature coercitive des méthodes de recrutement des dites sectes – la fameuse accusation de lavage de cerveau. Mais la polémique a également eu pour effet de polariser les chercheurs, s'affrontant tant au travers de leurs écrits que dans l'enceinte des tribunaux, en tant qu'experts au service de la défense ou de l'accusation de NMR poursuivis. Se sont notamment affrontés les spécialistes qui ont accrédité la théorie du lavage de cerveau et soutenu la déprogrammation de disciples, et ceux qui ont critiqué le caractère idéologique de ce concept et les méthodes violant les libertés individuelles qui en découlent 33. De leur côté, les partisans de la théorie du lavage de cerveau ont accusé leurs collègues de se faire les porte-parole des mouvements qu'ils étudient et de ne pas mesurer la gravité des conséquences d'une telle prise de parti.

13Sous-jacentes à cette division des scientifiques quant aux méthodes de conversion des NMR, résident la question de l'instrumentalisation du discours scientifique et celle de la responsabilité du chercheur qui prend position sur un « problème de société ». Ces questions sont au cœur de la sociologie des NMR. Elles rejaillissent à travers la polémique suscitée par la participation de sociologues aux conférences de sciences des religions que l'Église de l'Unification organise. Les uns se refusent à participer à ces conférences et accusent leurs collègues d'apporter un soutien implicite à des groupes controversés, de produire des analyses biaisées par manque d'indépendance, et de jeter ainsi le discrédit sur la profession. Pour sa part, J. Beckford insiste sur l'opportunisme d'un tel mouvement qui utilise ses ressources matérielles pour promouvoir et publier des études qui lui sont favorables, tout en décourageant par ailleurs celles qui sont plus critiques à son égard 34. Si l'exigence de distance critique fait l'unanimité, certains tels B. Wilson et E. Barker insistent sur le sentiment d'empathie au principe de la démarche compréhensive 35. E. Barker considère sa présence à ces conférences comme partie prenante du travail d'observation, elle contribue à la relation de réciprocité qui la lie aux acteurs sociaux. À ses yeux, ceci ne fait pas d'elle une apologiste du mouvement et ne remet aucunement en cause son objectivité 36.

14En France, la polémique autour des NMR n'a pas clivé à ce point le milieu scientifique. Néanmoins elle a révélé une pluralité d'approches, notamment au plus fort de la mobilisation étatique sur la question des « sectes » au milieu des années quatre-vingt-dix. Réagissant au rapport parlementaire, des universitaires français et étrangers publient un ouvrage collectif, Pour en finir avec les sectes 37. Les auteurs se donnent pour objectif de relancer le débat scientifique sur la controverse et sur le traitement de certains mouvements par le rapport officiel, en rassemblant des contributions tantôt critiques tantôt plus sympathiques à l'égard des NMR. « Pourquoi n'en finit-on pas avec les sectes ? » s'interroge à son tour J.-L. Schlegel qui s'adresse explicitement aux auteurs du susdit ouvrage. Il juge à propos de ce dernier que « les critiques du rapport sont convaincantes, les propositions positives beaucoup moins » 38. Dubitatif quant au décalage qui s'est installé entre l'opinion publique et le discours des scientifiques à propos des « sectes », J.-L. Schlegel remet en cause les approches méthodologiques et théoriques de cette « sociologie à contre-courant », et invite celle-ci à une étude plus critique des phénomènes dits sectaires. Dans le même temps, F. Champion et M. Cohen ont organisé, sous l'égide de l'Association Française de Sciences Religieuses, un colloque ayant justement pour but de confronter diverses approches scientifiques des NMR et de la controverse sociale qu'ils suscitent, afin de « constituer une interface entre recherche académique et demande sociale » 39. Leur démarche les a également conduit à s'interroger sur le traitement d'un objet si controversé et sur le rôle du sociologue dans l'espace public :

Sur ce sujet plus que sur d'autres, nous sommes sans cesse confrontés à la question des conséquences de notre intervention... ou de notre non-intervention : quels sont les effets de l'appel répété à la liberté religieuse et au pluralisme qui, s'il est justifié quant au fond, n'en écarte pas moins trop vite la question délicate du fonctionnement effectif de certains groupes ? Jusqu'où et comment les chercheurs doivent-ils s'adapter aux exigences des médias ? 40.

15Accès à un terrain protestataire et rétif, instrumentalisation du discours scientifique, rôle du sociologue dans une controverse sociale... L'étude des NMR suscite des dilemmes éthiques à plusieurs niveaux : méthodes de récolte des données, diffusion de la recherche, réponse à la demande sociale. Une déontologie de l'étude des NMR semble opportune, avancent N. Luca et F. Lenoir qui se montrent critiques à l'égard de certaines méthodes de recherche 41. Il faut toutefois souligner que la déontologie des sciences sociales est elle-même en débat et n'offre pas de solutions clés en main aux difficultés que posent certains terrains. En revanche, ce débat, opposant partisans et détracteurs des codes déontologiques institués, offre un cadre de réflexion qui nous semble pertinent et fécond pour saisir les dilemmes éthiques de la sociologie des NMR.

Une déontologie de la sociologie des NMR ?

Éthique absolue, éthique utilitariste

16Ce sont justement des recherches controversées sur divers terrains qui ont amené sociologues et anthropologues anglo-saxons à réfléchir au bien-fondé de leurs méthodes, aux problèmes d'implication du politique dans la recherche etaux moyens de garantir leur protection vis-à-vis de pressions extérieures 42. L'intérêt grandissant pour l'éthique professionnelle résulte également de l'insistance de plus en plus forte au sein des sociétés industrielles avancées sur la protection et la garantie des droits humains fondamentaux 43. Les codes déontologiques ayant cours dans les institutions scientifiques américaines, anglaises et canadiennes 44 sont basés sur un principe éthique dit absolu, directement inspiré de l'impératif kantien : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité dans ta personne et dans celle d'autrui toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen » 45. De fait, l'ensemble des codes déontologiques en sciences sociales insiste sur le consentement indispensable des acteurs sociaux et sur leur protection vis-à-vis des conséquences liées à la recherche et à sa diffusion. Le respect de la dignité humaine implique la protection de la vie privée et de l'anonymat, les renseignements privés dévoilés dans le contexte d'une relation professionnelle doivent donc rester confidentiels. De manière générale, ces codes de conduites considèrent que les sociologues ont une responsabilité concernant les effets de la recherche sur les personnes ou le milieu social étudié. Ils sont censés s'assurer que le bien-être social, physique et psychologique des sujets de l'enquête ne sera pas affecté par leur présence sur le terrain ou par la diffusion des résultats de leurs travaux.

