Le manga et son histoire vus de France : entre idées reçues et approximations (original) (raw)

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Résumés

Le succès du manga en France au cours de la décennie passée a été accompagné d'un développement du discours tant critique qu'historique s'y rattachant. Cet article se propose d'examiner le traitement accordé à l'histoire de la bande dessinée japonaise dans les ouvrages de référence disponibles en français, ainsi que les idées reçues qui l'entourent. On s'y intéressera en particulier à la question de l'origine et du traitement de la figure centrale de Tezuka Osamu. On évoquera ensuite les déformations liées au prisme de l'accessibilité des œuvres à un lectorat francophone, qu'il s'agisse de l'importance accordée à un auteur comme Taniguchi Jirô, ou à la faible attention accordée à une production alternative encore peu traduite. On examinera également la vision de l'industrie du manga au Japon, et comment celle-ci s'établit principalement autour du cas emblématique de la revue Shônen Jump. Enfin, on observera la manière dont les éditeurs français retranscrivent cette vision dans leur approche et la constitution de leurs collections.

The success of manga in France during the past decade has also seen the development of a critical and historical discourse on the Japanese production. This text proposes to consider the treatment of the history of manga in reference books available in French, with a focus on its preconceived ideas. We will consider in particular the question of the origin, and of the central figure of Tezuka Osamu. We will then analyze the distorsions linked to the availability of certain works in French, be it the importance of an author such as Taniguchi Jirou, or the limited attention given to the alternative production that still remains rarely translated. We will also consider the vision of the manga industry in Japan, and how this vision is mostly built on the emblematic case of the Shônen Jump weekly magazine. Finally, we will observe how French publishers translate this vision in their editorial strategy.

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Entrées d’index

Noms cités :

Abe Shin'ichi, Ashita no Joe, Astro Boy, Chiba Tetsuya, Goldorak, Grendizer, Hasegawa Machiko, Hirata Hiroshi, Ikeda Riyoko, Ishinomori Shôtarô, Kamimura Kazuo, Mazinger, Mizuki Shigeru, Nagai Gô, Sakai Shichima, Sakai Sazae-san, Takamori Asao, Taniguchi Jirô, Tatsumi Yoshihiro, Tetsujin 28-go, Tetsuwan Atomu, Tezuka Osamu, Yokoyama Mitsuteru

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Texte intégral

1Il y a vingt ans, en mars 1990, les premiers fascicules du Akira d’Ôtomo Katsuhiro paraissaient en kiosque, marquant les premiers pas d’une invasion à venir. Et là où les tentatives précédentes de publier du manga en France avaient échoué, Glénat réalisait un coup de maître.

2Aujourd’hui, le manga représente un livre de bande dessinée sur trois vendu en France. Japan Expo attire désormais chaque été des dizaines de milliers de fans (plus de 160000 l’année passée) venant se retrouver autour d’une « culture manga » qui englobe également musique, dessins animés et jeux vidéos. Deuxième marché à l’exportation (hors Asie) derrière les États-Unis, l’institut GfK recensait en France plus de 7500 références de manga disponibles en librairie à fin 20091.

3Certes, reconnaissons que dans l’ensemble, cet engouement s’est porté en direction de séries récentes, Naruto, One Piece et autres Bleach en tête. Mais il faut également noter que depuis sa création en 2004, le prix du Patrimoine décerné durant le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a vu nominer pas moins de 21 titres provenant du Japon, et a toujours accueilli, année après année, au moins un manga au sein de sa sélection.

Nominations de manga au prix du Patrimoine du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême

2004 [2 mangas] - Ayako de Tezuka Osamu (Delcourt), Coups d’éclat de Tatsumi Yoshihiro (Vertige Graphic)

2005 [1] - Gen d’Hiroshima de Nakazawa Keiji (Vertige Graphic)

2006 [2] - Prince Norman t. 1 de Tezuka Osamu (Cornélius), L’École emportée de Umezu Kazuo (Glénat)

2007 [3] - Hato de Tezuka Osamu (Cornélius), Les Vents de la colère de Yamagami Tatsuhiko (Delcourt), Golgo 13 de Saito Takao (Glénat)

2008 [2] - L’âme du Kyûdô de Hirata Hiroshi (Delcourt), Un Gentil Garçon de Abe Shinichi (Cornélius)

2009 [3] - Au bord de l’eau de Yokoyama Mitsuteru (Delcourt), L’Enfer de Tatsumi Yoshihiro (Cornélius), Opération Mort de Mizuki Shigeru (Cornélius)

2010 [2] - Cyborg 009 de Ishinomori Shôtarô (Glénat), Sarutobi de Tezuka Osamu (Cornélius)

2011 [3] – Sabu & Ichi de Ishinomori Shôtarô (Kana), La fille du bureau de tabac de Matsumoto Masahiko (Cambourakis), Ashita no Joe de Takamori Asao et Chiba Tetsuya (Glénat)

2012 [3] – Le voyage de Ryû de Ishinomori Shôtarô (Glénat), Kuzuryû de Ishinomori Shôtarô (Kana), Sous notre atmosphère de Tezuka Osamu (Éditions H)

4Il n’est donc pas surprenant que le développement de ce phénomène éditorial se soit accompagné de la publication d’ouvrages de référence. Et si pendant près de douze ans, L’univers des mangas de Thierry Groensteen était l’unique ouvrage en français traitant de l’histoire de la bande dessinée japonaise, l’on dispose aujourd’hui d’un éventail plus large de publications sur le sujet, allant de l’opuscule au dictionnaire en passant par la monographie. Sans surprise, ils se révèlent de qualité variable, et certains présentent quantité d’erreurs factuelles et autres coquilles malvenues.

5Cependant, l’ensemble de ce corpus en français laisse transparaître un tropisme indéniable, autour du traitement de certaines figures historiques, et de la perpétuation de nombre d’idées reçues. C’est donc ce tropisme que je nous nous proposons d’aborder, en considérant quelques exemples emblématiques publiés en France entre 1996 et juin 2010.

