Savant fou (original) (raw)

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L'acteur Albert Dekker incarne « le diabolique Dr Thorkel » du film Docteur Cyclope (1940), ici réglant son « miniaturisateur »

Créature

Groupe Humain atypique, parfois asocial ou sociopathe
Sous-groupe Médecin ou scientifique original, génial, souvent dévoyé, ambitieux, narcissique et mégalomane
Proches Johann Georg Faust, Dr Frankenstein, Dr Moreau, Dr Jekyll-mister Hyde, capitaine Nemo, Robur le Conquérant, Thomas Roch, Dr Mabuse, Dr Griffin, Dr Folamour, Pr. Paturel, Pr. Tournesol, Pacôme de Champignac, Zorglub

Origines

Origines littéraires, prémices dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coincy (XIIIe siècle)

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Le savant fou est un stéréotype et un archétype du savant qui est souvent un cliché ou un lieu commun des œuvres de fiction populaires. Le savant fou travaille généralement à la mise au point de technologies, fictives et novatrices, à la pointe des connaissances de son époque ; il est fréquent qu'obnubilé par ses recherches, il manque de sens commun.

Au savant distrait et inoffensif tels les professeurs Nimbus ou Tournesol s'est peu-à-peu substitué le scientifique méchant et dangereux (tel le Dr Jekyll-Mister Hyde), génie du mal qui joue à être Dieu sans en mesurer les conséquences ou qui crée des armes terrifiantes par pur défi technologique.

Au XIXe siècle, les sciences et les techniques, y compris militaires, progressent rapidement pour le meilleur (rôle salvateur) ou pour le pire (rôle destructeur). Elles régleront tous les problèmes grâce au progrès ou bien elles causeront la perte de l'humanité. Les scientifiques sont alors représentés comme vertueux ou maléfiques, sérieux ou fous. Une constante se dessine entre ces extrêmes : le génie.

La figure du savant fou progresse au même rythme : au fur et à mesure que sciences et technologies prouvent leur puissance, les œuvres de fiction signalent les dangers ou expriment les angoisses liées à l'accélération du progrès scientifique. L'histoire scientifique appelle une réponse dans l'imaginaire collectif, le savant fou étant l'une des réponses les plus courantes.

C'est après la Seconde Guerre mondiale que les savants fous sont les plus visibles dans la culture populaire. Les expériences humaines sadiques menées sous les auspices des nazis, en particulier celles de Josef Mengele, et l'invention de la bombe atomique ont fait naître à cette époque une véritable crainte que la science et la technologie ne soient devenues incontrôlables. La montée en puissance de la science et de la technologie pendant la guerre froide, qui a fait naître des menaces croissantes de destruction l'espèce humaine, a encore accentué cette impression[1].

Magazine de science-fiction Avon Fantasy Reader no 13 (1950) mettant en scène « The Love Slave and the Scientists » (« L'esclave de l'amour et les scientifiques ») : le savant fou, plus jeune et physiquement avenant, peut aussi être un prédateur sexuel.

Le savant fou apparaît déjà dans la littérature du XVIIIe siècle, par exemple dans Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, où les savants de l'île volante de Laputa ont perdu pied avec la réalité, au propre comme au figuré.

Au début du XIXe siècle, vient le docteur Frankenstein inventé par Mary Shelley qui, au nom de la science et par manque de précautions, crée un monstre.

Puis, c'est le docteur Moreau de H. G. Wells qui n'hésite pas à jouer avec la nature, qu'il modifie de manière terrible grâce à son habileté de chirurgien. Du même auteur, L'Homme invisible met en scène le brillant docteur Griffin (en) passionné d'optique, ayant mis au point une méthode jouant sur l'absorbance de la lumière des objets physiques, au point qu'il parvient à se rendre invisible[2]. Ne voyant au départ que les avantages à son invisibilité, il déchante rapidement. Son statut de paria et son nouveau pouvoir le font basculer progressivement dans la folie mégalomaniaque.

On peut aussi citer le capitaine Nemo de Jules Verne, apparu en 1869, qui est un des personnages de savant excentrique les plus intéressants et les plus complexes : la science est son refuge ; Nemo hait l'humanité dont il méprise les tares morales et se réfugie dans les fonds marins, isolé du monde, grâce à son sous-marin, le Nautilus.