17Toutefois, les sciences sociales se sont illustrées par un manque de consensus quant à l'institutionnalisation de règles de conduites professionnelles et de comités d'éthique. Les opposants aux codes déontologiques rappellent la nature non expérimentale de la sociologie, ne justifiant pas selon eux une régulation qui, en revanche, vaudrait pour les disciplines biomédicales. Perçue comme un ensemble de contraintes limitant les possibilités de la recherche, l'institutionnalisation d'un tel code représente pour certains un contrôle exercé sur la profession 46. À l'opposé du principe kantien, les détracteurs des codes déontologiques s'interrogent sur les conséquences de ne pas poursuivre certaines recherches. Cette approche s'enracine dans une philosophie dite utilitariste qui trouve ses fondements dans les écrits du philosophe J. Bentham, pour qui la valeur d'une action se doit d'être déterminée par le bonheur du plus grand nombre. Ainsi, le principe de l'utilité ou de « la maximisation du bonheur » permet de justifier ou non l'usage de tel ou tel moyen 47. En matière de déontologie des sciences, il s'agit donc d'une perspective qui met en balance les coûts (en termes de violation de vie privée, de disqualification sociale des acteurs sociaux, de sentiment de trahison vis-à-vis du chercheur les ayant observés à leur insu, etc.) et les bénéfices d'une recherche (production de savoir, information du public, etc.), afin de déterminer les méthodes et les modalités de publication. C'est une éthique que le sociologue H. Becker, farouchement opposé à la déontologie institutionnalisée, résume ainsi : « One should avoid publishing information or conclusions that would cause suffering out of proportion to the scientific gain by making them public » 48.

18En bref, deux approches de l'éthique s'affrontent. L'impératif de Kant se veut absolu et universel, il exige un strict respect des règles de conduite professionnelles. Il commande sans restriction et n'est relatif à aucun contexte, ni à aucune finalité. Il juge que la poursuite du savoir et les méthodes de recherche ne doivent en aucun cas être contraires au respect du sujet. L'éthique utilitariste, quant à elle, s'appuie sur le libre-arbitre de l'individu, devant mettre en balance bienfaits et préjudices afin d'orienter son action dans une situation donnée. L'évaluation contextuelle qu'elle privilégie peut donc conduire à ne pas appliquer les règles prescrites par les codes déontologiques, et ce pour des raisons proprement éthiques. En ce qui concerne les sciences sociales, les divergences entre les deux approches sont bien plus profondes qu'il n'y paraît. Elles influent de manière considérable sur les méthodes employées et elles conduisent éventuellement à privilégier certaines problématiques. Les relations avec les sujets de l'enquête et le rôle du sociologue dans l'espace public seront envisagés de manière radicalement différente. Ceci est d'autant plus manifeste lorsqu'il s'agit d'étudier la déviance sociale, c'est-à-dire ce qui, pour le sens commun, est nuisible à la collectivité (l'évaluation des dommages et apports de la recherche se révèlent alors problématique). À nos yeux, cette opposition entre éthiques absolue et utilitariste – qu'elle soit explicite ou non – se trouve au fondement des divergences internes de la sociologie des NMR.

La sociologie et le secret

19Selon les principes des codes déontologiques, la recherche ne doit être menée que lorsque les sujets ont pu donner leur consentement libre et éclairé, obtenu avant le projet et réitéré pendant la recherche, sans aucune insistance excessive ou coercition. Cela suppose donc la communication du contenu du projet de recherche, ses conséquences éventuelles, l'identité de son commanditaire, l'usage des informations recueillies, le degré d'anonymat qui sera garanti. Le sociologue doit en outre prendre en compte les demandes des informateurs en matière d'anonymat et de confidentialité, anticiper les risques et trouver des moyens techniques afin de les anticiper, tel l'usage des pseudonymes. Il doit être attentif à toute intrusion dans l'espace privé, individuel ou collectif, lorsqu'il n'est pas invité à le faire. De manière générale, le chercheur doit s'engager dans une relation contractuelle avec les sujets de la recherche, basée sur le respect et la confiance mutuels. Par conséquent, ces prérogatives condamnent d'emblée l'observation à l'insu des personnes observées, puisque cette méthode outrepasse leur consentement et viole leur liberté 49. E. Barker préfère expliquer les vraies raisons de sa présence aux mouvements religieux qu'elle étudie, ceci pour des raisons éthiques mais aussi méthodologiques. Elle privilégie par principe une relation fondée sur le respect mutuel et par ailleurs, ajoute-t-elle, la relation que les acteurs sociaux entretiennent avec l'« étranger professionnel » qu'est le sociologue nourrit considérablement ses analyses – ce qui échappe au chercheur se faisant passer pour un disciple 50.

20S. Palmer, quant à elle, admet observer les NMR à l'insu de leurs membres :

There is always that ambiguous stage when I stumble across a new group and am trying to decide whether there is anything there worth studying. It is less bother to simply show up at the meetings, thereby placing oneself in the role of potential recruit rather than to formally introduce oneself as a professor of religion (organized religion often gets a bad reaction), or a teacher of a course titled Cults and controversy (which sets off the « we are not a cult » speech) 51.

21Les arguments favorables à l'observation non avouée mis en avant par S. Palmer suggèrent que les codes déontologiques peuvent constituer une entrave à la poursuite des recherches. C'est là l'objection majeure des tenants de l'éthique utilitariste vis-à-vis des codes déontologiques, une objection qui peut sembler d'autant plus pertinente lorsque les recherches concernent des mouvements réticents à faire l'objet d'analyses sociologiques 52. Dans la perspective utilitariste, l'interdiction de l'observation non avouée confine la recherche à l'étude des groupes sociaux volontaires, favorisant par là ceux qui ont les moyens (en termes de légitimité sociale ou de pouvoir) d'empêcher la réalisation d'un projet scientifique les concernant 53. Plus grave encore, ne seront pas étudiés ceux qui ne souhaitent pas voir dévoilées leurs pratiques ou valeurs moralement condamnables et qui, pour cette raison, maintiennent les sociologues à distance. Ne doit-on pas au contraire étudier ces milieux sociaux ?, interrogent les utilitaristes. De leur point de vue, respecter la volonté de ces mouvements et ne pas dévoiler des pratiques répréhensibles, encourage la reproduction de celles-ci :

[It] would be an active violation of many people's moral standards who think that there are some groups, such as professional crime and fascist groups, that should be studied whether they are asked and give permission or not 54.

22Cette approche implique l'idée que la recherche scientifique à un devoir moral vis-à-vis de la société, elle se doit de contribuer positivement au bien commun. Dans cette optique, observation participante non avouée, violation de la vie privée et de l'anonymat peuvent être justifiées lorsque le sociologue juge que la production et la diffusion du savoir sont moralement souhaitables. C'est ainsi que l'entend I.L. Horowitz, s'opposant à l'approche empathique de certains de ses pairs étudiant les NMR. Tandis que les organisations religieuses cherchent inévitablement à protéger leur leader et leurs pratiques de toute remise en cause, il revient selon lui aux sciences sociales de dévoiler publiquement leurs secrets et les soumettre à un examen critique 55. Cette perspective est une invitation à s'intéresser, par exemple, aux infractions pénales susceptibles d'être commises par les NMR. Elle valorise la prise en compte du discours des apostats, plus disposés à dévoiler les secrets internes du mouvement auquel ils ont appartenu que les disciples 56. S. Kent et T. Krebs évoquent des études insuffisamment documentées à leurs yeux de La Famille (The Children of God), mouvement poursuivi pour abus sexuel sur enfants. Celles-ci révèlent selon eux les effets nocifs de la recherche lorsqu'elle ne dévoile pas (par empathie, respect de la vie privée et de l'anonymat...) des conduites condamnables, permettant ainsi au mouvement de ne pas avoir à en rendre compte publiquement ou légalement. Regrettant que des sociologues aient refusé de communiquer certaines informations ou documents internes concernant des mouvements controversés, les deux auteurs insistent sur le devoir d'informer et les risques du « collaborationnisme » 57 :

Academics should realize that organizations frequently use secrets to cover instances of manipulation and abuse, which are activities that researchers should be keen to uncover and analyze 58.

