Norbert Moret (original) (raw)

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Norbert Moret (Ménières, 20 novembre 1921 – Fribourg, 17 novembre 1998) est un compositeur suisse de la nouvelle musique, pianiste, organiste, chef de chœur et professeur de musique.

Norbert Moret est issu d’une famille d’agriculteurs de la Broye dans le canton de Fribourg.

Moret n’a découvert la musique qu’à l’adolescence au Collège Saint-Michel de Fribourg, grâce à son professeur Joseph Gogniat, organiste à la cathédrale de Fribourg. Son éveil musical eut lieu quand il entendit pour la première fois la Toccata et fugue en ré mineur de Bach, peu de temps après, il a composé ses trois premières chansons. Au lycée, il était impressionné également par Henri Duparc et plus tard par Claude Debussy et Maurice Ravel[1].

Après ses études secondaires, il a étudié le piano, l’orgue, le chant grégorien et la composition au Conservatoire de Fribourg, entre autres chez Louis Sauteur et Leo Kathriner[2]. Entre 1948 et 1950, il est à Paris, où Olivier Messiaen, en particulier, a une influence déterminante et durable sur lui et René Leibowitz le familiarise avec la musique sérielle.

Il a été diplômé par Arthur Honegger[1],[3]. L’un de ses camarades de classe était Pierre Boulez[4]. L’année suivante, il poursuit ses études auprès de Paul Kletzki au Conservatoire de Lausanne[5]. Par la suite, grâce à une bourse de l’Association des musiciens suisses (AMS / STV, actuellement Sonart), il a pu effectuer à Vienne un stage avec l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Wilhelm Furtwängler et étudier la direction d’orchestre avec Clemens Krauss[6].

Après son retour de Vienne et pendant plus de 20 ans, les compositions de Moret passèrent en grande partie inaperçues. Plus tard, l’influent Abbé Pierre Kaelin et le chef du Conservatoire de Fribourg Aloys Fornerod ont été accusés de ne pas l’avoir promu en raison de leur rejet de la nouvelle musique[4]. Cependant, il est plus probable que Moret ait cherché son chemin pendant longtemps sans trouver d’abord sa propre voie, et par timidité n’a pas osé rendre public ses compositions[1]. Il a donc d’abord composé de la musique sérielle, mais a de nouveau détruit ses compositions[7]. Il ne les a même pas présentées à ses amis sauf aux organistes Bernhard Billeter et Luigi Ferdinando Tagliavini[8], à l’époque professeur de musicologie à l'Université de Fribourg.

« J’étais timide, je n’ai pas fait des démarches, je n’osais pas »

— Norbert Moret, 1981 lorsqu’on lui a demandé pourquoi il était resté inconnu pendant si longtemps[1]

Moret gagne sa vie pendant cette période en tant que professeur, d’abord en tant que professeur de français au secondaire[9] (il a également été président du Corps professoral secondaire fribourgeois[10]), puis de 1965 à 1983 en tant que professeur de musique à l’École normale cantonale (aujourd’hui Haute École pédagogique Fribourg). Il a également dirigé le chœur mixte de la paroisse Saint-Pierre de Fribourg de 1950 à 1974[11].

En 1972, il était convaincu qu’il avait trouvé sa propre technique de composition en dehors de tout académisme et présentait enfin ses compositions à Heinrich Sutermeister, qui était stupéfait de leurs qualités[1]. La grande percée, d’abord en Suisse alémanique, a eu lieu en 1974 avec Germes en éveil, une œuvre de musique de chambre pour soprano, flûte, chœur et deux percussionnistes (basée sur des poèmes de Thérèse Loup), qui a été créée à la 75e fête des musiciens suisses à Amriswil. D’un coup, Moret était désormais considéré comme l’un des compositeurs contemporains les plus importants. En Suisse romande, cependant, il a fallu encore presque dix ans avant que Moret ne soit vraiment remarqué après la création de son œuvre Tragiques à Genève en octobre 1983[12].

