Futuna-aniwa (original) (raw)

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Futuna-aniwa
Pays Vanuatu
Région Aniwa, Futuna
Nombre de locuteurs 1 500
Typologie SVO
Classification par famille
- langues austronésiennes - langues malayo-polynésiennes - langues malayo-polynésiennes centrales-orientales (hypothétique) - langues malayo-polynésiennes orientales - langues océaniennes - langues océaniennes centrales et orientales - langues du Pacifique central - langues polynésiennes - futuna-aniwa
Codes de langue
IETF fut
ISO 639-3 fut
Glottolog futu1245
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Le futuna-aniwa est une langue polynésienne parlée par 1 500 locuteurs[1] sur les îles Futuna et Aniwa au Vanuatu. Il est aussi appelé Erronan ou West Futuna-Aniwa. Ses deux dialectes sont ceux de Futuna et d’Aniwa ; il existe des différences significatives entre les deux. C’est une langue distincte du futunien parlé à FutunaWallis-et-Futuna). C’est une langue SVO.

Le futuna-aniwa fait partie des 15 langues polynésiennes parlées dans les exclaves polynésiennes. Les habitants de ces deux îles sont issus de migrations polynésiennes vers le Vanuatu, qui ont eu lieu après le peuplement initial de la Polynésie[2]. Cependant, leur origine exacte est incertaine[3] ; on sait que les exclaves « futuniques » sont originaires d'une zone regroupant Futuna, Wallis, Samoa, Tokelau et Tuvalu[4].

Le futuna-aniwa descend du proto-polynésien. Du fait de l'évolution des recherches sur les langues polynésiennes, la classification du futuna-aniwa a varié selon les auteurs.

En 1958, le révérend Arthur Capell a suggéré que le futuna-aniwa ne serait pas originaire d'une migration polynésienne postérieure au peuplement du triangle polynésien, mais au contraire qu'il serait une « relique laissée sur le chemin vers Fidji et la Polynésie »[5], autrement dit qu'il serait une trace de la langue laissée par les austronésiens en chemin vers la Polynésie. Cette hypothèse est controversée[5],[6] et n'a pas été reprise par la suite[7].

Selon la classification standard des langues polynésiennes, proposée par Pawley (1966) et Green (1966), le futuna-aniwa fait partie de la branche proto-samoïque outlier[7]. Ethnologue classe le futuna-aniwa dans la sous-branche futunique (futunic), elle-même issue de la branche samoïque-outlier[1]. Toutes les langues outlier ainsi que le futunien sont inclus dans cette liste par Ethnologue.

Cette classification a été remise en cause par Jeffrey C. Marck en 1999[8]. Selon son modèle, le futuna-aniwa descend directement du proto-polynésien nucléaire (en anglais Proto-Nuclear Polynesian). Il le classe dans la même famille que le pukapuka, le futunien, le wallisien et les autres langues polynésiennes issues d'exclaves (outlier) : le mae, le mele-fila, le tikopia, l'anuta, le rennell-bellona et le fagauvea[7]. La classification de Marck écarte définitivement l'hypothèse de Capell, puisqu'elle indique que les exclaves polynésiennes (dont Aniwa et Futuna) ont été peuplées bien après les migrations initiales de la Polynésie. Linguistiquement parlant, cela signifie que ces exclaves ont été peuplées après que le proto-polynésien de l'est (Proto-Eastern Polynesian) s'est séparé en plusieurs branches[9]. Marck se montre très dubitatif sur l'existence d'un sous-groupe futunique[8]. Cependant, en se basant sur les travaux de Bayard (1966, 1976), il estime que le futuna-aniwa est peut-être originaire du wallisien ou du futunien[8].

Enfin, Glottolog offre une sous-classification du futuna-aniwa plus détaillée. La langue est classée au sein de la branche « Outliers du Vanuatu-îles Loyauté » (Vanuatu-Loyalty Outliers), une sous-branche du polynésien nucléaire. Plus précisément, le futuna-aniwa se classe dans la sous-branche Mele-futuna. Cette dernières sous-branche comprend deux langues : le futuna-aniwa et le mele-fila[10].