23Cette manière d'envisager le rôle des sciences sociales a reçu de vives critiques. Elle politise tout d'abord la recherche et a un effet réducteur sur ses problématiques 59. Du point de vue des défenseurs des codes déontologiques, une telle pratique de la sociologie, trahissant les acteurs sociaux, décrédibilise la profession. Qui plus est, en violant ces codes, le chercheur condamne irrémédiablement l'accès à des lieux d'enquête déjà difficiles. Mais surtout, la perspective utilitariste est critiquée parce que le sociologue s'arroge la liberté de rejeter les droits des acteurs sociaux qui, pour leurs pratiques et leurs valeurs, rencontrent sa désapprobation :

If the research deals with the good guys (the poor, the oppressed and the ignorant), the usual protections should be doubled to insure their welfare. But if the subjects are the bad guys (the power elite, South Africa, the Ku Klux Klan, etc.) [nous pourrions rajouter les NMR controversés à la liste], anything gœs, including the pilfering of confidential files, lying about the purposes of the research, obtaining information under false pretences, and assorted spying 60.

24Outrepasser le consentement des acteurs sociaux et violer leur vie privée implique une relation dissymétrique et hiérarchique entre observateur et observés, puisque le sociologue ne fait pas des sujets ses partenaires – et ce pour des raisons morales. Ceci est d'autant plus facile lorsque les acteurs sociaux ont un pouvoir social réduit et sont socialement disqualifiés. T. Miller insiste justement sur ce point, remarquant que le problème de la vie privée dans l'étude des NMR est rarement posé. Tandis que sociologues et journalistes observent fréquemment les NMR à leur insu, le droit à la vie privée n'est pas remis en question pour des groupes sociaux plus légitimes :

Cloistered catholic sisters are largely cut off from the outside world, and their right to be left alone has never been seriously challenged, however much some individuals – including members of sisters' families – might dislike the enforcement estrangement cloistering entails. Freemasons have conducted their rituals in secret since their founding. Mormons have successfully asserted their rights to privacy in their temple activities for over 150 years [...] Such a presumption of a right to privacy, however, has not always been granted to less influential groups. NRM scholars have in a number of cases infiltrated various groups covertly for the purpose of studying them 61.

25Quand le droit du public d'être informé, la liberté de poursuivre des recherches scientifiques, priment-ils sur le droit d'une organisation de contrôler l'accès à ses activités privées ? Le propos de T. Miller pose une question bien plus fondamentale qu'il n'y paraît. Elle est au cœur des difficultés de l'approche utilitariste, devant évaluer les dommages subis par les sujets d'une recherche qui seraient acceptables et les apports du savoir scientifique 62.

26« Social deviance research does lose its scientific nature if it declares that the object of its research is also its enemy » 63... Aux yeux des partisans d'une éthique absolue, en se laissant guider par son propre système de valeurs, l'utilitariste risque de sortir de son champ de compétence pour devenir un juge moral et légitimer les institutions de contrôle social dans l'élimination de la déviance. En acceptant ainsi les manières de définir la déviance sans les interroger, le sociologue transforme la notion descriptive de déviance en notion normative 64. La déviance devient alors une erreur à corriger, non plus comprise comme une réponse alternative à un contexte socioculturel donné. La situation est d'autant plus délicate lorsque le terrain en question est repéré comme un fléau pour lequel on cherche, moins une analyse explicative, qu'une solution.

« De quel côté sommes-nous ? »

27Les normes du sociologue lui-même sont effectivement au cœur du problème : T. Miller note que si la sympathie pour les acteurs sociaux est vivement critiquée lorsqu'il s'agit de disciples de NMR, elle va de soi sur bien d'autres terrains. Il rappelle par exemple que le genre est majoritairement étudié par des chercheurs féministes, et que les travaux concernant les noirs américains sont indissociables d'un combat contre le racisme 65. Nous pourrions d'ailleurs ajouter que l'antipathie pour son terrain a pu être très mal perçue par la communauté scientifique, comme l'a montré les réactions autour des recherches de C. Turnbull sur les Iks, ethnie ougandaise dont l'anthropologue britannique a décrit l'« inhumanité » 66. Ainsi, il est plus légitime selon T. Robbins d'être un universitaire mettant le public en garde contre les ravages des « sectes », qu'un expert soutenant ces groupes contre leurs détracteurs 67. Ce dernier attire lui aussi l'attention sur ces « doubles standards », et prend pour exemple le financement de la recherche. Tandis que N. Luca, F. Lenoir et bien d'autres universitaires critiquent les « sociologues au service des sectes » qui acceptent un soutien financier de mouvements tels l'Église de l'Unification ou la Scientologie pour les étudier 68, T. Robbins s'interroge sur les critères selon lesquels il est acceptable ou non d'avoir de l'empathie pour son objet d'études et de coopérer avec celui-ci. Où se trouve la frontière ?, demande-t-il, entre ces financements et ceux des Églises institutionnelles, rappelant que la recherche sur les religions, aux États-Unis, a largement été financée par des dénominations religieuses 69.

28Dans une approche utilitariste, il s'agit moins de définir une frontière que de se situer d'un côté ou de l'autre de celle-ci. H. Becker considère que le sociologue ne peut échapper à ses propres sympathies personnelles et politiques, l'essentiel étant alors de savoir de quel côté sommes-nous 70 ? H. Becker défend ici une vision radicale de la société, divisée en groupes sociaux oppresseurs et oppressés, parmi lesquels le sociologue ne peut que prendre parti. En choisissant de contribuer à l'émancipation des mouvements sociaux dominés ou exclus, le sociologue fait alors de son savoir un pouvoir en tant qu'instrument de changement social 71. Ainsi, la perspective utilitariste peut conduire le sociologue à outrepasser le consentement des acteurs sociaux dont il désapprouve les valeurs et les pratiques, mais elle peut tout aussi bien l'engager à prendre parti pour des groupes sociaux minoritaires qu'il considère être désavantagés et dominés. La méthode de l'intervention active dans l'étude des mouvements sociaux proposée par A. Touraine nous semble relever de cette même perspective radicale. Cette intervention se manifeste par la participation du sociologue à l'auto-analyse du groupe et à la mise en lumière des enjeux du conflit entre celui-ci et la société globale. Elle a pour objectif de stimuler la capacité d'action du groupe et de permettre son émancipation des rapports sociaux, ou à un autre niveau, de contribuer à la vie sociale en améliorant le fonctionnement des institutions ou en « accélérant la modernisation culturelle ». Le lecteur pourra être sceptique quant à l'application de cette perspective radicale à des NMR controversés. A. Touraine aurait-il accepté d'étudier ainsi la Scientologie par exemple, et de travailler à son émancipation ? Libre à chacun d'envisager sa réponse, compte tenues des limites qu'il fixe lui-même à son intervention : « je refuse de séparer le refus de la domination d'un contre-projet positif de la société » 72. Ainsi, seuls les mouvements sociaux considérés comme progressistes par le sociologue seraient en mesure d'être étudiés sous cet angle, c'est un parti pris que certains pourraient critiquer pour son abandon du principe de neutralité et sa perception polarisée de la vie sociale 73.

