Commission d'enqu�te sur les sectes � Assembl�e nationale (original) (raw)

N� 2468

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIXI�ME L�GISLATURE

Enregistr� � la Pr�sidence de l'Assembl�e nationale le 22 d�cembre 1995.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQU�TE (1) SUR LES SECTES,

Pr�sident

M. Alain Gest,

Rapporteur

M. Jacques Guyard,

D�put�s.

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(1) Cette Commission est compos�e de : MM. Alain Gest, pr�sident, Jean-Pierre Brard, Mme Suzanne Sauvaigo, vice-pr�sidents, MM. Eric Dolig�, Rudy Salles, secr�taires, Jacques Guyard, rapporteur ; MM. Jean-Claude Bahu, Pierre Bernard, Raoul B�teille, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Pierre Brard, Jean-Fran�ois Calvo, Ren� Chabot, Mme Martine David, MM. Pierre Delmar, Bernard Derosier, Eric Dolig�, Jean-Pierre Foucher, Jean Geney, Alain Gest, Jean Gravier, Jacques Guyard, Pierre Lang, G�rard Larrat, Claude-G�rard Marcus, Thierry Mariani, Mme Odile Moirin, MM. Georges Mothron, Jacques Myard, Mme Catherine Nicolas, MM. Francisque Perrut, Daniel Picotin, Marc Reymann, Marcel Roques, Rudy Salles et Mme Suzanne Sauvaigo.

Droits de l'Homme et libert�s publiques.

S O M M A I R E _____

INTRODUCTION

88 membres de la secte des Davidsoniens morts par suicide ou � l'issue d'affrontements avec la police � Waco au Texas le 19 avril 1993 ; 53 membres de la secte du Temple solaire morts suicid�s ou assassin�s en Suisse et au Canada le 4 octobre 1994 ; 11 morts et 5.000 bless�s dans l'attentat au gaz perp�tr� dans le m�tro de Tokyo par la secte Aoum le 5 mars 1995 : sans revenir sur des faits plus anciens - mais tout le monde a encore en m�moire le suicide collectif des 923 membres du Temple du Peuple au Guyana en 1978 - voil�, sur moins de trois ans, le bilan des agissements criminels les plus graves dont se sont rendues coupables certaines sectes. Lorsque surviennent de tels faits, les media s'empressent de titrer sur le ph�nom�ne sectaire, l'opinion s'�meut - � juste titre - puis l'attention retombe jusqu'� l'�pisode spectaculaire suivant qui fera l'objet du m�me traitement. Mais, pendant ce temps, un certain nombre de sectes continuent insidieusement � accomplir leurs m�faits quotidiens dans l'indiff�rence quasi-g�n�rale.

Le rapport r�dig� par Alain Vivien � la demande du Premier ministre et publi� en 1985 sous le titre " les sectes en France : expression de la libert� morale ou facteurs de manipulation " , qui pr�sentait une photographie du ph�nom�ne sectaire et en analysait les principaux aspects avant de formuler un certain nombre de propositions, a eu le grand m�rite de constituer la premi�re �tude approfondie et objective sur les dangers des sectes et d'alerter les pouvoirs publics et l'opinion sur une r�alit� jusque l� fort mal connue. Cela �tant, voici maintenant plus de dix ans que ce document a �t� r�alis�, et force est de constater que, les mesures qu'il pr�conisait �tant pour la plupart, malgr� leur int�r�t et leur simplicit�, rest�es lettre morte, les sectes continuent de prosp�rer en exploitant, pour leur plus grand profit, le d�sarroi dans lequel l'�volution de notre soci�t� plonge nombre de nos contemporains, pr�ts � se laisser abuser par l'apparente spiritualit� d'un discours dont ils ont l'illusion qu'il peut apporter la r�ponse � leurs attentes.

Il �tait donc l�gitime que la repr�sentation nationale se pr�occupe de prendre la mesure d'un ph�nom�ne dont l'�volution, depuis le rapport de M. Alain Vivien, est mal connue, d'appr�cier les dangers qu'il fait courir aux individus et � la soci�t�, et de faire le point des mesures n�cessaires pour le combattre. Aussi l'Assembl�e nationale a-t-elle, en adoptant � l'unanimit� le 29 juin dernier la proposition de r�solution pr�sent�e par M. Jacques Guyard et les membres du groupe socialiste, cr�� une commission d'enqu�te " charg�e d'�tudier le ph�nom�ne des sectes et de proposer, s'il y a lieu, l'adaptation des textes en vigueur " .

Constitu�e le 11 juillet dernier, la Commission a d�cid�, lors de la r�union qu'elle a tenue le 18 juillet pour organiser le d�roulement de ses travaux, de placer sous le r�gime du secret l'ensemble des auditions auxquelles elle proc�derait afin de permettre la plus grande libert� de parole aux personnes dont elle solliciterait le t�moignage. En application de l'engagement pris aupr�s des t�moins, le pr�sent rapport ne comportera donc pas en annexe le compte-rendu des auditions qui ont nourri les r�flexions de la Commission, ni m�me la liste des personnes qu'elle a entendues. Dans le m�me esprit, n'est pas mentionn�e dans le rapport l'origine des propos dont il est fait �tat.

Vingt auditions ont �t� effectu�es dans ces conditions, pour une dur�e globale de vingt et une heures. Elles ont permis � la Commission de prendre connaissance des informations, de l'exp�rience et des analyses de personnes ayant, � des titres divers, une connaissance approfondie du ph�nom�ne sectaire, qu'il s'agisse de responsables administratifs, de m�decins, de juristes, d'hommes d'Eglise, de repr�sentants d'associations d'aide aux victimes de sectes, et, bien s�r, d'anciens adeptes de mouvements sectaires et de dirigeants d'associations sectaires. La Commission a, par ailleurs, sollicit� le concours de diverses administrations pour tenter d'affiner au mieux la connaissance du champ de son �tude. Force lui est de constater qu'il a �t� r�pondu � ses demandes avec un empressement et un z�le in�gaux. Si le minist�re des Affaires sociales, celui des Affaires �trang�res, la Pr�fecture de Police de Paris et, surtout, le minist�re de l'Int�rieur (Direction centrale des Renseignements g�n�raux), ont aid� tr�s efficacement la Commission dans ses recherches et ses r�flexions, le minist�re de l'Economie et des finances (Direction g�n�rale des imp�ts), et le minist�re de la Justice (Direction des affaires criminelles et des gr�ces) n'ont en effet transmis que tr�s tardivement les informations dont ils disposent.