La question de l’origine

6
Sakai Shichima – pour être tout à fait honnête, il y a peu de chances que vous connaissiez ce nom. Né le 26 avril 1905 et décédé le 23 janvier 1969, Sakai Shichima2 n’est pourtant rien de moins que le co-auteur, avec Tezuka Osamu, du Shin Takarajima (La nouvelle île au trésor) de 1947 qui marque le début du manga moderne. Son rôle (scénario et découpage) est ainsi mentionné dans les deux ouvrages de Frederik Schodt et celui de Paul Gravett – mais est étonnamment absent de la quasi-totalité des ouvrages originaux en langue française,3 à l’exception du Mille ans de manga de Brigitte Koyama-Richard (p. 148), et du numéro deux de la revue monographique Manga 10000 Images4. Reconnaissons que c’est là un détail, d’autant plus mineur lorsque l’on considère l’ampleur de l’œuvre de Tezuka et son influence incontestable sur l’histoire du manga. Alors pourquoi le passer sous silence ?

7Peut-être parce que l’histoire a tout pour séduire – un auteur très jeune et un succès populaire immédiat, comme point de départ de tout un médium, de toute une industrie. Mais malheureusement, ce qui devait être un acte fondateur emblématique, est entaché d’un malencontreux défaut : celui d’être « seulement », si l’on peut dire, une collaboration. C’est d’ailleurs la seule fois de sa carrière, il me semble, que Tezuka Osamu aura recours à un scénariste.

8Cependant, on ne rappelle pas impunément ce point de détail. Ainsi, sur le site de la revue spécialisée AnimeLand, son rédacteur en chef adjoint Nicolas Penedo s’en prend violemment au texte de Jean-Paul Jennequin publié dans le numéro deux de la revue Manga 10000 Images5, texte qui retraçait l’attitude de Tezuka Osamu lui-même face à cette œuvre qui n’avait été rééditée de son vivant que dans une version « remaniée » écartant le scénariste originel.

Après une biographie d’Osamu Tezuka, un fin connaisseur de la bande dessinée, Jean-Paul Jennequin [...] lance les hostilités. En s’intéressant aux retouches effectuées par Tezuka sur La Nouvelle île au trésor, Jennequin croit voir une sorte de mensonge organisée par son créateur. Tezuka aurait gommé ses erreurs pour faire croire qu’il aurait démarré seul (ce manga fut en fait cosigné par Shimachima [sic] Sakai) et se faisant passer pour un maître dès son premier titre (Jennequin déplore en fait la pauvreté de la mise en scène)6.

Trop beau pour être vrai ?

9En fait, on constate rapidement que Tezuka bénéficie d’une aura presque encombrante dans les ouvrages de référence. « Il est celui qui a tout inventé », écrit sobrement Julien Bastide en guise d’introduction à la traduction d’une conférence donnée par le maître en 1988 (« Comment dessiner un bon manga ? »), et publiée dans le numéro de la revue Bang ! consacré au manga Bang !, 2005). Dans Culture Manga, Fabien Tillon évoque Alain Saint-Ogan, Hergé et René Goscinny, avant de déclarer : « Tezuka, c’est un peu tout cela à la fois » (TILLON, 2005, p. 7 et TILLON, 2006, p. 48). « Infatigable génie » (FERRAND, p. 42), « précurseur dans tous les domaines » (KOYAMA-RICHARD, p. 150), « destinée d’exception » (FINET, p. 550) – au diapason de l’hagiographie publiée par Tezuka Productions en 1994 et traduite par Casterman, les superlatifs sont de sortie, et l’on découvre presque toujours un « Dieu du manga » qui transforme tout ce qu’il touche en or, allant de réussite en succès.

10Pourtant, Tezuka lui-même reconnaît avoir traversé une « période d’hiver » dans les années 68-73. Des années de reconstruction, où l’on voit le maître du manga pour enfant se retrouver dépassé par les publications à destination des adultes.7 Mais aussi des années de lente agonie de ses studios d’animation Mushi Productions, déficitaires depuis leur création en 1962, et qui feront faillite en 1973, laissant Tezuka avec une dette personnelle de 150 millions de yen (l’équivalent de 28 millions d’euros aujourd’hui).

11Difficile de trouver trace de cette traversée du désert dans le corpus d’ouvrages disponibles en français – au contraire, cette période est souvent présentée comme une évolution naturelle, voire volontaire du maître. Le Dico Manga explique ainsi que « c’est en réaction à la naissance du gekiga que Tezuka s’orientera, à la fin de sa vie, vers le public adulte » (FINET, p. 551). Dans les pages du hors-série Beaux-Arts consacré au manga, on découvre que « quand à la fin des années 1960, la bande dessinée japonaise s’émancipe du lectorat enfantin, il tire son dessin vers plus de réalisme et expérimente de nouveaux systèmes de mise en page » (Qu’est-ce que le manga ?, p. 96), et le Guide des Mangas renchérit : « dans le courant de ces années 1970, Tezuka est confronté à la concurrence d’autres auteurs de manga, ce qu’il a du mal à supporter. Il se lance alors dans des récits plus adultes et plus sombres » (BASTIDE, p. 259). Enfin, certains vont même jusqu’à en faire un rescapé exemplaire : « Les grands magazines récupèrent des dessinateurs du gekiga, qui évincent ceux formés aux séries pour écoliers, à l’exception notable de Tezuka, qui développe lui aussi des séries dramatiques, historiques ou touchant au sexe » (BOUISSOU, p. 6). Quant aux difficultés financières, elles n’apparaissent tout simplement pas, occultant par là même la question de la qualité d’une production subitement pléthorique8 afin de rembourser les dettes.

12En dehors de quelques rares voix discordantes – la revue Manga 10000 Images mentionnée plus haut, mais également le Guide Phénix du manga (qui indique sans détour que « Osamu Tezuka, relégué au rang d’auteur mièvre et ringard, connaît alors une traversée du désert » (p. 64)) ou Mille ans de manga, plus amène9 – l’image du « Dieu du manga » reste intacte, relayée avec une ferveur qui semble annihiler tout esprit critique10.

Un mythe envahissant

13Rappelez-vous. « Il est celui qui a tout inventé ». La force d’une telle affirmation finit par occulter des pans entiers de l’histoire du manga, arrêtant toute exploration à la seule contribution de Tezuka. L’ouvrage Mille ans de manga est peut-être le plus évocateur sur ce point : dans son grand panorama historique, on y passe sans transition du chapitre « Tezuka Osamu : le dieu du manga moderne » au chapitre « Les mangas aujourd’hui », entérinant cette vision de créateur total.