29C'est néanmoins en vertu de cette vision clivée de la société et du savoir engagé du sociologue que certains ont choisi de soutenir explicitement les NMR et de démystifier les représentations stéréotypées dont ils font l'objet. Il y a inévitablement une portée politique dans l'analyse sociologique, en ce qu'elle révèle le caractère arbitraire de certaines normes, la construction sociale de la déviance, etc. Indéniablement, d'autres mouvements dans l'histoire ont été considérés comme sectaires avant d'être socialement acceptés (on cite souvent l'Armée du Salut), et la disqualification sociale doit être resituée par rapport à une vision contemporaine de la liberté individuelle, de la vie religieuse, des pratiques de santé, etc. Mais le caractère subversif de la sociologie n'explique pas à lui seul la prise de partie de certains sociologues. Y participe également l'attitude positive à l'égard des religions de bon nombre de sociologues travaillant sur ce domaine, certains étant (ou ayant été) eux-mêmes personnellement investis dans l'une d'entre elles. Comme le suggère R. Robertson, c'est peut-être plus patent dans la sociologie des NMR développée aux États-Unis, pays qui valorise tout particulièrement l'engagement religieux et a institué la liberté religieuse en tant que droit absolu et fondamental 74. À travers les NMR, les sociologues ont souvent apporté leur soutien à la diversité, à l'innovation et à la liberté religieuse, ce qu'exprime ici B. Wilson, pour qui la sympathie est tout aussi vitale que le détachement dans l'étude des NMR :

Sociologists in this field tend to be committed to a positive evaluation of tolerance. Knowing the sectarians they study, they sympathise with their demand for freedom of expression, for freedom both to pursue their own way of life and to commit themselves to doctrines and practices that are of their own choosing 75.

30Rien de surprenant à ce que cette sociologie engagée, ne cachant pas son empathie envers les NMR, se soit appuyée sur une thèse dite intégrative. Ayant été très influente dans l'étude des NMR, cette approche postule que ces derniers répondent à des besoins sociaux et psychologiques, et compensent les insuffisances de la culture globale. Certains sociologues insistent donc sur les effets socialisants et intégrateurs de l'appartenance aux NMR pour souligner les contributions positives de ceux-ci à la société globale 76. I.L. Horowitz se montre très critique à l'égard de la thèse intégrative, ironisant sur le fait que, très certainement, le Klu Klux Klan satisfait également les besoins de ses membres... Il remet en cause ce point de vue relativiste qui conduit selon lui à confondre l'empathie avec la justification, et invite ses collègues à mettre en balance mérites et nuisances des NMR pour la société dans son ensemble 77. Nous retrouvons à nouveau, au travers de cette évaluation en termes de contributions positives et négatives des NMR à la vie sociale, le dilemme propre à l'éthique utilitariste : celui de l'évaluation. À quels niveaux de la société ces mouvements seraient-ils fonctionnels ? Comment évaluer les dites contributions des NMR ?

31Enfin, cette sociologie assumant ses engagements et que défend H. Becker pose avec acuité la question de la responsabilité du sociologue dans l'espace public. Quel est son rôle ? Est-il un expert au service de la collectivité ? R. Lemieux, sollicité par les médias au moment du suicide collectif de l'Ordre du Temple Solaire, constate que dans une situation d'institutionnalisation croissante de la sociologie impliquant le développement de ses usages et des commandes institutionnelles et politiques 78, on exige de la part du sociologue, un professionnel détenant un savoir spécialisé, une analyse en termes normatifs. On attend alors de celui-ci qu'il ne soit pas simplement un « expert mandaté » intervenant en tant que tiers dans une situation d'extériorité, mais qu'il se conduise en « expert instituant », constituant la situation à partir de son savoir, participant ainsi d'un processus de légitimation et de production de normes 79. Si R. Lemieux choisit donc de ne pas intervenir 80, B. Wilson souligne quant à lui la capacité du sociologue ayant étudié de manière approfondie certains mouvements, de traduire et d'éclairer le public quant à leurs valeurs et leurs pratiques. Ceci justifie selon lui l'intervention des sociologues dans des procédures judiciaires, en général pour la défense, fort d'un détachement et d'une sympathie désintéressée 81. Dans une perspective plus large, J. Baubérot critique également le refus de considérer le sociologue comme un expert qualifié sur la question des « sectes », et s'intéresse au rôle de médiateur que le sociologue serait susceptible de pouvoir jouer 82. Il rappelle à ce titre le cas particulier d'E. Barker ayant fondé en Angleterre INFORM, une association d'information sur les mouvements religieux, dont les objectifs sont tant de promouvoir la recherche scientifique que d'informer le public. Dans cette perspective, le sociologue dépasse la simple poursuite de la connaissance scientifique pour endosser un rôle militant qu'il justifie par le bénéfice possible, pour la société, de son savoir.

Conclusion

To have values or not to have values : the question is always with us. When sociologists undertake to study problems that have relevance to the world they live in, they find themselves caught in a crossfire. Some urge them not to take sides, to be neutral and do research that is technically correct and value free. Others tell them their work is shallow and useless if it does not express a deep commitment to a value position 83.

32Comme le résume H. Becker, les dilemmes déontologiques que nous rencontrons sur le terrain et les principes qui sous-tendent la déontologie en sciences sociales confrontent inévitablement le sociologue à ses propres valeurs : celle qu'il accorde aux êtres humains et à leurs droits, celle qu'il accorde au bien du plus grand nombre, celle encore qu'il accorde à son activité. Or, si M. Weber exhortait l'Homme de sciences à suspendre son jugement lié à ses valeurs personnelles, il n'en était pas moins conscient de l'importance, pour celui-ci, de son activité même :

On présuppose également que le résultat auquel aboutit le travail scientifique est important en soi, c'est-à-dire qu'il vaut la peine d'être connu. Or c'est ici que se nouent manifestement tous nos problèmes, car cette présupposition échappe de nouveau à toute démonstration par des moyens scientifiques. Il n'est pas possible d'interpréter le sens dernier de cette présupposition, il faut simplement l'accepter ou la refuser, suivant ses prises de position personnelles, définitives, à l'égard de la vie 84.

33L'idée d'un savoir scientifique libéré de toute valeur est chimérique mais, avons-nous à regretter ? À l'instar de R. Merton, on peut s'interroger sur ce que serait une science, en quête d'une neutralité absolue, qui ignorerait toute autre considération que la poursuite de la connaissance 85. La déontologie en sciences sociales reste donc un débat ouvert. Elle ne veut pas non plus faire oublier que la réalité empirique du terrain ne peut être simplifiée et réduite à des choix nets, mesurés et anticipés : les conditions de recherche des sciences sociales sont variables à l'infini et peut-être devons-nous nous en réjouir. Par ailleurs, cette présentation s'enrichirait volontiers d'autres réflexions et d'expériences de terrain, relevant tant de la sociologie que de l'anthropologie. Nous avons insuffisamment évoqué ici cette discipline qui s'est elle aussi attachée à traiter des « terrains minés ». Nous avons circonscrit notre analyse à la sociologie des NMR, mais les problématiques que nous avons développées peuvent probablement être déclinées sur un éventail bien plus large de champs d'études, à commencer par d'autres faits religieux – pentecôtismes, prophétismes ou religions établies. Et ce d'autant que, plus largement, le rapport à l'objet constitue un enjeu scientifique fondamental de la sociologie des religions. Cet article est donc une amorce à des problématiques épistémologiques bien plus vastes, mais nous espérons avoir montré que malgré ses incertitudes et ses interrogations, la déontologie des sciences sociales nourrit une réflexion qui nous semble indispensable à une pratique du terrain éclairée, exigeant la pleine conscience de ce que celle-ci implique sur le plan éthique.