Norbert Moret (1978)

Après la fête des musiciens suisses d’Amriswil, le chef d’orchestre et mécène Paul Sacher a également découvert Moret. Avec son soutien et celui du violoncelliste Mstislav Rostropovitch, qui était un ami de Sacher, Moret se consacre désormais entièrement à la composition, et les œuvres se succèdent rapidement. Sacher lui commande les Hymnes de silence (un concert pour orchestre à cordes et orgue, dont la création est très réussie à Bâle en 1978[13]), un double concerto pour violon et violoncelle, Visitations (un concerto pour soprano, mezzo-soprano, ténor, percussion, piano, orgue, régale et positif), la Sacher-Serenade pour clarinette basse, vibraphone, positif et régale, un triple concerto pour flûte, hautbois et harpe ainsi qu’un concerto pour violoncelle et orchestre, dédié à Rostropovitch. Moret avait déjà composé Two Love Poems, commandés également par Sacher, pour Rostropovitch et sa femme Galina Vichnevskaïa, mais n’était pas d’accord avec la soprano (« elle exigeait beaucoup plus d’aigus »), puis c’est Phyllis Bryn-Julson qui a chanté dans la création reportée de 1981 à 1984[5]. D’autres commandes lui sont passées par la Schweizer Radio DRS (Temps, un concerto pour baryton et deux trompettes), par Pro Helvetia pour le 500e anniversaire de l’adhésion du canton de Fribourg à la Confédération (Mendiant du ciel bleu), par le canton de Neuchâtel (une nouvelle interprétation de Visitations) à l’occasion de 700 ans d’adhésion à la Confédération, par l’Association des amis de l’Orchestre de la Suisse Romande (Tragiques), par le Festival d’Ascona (En rêve), par l’Orchestre de Chambre de Lausanne (Trois pièces et Mendiant du ciel bleu, suite et fin pour son 50e anniversaire), par la Société de musique de La Chaux-de-Fonds à l’occasion de son 100e anniversaire (Divertimento), par la Radio Suisse Romande (concerto pour trompette), par l’Association des orgues de la Collégiale de Neuchâtel pour l’inauguration du nouvel orgue (concerto pour orgue), par la guitariste néerlandaise Suzanne Mebes (Sensations), par Samuel Schneider (concerto pour cor pour son fils Bruno Schneider) etc.

Norbert Moret a composé 65 œuvres instrumentales et vocales[14]. Il a remporté plusieurs prix, y compris le prestigieux prix de compositeur de l’Association des musiciens suisses en 1983, et a été nommé docteur honoris causa de l’Université de Fribourg en 1990[15]. Ses œuvres ont été interprétées par des artistes de renommée mondiale tels que Paul Sacher (Hymnes de silence), Seiji Ozawa et Anne-Sophie Mutter (concerto pour violon En rêve), Heinz Holliger et Aurèle Nicolet (triple concerto pour flûte, hautbois, harpe et orchestre à cordes) ainsi que Mstislav Rostropovitch (concerto pour violoncelle).

Sa musique est considérée comme sensible au son et se caractérise par l’émotivité du langage musical, elle reflète sa forte connexion à la nature et son origine d’un environnement rural[8]. Dans de nombreuses œuvres, Moret montre une fascination pour la percussion (notamment en Visitations et Mendiant au ciel bleu, chacune avec plus de 100 instruments à percussion)[14].

« Le fait que la musique structurellement assez complexe de Moret soit toujours spontanément populaire auprès d’un public non spécialisé, peut être dû aux fortes valeurs de l’ambiance atmosphérique dans sa musique – qui en tant que telles peuvent être facilement comprises. »
« Dass Morets strukturell eher komplexe Musik immer wieder spontanen Zuspruch auch bei einem Nichtfachpublikum findet, mag eben an den starken atmosphärischen Stimmungswerten ‒ die als solche leicht nachvollzogen werden können ‒ liegen. »

— Rolf Urs Ringger, Neue Zürcher Zeitung[16]

En 1948, Moret épouse Germaine Louise Fivaz (1920–2015). Ils auront trois filles issues de leur mariage : Anne-Laurence (* 1950, mariée à l’ancien président-directeur général de Novartis Daniel Vasella), Fabienne (1954–2010) et Catherine (* 1957)[17], également organiste. Son frère était le président-directeur général de Sandoz Marc Moret (1923–2006)[18].