14Ainsi, pour ce qui est du manga pour filles, Brigitte Koyama-Richard écrit :

Précurseur dans tous les domaines, Tezuka écrivit le premier véritable shôjo manga (manga destiné aux filles) en 1953, Princesse Saphir. D’autres auteurs avaient déjà fait quelques tentatives au cours des années précédentes, mais ces mangas écrits spécifiquement pour les filles, se fondant sur leur manière de penser ou de s’exprimer et leurs goûts, n’atteignirent jamais la qualité de ceux de Tezuka. (KOYAMA-RICHARD, p. 150)11

15Cet extrait est particulièrement intéressant, en cela qu’il cristallise tout le paradoxe du regard porté sur Tezuka dans les ouvrages français. Précurseur sans pourtant avoir été le premier, il est surtout le seul à qui l’on reconnaît le statut de véritable auteur.12 Ce qui amène ensuite ces ouvrages à trop souvent faire l’impasse sur des figures considérées au Japon comme incontournables, comme par exemple Hasegawa Machiko, auteure (féminine) de Sazae-san, un yonkoma manga13 mettant en scène une jeune femme au foyer, publié quotidiennement de 1946 à 1974, et qui a donné lieu à une série animée diffusée sans interruption depuis... le 5 octobre 1969, en faisant l’un des personnages les plus populaires du Japon.14
Dans le cas du shôjo manga, si Tezuka a effectivement initié un genre de manga pour filles, ce n’est véritablement qu’avec le « groupe de l’an 24 » que les bases thématiques et stylistiques du genre seront posées, au début des années 70. Ce nom englobe un certain nombre de jeunes femmes nées autour de 1949 (l’année 24 de l’ère Shôwa), comptant dans leurs rangs Moto Hagio, Oshima Yumiko, Takemiya Keiko ou encore Ikeda Riyoko – et dont, sans surprise, il est rarement fait mention dans les ouvrages en français.

16Soyons précis. Si l’on y parle bien peu du « groupe de l’an 24 », on y parle beaucoup plus d’Ikeda Riyoko. Présentée comme « l’auteur qui révolutionna le shôjo manga » (KOYAMA-RICHARD, p. 187)15, elle « signe le shôjo le plus sulfureux de sa génération » (FINET, p. 228) avec La rose de Versailles. On aura remarqué que les superlatifs sont de retour. La raison d’un tel traitement de faveur est simple : le dessin animé qui en a été tiré a été diffusé à plusieurs reprises en France depuis 1986 et son apparition dans « Récré A2 ».16 Quant au manga, il a été publié en français en deux épais volumes par Kana en 2002.

La question linguistique

17Il ressort ainsi qu’on ne considère pas le manga et son histoire dans son ensemble, mais seulement au travers du prisme de son accessibilité à un lectorat francophone. Certains ouvrages n’en font d’ailleurs pas un mystère – qu’il s’agisse du Guide des mangas ou du Dico Manga, il est établi d’entrée que l’ensemble des œuvres considérées se limitent à ce qui est disponible en langue française. Pour les autres ouvrages, c’est dans la vision déformée de certaines figures de l’histoire du manga que l’on peut constater cette approche résolument franco-centrée.

18Ainsi, au même titre qu’Ikeda Riyoko, Nagai Gô se voit accorder une place toute particulière. Dans Culture Manga par exemple, on apprend ainsi qu’il « invente le mecha, robot géant à forme humaine, pouvant être piloté ou non, capable de se transformer à dessein pour devenir une arme ou un moyen de locomotion » (TILLON, 2006, p. 83). Le Dico Manga confirme : « mythique scénariste de Mazinger et Grendizer » (FINET, p. 132), il est le « créateur d’un genre (le robot géant transformable) [...] triomphal conquérant des marchés occidentaux avec son Goldorak » (Ibid., p. 369). C’est d’ailleurs tout juste si l’on mentionne le reste de sa production – à peine reconnaît-on que la série Devilman « demeure au Japon l’une des plus célèbres » (Ibid., p. 120) de l’auteur. Passons sur le fait que les Mazinger et Grendizer ne sont pas des robots transformables, mais tout au plus combinables – c’est un point de détail.17 Mais un certain nombre d’inexactitudes méritent d’être mises au point.

19Tout d’abord, le créateur du premier robot géant est Yokoyama Mitsuteru, dont la série Tetsujin 28-go, parue en 1956, connut à l’époque un succès comparable au Tetsuwan Atomu (Astro Boy) de Tezuka au Japon et dont le dessin animé sera même diffusé aux Etats Unis en 1963 sous le titre de Gigantor. Yokoyama récidivera d’ailleurs en 1967, à la demande de la Toei, avec Giant Robo.

20Ensuite, il faut souligner que le succès de Goldorak à l’étranger est essentiellement français. En effet, l’Espagne, l’Italie, les États-Unis et l’Amérique Latine connaissent beaucoup mieux son prédécesseur, Mazinger Z, qui ne sera diffusé en France que dans les années 80, dans une relative indifférence.

21Enfin, si les robots géants de Nagai Gô représentent une grande partie de sa production animée, ils demeurent marginaux au sein de sa production en manga, dans laquelle on retiendra plutôt Harenchi Gakuen (L’école impudique), série à scandale débutée dans le premier numéro de Shônen Jump en 1968, et considérée comme le premier manga érotique moderne ; ou encore la série des Devilman qu’il reviendra régulièrement revisiter dans ces nombreuses déclinaisons, et qui est, de son propre aveu, l’œuvre qui lui tient le plus à cœur.

22Enfin, comment ne pas évoquer le cas de Taniguchi Jirô, « considéré comme le plus européen des mangakas » pour reprendre la formule de Vincent Bernière (Qu’est-ce que le manga ?, p. 144) ? Absent des deux ouvrages de Frederik L. Schodt en anglais, il figure par contre en bonne place dans la plupart des ouvrages récents en français : largement présent au sommaire de Bang ! Manga nouvelle vague (p. 74-87) et de Qu’est-ce que le manga ? avec article de présentation et récit traduit (p. 52-64 et p. 144-145), il bénéficie d’un portrait détaillé et d’un entretien dans Mille ans de manga (KOYAMA-RICHARD, p. 204-211) – et se voit accorder plus d’une pleine page dans le Dico Manga (FINET, p. 540-541), soit probablement la notule la plus longue après celle consacrée à Tezuka Osamu.

23Il faut reconnaître que sa bibliographie en français est particulièrement riche – en fait, la quasi-totalité de sa production depuis une dizaine d’années a été traduite et publiée, accueillie à chaque fois avec le même enthousiasme. Cela ne fait pas de doute, « tous les éditeurs français se disputent le travail de Taniguchi »… et le discours critique élogieux ne manque pas de suivre. Cependant, cette « exception culturelle » si l’on peut dire, est tellement marquée à l’égard de Taniguchi Jirô que l’on finit par se sentir obligé de le reconnaître : et de concéder qu’ « il est d’ailleurs beaucoup plus connu en France qu’au Japon » (Qu’est-ce que le manga ?, p. 144)18.