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Notes

1 Nous remercions James Beckford, Fabienne Randaxhe et Jean-Paul Willaime qui, par leurs commentaires, ont contribué à enrichir cet article.

2 Françoise Champion, Louis Hourmant, « Nouveaux mouvements religieux et sectes », in Françoise Champion, Martine Cohen, éds., Sectes et démocraties, Paris, Seuil, 1997, p. 59-85. Elisabeth Arweck, « Responses to new religious movements in Britain and Germany, with special reference to the anti-cult movement and the churches », Thèse de doctorat, Londres, 1999, p. 41-52.

3 Thomas Robbins, Cults, Converts and Charisma: the Sociology of New Religious Movements, Londres, Sage publications, 1988, p. 190.

4 Danièle Hervieu-Léger, Françoise Champion, Vers un nouveau christianisme ?, Paris, Cerf, 1986, p. 187-191.

5 Pour une analyse en profondeur de l'évolution de la sociologie des religions anglo-saxonne, cf. Roland Robertson, « Religious movements and modern societies: toward a progressive problemshift », Sociological Analysis, 1979, no 40(4), p. 297-314.

6 L'éthique se définit comme la science de la morale, l'art de diriger la conduite tandis que la déontologie a un sens plus restreint, désignant l'ensemble des règles et des devoirs professionnels. La déontologie peut être considérée comme la forme codifiée, explicite et éventuellement institutionnalisée de l'éthique professionnelle. Jean-Paul Terrenoire, « Introduction », Sciences de l'Homme et de la société : la responsabilité des scientifiques, Paris, l'Harmattan, 2001, p. 37. Plus large est également le projet épistémologique, se voulant une philosophie ou une théorie de la science. Pour l'épistémologie, la place de la science dans la société, les conditions de production et de transmission du savoir (déontologie comprise) apportent une connaissance du contexte, nécessaire à son projet, mais qui ne sont en quelque sorte qu'un préalable à une entreprise plus vaste.

7 D'autres champs d'études sont susceptibles de connaître des difficultés analogues. Par ailleurs, nous ne prétendons en aucune façon évoquer de manière exhaustive la totalité des difficultés de la sociologie des NMR. Questionnements théoriques ou problèmes épistémologiques ne sont pas l'objet de cet article qui traite d'un type spécifique de difficultés.

8 Thomas Robbins, « “Quo vadis” the scientific study of new religious movements? », Journal of Scientific Study of Religion, 2000, no 39(4), p. 515-523. Cette approche l'a conduit à éditer un recueil de contributions avec des spécialistes dont les opinions divergent fondamentalement quant à la méthodologie et la déontologie appropriées. Thomas Robbins, Benjamin Zablocki, eds., Misunderstanding Cults: Searching for Objectivity in a Controversial Field, Toronto-Buffalo-Londres, University of Toronto Press, 2001.

9 Nous pouvons supposer que les pentecôtismes, insistant sur les dons du saint Esprit manifestés par la glossolalie, la guérison et des comportements extatiques, peuvent être particulièrement affectés par cette difficulté. Bien entendu, le caractère ineffable de l'expérience peut tout aussi bien être exprimé sur le terrain des « grandes religions » et de ceux, plus généralement, qui ont trait à l'expérience subjective (art, émotion, sexualité, etc.).

10 Véronique Altglas, « “N'importe quelle échelle, du moment que ça monte”... La globalisation du religieux : Modes de diffusion et d'appropriation de pratiques et valeurs se référant à l'hindouisme. Étude du Siddha Yoga et des Centres Sivananda en France et en Angleterre », Thèse de doctorat, Paris, EPHE, 2004, p. 470-494. Réagissant à l'une de nos questions, un interviewé nous a par exemple rétorqué qu'il s'agissait d'une question « mentale » à laquelle il ne pouvait répondre. Un autre nous a interrogé à plusieurs reprises durant l'entretien sur notre expérience personnelle du yoga, et a ajouté que si nous poussions notre propre pratique, nous poserions nos questions de manière plus pertinente.

11 Véronique Altglas, « Living in Harmony: le souffle à des fins thérapeutiques », Ethnologie Française, 2000, no 4, p. 545-554.

12 Pierre Bourdieu, « Sociologues de la croyance, croyances de sociologues », Archives des Sciences Sociales des Religions, 1987, no 63, p. 155-161 ; 158.

13 Danièle Hervieu-Léger, « Renouveaux émotionnels contemporains », in Danièle Hervieu-Léger et Françoise Champion, éds., De l'émotion en religion, Paris, Centurion, 1990, p. 230.

14 Susan Palmer, « Caught up in the cult wars: confessions of a Canadian Researcher », in Thomas Robbins, Benjamin Zablocki, eds., Misunderstanding cults, op. cit., p. 99-155 ; 107.

15 Ainsi, plutôt que de considérer E. Burke Rochford comme un chercheur les observant, les disciples d'Hare Krishna persistaient à voir en lui un esprit envoyé par Krishna. E. Burke Rochford, Hare Krishna in America, New Brunswick, Rutgers University Press, 1991, p. 22-23.

16 Pierre Bourdieu, Question de sociologie, Paris, Éditions de Minuit, 1984, p. 19-36. B. Beit-Hallahmi assume cette position de « désenchanteur » en considérant que l'analyse sociologique distanciée menace nécessairement les NMR. Benjamin Beit-Hallahmi, « “O truant muse”: collaborationism and research », in Thomas Robbins, Benjamin Zablocki, eds., Misunderstanding cults, op. cit., p. 35-70 ; 38.

17 Judith Coney, Sahaja Yoga, Surrey, Curzon Press, 1999, p. 203.

18 James Beckford utilise cette expression pour qualifier la représentation des « sectes » où la dystopie, à l'inverse de l'utopie, constitue l'omniprésence du mal sous la forme de la perversion systématique de valeurs familières. James Beckford, « “Laïcité”, “dystopia”, and the reaction to New Religious Movements in France » in James Richardson, ed., Regulating Religion. Case Studies from Around the Globe, New York, Kluwer Academic/Plenum Publishers, 2004, p. 27-40.

19 Pour une analyse approfondie de la controverse aux États-Unis et en Europe : James Beckford, Cult Controversies: the Social Response to New Religious Movements, Londres-New York, Tavistock, 1985. Cf. également Elisabeth Arweck, Responses to New Religious Movements in Britain and Germany..., op. cit.

20 David G. Bromley, « New religious movements in the United States », Archives de Sciences Sociales des Religions, 1993, no 83, p. 91-106.

21 James Beckford, « States, governments and the management of controversial new religious movements », Eileen Barker, James Beckford, Karel Dobbelaere, eds., Secularisation, Rationalism and Sectarianism, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 125-143 ; 135.

22 Alain Gest, Jacques Guyard, Les sectes en France, Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur les sectes, no 2468, Paris, Assemblée Nationale, 1996, p. 103-104.

23 La MILS a été remplacée en 2002 par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), souhaitant viser les « dérives sectaires » et non les « sectes ». Il ne s'agirait plus de lutter contre les groupes eux-mêmes, mais contre les dérives dont ils pourraient être responsables.