Le futuna-aniwa est composé de deux dialectes : le futuna (fesao Futuna en futuna-aniwa, lanwis Futuna en bichelamar), parlé à Futuna, et l'aniwa (fesao Aniwa en futuna-aniwa_, lanwis Anima_ en bichelamar) parlé à Aniwa. Les locuteurs n'ont pas de terme général pour désigner la langue dans son ensemble[11]. Les deux dialectes diffèrent légèrement au niveau morphologique et du lexique[11]. En 1981, le futuna-aniwa comptait 600 locuteurs sur les deux îles[12].

Du fait de leur environnement assez hostile, les deux îles ont vu partir un grand nombre de leurs habitants. Le recensement de 1989 fait état de 431 habitants à Futuna et 361 à Aniwa. Une bonne partie de la population a migré vers l'île voisine de Tanna (environ 400 personnes). En conséquence, le futuna-aniwa est également parlé par la diaspora sur l'île voisine de Tanna, notamment dans la zone de Lenakel. C'est en effet sur Tanna que se concentrent les services administratifs et les seuls collèges et lycées de la province de Taféa, ce qui a attiré des habitants provenant des îles alentour. Enfin, une partie de la population de Futuna a migré sur l'île d'Aneityum (environ 100 personnes)[11].

Lynch et Crowley (2001) indiquent qu'aucune information précise n'est disponible sur les variétés parlées par ces locuteurs en diaspora. On ne sait pas s'ils ont développé des variétés distinctes ou si, par exemple, les deux dialectes ont eu tendance à se rapprocher[11].

Du fait de leur proximité géographique, les îles de Futuna et d'Aniwa ont eu de très nombreux contacts avec l'île de Tanna. Ces échanges ont entraîné un grand nombre d'emprunts, notamment dans le lexique maritime : les langues de Tanna ont emprunté au futuna-aniwa des noms de vents, de poissons, de différentes parties d'un canoë, de techniques de pêche, etc. Ils ont été mis en évidence par John Lynch en 1994[13].

Ainsi, le mot tokorau (« vent d'ouest/sud-ouest », en futuna) se retrouve en lenakel (tokolau), en tanna du Sud-Ouest (tokolau) et en kwamera (takwarau). « Baleine » se dit tafora en futuna et tarafa en aniwa, ce qui a donné les mots tovura en sie, tɘpla en tanna du Nord, tapla en whitesands, toulhaai en lenakel et tanna du Sud-Ouest et tafra en kwamera[13]. Le tableau suivant donne d'autres exemples d'emprunts au futuna-aniwa, relevés par Lynch :

Traduction Reconstruction enproto-polynésien futuna-aniwa kwamera lenakel tanna du Nord tanna du Sud-Ouest sie whitesands ura
« (être) calme (mer) » *malino marino (fut.) a/mərinu a/melinu ə/məlinu a/melinu ə/melinu
« vent » *mataŋi mtaŋi (fut.) nə/mətaŋi nə/mataaŋ metaŋ nə/mataaŋ ne/mtaŋi nə/metaŋi
« poisson-serpent » taŋaroa (fut.)taŋaro (anw.) taŋalua taŋalua taŋalua taŋalua - -
« pagayer » sua (fut.) ə/sua a/sua a/huwo a/sua
« hameçon » *matau metao (fut.) kwa-n/metau nə/metau metao kwa-n/metau nə/metau

John Lynch estime que si le futuna-aniwa a pu avoir autant d'influence sur les langues de Tanna dans le domaine de la navigation, c'est parce que les habitants de Tanna avaient abandonné toute navigation en haute mer, et ces techniques (ainsi que le vocabulaire associé) ont été réintroduites au contact des populations polynésiennes de Futuna et d'Aniwa[13].

Consonnes en futuna-aniwa[14]

Bilabiales Labio-dentale Alvéolaires Palatale Vélaires Glottale
Occlusives /p/ p /t/ t /k/ k
Nasales /m/ m /n/ n /ŋ/ g
Fricatives /β/ v /f/ f /s/ s /ʃ/ j /h/ h
Latérale /l/ l
Battue /ɾ/ r

Voyelles en futuna-aniwa[14]

Antérieures Centrale Postérieures
Fermées /i/ i /u/ u
Moyennes /e/ e /o/ o
Ouverte /a/ a

Le futuna-aniwa distingue quatre nombres (singulier, duel, triel et pluriel) ; il fait également la distinction entre le « nous » exclusif et inclusif, mais ne différencie pas les genres (aia peut signifier aussi bien « elle » que « il »)[15].