24Ainsi, l’existence d’une traduction en langue française apparaît comme un élément déterminant pour la richesse du discours, qu’il soit critique ou historique. On l’a vu, les auteurs popularisés par le biais de l’adaptation en dessin animé de leurs œuvres bénéficient d’un traitement de faveur. À l’opposé, se trouvent d’augustes inconnus, tout du moins en terre française, au sujet desquels résonnent quasi systématiquement les mêmes échos, la jolie anecdote prenant le pas sur une quelconque approche critique.

25La série Ashita no Joe, tout récemment publiée en français dans la collection Glénat Vintage, se voit ainsi réduite à la seule évocation des funérailles organisées spontanément par les lecteurs suite au décès de Rikiishi Tooru, le rival de Joe, en mars 1970.

L’une des séries les plus populaires du manga de boxe, Ashita no Joe de Tetsuya Chiba, raconte l’ascension d’un boxeur issu des milieux pauvres, qui s’élève au-dessus de sa condition à la force de ses poings. Cette bande eut un tel impact sur les lecteurs que, le 24 mars 1970, alors que les fans apprenaient avec stupeur la mort de l’un des personnages principaux de la série, rival et meilleur ami de Joe, de véritables funérailles en son honneur furent organisées par une foule de 800 personnes dans les locaux de l’éditeur ! (TILLON, 2005, p. 20 et TILLON, 2006, p. 93)19

26Pourtant, immensément populaire et voyant ses personnages érigés au rang d’icônes, Ashita no Joe mériterait que l’on s’y attarde, que ce soit pour la grande humanité de ses personnages, le portrait d’une certaine misère du Japon d’après-guerre, ou encore le travail du scénariste Takamori Asao qui pose ici, avec son autre série Kyôjin no Hoshi (L’étoile des Géants), les bases du manga de sport.

27L’ensemble de la production alternative en manga, très peu représentée au sein des publications de manga en français, se voit bien souvent réserver le même traitement. La définition du gekiga est ainsi esquissée en quelques phrases, dans lesquelles reviennent souvent les mêmes qualificatifs :

[...] le Gekiga, genre plus littéraire datant de la fin des années 50, première tentative de manga résolument réservé à un public adulte, dont les thèmes sont dramatiques et parfois morbides (TILLON, 2005, p. 18 et TILLON, 2006, p. 66).

Des sujets graves, en rapport avec les préoccupations des adultes, sans contrainte thématique : le gekiga a une visée réaliste. Rien n’est épargné au lecteur : violence de la société, convictions politiques, réalités sociales de la société nippone contemporaine, etc. (Le Guide Phénix du Manga, p. 26).

[...] certains mangaka décidèrent de réagir et de créer un manga plus réaliste, plus ancré dans la société dans laquelle ils vivaient, ne craignant pas de faire couler le sang, ni d’utiliser la violence. [...] Leurs dessins prirent le nom de gekiga, « images dramatiques ». Dépourvues d’humour, leurs histoires sont le noir reflet de la vie quotidienne et des problèmes sociaux (KOYAMA-RICHARD, p. 154)20.

28Les trente ans de publication de Garo21 ont droit à un traitement souvent aussi lapidaire : « C’est ainsi que le magazine Garo, des années 60 aux années 90, aura été un terrain d’expérimentation fécond pour le pan le plus avant-gardiste du manga. » (TILLON, 2005, p. 14 et TILLON, 2006, p. 55).22 En réalité, en dehors de textes signés par Béatrice Maréchal (dans Neuvième art ou le Comics Journal) ou par Julien Bastide (dans Bang ! ou dans AnimeLand), on évolue ici en terra incognita.23

Une industrie fantasmée

29Si l’on connaît donc mieux le panorama des œuvres shônen et shôjo destinées aux adolescents et largement traduites, l’industrie japonaise du manga elle-même continue à se trouver entourée d’une aura mi-fascinante, mi-inquiétante. Dans un style qui n’est pas sans rappeler les récits de voyage d’un Marco Polo décrivant les coutumes étranges d’une lointaine contrée, ce sont invariablement les mêmes caractéristiques que l’on retrouve au premier plan.

30Voici pour exemple quelques morceaux choisis autour de ces trois thèmes :

[…] une fois lu, le mangashi est souvent laissé sur le siège du métro ou sur un banc, ce qui permet au passant de se servir et de lire. (Animeland, le petit monde de la japanim et du manga, p. 240)

[…] les rames de métro tokyoïtes accueillent encore de nombreux lecteurs de manga, de l’employé de bureau en cravate à la lycéenne en jupette. (FERRAND, p. 28)

Ces magazines ont pour but de divertir durant le trajet en métro : une fois arrivé à sa station, on jette généralement sa revue. (BASTIDE, p. 13)

Ces mangashi sont lus partout : dans le métro, dans la rue, dans les parcs, à la maison, etc., et bien souvent les Japonais les donnent à leurs amis ou les jettent. Il n’est pas rare d’en trouver posés à proximité des poubelles, ou sur un siège dans le métro. (Guide Phénix du Manga, p. 51)

Le magazine de manga (appelé mangashi), qu’il soit hebdomadaire, mensuel ou trimestriel, est vendu à un prix minuscule, imprimé sur du papier de mauvaise qualité, et consommé souvent debout, sur les trottoirs des marchands ou dans les transports publics, avant d’être abandonné sur un banc lorsqu’il est achevé, laissant le lecteur de passage en user librement à son tour, à la manière anglo-saxonne. (TILLON, 2006, p. 55 ; voir aussi TILLON, 2005, p. 13)

Dans les trains, les adultes les lisent et les déposent sur le porte-bagages pour que les voyageurs suivants puissent en profiter. (KOYAMA-RICHARD, p. 160)

Ce sont ces magazines que l’on lit chaque semaine entre deux stations de métro et que l’on abandonne ou que l’on jette dans des poubelles adéquates. (Qu’est-ce que le manga ?, p. 10)

31En réalité, l’ensemble de ce portrait relève de l’image d’Épinal, mélangeant généralisations rapides et dramatisation excessive. On pourrait même détecter un rien de romantisme dans cette idée des lecteurs de manga japonais réunis dans une sorte de confraternité bienveillante, se partageant les magazines par banc ou siège de métro interposé. En réalité, et contrairement à ce que ces descriptions pourraient laisser entendre, l’industrie japonaise du manga n’est pas une machine de guerre marketing impitoyable, prête à broyer ses auteurs à la productivité vacillante28 – ou tout du moins, pas plus que ce dont nous disposons nous-mêmes dans nos contrées.

