Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? Tout. Qu'a-t-il �t� jusque-l� dans l'ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? A �tre quelque chose. (original) (raw)
Entr� dans les ordres sans r�elle conviction, Siey�s devient vicaire g�n�ral de Chartres en 1787. S'int�ressant beaucoup aux probl�mes sociaux et � la mis�re des paysans, il d�cide de se rendre � Paris en 1788 et de publier plusieurs brochures o� il expose ses th�orie et ses espoirs pour l'avenir :
Vues sur les moyens d'ex�cution dont les repr�sentants de la France pourront disposer
, puis un
Essai sur les privil�ges
o� il fustige les deux ordres privil�gi�s que sont la Noblesse et le Clerg�, et enfin
Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
La plus c�l�bre de ces brochures est r�dig�e fin 1788, alors que se pr�parent les prochains Etats-G�n�raux, et est publi� au d�but du mois de janvier 1789.
Le plan expos� par Siey�s dans cette brochure est rest� c�l�bre, du moins dans sa premi�re partie, o� l'auteur r�pond � trois questions principales :
Dans la premi�re partie du libelle, Siey�s s'attache donc � d�finir ce qu'est le Tiers-Etat, et notamment en fonction de son utilit� sociale. Les membres du Clerg� et de la Noblesse n'ont pour Siey�s aucune utilit� sociale (les nobles n'ayant pas le droit d'exercer de profession, hormis celle concernant le n�goce maritime ou la soufflerie de verre). Tous les travaux �tant support�s par le Tiers, que ce soit les travaux des champs, les travaux industriels, les travaux commerciaux ou les autres "travaux particuliers et des soins directement utiles ou agr�ables � la personne", Siey�s d�crit le Tiers comme �tant toute l'utilit� sociale.
Il d�montre ensuite que le Tiers-Etat ne repr�sente rien dans l'ordre politique. Parmi les 25 millions de Fran�ais que compte le Royaume de France � la veille de la R�volution, les Nobles sont entre 300000 et 400000, et les membres du Clerg� sont environ 150000. Les privil�gi�s ne repr�sentent donc pas plus de 2% de la population fran�aise. Ce sont pourtant eux qui ont tous les pouvoirs.
Siey�s d�crit ensuite ce que le Tiers demande � �tre : quelque chose. Repr�sentant la quasi-totalit� de la population, il appara�t inadmissible que le Tiers-Etat soit si peu repr�sent� aux Etats-G�n�raux, d'autant plus que les d�cisions de cette assembl�e se sont prises jusqu'� cette date gr�ce au vote par ordre (chacun des ordres repr�sente une voix, ce qi donne deux voix aux privil�gi�s contre une au Tiers-Etat. Siey�s demande trois choses : des repr�sentants du Tiers qui soient vraiment issus de cet ordre, un nombre de repr�sentants �gal � celui des deux autres ordres ensemble, et enfin le vote par t�te et non plus par ordre.
Dans la deuxi�me partie de la brochure, Siey�s commence par faire le bilan de ce qui a �t� tent� jusqu'alors pour donner au Tiers-Etat la place qu'il m�rite.
Dans l'avant-dernier chapitre, Siey�s expose ce qu'on aurait du faire. Il pr�conise la r�alisation d'une Constitution. Celle-ci doit �maner de la Nation, et non pas des Etats-G�n�raux, qui "sont incomp�tents � rien d�cider sur la Constitution".
Enfin, le dernier chapitre expose ce qui reste � faire. L'id�e forte de l'Abb� Siey�s est la suivante : le Tiers-Etat doit constituer une Assembl�e Nationale, en dehors des Etats-G�n�raux, et sans les deux ordres privil�gi�s que sont la Noblesse et le Clerg�, qui sont ext�rieurs � la Nation.
Ces id�es "r�volutionnaires" vont faire grand bruit, cr�ant une v�ritable secousse dans l'opinion publique, et provoquant l'�motion de la Cour. Des dizaines de milliers d'exemplaires de
Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?
vont �tre vendus, obligeant l'�diteur � faire quatre �ditions, les trois premi�res anonymes et la derni�re �tant enfin sign�e par Siey�s. Les id�es expos�es dans cette brochure pr�figurent ce qui se passera en France quelques mois plus tard.
L'Abb� Siey�s, �cart� par le Clerg�, sera finalement �lu d�put� du Tiers-Etat � Paris pour les Etats-G�n�raux qui d�butent le 5 mai 1789. Il sera avec le Comte Mirabeau un des fers de lance de son ordre (il est notable que le premier est issu du Clerg� et le second issu de la Noblesse, contrairement � ce que souhaitait Siey�s lui-m�me dans sa brochure), �tant � l'origine de la r�union des trois ordres aux Etats-G�n�raux (qui se fera finalement le 27 juin 1789), de la constitution d'une Assembl�e Nationale le 17 juin 1789 et du serment du Jeu de Paume le 20 juin 1789 (serment de "ne jamais se s�parer(...) jusqu'� ce que la Constitution du royaume soit �tablie et affermie sur des fondements solides"). Son manque d'�loquence l'emp�cheront de jouer les premiers r�les dans les ann�es suivantes, mais ce r�le limit� lui permettra de traverser cette p�riode difficile sans encombre ("J'ai v�cu"), puis de devenir Directeur et de mettre fin � la p�riode r�volutionnaire en 1799 en appelant Napol�on Bonaparte ("Je cherche une �p�e") et en l'aidant pour le coup d'�tat du 18 brumaire.