24 La volonté de légiférer contre un phénomène mal défini a bien moins été mis en cause que l'insertion, dans une première proposition de loi, d'un délit de manipulation mentale. Ce délit n'a d'ailleurs pas été conservé, mais la loi étend les éléments constitutifs du délit d'« abus de l'état de faiblesse », afin qu'il puisse aussi concerner « l'état de sujétion psychologique ou physique résultant de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ».

25 Des terrains autres que religieux illustrent les difficultés de la recherche lorsqu'elle touche à un « problème de société ». La question de l'excision a elle aussi nourri des réflexions passionnantes quant au rôle de l'anthropologue : Anne Raulin, « Problèmes éthiques d'une recherche en sciences sociales : l'excision et sa présence en France », Cahiers Internationaux de Sociologie, 1990, p. 157-171. On lira aussi avec intérêt le débat contradictoire entre A. Caillé et O. Mongin quant à la criminalisation de l'excision dans les nos 3 et 4 de 1989 de la Revue du Mauss, opposant universalisme des droits de l'Homme et respect des particularités culturelles. Les articles s'intéressent également à l'engagement de l'anthropologue sur un tel sujet, ainsi que sur la portée de cet engagement.

26 À l'extrême, le sociologue a parfois pu être perçu comme un utile agent d'expansion, comme l'évoque N. Luca, ayant étudié un mouvement messianique coréen : « J'étais, à l'époque, la seule qui vivait à Séoul et qui pouvait comprendre le coréen. Pour ces raisons, on espérait qu'une fois convertie, je traduirais la doctrine et les sermons de JMS [le leader] et deviendrais un des pions importants du “missionnariat messianique” en Europe ». Nathalie Luca, Le salut par le foot : une ethnologue chez un messie coréen, Paris, Labor et Fidès, 1997, p. 20.

27 Martine Cohen, Françoise Champion, « Les sociologues et le problème des dites sectes », Archives de Sciences Sociales des Religions, 1996, no 96, p. 8.

28 Véronique Altglas, « L'implantation des nouveaux mouvements religieux néo-hindous en France. Deux cas d'études : le Centre Sri Chinmoy et Sahaja Yoga », Maîtrise, Paris, Université Paris X-Nanterre, 1997, p. 37. Dans nos recherches concernant le Siddha Yoga, nous avons été interpellée par les responsables du mouvement, intéressés par nos compétences et nos liens institutionnels avec l'EPHE. En effet, l'un d'entre eux cherchait à organiser une rencontre dans le milieu universitaire pour faire connaître le shivaïsme du Cachemire, corps de doctrine sur lequel s'appuie l'enseignement du mouvement.

29 Stephen A. Kent, Theresa Krebs, « Academic compromise in the social scientific study of alternative religions », Nova Religio, 1998, no 2(1), p. 44-54 ; 46-47.

30 Notre étude des mêmes mouvements en Angleterre, caractérisée par une relative absence de politisation et de médiatisation de la question des « sectes », puis en France, a clairement révélé les effets de la controverse française sur l'accès au terrain et la réalisation d'entretiens. Les membres du Siddha Yoga en France sont extrêmement préoccupés par leur visibilité en tant que mouvement susceptible d'être considéré comme « secte ». Contrairement au Siddha Yoga de Londres, aux Centres Sivananda qui jouissent du statut de congrégation religieuse en France, notre intégration au sein du centre parisien du Siddha Yoga fut difficile. La plupart des sollicitations d'entretiens se soldaient par un refus, malgré de longues discussions sur le sujet. Tout ce que nous pouvions dire ne pouvait se référer qu'à notre expérience et non au témoignage d'autrui, certains s'inquiétaient de ne pas savoir comment seraient utilisés et interprétés leurs propos. D'autres demandaient si nous avions rencontré le guru, participé aux événements initiatiques, séjourné en ashram... On nous a également conseillée de nous adresser à la personne chargée de la communication extérieure, « habilitée » à répondre. Véronique Altglas, N'importe quelle échelle, du moment que ça monte..., op. cit., p. 80-81.

31 Raymond M. Lee, Doing Research on Sensitive Topics, Londres, Sage, 1993, p. 203. Voir également : Marie Jahoda, « To publish or not publish? », Journal of social issues, 1981, no 37(1), p. 208-220. Certains chercheront un compromis possible, en modifiant par exemple le nom du groupe afin que ses membres n'aient pas à souffrir des conséquences de la publication de la recherche. C'est la méthode employée par J. Lofland pour diffuser la première recherche concernant Moon, effectuée au début des années soixante. John Lofland, Doomsday Cult, New York, Irvington publishers, 1977.

32 Danièle Hervieu-Léger, La religion en miette ou la question des sectes, Paris, Calmann-Lévy, 2001, p. 8.

33 La déprogrammation consiste, avec l'appui de la famille, à enlever un disciple du mouvement auquel il appartient et de le convaincre de manière peu ou prou coercitive de quitter définitivement le groupe. Aux États-Unis, le concept de lavage de cerveau a joué un rôle central dans la polarisation des scientifiques, en raison de son utilisation dans des procédures judiciaires impliquant les NMR et leurs détracteurs. Les sociologues critiquant ce concept ont exposé leur approche de la question : David G. Bromley, James T. Richardson, eds., The Brainwashing/Deprogramming Controversy: Sociological, Psychological, Legal and Historical Perspectives, New York, Edwin Meller Press, 1983.

34 James Beckford, « Some questions about the relationship between scholars and the new religious movements », Sociological Analysis, 1983, no 44(3), p. 189-196. Ce numéro de Sociological Analysis publie un « Symposium on scholarship and sponsorship », précisément sur le financement de ces activités scientifiques par l'Église de l'Unification.

35 Bryan R. Wilson, « Sympathetic detachment and disinterested involvement: a note on academic integrity, en réponse à Irving L. Horowitz, Universal standards, not uniform beliefs », Sociological Analysis, 1983, no 44(3), p. 183-188 et p. 179-182.

36 Eileen Barker, « Supping with the devil: how long a spoon does the sociologist need? » Sociological Analysis, 1983, no 44(3), p. 197-206 ; 202.

37 Massimo Introvigne, J. Gordon Melton, éds., Pour en finir avec les sectes : le débat sur le rapport de la commission parlementaire, Paris, Dervy, 1996.

38 Jean-Louis Schlegel, « Pourquoi n'en finit-on pas avec les sectes ? », Esprit, no 6, juin 1997, p. 98-112, n. 5 ; 99.

39 Colloque « NMR et logiques sectaires », Paris, IRESCO, 1996. Martine Cohen, Françoise Champion, « Les sociologues et le problème des dites sectes », op. cit., p. 5.

40 Ibid., p. 8.

41 Nathalie Luca, Frédéric Lenoir, Sectes, mensonges et idéaux, Paris, Bayard, 1998, p. 129-130.

42 En France, le débat sur la déontologie des sciences sociales s'est souvent orienté vers une sociologie de l'éthique, faisant de cette dernière l'enjeu d'une analyse théorique. Néanmoins, face à une demande sociale de plus en plus forte d'expertise et à l'usage sociopolitique du savoir, les conditions de l'ethnographie, les engagements et les risques pris par le chercheur ont fait l'objet de réflexions récentes qu'il conviendrait d'intégrer à notre réflexion. Michel Agier, éd., Anthropologues en dangers : l'engagement sur le terrain, Paris, Jean Michel Place, 1997. Terrains minés en ethnologie, Ethnologie Française, 2001, no 1. On trouvera aussi des ouvrages sur la déontologie et les sciences humaines : Jean-Paul Terrenoire, op. cit., et Fred Ledman et al., éds., Éthique, épistémologie et science de l'Homme, Paris, l'Harmattan, 1996.