32Ainsi, les longues listes de genres et de sous-genres classés par âge et par sexe n’existent généralement que sur le papier des ouvrages spécialisés – les librairies nipponnes optant pour un classement sommaire se résumant souvent à livres pour garçons/pour filles/pour adultes/pornographiques, organisé ensuite par revue. On pourrait avancer que c’est dans ce classement par revue que l’on retrouve le ciblage marketing d’une efficacité redoutable qui caractérise l’industrie japonaise. Cependant, l’examen des profils de lecteurs publiés sur le site de la Japan Magazine Publishers Association29 révèle seulement un clivage net par sexe – la répartition par âge se montrant beaucoup plus dispersée.30

33D’autre part, le pouvoir des enquêtes de lecteur est tout relatif, comme le confirmait en conférence Takase Mikito (responsable éditorial au sein du magazine Afternoon publié par Kôdansha) durant le Festival d’Angoulême 2010. Le véritable juge de paix était, toujours selon Takase Mikito, la performance commerciale des séries – une situation absolument équivalente à ce que l’on trouve sur le marché franco-belge.31 Ensuite, l’exigence de productivité (16 planches par semaine !) qui est souvent évoquée ne touche que les auteurs publiés dans les hebdomadaires.32 Or, les hebdomadaires ne représentent qu’un tiers environ des supports de prépublication, la majorité des titres étant des mensuels. En fonction de leur capacité de production, les auteurs se retrouvent ainsi aiguillés vers le support qui leur correspond le mieux. Enfin, non seulement le système des assistants n’est pas généralisé (des auteurs comme Kaneko Atsushi ou Mizuno Junko travaillent seul), mais l’organisation en grand studio structuré est exceptionnelle – et quand bien même, finalement très similaire à ce qui pouvait exister autour d’Hergé ou de Peyo.33

34On voit ici à l’œuvre un phénomène récurrent dans l’appréhension de l’industrie du manga en particulier, et du Japon en général : aux idées reçues vient se mêler une fascination profonde pour l’étranger, rendant « là-bas » merveilleuses des pratiques que l’on retrouve pourtant aussi « ici », l’exotisme prenant souvent le pas sur le simple sens des réalités. Finalement, il ressort que l’image de l’industrie du manga au Japon vue de France se fonde très largement sur les descriptions qui entourent le Shônen Jump, érigé comme son représentant le plus emblématique. Emblématique tout d’abord du fait de son tirage record, atteignant six millions d’exemplaires en 1994 – un chiffre que l’on retrouve mentionné quasi-systématiquement, comme s’il suffisait à lui seul à entériner cette vision d’une industrie sans commune mesure avec la nôtre.

La diffusion de certains de titres les plus fameux donne le tournis si on la compare aux habitudes européennes, le record ayant été atteint par le plus gros vendeur des années 1990, Shônen Jump, qui en 1994 écoulait 6,53 millions d’exemplaires par semaine, faisant de lui le magazine de BD le plus lu au monde. (TILLON, 2005, p. 14)34

35Mais Shônen Jump est également emblématique de par la publication dans ses pages de Dragon Ball, l’œuvre de Toriyama Akira qui incarne et concentre la plupart des idées qui ont pu entourer le manga : la violence bien sûr (et la censure dans nos contrées), mais aussi le succès commercial, ainsi que la pression exercée par l’éditeur pour prolonger la série, qui finira par causer l’écœurement créatif de l’auteur. Plus encore, cette seule série (et son arrêt) a parfois été considérée comme responsable du déclin que l’industrie du manga connut durant la décennie qui suivit – renforçant encore l’aura de magazine d’exception entourant le Shônen Jump.

Le regard des éditeurs

36Il n’est pas surprenant de constater que la plupart des éditeurs français se mettent au diapason de cette vision particulière du manga et de son histoire, reprenant à leur compte cette « culture manga » si médiatique. À ce sujet, dans un texte publié sur son blog en novembre 2009,35 le chercheur et traducteur Matt Thorn regrettait une approche de la traduction des mangas qui chercherait à préserver, voire à souligner la « japonicité » de ceux-ci, en y conservant volontairement nombre d’expressions et de marqueurs typiquement japonais. Participant du même mouvement, on retrouve dans les noms de collection de manga en France un mélange de termes aux consonances nipponnes, et de segments directement empruntés aux classifications des spécialistes japonais (Shônen, Shôjo, Seinen, Boy’s Love, Ladies, Yuri, Ecchi ou encore Young).

Akata36 : Fukei / Fumetsu / Gingko / Johin / Obon / Sakura / Samurai / Take

Asuka : Ladies / Lolita / Seinen / Shôjo / Shônen / Tezuka / Yuri

Casterman : Sakka

Glénat Manga : Kids / Seinen / Shôjo / Shônen / Vintage

Kana : Big Kana / Dark Kana / Kiko / Made In / Sensei / Shôjo / Shônen

Kurokawa : Humour / Seinen / Shôjo / Shônen

Pika : Kôhai / Seinen / Senpai / Shôjo / Shônen / Hors Collection

Taifu : Boy’s Love / Classic / Ecchi / Josei / Seinen / Shôjo / Shônen / Young

Tonkam : Boy’s Love / Action / Découverte / Frissons / Shôjo / Shônen

37Dans l’ensemble, on notera surtout le peu de collections consacrées à l’exploration du patrimoine du manga : « Vintage » chez Glénat et « Classic » chez Taifu, auxquelles il faut rajouter la collection « Tezuka » chez Asuka – une manière comme une autre de signifier, une fois de plus, l’importance particulière de cet auteur. Car sans nul doute, Tezuka Osamu occupe une place à part au sein de l’édition de manga en France, avec plus de 170 volumes traduits chez une douzaine d’éditeurs différents – sans doute à la recherche de la caution culturelle qu’apporte le « Dieu du manga ».37