Tel qu'il est pr�sent� dans le pr�sent rapport, le r�sultat de l'ensemble des travaux men�s par la Commission d�cevra ceux qui se seraient attendus � y trouver des r�v�lations ou des anecdotes in�dites. Elle n'avait pas les moyens, et, au demeurant, ce n'�tait pas ainsi qu'elle concevait sa mission, de se livrer � des recherches ou � des mises en cause qui relevaient de la comp�tence des services de police et, le cas �ch�ant, de la justice. En s'appuyant sur le travail d'un tr�s grand int�r�t r�alis� par la Direction centrale des Renseignements g�n�raux, sur les recherches et les analyses men�es par des sp�cialistes de diff�rentes disciplines, enfin, sur les t�moignages oraux ou �crits de personnes ayant elles-m�mes v�cu au sein d'une secte ou dont les proches ont connu ou connaissent cette exp�rience, elle a tent� d'appr�hender au mieux une r�alit� mouvante, complexe et souvent travestie de faux-semblants.

Comme on le verra, elle a �t�, d�s l'abord, confront�e � la difficult� de d�finir le terme de sectes pour d�limiter le champ de son �tude. N�anmoins, elle a choisi de ne pas se laisser arr�ter par ce qui n'est en r�alit� qu'un faux obstacle, et de suivre avec pers�v�rance une d�marche empirique que d'aucuns pourraient juger insuffisamment ambitieuse mais dont la modestie cache un souci de r�alisme et d'efficacit�. C'est donc sans esprit de syst�me, sans a priori d'aucune sorte, et en prenant toujours le plus grand soin de ne pas proc�der � des amalgames abusifs ni de tomber dans la parano�a, sans pour autant faire preuve d'ang�lisme ou, au moins, de na�vet�, que la Commission a tent� d'appr�cier les contours d'un ph�nom�ne qui, bien que difficile � appr�hender, semble se d�velopper, avant de constater qu'il rev�t des formes diversifi�es et se caract�rise souvent par des pratiques dangereuses, et, enfin, de d�gager les moyens d'une riposte adapt�e � cette dangerosit�.

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I.--UN PH�NOM�NE QUI, BIEN QUE DIFFICILE A APPREHENDER SEMBLE SE DEVELOPPER

La Commission a tout d'abord cherch� � appr�cier l'ampleur actuelle du ph�nom�ne sectaire et, � la lumi�re de certaines de ses caract�ristiques ainsi que de son �volution r�cente, � d�gager les tendances probables de son devenir. Malgr� les difficult�s qu'elle a rencontr�es � d�finir le ph�nom�ne faisant l'objet de son �tude et � le mesurer, il lui est apparu qu'il rec�le des potentialit�s d'expansion qui doivent justifier une vigilance accrue de la part des pouvoirs publics.

A.- UN PH�NOM�NE DIFFICILE � D�FINIR

A priori, l'approche du ph�nom�ne des sectes, comme de tout autre, suppose que ce concept soit clairement d�fini.

Or, toutes les �tudes, tous les ouvrages consacr�s aux associations dites sectes reconnaissent la difficult� d'une telle d�marche, que la Commission a mesur�e tout au long de ses travaux : en effet, la notion de secte, particuli�rement difficile � d�finir dans le langage courant, est totalement inconnue du droit fran�ais.

A l'�vidence, cette situation n'a pu que rendre sa t�che plus ardue. Ayant �t� confront�e � cette difficult� d�s le d�but de ses recherches, la Commission n'a pas voulu se laisser enfermer dans l'alternative � laquelle elle conduit logiquement : soit tenter de donner une d�finition juridique � la notion de secte destin�e � servir de base � la suite de ses travaux, au risque de heurter le principe de la libert� de conscience, soit consid�rer qu'elle ne pouvait valablement continuer � travailler en raison de l'impossibilit� de proc�der � une telle d�finition. Elle a, avec modestie mais aussi dans un souci d'efficacit�, suivi une d�marche empirique, en constatant l'existence d'organismes divers commun�ment d�nomm�s sectes et en cherchant � pr�ciser les contours de ce qui peut �tre englob� sous cette appellation pour en d�gager les caract�ristiques qui peuvent justifier que l'on s'y int�resse, voire que l'on s'en pr�occupe.

1.- L'impossible d�finition juridique

L'absence de d�finition juridique des sectes en droit r�sulte de la conception fran�aise de la notion de la�cit�.

L'origine de cette conception est � rechercher dans l'article 10 de la D�claration des Droits de l'Homme et du citoyen qui dispose que " nul ne doit �tre inqui�t� pour ses opinions, m�me religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public institu� par la loi " . Les r�dacteurs de la D�claration ont ainsi clairement pos� le principe de la neutralit� de l'Etat, de sa discr�tion � l'�gard des opinions religieuses.

Cette attitude doit �tre compl�t�e par une approche plus positive, qui confie � l'Etat le soin d'assurer � chacun le libre exercice de la religion qu'il a choisie : l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 pr�cise ainsi que la France, R�publique la�que, " assure l'�galit� devant la loi des citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion " et qu'elle " respecte toutes les croyances " . Cette cons�cration constitutionnelle r�cente avait �t� �bauch�e par le pr�ambule de la Constitution de 1946 qui, quels que soient les d�bats relatifs � sa port�e juridique, rappelait l'attachement du peuple fran�ais � la d�claration de 1789 et aux " principes fondamentaux reconnus par les lois de la R�publique " .