Pronoms personnels en futuna-aniwa

Personne Singulier Duel Triel Pluriel
1re exclusive avau, au akimaua akimatou akimea
inclusive akitaua akitatou akitea
2e akoe akorua akotou akoua
3e aia, eia akiraua akiratou akirea

Ainsi, akirea signifie « ils ou elles (quatre ou plus) », akoutou « vous trois » et akitaua « nous deux ».

Il existe aussi une forme suffixale des pronoms personnels qui intervient principalement dans les constructions possessives.

Pronoms personnels en futuna-aniwa

Personne Singulier Duel Triel Pluriel
1re exclusive -ku -maua -matou -mea
inclusive -taua -tatou -tea
2e -u -rua -utou -ua
3e -na, -no -raua -ratou -rea

Quelques mots en futuna-aniwa[16]

Mot Traduction
terre kere
ciel ragi
eau vai
feu afi
homme tane
femme fine
manger kaina
boire inu
grand sore
petit sisi
nuit po
jour ao
bateau vaka
  1. a et b (en) Fiche langue[fut]dans la base de données linguistique Ethnologue.
  2. (en) Niko Besnier, « Janet W. D. Dougherty, West Futuna-Aniwa: An Introduction to a Polynesian Outlier Language », Pacific Studies, vol. 9, no 3,‎ juillet 1986 (lire en ligne)
  3. (en) Jeremy Hammond, « Syntax, Typology, and Information Structure - Aniwa » (consulté le 5 novembre 2015)
  4. (en) Jeffrey Marck, « Revising Polynesian linguistic subgrouping and its culture history implications », in Roger Blench and Matthew Springs (eds), Archaeology and Language IV. Language change and cultural transformation, Routledge.,‎ 1999 (lire en ligne) :

    « No new light has been shed upon the question of which Futunic Outliers came from which part of the Samoa, East Futuna, East Uvea, Tuvalu and Tokelau area »

  5. a et b (en) Alfred G. Smith, « A. Capell, "The Culture and Language of Futuna and Aniwa, New Hebrides". », American Anthropologist, vol. 61, no 6,‎ 1959 (lire en ligne)
  6. (en) « Futuna-Aniwa » (consulté le 5 novembre 2015)
  7. a b et c (en) Yuko Otsuka, « History of Polynesian Languages », .,‎ 2005 (lire en ligne)
  8. a b et c (en) Jeffrey Marck, « Revising Polynesian linguistic subgrouping and its culture history implications », in Roger Blench and Matthew Springs (eds), Archaeology and Language IV. Language change and cultural transformation, Routledge,‎ 1999 (lire en ligne)
  9. (en) Terry Crowley, John Lynch et Malcolm Ross, The Oceanic Languages, Routledge, 2002 (ISBN 0-415-68155-3, lire en ligne), p. 116
  10. (en) « Language: Futuna-Aniwa », sur Glottolog (consulté le 10 novembre 2015)
  11. a b c et d (en) John Lynch et Terry Crowley, Languages of Vanuatu : A New Survey and Bibliography, Research School of Pacific and Asian Studies, Australian National University, 2001, 187 p. (lire en ligne)
  12. Niko Besnier, "Polynesian Languages", in William Bright, ed., International Encyclopedia of Linguistics. Vol. 3, pp. 245-251. New York & Oxford: Oxford University Press. 1992. (lire en ligne)
  13. a b et c (en) John Lynch, « Melanesian sailors on a Polynesian sea: maritime vocabulary in Southern Vanuatu », in AK. Pawley and MD. Ross (eds) Austronesian terminologies: continuity and change,.289-300. Pacific Linguistics, C-127,‎ 1994 (lire en ligne)
  14. a et b Dougherty 1983, p. 2
  15. Dougherty 1983, p. 33–34
  16. Dougherty 1983, p. 600–646