38Au même titre que pour Tezuka, la découverte de certains auteurs du patrimoine relève alors de la capitalisation d’un éditeur sur une « marque » recueillant accueil critique et performance commerciale. Il y a bien sûr le cas de Taniguchi Jirô, dont nous avons parlé précédemment, mais on peut également signaler Hirata Hiroshi (soigneusement soutenu par Delcourt),38 ou souligner l’émergence récente de la figure de Kamimura Kazuo, qui s’est rapidement installé dans les rayonnages avec pas moins de douze volumes publiés en l’espace de trois ans.39

39Pour le reste, confronté à un discours original (tant historique que critique) majoritairement établi à l’aune de ce qui est traduit en français, le travail de défrichage et de découverte est bien souvent laissé au soin de quelques éditeurs aventureux. On soulignera alors l’approche éditoriale volontaire (et précieuse) d’éditeurs comme Picquier ou Cornélius, se tournant vers l’exploration de la production alternative et traduisant des auteurs importants du patrimoine japonais : Tatsumi Yoshihiro, Mizuki Shigeru, Abe Shin’ichi, Takita Yû, Suzuki Ôji, Hayashi Seiichi, Katsumata Susumu ou encore Kusunoki Shôhei.

Conclusion

40Ainsi, en considérant les différents ouvrages de référence publiés ces dernières années, on constate que le discours autour du manga en France s’établit bien souvent au travers du prisme de l’histoire de la découverte des productions japonaises.40 On y retrouve d’une certaine manière le discours nostalgique et « amoureux » qui présidait aux premiers efforts de légitimation de la bande dessinée par le CÉLEG,41 les dessins animés du Club Dorothée prenant la place des comic strips américains publiés avant-guerre. Cette entreprise teintée d’enthousiasme « fanique » se plaît à perpétuer les jolies anecdotes et magnifie trop souvent l’exotisme d’une autre culture, embrassant au passage une partie des idées reçues qui accompagnent les portraits du Japon dans les médias.42

41L’admiration que suscitent certaines figures emblématiques, et qui a pu un temps profiter à la légitimation du manga en France, a fini par occulter des pans entiers de l’histoire (et de la production) de la bande dessinée japonaise. Or, la décennie qui vient de s’écouler a vu le manga devenir en France un segment économiquement important. L’intérêt qui a accompagné ce succès marque également un revirement complet par rapport au rejet qu’avaient dû affronter autrefois les dessins animés japonais.

42L’ensemble souffre encore largement d’une sorte de dialogue en écho entre spécialistes et éditeurs, dans lequel les idées perpétuées par les uns se trouvent confortées par les stratégies de publication des autres, la barrière linguistique43 restant un obstacle important à toute perturbation de cet équilibre où chacun trouve son compte.

43Cependant, les initiatives de certains éditeurs ont permis d’élargir l’éventail des œuvres traduites, et de mettre en lumière des auteurs ainsi qu’une partie de la production alternative encore mal connue. Par ailleurs, des projets tels que la revue d’étude Manga 10000 Images, malgré certaines maladresses, contribuent à approfondir la connaissance du manga tout en procédant à une saine remise en question du discours établi.

44Soyons réalistes : les idées reçues ont la vie dure. À l’instar de la bande dessinée, la vision du manga se trouve aujourd’hui régie tant par le mythe des origines (Tezuka en démiurge omnipotent répondant au Yellow Kid américain et populaire), que par la vision idéalisée de l’universalité de son lectorat (les innombrables segments spécialisés en écho de la formule consacrée inventée par Hergé et placée au frontispice du Journal de Tintin des « jeunes de 7 à 77 ans »). Et comme pour la bande dessinée, il faudra certainement s’armer de patience pour se débarrasser de ces préjugés hier bienveillants, afin de voir émerger les approches et les recherches originales qui construiront une vision du manga et de son histoire non seulement plus exacte, mais aussi bien plus riche.

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Bibliographie

Corpus considéré – publications en français entre 1996 et juin 2010

Animeland. Le petit monde de la japanim et du manga. Hors-série n° 5. Paris : anime Manga Presse, juin 2003. 160 pages.

Animeland. Le petit monde de la japanim et du manga, volume 2. Hors-série n° 10. Paris : Anime Manga Presse. 260 pages.

Bang ! Manga nouvelle vague. N° 9. Paris : Casterman, novembre 2005. 128 pages.

BASTIDE, Julien. PREZMAN, Anthony. BOUGON, Nathalie. PINON, Matthieu. Guide des mangas : Les 100 séries indispensables. Paris : Bordas, collection « Guide Des », septembre 2006. 288 pages.

BOUISSOU, Jean-Marie. « Le manga : entre idées reçues et histoire vraie ». Chroniques de la Bibliothèque nationale de France, n° 26, printemps 2007, p. 36-44.

BRIENT, Hervé (dir.). Manga 10000 images. Osamu Tezuka : dissection d’un mythe. N° 2. Versailles : Éditions H, janvier 2009. 256 pages.

FERRAND, Stéphane. LANGEVIN, Sébastien. Le manga. Toulouse : Éditions Milan, collection « Les Essentiels », janvier 2006. 59 pages.

FINET, Nicolas (dir.). Dico Manga : Le dictionnaire encyclopédique de la bande dessinée japonaise. Paris : Fleurus, mars 2008. 624 pages.

GAUMER, Patrick. Dictionnaire mondial de la BD. Paris : Larousse, mars 2010. 953 pages.

GROENSTEEN Thierry. MORGAN, Harry. L’univers des mangas. Paris : Casterman Manga, mars 1996 (nouvelle édition revue et augmentée de l’édition de 1991). 143 pages.

Guide Phénix du Manga. Paris : Asuka éditions, novembre 2006. 750 pages.

KOYAMA-RICHARD, Brigitte. Mille ans de manga. Paris : Flammarion, collection « Arts Graphiques », septembre 2007. 245 pages.

MAURER, Benoit. Manga. Histoire d’un empire japonais. Boulogne-Billancourt : Timée-éditions, octobre 2007. 139 pages.

Qu’est-ce que le manga ? Paris : Beaux Arts Magazine, novembre 2008. 156 pages.

SCHMIDT, Jérôme. Génération manga : Petit guide du manga et de l’animation japonaise. Paris : J’ai lu, collection « Librio repères », janvier 2004. 91 pages.

TILLON, Fabien. Les mangas. Paris : Nouveau Monde Éditions, « Les petits illustrés », octobre 2005. 32 pages.

TILLON, Fabien. Culture Manga. Paris : Nouveau Monde Éditions, septembre 2006. 144 pages.