Le r�gime juridique des cultes qui r�sulte d'une telle conception de la la�cit� est tout entier contenu dans les deux premiers articles de la loi du 9 d�cembre 1905 relative � la s�paration des Eglises et de l'Etat, qui disposent que " la R�publique assure la libert� de conscience [et] garantit le libre exercice des cultes " (art. 1) et qu'elle " ne reconna�t, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte " (art. 2).

Le principe de neutralit� de l'Etat signifie donc que les croyances religieuses ne sont pas un fait public sous r�serve des restrictions li�es au respect de l'ordre public, que le fait religieux rel�ve des seuls individus, de la seule sph�re priv�e des citoyens.

Ainsi s'explique que l'Etat, fid�le � son " indiff�rence " affich�e � l'�gard des religions, n'ait jamais donn� une d�finition juridique de celles-ci. Si la doctrine admet qu'elles se caract�risent par la r�union d'�l�ments subjectifs (la foi, la croyance) et d'�l�ments objectifs (le rite, la communaut�), nulle d�finition d'une religion ne peut �tre constat�e dans le droit positif.

Celui-ci se borne � r�glementer la vie des structures juridiques ainsi que des pratiques sociales qui constituent le support des religions (associations, cultuelles ou non, congr�gations religieuses) ; il n'op�re aucune distinction juridique entre les diff�rents cultes, n'effectue aucune discrimination, positive ou n�gative, entre eux.

On con�oit d�s lors l'impossibilit� juridique de d�finir les crit�res permettant de d�finir les formes sociales que peut rev�tir l'exercice d'une croyance religieuse, a fortiori de distinguer une Eglise d'une secte.

La commission d'enqu�te a donc �t� confront�e d�s le d�but de son activit� au paradoxe de devoir travailler sur un secteur juridiquement inexistant. Sa position �tait d'autant plus d�licate que, impossible � d�finir en droit, la notion est �galement difficile � manier dans le langage courant.

2.- L'impr�cision et la diversit� des d�finitions issues du langage courant

La notion de secte, m�me dans le langage courant, n'est pas univoque : diff�rents niveaux d'analyse ne suffisent sans doute pas � t�moigner de la diversit� - et de la richesse - du concept.

a) L'approche �tymologique

Une �tude �tymologique montre que le terme " secte " est apparu aux alentours des XIII - XIV�mes si�cles et qu'il peut �tre rattach� � deux racines latines : l'une le rattachant au verbe suivre, l'autre au verbe couper.

Cette h�sitation sur l'origine s�mantique impr�gne aujourd'hui encore l'ensemble des dictionnaires.

Significative est la d�finition fournie par le dictionnaire Littr�, pour qui la secte est " l'ensemble des personnes qui font profession d'une m�me doctrine " ou " qui suivent une opinion accus�e d'h�r�sie ou d'erreur " .

Le dictionnaire Robert distingue quant � lui entre les personnes " qui ont la m�me doctrine au sein d'une religion " et celles qui " professent une m�me doctrine " .

Dans tous les cas, les deux origines suppos�es de la notion induisent, simultan�ment ou alternativement, les deux id�es de croyance commune et/ou de rupture par rapport � une croyance ant�rieure.

C'est sur ce concept de rupture qu'insiste le dictionnaire des religions (PUF, 1984) qui d�finit la secte comme " Au sens originel, un groupe de contestation de la doctrine et des structures de l'Eglise, entra�nant le plus souvent une dissidence. Dans un sens plus �tendu, tout mouvement religieux minoritaire " .

b) L'approche sociologique

La sociologie fournit quant � elle une d�finition de la secte par opposition � celle d'Eglise. C'est ainsi que Max Weber a proc�d� pour pr�ciser ces deux notions l'une par rapport � l'autre : pour lui l'Eglise est une institution de salut qui privil�gie l'extension de son influence, alors que la secte est un groupe contractuel qui met l'accent sur l'intensit� de la vie de ses membres.

Ernst Troeltsh a poursuivi l'oeuvre de Weber et soulign� que l'Eglise est pr�te, pour �tendre son audience, � s'adapter � la soci�t�, � passer des compromis avec les Etats. La secte, au contraire, se situe en retrait par rapport � la soci�t� globale et tend � refuser tout lien avec elle, et m�me tout dialogue. Elle a une attitude identique � l'�gard des autres religions, de sorte qu'en ce sens l'oecum�nisme pourrait servir de crit�re pour distinguer Eglise et secte.

c) L'approche fond�e sur la dangerosit� des sectes

Le terme " sectaire " , apparu, lui, au cours des guerres de religion, est empreint d'une forte connotation p�jorative. Il est appliqu� au membre d'une secte caract�ris� par son intol�rance, son adh�sion aveugle, son �troitesse d'esprit.

Le langage moderne a �t� fortement marqu� par cette connotation p�jorative : de nos jours, le terme " secte " fait r�f�rence � des mouvements religieux ou pseudo-religieux d'apparition r�cente, minoritaires, s�cessionnistes ou non.

Le d�bat sur les " sectes dangereuses " ou les " d�rives sectaires " a encore accentu� l'aspect p�joratif du concept.

Plusieurs personnalit�s entendues par la Commission ont d�velopp� devant elle des approches de la d�finition des sectes fond�es sur la dangerosit� des mouvements. L'une d'entre elles a formalis� ainsi le r�sultat de cette d�marche, en donnant comme d�finition des sectes :

" Groupes visant par des manoeuvres de d�stabilisation psychologique � obtenir de leurs adeptes une all�geance inconditionnelle, une diminution de l'esprit critique, une rupture avec les r�f�rences commun�ment admises (�thiques, scientifiques, civiques, �ducatives), et entra�nant des dangers pour les libert�s individuelles, la sant�, l'�ducation, les institutions d�mocratiques.