(voir (en) Compositions sur AllMusic)

(voir (en) « Discographie » (fiche artiste), sur Discogs et Catalogue sur Phonothèque nationale suisse)

Enregistrements sur YouTube

  1. « [audio]Concerto pour violoncelle et orchestre »

  2. En rêve : « [audio]1er mouvement », « [audio]2e mouvement », « [audio]3e mouvement »

  3. « [audio]Visitations »

  4. « [audio]Premier concerto pour orgue et orchestre de chambre »

  5. Concerto pour trompette : « [audio]1er mouvement », « [audio]2e mouvement », « [audio]3e mouvement »

  6. « [audio]Concerto pour cor »

  7. Suite à l’image de temps pour 2 orchestres à cordes : « [audio]1er mouvement », « [audio]2e mouvement », « [audio]3e mouvement », « [audio]4e mouvement », « [audio]5e mouvement »

  8. « [audio]Double concerto pour violon, violoncelle et orchestre »

  9. a b c d et e Jean-Claude Poulin, « Qu’attend la Suisse romande pour découvrir le compositeur Norbert Moret ? », Gazette de Lausanne,‎ 14 mars 1981 (lire en ligne).

  10. (de) Rita Wolfensberger, « Leben und Schaffen des Freiburger Musikers Norbert Moret. Der Kairos des Komponisten. Biographische Daten », Neue Zürcher Nachrichten,‎ 26 avril 1980, p. 5 (lire en ligne).

  11. Bernard Sansonnens, « Arthur Honegger vu par Norbert Moret. Un homme profond », La Liberté,‎ 29/30 mai 1991, p. 19 (lire en ligne).

  12. a et b Bertil Galland, « Fribourg, ghetto musical ? », Le Nouveau Quotidien,‎ 27 juin 1997, p. 19 (lire en ligne).

  13. a et b Denise de Ceuninck, « Norbert Moret. Un vrai créateur » (interview), L’Express,‎ 29 novembre 1996, p. 32 (lire en ligne).

  14. Luca Sabbatini, « Norbert Moret, compositeur fribourgeois joué partout dans le monde », Le Nouveau Quotidien,‎ 16 février 1992, p. 29 (lire en ligne)

  15. « Norbert Moret : « Ma musique ! » », Journal de Genève,‎ 23/24 mars 1985, p. 23 (lire en ligne).

  16. a et b (de) Andres Briner, « Wirkungstiefer Träumer. Zum Tod des Komponisten Norbert Moret » (nécrologie), Neue Zürcher Zeitung,‎ 20 novembre 1998, p. 46.

  17. « Fin d’année scolaire à l’école secondaire des garçons », La Liberté,‎ 18 juillet 1966, p. 9 (lire en ligne).

  18. « Avec le corps enseignant secondaire fribourgeois », L’Express,‎ 9 juin 1964, p. 17 (lire en ligne).

  19. Avis mortuaires, sur La Liberté, 21 novembre 1998, p. 30.

  20. Jean-Claude Poulin, « Création de « Tragiques » de Norbert Moret » (preview), Gazette de Lausanne,‎ 1er octobre 1983, p. 16 (lire en ligne).

  21. Michel Flechtner, « Après la création d’une œuvre de Norbert Moret à Bâle. Réactions élogieuses de la presse alémanique », La Liberté,‎ 24 janvier 1978, p. 13 (lire en ligne).

  22. a et b Jean-Claude Bolliger, « Hommage à Norbert Moret » (nécrologie), L’Express,‎ 2 décembre 1998, p. 39 (lire en ligne)

  23. a et b Moret Norbert, Musinfo, Haute École de Lucerne (lire en ligne).

  24. (de) Rolf Urs Ringger, « Die Beklemmung vor dem weissen Papier. Eine Begegnung mit dem Komponisten Norbert Moret », Neue Zürcher Zeitung,‎ 13 août 1988, p. 66.

  25. « Germaine Fivaz », sur Geneanet.

  26. Regula Puskás, « Norbert Moret » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du 9 janvier 2009.

  27. « Norbert Moret. Prix de compositeur 1982 », Journal de Genève,‎ 7 mai 1983, S. Samedi littéraire VIII (lire en ligne).

  28. Bernard Sansonnens, « Norbert Moret. Distinction européenne », La Liberté,‎ 24 novembre 1983, p. 13 (lire en ligne).

  29. « À propos de la Fondation UBS pour la culture », sur UBS

  30. « Une grande banque soutient les arts et la culture : trois lauréats en 1990. Musique et patrimoine à l’honneur », La Liberté,‎ 12/13 janvier 1991, p. 17 (lire en ligne).

  31. (de) « Rostropovitch enthusiastisch », Neue Zürcher Nachrichten,‎ 28 mars 1981, p. 8 (lire en ligne).