Références complémentaires – publications en anglais

SCHODT, Frederik. Manga ! Manga ! The World of Japanese Comics. New York City : Kodansha America, septembre 1986. 260 pages.

SCHODT, Frederik. Dreamland Japan : Writings on Modern Manga. Berkeley (USA) : Stone Bridge Press, novembre 2003. 360 pages.

GRAVETT, Paul. Manga : Sixty Years of Japanese Comics. London : Laurence King Publishing, septembre 2005. 176 pages.

Références complémentaires – publications en japonais

TAKEUCHI, O. Sengo manga 50 nen shi [50 ans d’histoire du manga d’après-guerre]. Chikuma Shobô, mars 1995. 238 pages.

MATSUMOTO, L. HIDAKA, S. Manga Dai-Hakubutsukan 1924-1959 [Le grand musée du manga 1924-1959]. Shôgakkan Creative, novembre 2004. 431 pages.

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Notes

1 Etude menée par Céline Fédou pour le compte de l’institut GFK. Intitulée « Biens culturels. Bilan BD/Manga », elle date de décembre 2010 et n’est malheureusement pas publiquement diffusée.

2 Nous respectons dans le cadre de cet article l’usage japonais (nom, prénom) plutôt que français pour la présentation des noms d’origine nippone.

3 La paternité de Shin Takarajima est également attribuée au seul Tezuka Osamu dans le texte « Le manga : entre idées reçues et histoire vraie » (BOUISSOU, 2007).

4 La contribution de Sakai Shichima est également précisée dans le Dictionnaire mondial de la BD, dans la notule consacrée à Tezuka Osamu (GAUMER, p. 835), qui mentionne le numéro de la revue Manga 10000 Images. Par contre, le cahier historique central attribue au seul Tezuka la paternité de Shin Takarajima (GAUMER, p. 78).

5 « Le mystère de l’île au trésor » (dans BRIENT, 2009, p. 27-36).

6 Ce texte (« Revue 10000 images. Osamu Tezuka : dissection d’un mythe ») date du 4 mars 2009 et est disponible en ligne (URL http://www.animeland.com/articles/voir/828/Revue-10-000-images).

7 La revue COM, fondée par Tezuka en 1967 en réaction à Garo, devra ainsi suspendre sa parution en 1973, signant là un autre échec (rarement évoqué) du maître.

8 Les années 69-70 marquent très nettement le pic de productivité de Tezuka Osamu : d’une moyenne de 23 séries menées de front sur la décennie précédente (59-68), on passe à une cinquantaine pour 69-70, pour redescendre à une trentaine sur 71-76.

9 « Comme tous les artistes, il connut une période difficile, pendant laquelle ses dessins furent considérés comme mièvres comparés aux gekiga, ces mangas réalistes où l'on n'hésitait pas à montrer des scènes violentes. Mais le “docteur Tezuka”, l'homme qui voulait faire aimer la vie aux enfants, refusa toujours de se plier aux exigences de la mode. C'est son manga Black Jack qui lui redonna confiance et lui fit retrouver ses lecteurs. » (KOYAMA-RICHARD, p. 152).

10 Même si l’historiographie japonaise est beaucoup plus complète que la française, au Japon aussi, depuis la mort de Tezuka, on assiste à une célébration unanime du mangaka à travers de nombreux ouvrages biographiques ou critiques.

11 Voir aussi FERRAND (p. 42) et FINET (p. 41).

12 La rareté de la reconnaissance du statut d’auteur dans les médias n’est d’ailleurs pas limitée au seul manga, mais s’étend à l’ensemble de la production en bande dessinée, comme on pourra le constater en observant l’importance démesurée accordée à des figures comme Joann Sfar, Marjane Satrapi, Enki Bilal, Jean Van Hamme, Lewis Trondheim ou encore Jacques Tardi.

13 Littéralement, « manga en quatre cases », généralement organisées en colonne. Il s’agit de l’équivalent japonais du comic strip américain.

14 Animeland, le petit monde de la japanim et du manga consacre cependant à Hasegawa Machiko un encart intitulé « Le phénomène Sazae-san » (p. 248), détaillant le succès de cette œuvre qui fut adaptée en plusieurs films, en feuilleton radiophonique, en série TV avant de devenir un dessin animé.

15 Voir aussi Le Guide Phénix du Manga (p. 15).

16 Nouvelle illustration de la confusion qui continue à régner entre manga et anime (dessins animés japonais), l’un et l’autre étant souvent considérés comme équivalents, tant par les journalistes grand public que par les spécialistes.

17 Il faut cependant remarquer que cette dénomination de « robot géant transformable » se retrouve reprise quasiment à l’identique dans plusieurs ouvrages : « le concept du robot géant à transformations » (GROENSTEEN, p. 109), « robot géant à forme humaine, pouvant être piloté ou non, capable de se transformer à dessein » (TILLON, 2005, p. 25 et TILLON, 2006, p. 83), « un genre (le robot géant transformable) » (FINET, p. 369), « mettant en scène les nombreuses transformations d'un robot constitué de pièces interchangeables » (GAUMER, p. 79 et p. 623).

18 Voir également le Dico Manga (FINET, p. 541) et Guide des Mangas (BASTIDE, p. 257).

19 Voir aussi Mille ans de manga (KOYAMA-RICHARD, p. 156), Manga. Histoire d'un empire japonais (MAURER_,_ p. 108) et Le Guide Phénix du Manga (p. 15).

20 Nous respectons, dans le cadre de ces citations, les choix typographiques (en terme de majuscule et d’italiques) des auteurs et éditeurs de ces livres.

21 Magazine publié entre 1964 et 1997, fer de lance de la production alternative au Japon.

22 Voir aussi Le Guide Phénix du Manga (p. 14-15), Le manga (FERRAND, p. 21) et Dico Manga (FINET, p. 171).

23 Bien qu'évoquant les auteurs de gekiga, Jean-Marie Bouissou ne mentionne pas même l'existence de Garo dans son texte « Le manga : entre idées reçues et histoire vraie » (BOUISSOU, 2007).

24 Magazines de prépublication de manga.

25 Voir Les mangas (TILLON, 2005, p. 13), Culture Manga (TILLON, 2006, p. 55), Le Guide Phénix du Manga (p. 51), Qu'est-ce que le manga ? (p. 10), Guide des mangas (BASTIDE, p. 13), Le manga (FERRAND, p. 22 et p. 28), Mille ans de manga (KOYAMA-RICHARD, p. 160), Manga. Histoire d'un empire japonais (MAURER, p. 32) et Dico Manga (FINET, p. 241).