Ces groupes utilisent des masques philosophiques, religieux ou th�rapeutiques pour dissimuler des objectifs de pouvoir, d'emprise et d'exploitation des adeptes. "

Dans une telle optique, l'accent est mis en outre sur le caract�re insidieux de la d�rive sectaire, car il est difficile de tracer une fronti�re entre le fonctionnement " l�gitime " et la zone dangereuse, c'est � dire entre :

- la libre association et le groupe coercitif,

- la conviction et les certitudes incontournables,

- l'engagement et le fanatisme,

- le prestige du chef et le culte du gourou,

- les d�cisions volontaires et les choix totalement induits,

- les recherches d'alternatives (culturelles, morales, id�ologiques) et la rupture avec les valeurs de la soci�t�,

- l'appartenance loyale � un groupe et l'all�geance inconditionnelle,

- la persuasion habile et la manipulation programm�e,

- le langage mobilisateur et le n�olangage (la " langue de bois " ),

- l'esprit de corps et le groupe fusionnel.

On mesure � quel point il est, dans ces conditions, difficile de raisonner de mani�re objective, de se situer entre la banalisation et la diabolisation, entre la c�cit� et la tol�rance abusive d'une part, la suspicion g�n�ralis�e d'autre part : c'est pourtant cette voie qu'a choisi la Commission.

d) La conception retenue par la Commission

La Commission a en effet constat� que si la difficult� � d�finir la notion de secte a �t� soulign�e par toutes les personnalit�s qu'elle a entendues, la r�alit� vis�e semble unanimement cern�e, sauf naturellement par les adeptes et dirigeants des sectes qui nient ce caract�re � leur groupement (tout en pouvant le reconna�tre � d'autres) et pr�f�rent �voquer les termes d' " Eglises " ou de " minorit�s religieuses " .

La Commission n'a pas la pr�tention de r�ussir ce � quoi tous ceux qui travaillent sur la question des sectes, souvent depuis de nombreuses ann�es, ne sont pas parvenus, c'est-�-dire donner une d�finition " objective " de la secte, susceptible d'�tre admise par tous. Les travaux de la Commission s'appuient donc sur un certain nombre de choix �thiques qu'elle ne cherche pas � dissimuler.

Parmi les indices permettant de supposer l'�ventuelle r�alit� de soup�ons conduisant � qualifier de secte un mouvement se pr�sentant comme religieux, elle a retenu, faisant siens les crit�res utilis�s par les Renseignements g�n�raux dans les analyses du ph�nom�ne sectaire auxquelles proc�de ce service et qui ont �t� port�es � la connaissance de la Commission :

- la d�stabilisation mentale ;

- le caract�re exorbitant des exigences financi�res ;

- la rupture induite avec l'environnement d'origine ;

- les atteintes � l'int�grit� physique ;

- l'embrigadement des enfants ;

- le discours plus ou moins anti-social;

- les troubles � l'ordre public ;

- l'importance des d�m�l�s judiciaires ;

- l'�ventuel d�tournement des circuits �conomiques traditionnels ;

- les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics.

Votre Commission insiste sur le fait que, la d�finition des sectes s'av�rant � bien des �gards difficile, elle a conduit ses travaux en se gardant de faire siennes les d�finitions des sectes propos�es par ses interlocuteurs, par nature engag�s, � un titre ou � un autre dans la promotion des nouvelles religions ou dans la lutte contre leurs exc�s - r�els ou suppos�s --.

Elle a �t� consciente que ni la nouveaut�, ni le petit nombre d'adeptes, ni m�me l'excentricit� ne pouvaient �tre retenus comme des crit�res permettant de qualifier de secte un mouvement se pr�tendant religieux : les plus grandes religions contemporaines ne furent souvent, � leurs d�buts, que des sectes au nombre d'adeptes r�duit ; bien des rites �tablis et socialement admis aujourd'hui ont pu � l'origine susciter des r�serves ou des oppositions.

Le champ de son �tude a ainsi �t� volontairement restreint � un certain nombre d'associations r�unissant, le plus souvent autour d'un chef spirituel, des personnes partageant la m�me croyance en un �tre ou un certain nombre d'id�es transcendantales, se situant ou non en rupture avecles religions " traditionnelles " (chr�tienne, musulmane, hindouiste, bouddhiste) qui ont �t� exclues de cette �tude, et sur lesquelles ont pu, � un moment ou � un autre, peser le soup�on d'une activit� contraire � l'ordre public ou aux libert�s individuelles.

La difficult� de d�finir la notion de secte, qui sera pourtant utilis�e dans la suite de ce rapport, a conduit la Commission � retenir un faisceau d'indices, dont chacun pourrait pr�ter � de longues discussions. Elle a donc pr�f�r�, au risque de froisser bien des susceptibilit�s ou de proc�der � une analyse partielle de la r�alit�, retenir le sens commun que l'opinion publique attribue � la notion.

A d�faut, elle n'aurait pu, constatant les difficult�s rencontr�es lors de la tentative de d�finition du ph�nom�ne, qu'interrompre ses travaux. Une telle attitude aurait sans doute d�rout�, et aurait, de plus, emp�ch� que soient analys�s les r�els probl�mes pos�s par le d�veloppement d'un certain nombre d'associations.

Difficile � d�finir, le ph�nom�ne des sectes ne peut de surcro�t - mais aussi de ce fait - �tre mesur� avec pr�cision.

B.- UN PH�NOM�NE DIFFICILE � MESURER

Toute tentative de mesure globale du ph�nom�ne sectaire se heurte � un certain nombre d'obstacles, qui doivent �tre bri�vement �voqu�s.

L'impr�cision entourant la d�finition de la notion est bien entendu le premier d'entre eux : comment mesurer un ph�nom�ne dont il n'existe pas de d�finition admise par tous ?

Il est en deuxi�me lieu difficile de quantifier l'activit� des multiples associations gravitant autour de tel ou tel mouvement, d'assimiler, par exemple, l'auditeur r�gulier de conf�rences organis�es par une association proche d'une secte, � un adepte de cette derni�re.