Un personnage similaire apparaît dans un autre roman du même auteur, Robur le Conquérant (1886), roman qui débute par un débat d'aéronautique entre ceux qui pensent que les engins les plus aptes à voler sont les « plus légers que l'air » et ceux qui estiment que ce sont au contraire les « plus lourds que l'air ». Robur donne raison à ces derniers en leur montrant l’Albatros, sorte de bateau à hélices dont il se sert pour terroriser le monde et s'isoler par la voie des airs. On retrouve ce savant fou dans Maître du monde, publié en 1904. Les deux personnages vivent isolés du monde, loin de la société, dans des milieux naturels dépourvus de présence humaine, grâce à des engins de leur création.

Dans Face au drapeau (1896) apparaît un troisième savant fou, Thomas Roch, inventeur d'un projectile explosif à la puissance jamais vue. Il est lui aussi séparé de l'humanité, d'abord dans l'hôpital psychiatrique où sa folie l'a fait interner, puis sur l'île déserte où le retient prisonnier une bande de pirates qui souhaite qu'il mette son invention à leur service. Par la flatterie et jouant sur son ressentiment envers l'humanité, le chef des pirates parvient à le faire réaliser son arme.

En 1886, Robert Louis Stevenson met en scène un des savants fous les plus célèbres de la littérature dans L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, où l'on découvre que les deux personnages titres ne font qu'un. Le premier est un respectable savant anglais ayant découvert un philtre, permettant de faire ressortir son mauvais côté en se transformant en un être monstrueux, devenant le second.

Plus récents, on peut également citer le Dr Mops dans L'Expérience du docteur Mops écrit par Jacques Spitz en 1938 ainsi que le personnage de Morel dans le roman L'invention de Morel d'Adolfo Bioy Casares, publié deux années plus tard.

L'acteur Horace B. Carpenter jouant le Dr Meirschultz, un savant fou tentant de ramener un mort à la vie dans le film Maniac (en) (1934).

L'acteur Béla Lugosi interprète le Dr Paul Carruthers dans le film La Chauve-souris du diable (1940).

En 1927, le film Metropolis de Fritz Lang présente le prototype du savant fou au cinéma : Rotwang, le génie du mal qui crée les machines donnant vie à la ville dont le film porte le nom. Le laboratoire de Rotwang, où l'on trouve pêle-mêle des arcs électriques, des appareils en ébullition et des tableaux de cadrans et contrôles, a influencé les décors de nombreux films comme Blade Runner ou Dark City. Joué par l'acteur Rudolf Klein-Rogge, Rotwang vit des conflits intérieurs : il est maître de pouvoirs scientifiques presque mythiques, mais il est esclave de ses désirs de pouvoir et de vengeance. Son aspect physique aussi a eu une influence : les cheveux en broussaille, les yeux écarquillés et ses vêtements à l'allure presque fasciste. Même son bras droit mécanique est devenu un exemple de science détournée, par exemple dans Docteur Folamour de Stanley Kubrick.

Au début du XXe siècle, les premiers « super-vilains » — nés avant les super-héros — ont généralement des prédispositions pour les sciences, qu'ils soient précisément scientifiques ou non : Fantômas (issu de la série littéraire du même nom), le Docteur Cornélius, le Docteur Mabuse, etc. Dans la seconde moitié du XXe siècle, le savant fou est devenu un poncif au cinéma (Docteur Folamour, et de nombreux savants fous croisant la route de James Bond), etc.).

Le cinéma expressionniste allemand créa lui aussi son lot de savants fous. Comme dans le film Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene (1920). Le Dr Caligari, directeur d'un asile psychiatrique, y contrôle un somnambule du nom de Cesare pour lui faire commettre des crimes à sa place.

La bande dessinée américaine de la seconde moitié du XXe siècle, exploite ce stéréotype du savant fou avec plusieurs de ses personnages de fiction. On peut citer Lex Luthor, l'ennemi de Superman ; le Docteur Fatalis, l'ennemi des Quatre Fantastiques ; ainsi que plusieurs ennemis de Spider-Man.

Dans la bande dessinée Spirou et Fantasio, le comte Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas de Champignac créé par André Franquin et Henri Gillain est un « savant fou gentil » et serviable, soucieux du bien-être animal et humain.

Dans la bande dessinée franco-belge, on peut citer Zorglub, l'ennemi de Spirou. Ce savant mégalomane et maladroit est un ancien camarade du comte de Champignac dont il représente le pendant négatif et dont il recherche secrètement l’admiration[3]. Le Comte lui-même joue parfois les savants fous, par exemple dans La Peur au bout du fil, devenant temporairement fou et dangereux après avoir accidentellement bu une potion qu'il a fabriqué.