26 Voir Les mangas (TILLON, 2005, p. 15), Culture Manga (TILLON, 2006, p. 60), Le Guide Phénix du Manga (p. 38), Guide des mangas (BASTIDE, p. 26), Le manga (FERRAND, p. 22 et p. 30-35), Qu'est-ce que le manga ? (p. 10), Mille ans de manga (KOYAMA-RICHARD, p. 161), Manga. Histoire d'un empire japonais (MAURER, p. 32) et Dico Manga (FINET, p. 241).

27 Voir Les mangas (TILLON, 2005, p. 14), Le Guide Phénix du Manga (p. 53-54), Guide des mangas (BASTIDE, p. 24), Le manga (FERRAND, p. 24-25), Qu'est-ce que le manga ? (p. 10), Mille ans de manga (KOYAMA-RICHARD_,_ p. 164), Manga. Histoire d'un empire japonais (MAURER, p. 32) et Dico Manga (FINET, p. 241).

28 Sans pour autant tomber dans les excès d’une Edith Cresson, il faut reconnaitre que l’on retrouve en filigrane une bonne partie des thèmes habituellement associés à l’image du travail au Japon dans les médias français. Une image souvent fantasmée, dont le but semble tout autant d’émerveiller avec ses accents d’altérité, que de conforter le lecteur/spectateur dans son propre choix de vie à l’opposé du repoussoir qui y est montré.

29 Nippon Zasshi Kyôkai (URL < http://www.j-magazine.or.jp/>).

30 Au sein des publications pour garçons, seul le Shônen Jump publié par Shûeisha correspond bien à l’image que l’on se fait des revues shônen, avec seulement 15 % de lecteurs âgés de plus de 18 ans. A l’inverse, ses concurrents directs que sont Shônen Champion (Kôdansha) et Shônen Sunday (Shôgakkan) comptent respectivement 30 % et 50 % de lecteurs âgés de plus de 18 ans.

31 Soulignons ici combien la vision caricaturale d’une industrie du manga toute entière gouvernée par le marketing peint en creux le portrait (tout aussi irréaliste) d’une bande dessinée franco-belge qui laisserait les auteurs libres de créer en dehors de toute contrainte commerciale.

32 Il est intéressant de noter cette focalisation sur les exigences quasi inhumaines d’une production hebdomadaire au Japon, alors que la plupart des supports de bande dessinée populaire des années 60-70 étaient également des hebdomadaires, et exigeaient d’auteurs majeurs comme Hergé ou Franquin de « livrer » deux planches couleur chaque semaine, en plus de leurs responsabilités éditoriales. Dans l’ouvrage Le duel Tintin-Spirou d’Hugues Dayez (Le félin, 1997), Tibet commentait ainsi son rythme de production : « j’ai toujours été une usine ».

33 On notera également que la présence d’un assistant chargé de la mise en place des trames au Japon (régulièrement donné en exemple) trouve son équivalent direct dans le mode de production des bandes dessinées franco-belges, où le recours à un coloriste est devenu la norme.

34 Voir aussi L’univers des mangas (GROENSTEEN, p. 20), Guide des mangas (BASTIDE, p. 19), Dico Manga (FINET, p. 241), Manga : histoire d’un empire japonais (MAURER, p. 32), Culture manga (TILLON, 2006, p. 54), Animeland (p. 240), Qu’est-ce que le manga ? (p. 19) et Guide Phénix du Manga (p. 17).

35 Matt Thorn, « On Translation », 29 novembre 2009 (URL < http://matt-thorn.com/wordpress/ ?p =407>).

36 Les éditeurs sont indiqués en début de ligne. Suivent ensuite leurs collections.

37 On notera que Tezuka représente à lui seul près d’un quart (5 sur 21) des nominations d’œuvres japonaises au Prix du Patrimoine du Festival d’Angoulême depuis sa création.

38 Outre la parution des six volumes de la série Satsuma, l’honneur des samouraïs en 2004-2006, Hirata Hiroshi bénéficie depuis 2006 d’une sortie annuelle chez Delcourt : Zatoïchi (2006), L’âme du Kyûdô (2007), Tueur ! et La force des humbles (2008), L’incident de Sakai et autres récits guerriers (2009), et enfin Ma voie de père (2010).

39 Lady Snowblood, scénario de Koike Kazuo, trois volumes chez Kana, 2007-2008 ; Le Fleuve Shinano, d'après l'œuvre de Okazaki Hideo, trois volumes chez Asuka, 2008 ; Lorsque nous vivions ensemble, trois (épais) volumes chez Kana, 2009 ; et Folles passions, trois volumes chez Kana, 2010.

40 Le cahier historique du Dictionnaire Mondial de la BD en est particulièrement représentatif : sur les cinq pages qui sont consacrées au Japon (GAUMER, p. 78-82), c’est surtout l’histoire du manga en France qui est abordée, occupant les trois-quarts du texte.

41 Centre d'études des littératures d'expression graphique, nom pris en 1964 par le Club des Bandes Dessinées, première association française consacrée à l'étude de la bande dessinée.

42 Notre connaissance du panorama critique au Japon ne nous permet pas de déterminer si les modalités de légitimation culturelle du médium y sont les mêmes que celles que l’on constate en France (détermination des origines, mise en avant d’une figure de précurseur, constitution d’un corpus d’« auteurs » en opposition aux productions commerciales). L’existence de critères différents expliquerait sans doute les écarts que l’on peut constater entre les discours produits autour de l’histoire du manga dans les deux pays.

43 Une bonne partie des spécialistes du manga en France n’étant pas nippophones.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Xavier Guilbert, « Le manga et son histoire vus de France : entre idées reçues et approximations », Comicalités [En ligne], La bande dessinée : un « art sans mémoire » ?, mis en ligne le 10 février 2012, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/comicalites/733 ; DOI : https://doi.org/10.4000/comicalites.733

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Auteur

Xavier Guilbert

Ingénieur de formation et fort de dix ans d’expérience en stratégie de contenu chez un acteur majeur du jeu vidéo, Xavier Guilbert est depuis quinze ans un collaborateur actif du collectif du9, espace critique alternatif sur Internet consacré à la bande dessinée, dont il assume aujourd’hui le rôle de rédacteur en chef. Il y signe en particulier une chronique éditoriale mensuelle (les « Vues Ephémères ») et propose depuis cinq ans une analyse en profondeur du marché de la bande dessinée (la « Numérologie »).

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