Le choix du crit�re servant � mesurer le ph�nom�ne est en troisi�me lieu lui aussi al�atoire : doit-on retenir le nombre d'adeptes ou celui des sympathisants, � supposer que l'une et l'autre de ces deux notions puissent recevoir une d�finition satisfaisante ? Compte tenu de l'impact familial ou social du ph�nom�ne, doit-on inclure l'entourage des personnes directement concern�es pour appr�cier correctement le nombre de " victimes " ?

Au demeurant, les sectes elles-m�mes ne sont pas toujours en mesure de quantifier avec une relative pr�cision le nombre de leurs adh�rents. Diff�rents indices permettent m�me d'affirmer que certaines d'entre elles le gonflent artificiellement afin d'accr�diter l'id�e d'une audience qu'elles n'ont pas dans la r�alit�, alors que d'autres le minimisent volontairement dans le but de ne pas attirer l'attention des pouvoirs publics.

L'audience r�elle des diff�rentes sectes ne peut, enfin, �tre mesur�e � l'aune de seuls crit�res num�riques : l'implantation internationale de la secte, ses capacit�s financi�res, sa strat�gie �ventuelle d'infiltration contribuent pour beaucoup � son audience, sa capacit� d'ing�rence, sa dangerosit�.

Ces r�serves m�thodologiques pos�es, il reste toutefois n�cessaire d'essayer de mieux cerner, sur le plan quantitatif, le ph�nom�ne sectaire.

Deux types d'�valuation ont �t� communiqu�s � la mission : l'une r�sulte des observations de la Direction centrale des Renseignements g�n�raux; l'autre, plus indirecte, des �tudes d'un certain nombre d'experts.

1.- L'�valuation par les Renseignements g�n�raux

Le ph�nom�ne sectaire fait l'objet, depuis une vingtaine d'ann�es, d'un suivi r�gulier par les Renseignements g�n�raux. Toutefois, l'actualit� du ph�nom�ne et les moyens limit�s de la DCRG n'autorisent pas l'ex�cution fr�quente de travaux de synth�se.

Deux bilans ont � ce jour �t� dress�s, l'un dans le cadre de l'�laboration du rapport de M. Alain Vivien " Les sectes en France " , en 1982, l'autre � la demande de la commission d'enqu�te.

L'analyse tr�s compl�te et tr�s fine � laquelle ont proc�d� les Renseignements g�n�raux retient une d�finition de la secte fond�e sur la dangerosit� suppos�e des diff�rents mouvements, elle-m�me d�duite de l'existence d'un ou plusieurs indices parmi les suivants : d�stabilisation mentale, exigences financi�res exorbitantes, rupture avec l'environnement d'origine, atteintes � l'int�grit� physique, embrigadement des enfants, discours antisocial, troubles � l'ordre public, d�m�l�s judiciaires, d�tournements des circuits �conomiques, infiltration des pouvoirs publics. Sur ces bases, ont �t� recens�s, dans le cadre de chaque d�partement m�tropolitain, les associations remplissant l'un au moins de ces dix crit�res.

Ils ont de surcro�t distingu�, pour chaque mouvement, " l'organisation m�re " des diff�rentes " filiales " qui gravitent autour d'elle, que celles-ci soient " officielles " (antennes locales portant le nom de la secte), ou " masqu�es " (associations diverses, voire soci�t�s civiles ou commerciales).

Les diff�rentes " organisations-m�res " ont, de plus, fait l'objet d'une �valuation quantitative permettant de les r�partir entre celles qui comptent moins de 50 adeptes, entre 50 et 500 adeptes, entre 500 et 2.000 adeptes, plus de 2.000 adeptes. Il est � signaler que seul le mouvement des T�moins de J�hovah d�passe en France les 10.000 fid�les (leur nombre est �valu� � 130.000).

Pour la plupart, les mouvements �sot�riques ou se rattachant � l'anthroposophie (), bien que pr�disposant parfois des individus fragilis�s � un " cheminement sectaire " , n'ont pas �t� mentionn�s, en raison de leur innocuit� objective. De m�me, l'immense majorit� des groupes se r�clamant exclusivement du Nouvel Age, multiples et � l'audience souvent confidentielle, ont �t� exclus de cette �tude car se situant encore aux " franges sectaires " .

L'agr�gation, au niveau national, des r�sultats obtenus par d�partement permet de tirer un certain nombre d'enseignements, relatifs au nombre des sectes en premier lieu, � celui de leurs adeptes en second lieu, � la dynamique du mouvement enfin.

les structures sectaires

Le nombre de mouvements recens�s par la DCRG et r�pondant � l'un des crit�res de dangerosit� indiqu�s ci-dessus s'�l�ve aujourd'hui � 172 pour les " organisations-m�res " . L'inclusion des " filiales " dans l'�tude permet de constater l'existence, en France, d'une v�ritable " n�buleuse sectaire " comptant plus de 800 satellites.

Une �tude de la r�partition g�ographique des sectes montre que le ph�nom�ne n'a pas une ampleur uniforme sur le territoire fran�ais.

Les organisations m�res se concentrent pour l'essentiel sur quatre grandes r�gions (carte n\xfb 1) :

- la premi�re englobe l'Ile-de-France et ses d�partements limitrophes pour s'�tendre jusqu'� la Manche et une partie de la Bretagne ;

- la seconde irradie autour de l'estuaire de la Gironde pour toucher le Nord de l'Aquitaine et le Sud de la r�gion Poitou-Charentes ;

- la troisi�me dessine le sillon rhodanien pour s'�largir � la quasi-totalit� de la r�gion Provence-Alpes-C�te d'Azur ;

- la quatri�me enfin est circonscrite � deux d�partements lorrains, la Moselle et la Meurthe et Moselle.

A l'inverse, les r�gions Centre, Nord-Pas-de-Calais, Maine et Loire, Franche-Comt� semblent relativement �pargn�es.

