Les maisons d'oraison (original) (raw)
Les maisons d'oraison (1) ne se trouvent qu'en Saintonge, Cogna�ais et Ari�ge. Du moins � ma connaissance (2). Partout ailleurs (P�rigord et C�vennes), elles ont �t� imm�diatement d�truites par l'administration royale. En Poitou il n'y en eut jamais. Celles d'Avallon et de Maine Geoffroy sont encore debout. Voir la liste page suivante.
Le pasteur Louis Gibert (3) en fut l'instigateur.
Le contexte :
Apr�s l�interdiction du culte en 1684, commen�a le temps du " d�sert ", c�est � dire de la clandestinit�. La pi�t� quotidienne exigeait des tr�sors de pr�caution, tout comme la tenue des assembl�es. Non seulement la lecture en fran�ais de la Bible �tait prohib�e, mais la pri�re en fran�ais l��tait aussi. La pri�re chant�e des psaumes, en fran�ais, �tait alors un scandale pour les th�ologiens catholiques.
En effet, la tol�rance et les id�es pr�n�es, depuis 1734, par les philosophes du si�cle des lumi�res, commen�aient � se r�pandre et � distiller une mauvaise conscience dans les esprits lib�raux. Les lois du royaume, interdisant la construction de temples et les assembl�es, demeuraient. Les parlements condamnaient, mais les peines �taient de moins en moins appliqu�es.
Une id�e "folle" :
Profitant de cette tol�rance de fait, Louis Gibert d�cida de mettre en action un plan m�rement r�fl�chi, mais compl�tement " fou " : construire des maisons d�oraison o� l�on se rassemblerait chaque dimanche. Cette strat�gie vise d�abord � " redresser " les Eglises conform�ment aux d�cisions du synode national de 1744. Gibert convaincra assez de fid�les z�l�s et audacieux pour r�aliser ce plan. La premi�re fut install�e dans une grange de Breuillet en septembre 1755, selon la lettre qu�il �crivit en janvier 1756 � son fr�re �tudiant au s�minaire de Lausanne.
Elle n�a pas l�aspect ext�rieur d�un temple ; elle n�en porte pas le nom, puisque la construction d�un temple est interdite. Le nom de maison d�oraison se place donc dans un vide juridique. N�anmoins, cela est inacceptable pour les autorit�s qui r�agissent et cette grange est incendi�e en janvier 1756.
Sa r�alisation :
L�opini�tret� protestante est telle, que les protestants de Breuillet en reconstruiront une autre, un peu plus tard. Pendant le m�me temps, avec des moyens r�duits, il s�en �difie � Souhe, � Mauzac, au Chapus, � Paterre (Chaillevette), � Avallon et Dir�e (Arvert), � Mornac, � Courlais, � Luzac, � Arthouan, au Maine Geoffroy (Royan), � Semussac, � Segonzac�Une trentaine en tout. Le colloque des �les prendra alors des dispositions pour r�partir la population protestante selon les Maisons d�oraison disponibles et les contributions financi�res de chacun.
L'essor :
De plus en plus souvent, les autorit�s laissent faire et Gibert a m�me l�audace de plaider aupr�s d�elles, pour " ses " maisons d�oraison. Il �crit au nouveau gouverneur d�Aunis et de Saintonge, le Mar�chal de Sennecterre. � N�est-il pas plus facile de surveiller de petits groupes se r�unissant r�guli�rement que des grandes assembl�es clandestines ? �. Il semble qu�il ait obtenu gain de cause puisque les arr�ts contre les " temples " ne sont plus ex�cut�s.
L�id�e de Gibert fait son chemin. Le 25 f�vrier 1762, le colloque du P�rigord d�cide de se procurer des maisons d�oraison et le synode des C�vennes s�enhardit � imiter la Saintonge. Tous s�ent�tent sans se d�courager malgr� les condamnations � la destruction qui est quelquefois ex�cut�e et recommencent lors d�une destruction.
D�s 1790, la libert� de culte �tant reconnue et garantie, ces maisons d�oraison seront appel�es temple ou " temple-grange ". Ce sont les m�mes b�timents, aussi une certaine confusion appara�t dans les �crits. Qu�importe ? Le peuple protestant peut enfin, se r�unir � l�abri de la pluie et du vent, lire en fran�ais la Bible et prier en chantant les psaumes que Marot a traduit en fran�ais.
Le d�clin :
Les articles organiques de 1802 qui suivront le Concordat de 1801, permettront la construction de temples. Mais bien souvent, ceux-ci ne pourront pas s��difier � partir des maisons d�oraisons qui sont des constructions trop l�g�res et bon march� qui ont mal vieilli. C�est pourquoi, peu d�entre elles sont encore debout.
Aujourd�hui, une seule est encore utilis�e pour le culte : la maison de pri�re du Maine Geoffroy. Elle est encore enclav�e dans l�ancienne ferme dont elle �tait une grange. A son autre extr�mit� un cimeti�re protestant, toujours utilis�, a �t� install�. En 1828, l�ancienne grange est remplac�e par l��difice actuel, sur le m�me site.
En 1945, apr�s le bombardement d�avril 1945, le temple de Maine Geoffroy redevient un lieu de rencontre pour les protestants de Royan. Depuis 1964, il ne sert plus gu�re que pour les services fun�bres.
En 2001, � la suite de sa r�novation par la ville de Royan, propri�taire, le temple de Maine Geoffroy est tir� de l�oubli et du d�labrement. Le conseil presbyt�ral de l'Eglise r�form�e de Royan refait de ce lieu une MAISON d�ORAISON, c�est � dire de pri�re. Puis en janvier 2002, tout en s�en r�servant l�utilisation � certaines occasions, il le met � la disposition de l�Eglise baptiste de Royan, geste symbolique vis � vis d�une Eglise membre de la F�d�ration protestante de France.
Chaque ann�e, le 6 ao�t � 18 heures, un culte de louange pour la Transfiguration du Christ r�unit les croyants en une pri�re commune suivie d�un pot de l�amiti�.
Notes :
- (1) L�oraison (latin oratorio de orare qui signifie prier) est une pri�re liturgique et, dans les ann�es 1950, catholiques et protestants nommaient encore � oraison dominicale � ce qu�ils nomment aujourd�hui � le Notre P�re �. Autant dire que ce terme, d�suet aujourd�hui, a appartenu au vocabulaire des chr�tiens fran�ais de l��poque o� les protestants priaient Dieu au cours des assembl�es au D�sert.
- (2) Si quelqu'un connait ailleurs en France l'existence d'une maison d'oraison des ann�es 1750, il serait aimable de prendre contact avec hr.martel@orange.fr
- (3) A la fin de l�ann�e 1751, Louis Gibert r�cemment consacr� au � saint Minist�re pastoral �, et arrivant du s�minaire de Lausanne obtint du synode des C�vennes � d��vang�liser � la r�gion de Saintonge, Angoumois et P�rigord. Sur ce personnage, on nous signale la r��dition au printemps 2005 de la biographie de Daniel BENOIT : Les fr�res Gibert, deux pasteurs au d�sert et du refuge, aux �ditions : Le Cro�t vif. Elle comporte une pr�face du pasteur Denis Vatinel et une postface de Robert Martel.
Robert MARTEL
d'apr�s le texte publi� in : "Cahier n� 4 de la Maison du Protestantisme charentais ". 05 46.36.30.11.
Si quelqu'un connait ailleurs en France l'existence d'une maison d'oraison des ann�es 1750, il serait aimable de prendre contact avec hr.martel@orange.fr