L'auteur Edgar P. Jacobs utilisa avec brio ce type de personnage, en particulier à travers le Docteur Jonathan Septimus (La Marque jaune), un psychiatre paranoïaque semant la terreur à travers Londres et rêvant de contrôler l'esprit humain pour asservir les gens. À travers le professeur Miloch Georgevitch (S.O.S. Météores, Le Piège diabolique), l'auteur décrit plutôt un savant de la Guerre froide. Georgevitch travaille d'abord au service du bloc de l'Est, où il détraque le climat de celui de l'Ouest pour faciliter une invasion. À la suite de son échec, il se venge pour son propre compte du professeur Philip Mortimer en l'envoyant dans le passé, grâce à sa machine à remonter le temps, où il se retrouve coincé. Les repreneurs de la série créent eux aussi des savants fous. Yves Sente et André Juillard créent ainsi le Docteur Voronov (La Machination Voronov), responsable de la clinique du KGB à Baïkonour, nostalgique de Staline, qui se sert d'une bactérie tueuse pour éliminer ceux qu'il considère comme ennemis du Communisme.

Dans Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, série créée par Jacques Tardi en 1976 qui parodie et rend hommage aux romans-feuilletons, parmi les nombreux personnages déjantés croisant la route de l'héroïne figurent divers savants fous. Certains d'entre eux portent un nom comprenant le préfixe « dieu » (« Dieuleveult », « Dieudonné »…), pour souligner qu'ils se prennent pour des Dieux[3]. L'un d'eux, le professeur Robert Espérandieu, est au cœur de l'épisode Le Savant fou. Chauvin et revanchard, Espérandieu se sert d'un pithécanthrope ramené à la vie et devenu monstrueux, pour venger toutes les défaites militaires de la France.

Portant le titre de docteur ou de professeur, le savant fou est souvent compétent dans de nombreuses sciences et techniques à la fois ; il est à la fois un Albert Einstein aux idées révolutionnaires et un Géo Trouvetou bricoleur, capable de mettre ses théories délirantes en pratique.

Les savants fous ont habituellement un comportement obsessionnel et utilisent des méthodes très dangereuses et anticonformistes. Ils peuvent être motivés par la vengeance, essayant de punir un affront réel ou imaginé, parfois lié à leur travail.

Leur laboratoire est généralement encombré de bobines de Tesla, de machines électrostatiques de Van der Graaf, d'« échelles de Jacob » (deux hautes électrodes où des étincelles montent), de machines à mouvement perpétuel et autres instruments scientifiques spectaculaires, ou encore d'éprouvettes et d'équipements de distillation où bouillonnent des liquides aux couleurs vives, desquels émanent des vapeurs inquiétantes. Il leur arrive souvent d'être accompagnés d'un assistant, parfois difforme et/ou demeuré.

On peut citer également comme autres traits de caractère :

Sur le fond de l'immémoriale peur de la nouveauté que l'on ne comprend pas et que l'on ne maîtrise pas[4], quelques scientifiques réels ont pu servir de modèle à l'archétype du « savant fou » :

  1. (en) G. Fraser, The Particle Century, CRC Press, 1988 (ISBN 9781420050332, lire en ligne).
  2. « Il fallait réduire l'indice de réfraction entre deux centres d'où rayonnaient certaines vibrations de l'éther… dont je vous parlerai plus tard… Non, il ne s'agit pas de rayons Roentgen : je ne sache pas que les miens aient déjà été décrits ; pourtant, l’existence en est assez évidente. J'avais surtout besoin de deux petites dynamos, et je les actionnait avec un moteur à gaz, bon marché. » ; H. G. Wells, L'Homme invisible, page 102 du récit.
  3. a et b Christophe Quillien et Al., Méchants : Crapules et autres vilains de la bande dessinée, Huginn & Muninn, 2013
  4. Psychomédia : Trouble de l'adaptation.
  5. A. B., « Les distractions d'un chimiste : G.-F. Rouelle », in : La Science populaire : journal hebdomadaire illustré n° 6 du 26 mars 1880, [1]
  6. Récit : [2]
  7. Qui est Félix Esclangon ? sur le site du collège éponyme à Viry-Châtillon.

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