L'inclusion des " filiales " dans la repr�sentation cartographique ne modifie pas la repr�sentation du ph�nom�ne sectaire, m�me si elle accro�t l'impression de diffusion sur l'ensemble du territoire national (carte n\xfb 2).

Cette impression est encore accrue si l'on adjoint � cette derni�re repr�sentation cartographique l'influence repr�sent�e par les T�moins de J�hovah, dont les lieux de culte ( " salles du royaume " ) sont nombreux dans un certain nombre de d�partements peu touch�s par le reste du ph�nom�ne sectaire, notamment le Calvados, le Finist�re, les Pyr�n�es Atlantiques, le Doubs (carte n\xfb 3).

Les adeptes des sectes

M�me s'il est difficile de proc�der � un chiffrage pr�cis, tant il est ardu de distinguer le v�ritable adepte du disciple occasionnel ou du simple sympathisant, les Renseignements g�n�raux estiment � 160.000 le nombre d'adeptes au moins occasionnels, et � 100.000 le nombre de sympathisants.

Il est cependant n�cessaire d'affiner ces r�sultats en faisant valoir que 80 % des mouvements regroupent moins de 500 adeptes, pr�s de 60 sectes comptant m�me moins de 50 adeptes. On constate donc une concentration du ph�nom�ne sectaire sur une quarantaine de mouvements, dont on verra, de surcro�t, que ce sont ceux qui r�pondent le plus souvent � un grand nombre de crit�res de dangerosit�.

Les listes suivantes pr�sentent, class�es par ordre alphab�tique et pour chaque classe d'effectifs d�finie, le nom des mouvements pouvant, � l'aune des crit�res d�finis, �tre qualifi�s de sectaires.

- Mouvements sectaires de moins de 50 adeptes :

Alliance Rose Croix / Association Recherches Culturelles
AMPARA
Association Culturelle ALPHA
Association de soutien � l'oeuvre de Sundari - L'Ecole de l'essentialisme
Association Le Droit de survie
Association spirituelle d'Haidyakhan
Centre d'applications psychiques "Rapha�l"
Centre d'�panouissement et aide Fran�ois de Sales
Centre de d�veloppement humain
Centre de th�rapie Dalmatie
Cl� de l'univers
Club pr�lude � l'Age d'or
Communaut� de la Th�baide
Communaut� Les boucheries
Cosmicia
Cosmos - Intuition - Ailes
Dakpo Shampa Kadgyu
Ecole de la pr�paration de l'�vacuation extra terrestre
Eglise Khristique de la J�rusalem Nouvelle ordre de Raolf, d'Arnold et d'Osmond
Eglise philosophique Lucif�rienne
El - Etre son corps
Emissaries of the divine light
Enseignement et th�rapie de recherches �volutives
Etre-Exister-Energ�tique
Fondation Saint-germain
Grande loge souveraine internationale magique et theurgique de rite �gyptien - Cagliostro
Ermitage du Christ de la paix
Imagine
Insight seminars - Innergy
Institut de psychanimie
Institut de recherches psychanalytiques
Institut Frank Natale
Kofuku no kagaku (institut pour la recherche du bonheur de l'homme)
L'arbre au milieu
La nouvelle �re
Le suicide des rives
Landmark education international - Le forum
Le club des surhommes
Le village du verseau
Les amis de la confr�rie Saint-Andr�as
Les amis de Marie - Les pauvres de Marie
Les crois�s de la nouvelle Babylone
Les jardins de la vie
Loisirs et sant� - Le corps miroir
Lumi�re dor�e
MAEV
M�thode Sylva de contr�le mental
Ordonnance des scribes scientifiques et des myst�res initiatiques
Ordre des chevaliers de France et de la Trinit� Sainte
Ordre du temple universel
Red concept limited
R�v�lation de la 7�me heure
Sanctuary
Savoir changer maintenant
Shinji Shumeikai France
Spiritual Emergence Network France - Respiration holotropique
Viveka

- Mouvements sectaires de 50 � 500 adeptes :

Amis de la croix glorieuse de Dozule
Arche de Marie
ASPIRAL
Association de d�fense des libert�s d'expression dans l'institution fran�aise (ADLEIF)
Association de m�ditation en France
Association Nouvelle Acropole France (ANAF)
Association pour l'unification du christianisme mondial
Association pour la promotion des arts industrieux (APPAI)
Association pour la recherche et l'�tude de la survivance (APRES)
Association Vo Vi de France - Amis de la Science du non �tre de France
ATHANOR
AZAZEL INSTITUTE INC
Centre d'Etudes Gnostiques
Centre d'information OSHO
Centre de documentation et d'information et de contact pour la pr�vention du cancer
Centre de m�ditation Mahatayana
Centre du cygne Djivana Prana - Source de vie
Centre du Paraclet
Centre international de parapsychologie et de recherche scientifique du Nouvel Age
Cercle initiatique de la licorne Wicca occidentale
Com�tes oxyg�nes - Le moulin du soleil
Communaut� pour la propagation de la vie universelle
Communion de satonnay
Eckankar France
Eija
Energie et cr�ation - Energie et cr�ativit�
Energy world
Espace culturel Etre maintenant (ECEM)
Etude tradition et recherche en �nerg�tique (E.T.R.E.)
Facult� de parapsychologie
Famille de Nazareth
F�d�ration fran�aise pour la conscience de Krishna
F�d�ration internationale pour le d�veloppement de l'alimentation instinctive (FIDALI)
Fondation Elan vital
Harmonie holistique
Humana France - TVIND
Iesu no mitama kyokai (Eglise du Saint Esprit de J�sus)
Institut de recherche physique et conscience
Institut de Saint-Preux
Institut des sciences holistiques de l'Ouest
Institut th�ologique de Nimes
L'Eglise � Paris
La famille (ex-enfant de Dieu)
La science du mental
La voie de la lumi�re (unit� de recherches pour l'�volution de la lumi�re)
La voie internationale
Le grand logis
Lectorium rosicrucianum (Rose-Croix d'or)
Lumi�re du Maat
Maha Shakti Mandir
Mandala 33
Mission Swmi Atmananda Atma Bodha Satsanga
Mission Timoth�e
Mouvement humaniste
Office culturel de Cluny - F�d�ration nationale d'animation globale
Ogyen Kunzang Choling
Ordo Templi Orientis
Ordre apostolique - Therapeutic healing environment
Ordre du Graal ardent
Ordre du lys et de l'aigle
Ordre monastique d'Avallon
Ordre r�nov� du Temple (ORT)
Oxyon 777 (ex-Harmonia)
Paravidya sagesse supr�me
Partage international communication
Philosophe de la nature
Reine de la paix - Ordre du coeur immacul� de Marie et de Saint Louis de Montfort
Reiyukai
Saint Bani
Saman
Seimeikyo Europe
Siderella
Sister mouvement rasta
Soci�t� holosophique de France
Star's edge international - M�thode Avatar
Sukyo Mahikari - Lumi�re de v�rit�
Tradition Famille Propri�t�
Trans-mutations
Venture
Vital Harmony SA