43 Les associations américaines et britanniques de sociologie ont établi des codes déontologiques, néanmoins, les champs de recherche à contrôler étant extrêmement vastes, il y a des limites inhérentes à ce que les associations professionnelles puissent réguler la recherche en matière d'éthique. Aux États-Unis, il existe une régulation de l'État par des Institutional Review Boards qui examinent les projets de recherche, quand ils sont financés par une administration ou par un département de l'État. En Grande-Bretagne, écoles et universités ont établi un code déontologique. Les étudiants en sciences sociales doivent avoir fait approuver leur recherche en matière de déontologie par leur directeur de thèse ou par un professeur du département, et suivre des cours qui traitent de la question. En ce qui concerne le Canada, les trois institutions scientifiques (le Conseil de recherches médicales, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le Conseil de recherches en sciences humaines) ont établi un document commun concernant l'éthique de la recherche avec des êtres humains. Les Conseils ne subventionnent que les chercheurs et les organismes capables de garantir que les projets de recherche sont en conformité avec cette politique.

44 Ont été consultés les codes de l'American Sociological Association, de l'American Anthropological Association, du Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada, les codes britanniques de la British Sociological Association, de la Social Research Association, et de l'Association of Social Anthropologists of the UK and the Commonwealth.

45 Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs, Paris, 1993, p. 105 (coll. « Le Livre de Poche ». Le tout premier code déontologique des sciences a été adopté en 1947 à Nuremberg. Il constitue une opposition à la justification des expériences médicales menées en camps de concentration, leurs responsables affirmant que celles-ci contribuaient au bien commun et surpassaient ainsi l'intérêt individuel. La déontologie des sciences considère au contraire que l'intérêt de la science et de la société ne peut en aucun cas primer sur le bien du sujet. On trouvera l'intégralité du code de Nuremberg dans Paul D. Reynolds, Ethics and Social Science Research, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1982.

46 Howard S. Becker, « Against the code of ethics », American Sociological Review, 1964, no 29, p. 408-409. Nous trouverons les mêmes objections à l'établissement d'un code déontologique pour ce qui concerne l'ethnologie, cf. Anton Blok, « A note on ethics and power », Current Anthropology, 1973, no 32(1), p. 95-98.

47 Jeremy Bentham, « Déontologie », la Revue du MAUSS, 1989, no 5, p. 77-98, p. 98. Pour une réflexion approfondie, on se réfèrera également au numéro « Qu'est-ce que l'utilitarisme ? » de la Revue du MAUSS, 1995, no 6.

48 Howard S. Becker, « Problems of the publications of field studies », in Arthur J. Vidich, Joseph Bensman, Maurice R. Stein, eds., Reflections on Community Studies, New York, Wiley, 1964, p. 267-284.

49 Plus modéré, le code de la British Sociological Association stipule que l'observation participante à l'insu des acteurs sociaux ne doit être employée que lorsqu'il est impossible d'utiliser d'autres moyens afin de collecter des données et que les circonstances (mais lesquelles ?) le justifient – ce qui suppose une connaissance a priori du terrain dont le chercheur ne dispose généralement pas.

50 En ce qui concerne l'idée d'« étranger professionnel », l'auteur fait référence aux « Digressions sur l'étranger » de G. Simmel, Yves Grafmeyer, Isaac Joseph, éds., L'école de Chicago, Paris, Aubier, 1990, p. 53-59. Eileen Barker, « Brahmins don't eat mushrooms: participant observation and the new religions », LSE Quartely, 1987, no 1(2), p. 127-152.

51 Susan Palmer, op. cit., p. 104.

52 Ayant étudié des groupes pentecôtistes sans que les membres en soient avertis, R. Homan justifie l'usage de la covert research à double titre. Celle-ci s'est révélée indispensable pour mener son étude, ces groupes nourrissant une forte suspicion à l'égard des sociologues qu'ils soupçonnaient d'être athées ou communistes. En outre, R. Homan met en avant un argument d'ordre éthique (ce qui souligne la complexité de la question déontologique qui ne saurait être binaire) : le droit de ne pas se savoir observé. Celui-ci prévaudrait quand il est question de religions qui, comme le pentecôtisme, accordent de l'importance à l'expression émotionnelle collective. Dans ce cas, la conscience de se savoir observé pourrait perturber les participants et entraver le bon déroulement des pratiques. Roger Homan, « The ethics of covert methods », British Journal of Sociology, 1980, no 31(1), p. 46-59.

53 « The only secret information obtainable is from individuals and groups who are too ignorant and/or powerless to demand the necessary limitations upon researchers ». John F. Galliher, « Social scientists ethical responsibilities to superordinates: looking upward meekly », Social Problems, 1980, no 27(3), p. 299-310.

54 John Lofland, « Comment on “initial interaction of newcomers in alcoholics anonymous” », Social Problems, 1961, no 8, p. 365-367, p. 366.

55 Irving L. Horowitz, « Further reflections on scientific method and religious sponsor », Sociological Analysis, 1983, no 44(3), p. 179-182, p. 181.

56 Le traitement du discours des apostats opposent continuellement les sociologues qui voient dans ceux-ci une source d'informations précieuse car contradictoire, et ceux qui doutent de l'indépendance d'ex-disciples encouragés à répondre à une pression sociale (renier leur ancien engagement, se présenter comme des victimes, révéler d'éventuels secrets, etc.). Pour approfondir ces deux approches, cf. David G. Bromley, The Politics of Religious Apostasy: the Role of Apostates in the Transformation of Religious Movements, Westport, Praeger, 1998 ; Benjamin Zablocki, « Reliability and validity of apostate accounts in the study of religious communities », New York, Association for the Sociology of Religion, 1996 (non publié).

57 Benjamin Beit-Hallahmi, op. cit., p. 50.

58 Stephen A. Kent, Theresa Krebs, op. cit., p. 48.

59 « Pressures from scholars like Horowitz have made it most difficult to treat the Unification Church or other new religion in the balanced way that Lofland [_op. cit._] achieved in the early years of the movement. Most articles on the subject 1970's tended to be less studies on the group as a religion than on the civil liberties of their members; whether in terms of loss of freedom to an authoritarian leader or of rights to free choice of religion thwarted by deprogrammers ». Barbara Hargrove, « On studying the “moonies” as a political act », Religious Studies Review, 1982, no 8(3), cité par Thomas Robbins, Cults, Converts and Charisma..., op. cit., p. 201.

60 Donald P. Warwick, « Who deserves protection?», The American Sociologist, 1974, no 9, p. 158-159.

61 Timothy Miller, Introduction, au symposium « Academic integrity and the study of NRM », Nova Religio, 1998, no 2(1), p. 8-15, p. 12.

62 Raymond M. Lee, Doing Research on Sensitive Topics, op. cit., p. 145.

63 Jeffrey H. Reiman, « Research subjects, political subjects, and human subjects », in Finabarr W. O'Connor, Clark B. Klockars, eds., Deviance and Decency: the Ethics of Research with Human Subjects, Beverly Hills, Londres, Sage, 1979. p. 35-57, p. 40.

