Charles Nungesser (original) (raw)

Charles, Eugène, Jules, Marie, Nungesser nait à Paris le 15 mars 1892 dans une famille de commerçants, ses parents tenant une boucherie. Mais ils vont divorcer alors qu’il est encore enfant et c’est chez sa mère, installée à Valenciennes, que va vivre le jeune Charles, en rendant toutefois visite à son père qui s’est remarié et a ouvert une nouvelle boucherie à St Mandé – Charles aura trois demi-frères du second mariage de son père. Adolescent, il suit les cours de l’école nationale professionnelle Armentières où il se montre assez doué et se destine à préparer l’école des arts et métiers. Il la quitte cependant à l’âge de 15 ans et entre dans la vie active en travaillant dans des ateliers de Valenciennes.

A vingt ans, il ambitionne de fonder une société de construction aéronautique mais dilapide ses économies au casino de Monte-Carlo. Poursuivi par ses créanciers, il décide de s’enfuir en Argentine le 12 juillet 1912 où vit un de ses oncles par alliance, marié à une des nièces sa grand-mère maternelle. Débarquant à Buenos Aires, prend le train pour Tucuman et Rio Colorado, petit village plus au sud où se trouve la ferme de son oncle. Il va y vivre une vie de Cow-boy, envoyant de temps à autre un peu d’argent à sa mère. Il tentera ensuite sa chance comme mécanicien et chauffeur à Tucuman, mais n’y fait pas cependant fortune et se décide à rentrer en France au début de l’année 1914 pour y effectuer son service militaire pour lequel il avait obtenu un report d’incorporation.

Affecté au 2e régiment de Hussards en mai 1914, la guerre éclate trois mois plus tard et le jeune homme va se distinguer dans un fait d’armes peu commun le 1er septembre 1914, en ramenant dans les lignes françaises une voiture d’état-major allemande dont il a tué les occupants et découvert d’importants documents. Surnommé « Le hussard de la Mors » (du nom de la voiture capturée, une Mors) par le général français qui le reçoit, il est récompensé du grade de brigadier, de la médaille militaire, et, plus intéressant pour lui, par la mutation dans l’aviation qu’il appelle de ses vœux.

Il part en école de pilotage à Avord en janvier 1915 pour en sortir breveté sur bombardier Voisin LAS et affecté à l’escadrille VB 106 près de Dunkerque. Il rallie sa formation le 8 avril 1915 avec le mécanicien qui lui a été affecté, le maitre ouvrier Roger Pochon, qui devient son ami et l’accompagne habituellement en mission en tant que mitrailleur. Ces missions ont lieu sur des gares et dépôts allemands dans les Flandres, au cours desquelles il essuie des tirs de DCA et rencontre des appareils ennemis qu’il essaie d’affronter, jusque-là sans succès. Mais, le 31 juillet 1915, quand la VB 106 s’installe près de Nancy sur le plateau de Malzéville, Charles Nungesser remporte son premier succès avec un mitrailleur d’occasion nommé Gaston André, contre un biplace allemand forcé de se poser entre les lignes et qui est capturé sans son équipage qui a réussi à détaler. L’avion est exposé sur la place Stanislas à Nancy et permet à Nungesser de commencer à goûter à la célébrité car les journaux nationaux parlent de son exploit.

Passant dans la chasse à sa demande, il est instruit au pilotage du nouveau chasseur Nieuport 10 même si on lui impose un stage à Lyon sur bombardier Caproni. Il est alors muté fin octobre 1915 à la nouvelle escadrille de chasse N 65 qui s’installe à Nancy-Malzéville. Très vite, à bord de son chasseur, Charles Nungesser va abattre un avion allemand le 28 novembre qui sera le premier d’une longue série dans sa carrière de pilote de chasse. Mais début janvier 1916, en raison d’une pénurie de pilotes entraînés, il est également sollicité pour faire des missions aux commandes du bombardier Caproni à l’escadrille CEP 115 qui stationne sur le même terrain que la sienne, et va être victime d’un grave accident à bord de l’un d’eux le 17 janvier, qui lui vaudra un séjour à l’hôpital – également le premier d’une longue série !

On le trouve au Bourget le 30 janvier 1916 où il essaie le prototype d’un nouveau chasseur, le Ponnier, un petit appareil instable avec lequel il s’écrase lors d’une vrille au décollage. Il en ressort littéralement en miettes avec les jambes et la mâchoire fracassée. Les médecins militaires lui proposent la réforme, qu’il refuse et regagne son escadrille en faisant le mur de l’hôpital le 29 mars 1916 pour participer à la défense de la ville de Verdun où se concentre toute la chasse française.