- Mouvements sectaires de 500 � 2.000 adeptes :

Alliance universelle
ANTHROPOS - Association pour la recherche sur le d�veloppement holistique de l'homme
Association Subud de France - Susila Dharma France
Association Sri Chinmoy de Paris
Culte Antoiniste
Domaine d'Eph�se
Eglise �vang�lique de Pentec�te de Besan�on
Eglise universelle de Dieu
Eglises du Christ international en France
Fraternit� blanche universelle
Fraternit� Notre Dame
Invitation � la vie intense
L'oeil s'ouvre
La maison de Jean
La parole de foi - Evang�lisation mondiale
Mouvement du Graal en France
Ontologie m�thodique culture et tradition
Paris Dharma Sah - Lotus Sangha of European social buddhism
Soci�t� internationale de trilogie analytique -sarl-
Union des associations centres et groupes Sri Sathya Sai
Universit� spirituelle internationale des Brahma Kumaris
Vie chr�tienne en France - Centre de vie chr�tienne
Viswa Nirmala Dharma - Sahaja Yoga

- Mouvements sectaires de 2.000 � 10.000 adeptes :

Association Lucien J. Engelmajet
CEDIPAC SA (ex-GEPM)
Chevaliers du Lotus d'or
Communaut� des petits fr�res et des petites soeurs du Sacr�-coeur
Eglise de scientologie de Paris
Eglise n�o-apostolique de France
Eglise universelle du royaume de Dieu
Energie humaine et universelle France - HUE France
Institut de science vedique maharishi Paris - C.P.M. - Club pour m�ditants ( " M�ditation transcendentale " )
Mouvement Ra�lien fran�ais
Shri Ram Chandra Mission France
Soka Gakkai internationale France

Enfin, le nombre des T�moins de J�hovah peut �tre estim� � 130.000.

Dynamique du ph�nom�ne sectaire

On pourrait a priori penser appr�cier la dynamique du ph�nom�ne sectaire en comparant les deux bilans dress�s � treize ann�es d'intervalle par les Renseignements g�n�raux ().

Un certain nombre de raisons interdisent toutefois de pouvoir tirer des conclusions significatives d'une telle comparaison. En effet :

- l'enqu�te de 1995, � la diff�rence de celle effectu�e en 1982, n'incorpore pas les r�sultats de l'enqu�te (en cours) dans les DOM-TOM ;

- la moindre sensibilisation des enqu�teurs � la sp�cificit� du ph�nom�ne sectaire n'avait pu, en 1982, permettre d'inclure dans l'�tude les " filiales masqu�es " ;

- la qualification de certains mouvements consid�r�s comme sectaires en 1982 (dissidences chr�tiennes, anthroposophie, groupes �sot�riques) a �t� revue en 1995. A l'inverse, de nouveaux mouvements ont �t� qualifi�s de sectaires en 1995 alors qu'ils n'apparaissaient pas comme tels en 1982 (Association Lucien J. Engelmajer, dite " Le Patriarche " ). La question reste de surcro�t pendante pour des groupements r�cemment apparus, qui n'ont pas �t� retenus en 1995 (Le Groupement, Herbalife).

Seules de grandes tendances peuvent donc �tre d�gag�es, qui peuvent �tre synth�tis�es dans le tableau ci-apr�s :

| | 1982 | 1995 | | | ----------------------- | ---------- | --------- | | Nombre de mouvements | ~ 190 | ~ 170 | | Nombre de filiales | non estim� | ~ 800 | | Nombre d'adeptes | ~100.000 | ~160.000 | | dont T�moins de J�hovah | 75.000 | 130.000 | | Nombre de sympathisants | " 50.000 | " 100.000 |

La plus importante semble �tre la multiplication des " filiales " des mouvements sectaires, beaucoup plus nombreuses aujourd'hui que celles d�cel�es en 1982, m�me si un d�nombrement pr�cis n'avait pas alors �t� effectu�. Comme il a d�j� �t� dit, le ph�nom�ne des " satellites cach�s " �tait embryonnaire � l'�poque et, de fa�on g�n�rale, les sectes �taient nettement moins diss�min�es qu'aujourd'hui. A titre d'exemple, on mentionnera que, selon la DCRG, pr�s de 60 filiales sont rattach�es � l'Eglise de Scientologie.

L'augmentation du nombre de mouvements sectaires est ind�niable. Une �tude typologique (cf. infra) montre que cette augmentation est due pour partie � la vigueur du courant " Nouvel Age " , qui a vu le nombre de ses structures consid�rablement augmenter, m�me si celles-ci ne rassemblent qu'un faible nombre d'adeptes.

La progression du nombre d'adeptes et de sympathisants est consid�rable puisqu'elle est de 60 % pour les premiers et de 100 % pour les seconds.