64 La définition de l'objet d'étude (secte ? NMR ?) est donc très délicate et a également divisé les spécialistes, tant pour des raisons déontologiques que théorique (cette note ne rend pas justice au débat extrêmement riche sur la question : elle se limite à l'aspect normatif et controversé des termes et laisse de côté les vastes réflexions d'ordre théorique sur les typologies webero-troeltschiennes, le milieu cultique, etc.). Pour le sens commun, le terme « secte » a un sens péjoratif et disqualifiant. Le rapport parlementaire définit la « secte » par la déstabilisation mentale, le caractère exorbitant des exigences financières, la rupture induite avec l'environnement d'origine, les atteintes à l'intégrité physique, l'embrigadement des enfants, le discours anti-social, les troubles à l'ordre public, l'importance des démêlés judiciaires, l'éventuel détournement des circuits économiques traditionnels, et enfin les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics [Alain Gest, Jacques Guyard, op. cit., p. 12-13]. C'est une des raisons pour lesquelles certains sociologues préfèrent ne pas utiliser ce terme ou le mettent entre guillemets afin de se distancier de son caractère normatif [Françoise Champion, Martine Cohen, Sectes et démocraties, op. cit., p. 9]. Le lecteur l'aura remarqué, nous avons également opté pour cette présentation et nous privilégions le terme « nouveaux mouvements religieux » afin de contourner la valeur normative des appellations. En revanche, certains critiquent cette qualification religieuse qui à leurs yeux accréditent les mouvements sociaux concernés : « Qualifier une doctrine ou une pratique de religieuse, c'est admettre, qu'on y adhère ou non, qu'elle doit en tout état de cause être respectée en tant qu'objet de croyance ». Roberte Hamayon, citée par Nathalie Luca et Frédéric Lenoir, op. cit., p. 105.

65 Timothy Miller, op. cit., p. 13.

66 Fredrick Barth, « On responsibility and humanity: calling a colleague to account », Current Anthropology, 1974, no 15(1), p. 99-102. Colin M. Turnbull, « More thoughts on the Iks and anthropology », Current Anthropology, 1975, no 16(3), p. 343-358.

67 Thomas Robbins, « Objectivity, advocacy, and animosity », Nova Religio, 1998, no 2(1), p. 24-30, p. 27.

68 Nathalie Luca, Frédéric Lenoir, op. cit., p. 129-130.

69 Thomas Robbins, « “Quo vadis” the scientific study of new religious movements? », p. 520. F. Champion et M. Cohen considèrent que la légitimation sociale est un critère fondamental différenciant les religions historiques et les NMR, controversés et exprimant pour cette raison un désir de collaboration scientifique. Françoise Champion et Martine Cohen, éds., Sectes et démocraties, op. cit., p. 24.

70 Howard S. Becker, « Whose side are we on? » Social Problems, 1967, no 14(3), p. 239-247.

71 Martyn Hammersley, Taking Sides in Social Research: Essays on Partisanship and Bias, Londres, Routledge, 2000.

72 Alain Touraine, La voix et le regard, Paris, Éditions du Seuil, 1978, p. 191.

73 George N. Appell, « Talking ethics: the use of moral rhetoric and the function of ethical principles », Social Problems, 1980, no 27(3), p. 251-358. L'étude des pentecôtismes d'Amérique latine semble avoir été marquée dans les années soixante-dix par cette orientation militante et progressiste. Le rôle et la nature du pentecôtisme, note V. Boyer, ont ainsi été analysés « à partir du rapport, positif ou négatif, qu'il est supposé entretenir avec la modernité et les luttes sociales ». De nombreuses recherches menées à cette époque s'interrogent alors sur la capacité du pentecôtisme à éveiller un militantisme et à soutenir une lutte socio-politique. A l'époque, les universitaires, imprégnés de la théologie de la libération qui émerge d'une aile progressiste de l'Église catholique, ont eu tendance à insister sur le caractère conservateur du pentecôtisme, passif face aux inégalités sociales. Véronique Boyer, « Approches sociologiques et anthropologiques du pentecôtisme : le cas brésilien ». Problèmes d'Amérique latine, Documentation Française, 1997, no 24, p. 33-47.

74 Roland Robertson, op. cit., p. 305.

75 Bryan R. Wilson, « The sociologist of religion as expert witness », Revue Suisse de Sociologie, 1998, no 24(1), p. 17-27.

76 « Plusieurs “sectes” méritent la considération en fonction de leur apport très positif et pour la société, pensons à l'action sociale, et pour les individus en leur offrant par exemple un lieu d'insertion ». Roland Campiche, Quand les sectes affolent : Ordre du Temple Solaire, médias et fin de millénaire, Genève, Labor et Fides, 1995, p. 26.

77 Irving L. Horowitz, « Universal standards, not uniform beliefs », op. cit., p. 179-180.

78 Christian de Montlibert, « La professionnalisation de la sociologie et ses limites », Revue Française de sociologie, 1982, XXIII, p. 37-53.

79 Robert Castel, « L'expert mandaté et l'expert instituant », in Philippe Fritsch et al., Situations d'expertises et sociabilisation des savoirs, Saint Etienne, CRESAL, 1985, p. 83-92.

80 Raymond Lemieux, « The sociologist of religion as an expert: discussing Wilson's paper », Revue Suisse de Sociologie, 1998, no 24(3), p. 395-402. La situation se complique quand, comme en Italie dans un procès impliquant la Scientologie, les institutions judiciaires considèrent qu'il convient de se ranger à l'opinion des sociologues pour statuer sur la nature religieuse du mouvement en question. Massimo Introvigne, « Blacklisting or greenlisting? A European perspective on the new cult war », Nova Religio, 1998, no 2(1), p. 16-23, p. 18.

81 Bryan R. Wilson, « The sociologist of religion as expert witness », op. cit., p. 17-27. La méconnaissance des recherches scientifiques, la vulnérabilité des NMR et la remise en cause de la liberté religieuse sont les raisons qui ont également conduit R. Richardson, d'abord avec réticence, à conseiller des NMR et à témoigner parfois en leur faveur. James T. Richardson, « The accidental expert », Nova Religio, 1998, no 2(1), p. 31-43, p. 35-36.

82 Jean Baubérot, « Sectes, opinion publique et démocratie », in Françoise Champion et Martine Cohen, éds., Sectes et démocraties, op. cit., p. 314-330.

83 Howard S. Becker, « Whose side are we on? », op. cit., p. 239.

84 Max Weber, Le savant et le politique, Paris, Plon, 2000, p. 98.

85 Robert K. Merton, The Sociology of Science, Chicago, University of Chicago Press, 1973, p. 260-261.

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Pour citer cet article

Référence papier

Véronique Altglas, « « Les mots brûlent » : sociologie des Nouveaux Mouvements Religieux et déontologie », Archives de sciences sociales des religions, 131-132 | 2005, 165-188.

Référence électronique

Véronique Altglas, « « Les mots brûlent » : sociologie des Nouveaux Mouvements Religieux et déontologie », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 131-132 | juillet - décembre 2005, mis en ligne le 30 juin 2008, consulté le 19 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/assr/3264 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.3264

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Auteur

Véronique Altglas

Groupe Sociétés, Religions, Laïcités

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