C’est là que sa carrière va décoller : bien que marchant à grand peine avec des béquilles, il va remporter trois victoires aériennes en l’espace de trois jours, les 2, 3 et 4 avril 1916, qui, outre sa promotion au grade de sous-lieutenant, vont lui valoir l’honneur de figurer au communiqué aux armées du 21 avril 1916 pour sa 5e victoire – il est le 3e pilote français ainsi distingué, après Guynemer et Navarre qui est le meilleur pilote en titre. Les combats continuent néanmoins à Verdun et son score va progressivement augmenter, ainsi que ses chutes : le 26 avril, il attaque seul aux commandes de son Nieuport 16 un groupe d’avions ennemis, dont il descend le dernier de la formation mais doit affronter les six autres qui lui font passer un très mauvais quart d’heure, le criblant de plomb et le forçant à s’écraser dans les tranchées françaises. Fin juillet 1916, alors que se termine pour lui la bataille de Verdun, son score est à 12 victoires et son avion, qu’il a décoré de son symbole personnel d’un cœur noir contenant un symbole macabre, est alors célèbre dans toute la France après avoir fait la une du journal d’images "Le Miroir" du 13 août 1916.

Il va encore augmenter lors de la bataille de la Somme, où l’élite de la chasse française stationne sur le terrain de Cachy près d’Amiens. Il est alors le 2e français derrière Guynemer dont il talonne le score, les deux pilotes se jalousant… C’est la grande vie pour Charles Nungesser qui mène grand train lors de ses permissions à Paris, profitant des primes qu’il reçoit pour ses victoires et des cadeaux des constructeurs aéronautiques.

Quand se termine l’année 1916, son score est à 21 victoires mais il doit s’arrêter pour subir une opération des jambes en janvier 1917. Il impose les conditions de sa convalescence à ses médecins comme à sa hiérarchie : il ne dépendra d’aucune escadrille (bien que rattaché administrativement à la VC 116) et reprendra la lutte à partir du terrain de Dunkerque d’où il peut être suivi médicalement par l’hôpital à proximité. Il remportera 9 nouvelles victoires durant l’année 1917 dans ce curieux arrangement, jusqu’au mois de septembre qui voit la guerre aérienne se déplacer dans les Flandres et où va disparaître son rival Georges Guynemer, le laissant avec le titre médiatique d’as des as. Il est alors considéré guéri au point de retourner dans son escadrille N 65 le 30 septembre 1917. Mais il va vite retourner à l’hôpital, car, rentrant le 9 octobre d’une soirée de fête à Paris dans son automobile conduite par son mécanicien Pochon, il est victime d’un grave accident de la route où Pochon perd la vie.

Résultat : trois mois d’hôpital, et une forme physique compromise pour longtemps. Retournera au combat à la SPA 65 en janvier 1918, où, volant sur SPAD quand il le souhaite, il jouit d’une complète autonomie. Il va se montrer assez concerné par les nouveaux chasseurs dont parlent les médias et qui talonnent son score de 30 victoires. Il va dès lors chercher à l’augmenter et remporter pas moins de 13 nouvelles victoires en 1918, allant jusqu’à importuner les poilus dans les tranchées pour recueillir les témoignages d’homologation. Ce sera toutefois insuffisant pour tenir la course face à René Fonck qui le dépasse définitivement au score au mois de mars 1918. Nungesser, affaibli, obtient sa 43e et dernière victoire le 15 août 1918 avant de devoir quitter la lutte. Il tient cependant à rester sous les projecteurs des médias et le 26 août 1918 s’offre un nouveau coup d’éclat en participant à la traversée de Paris à la nage, et, s’il ne remporte pas la compétition, s’affirme comme le porte-parole des mutilés de guerre et s’attire la sympathie du public.

Quand la guerre se termine, Nungesser se retrouve avec de sérieux problèmes financiers car les primes et cadeaux des constructeurs ne viennent plus ; de plus il est poursuivi en justice pour deux accidents de la route mortels dont il a été jugé responsable aux commandes de son véhicule avec lequel il roulait à tombeau ouvert dans les rues de Paris. Il fonde alors une école de pilotage qui ouvre en 1921 à Orly et lui permet de refaire surface... Il se marie le 28 juillet 1923 avec une jeune et jolie américaine, ce qui lui vaut la une des journaux, et part faire une tournée des plages avec son cirque volant qui reconstitue ses combats aériens de la guerre. Ses performances sont remarquées outre-Atlantique et, invité par l’American Legion des anciens combattants, revend son école de pilotage et embarque avec son épouse pour les États-Unis fin octobre 1923 pour s’y produire à travers tout le pays. Il se fera même acteur en tournant fin 1924 un film, « The Sky Raider », le mettant en scène comme as de l’aviation.

Terminant sa tournée américaine, il rentre en France en septembre 1925 avec de nombreux soucis financiers : son épouse a demandé le divorce et l’a condamné en justice à lui verser près de 5000 $ d’indemnités… C’est pour se relancer qu’il s’embarque dans le projet de traverser l’Atlantique en tentant de réussir le premier Paris / New-York et de remporter le prix Orteig de 25 000 $ - il a obtenu le financement du mécène François Coty qui a payé son appareil. Plusieurs autres aviateurs sont sur le départ et Nungesser, qui s’est adjoint le concours du navigateur François Coli, va s’élancer du Bourget sur un Levasseur PL-8 surnommé « l’oiseau blanc » le 8 mai 1927, après avoir réalisé des essais sommaires. Leur appareil, après avoir décollé et quitté les côtes françaises, va disparaître dans l’Atlantique.