M�me si elle ne peut �tre mesur�e avec une exactitude scientifique, la dynamique sectaire est donc importante, quel que soit le crit�re retenu pour l'appr�cier.

Cette appr�ciation est corrobor�e par les constatations, plus indirectes, des experts ayant �tudi� le ph�nom�ne sectaire.

2.- L'�valuation par les diff�rents experts

Deux grandes associations ont aujourd'hui pour objet la lutte contre le ph�nom�ne sectaire.

La plus ancienne est constitu�e par l'Union Nationale des Associations pour la D�fense de la Famille et des Individus (UNADFI), qui regroupe vingt associations locales, dont la premi�re fut fond�e en 1974.

C'est sept ans plus tard qu'a �t� cr�� le Centre de documentation, d'�ducation et d'action contre les manipulations mentales (CCMM), � l'initiative de Roger Ikor, � la suite de la mort de son plus jeune fils, victime d'une secte.

Il est � signaler que d'autres experts disposent d'une comp�tence reconnue sur le ph�nom�ne sectaire : m�decins, universitaires, hommes d'Eglise, journalistes, ils appartiennent aux horizons les plus divers.

Le tableau ci-apr�s r�capitule les estimations fournies sur le nombre d'adeptes de certaines sectes par un certain ombre d'ouvrages parus entre 1977 et 1987. Il montre clairement qu'en l'espace de ces dix ann�es, le nombre suppos� des adeptes de chacune d'entre elles a consid�rablement augment�, exception faite de la Mission de la Lumi�re divine.

L'UNADFI a par ailleurs communiqu� � la Commission une estimation, pour 1995, du nombre d'adeptes des principales sectes implant�es en France. Ce recensement partiel fait appara�tre, pour la seule trentaine de sectes cit�es, qui n'inclut pas les T�moins de J�hovah, un nombre d'adeptes sup�rieur � 120.000. Cette estimation semble donc sensiblement sup�rieure � celle des Renseignements g�n�raux, qui �valuent � 160.000 le nombre des adeptes des quelque 172 groupements qu'ils reconnaissent comme sectes.

Le m�me �cart est perceptible pour le nombre de structures sectaires, �valu� le plus souvent entre 200 et 300 (un des interlocuteurs de la Commission a m�me avanc� le chiffre de 1.000).

La d�claration suivante, faite devant la Commission, traduit bien l'importance estim�e du ph�nom�ne sectaire en m�me temps que la difficult� � l'appr�hender.

" En quantit�, il est tr�s difficile de chiffrer le fait sectaire. Les maximalistes voient des sectes partout et consid�rent qu'il y a des centaines de milliers de Fran�ais qui sont touch�s. Je crois qu'il faut �tre plus raisonnable. Il y a sans doute des formes un peu aberrantes de religiosit� qui ne sont pas pour autant des sectes, dont le comportement des adeptes n'est pas en lui m�me particuli�rement remarquable, ni m�me condamnable. Ce que je dirai, c'est qu'il doit y avoir en France, � l'heure actuelle, entre 200 et 300 sectes qui ont une importance et une audience extr�mement vari�es, que ces milieux sont tout � fait instables, � la fois parce que certaines, comme toutes les organisations humaines, se d�veloppent alors que d'autres meurent, qu'elles sont influenc�es par l'�tranger, ce qui signifie que des passages de populations �trang�res s'effectuent et qu'en m�me temps des Fran�ais s'expatrient dans d'autres sites o� la secte est implant�e. Toutes ces associations doivent concerner, directement ou indirectement, environ un demi-million de Fran�ais. Quand je dis ``directement'', je pense bien entendu aux adeptes eux-m�mes, ceux qui sont entr�s dans une secte et qui en sont sortis, � la rigueur ceux qui sont sur le point d'y entrer, mais �galement tout l'environnement familial et social des adeptes de sectes qui subit naturellement les r�percussions des pratiques et des comportements sectaires de ceux-ci. "

LES ADEPTES DES SECTES (1) DANS LES ANNEES 1970 - 1980 : ESTIMATIONS

Nom de la secte Alain Woodrow Claude Petit-Castelli Jean-Fran�ois Mayer Janine & J. Marie Vermander Jean Vernette Ren� Girault
Les nouvelles sectes Seuil 1977 Les sectes : Enfer ou Paradis Ed. de Messine 1977 Les Sectes Nouvelles Cerf 1977 Des sectes Diablement V�tres Ed. Soceval 1986 Des sectes � notre porte Chalet 1987
Enfants de Dieu (Famille d'amour) 6.000 15.000.000 10.243 - 7.000
250 � 300 - - - 200
Adventistes du 7�me jour 2.500.000 - - - 4.100.000
5.000 - - - 8.400
MORMONS : Eglise de J.C. des Saints derniers jours 3.500.000 4.000.000 - 3.000.000 6.000.000
10.000 - - - 15.000
T�moins de JEHOVAH 2.200.000 4.000.000 - 2.000.000 3.200.000
64.019 - - 15.000 92.397
Antoinistes 150.000 en 1900 - - - 20.000
- 20.000 - - 2.000
Scientistes Chr�tiens Christian Science 1.500.000 - - - 1.500.000
2.500 - - - environ : 1.000
Conscience de KRISHNA 5.000 17.000 - - -
plusieurs centaines quelques milliers 450 - plusieurs centaines
Guru MAHARAT JI Mission de la Lumi�re Divine 7.000.000 7.000.000 - - 16.000.000
2.000 3.000 - - 1.000
MOON Eglise de l'Unification du Christianisme Mondial 2.000.000 2.000.000 de 100.000 � 3.000.000 600.000 500.000
1.000 - 100 � 200 - plusieurs centaines
SOKA GAKKAI Nichiren Shoshu 20.000.000 15.000.000 - - 7.000.000 (Japon)
1.000 3.000 - - 6.000
M�ditation transcendantale 1.000.000 1.500.000 2.500.000 - -
90 prof. 20.000 20.000 - 40.000
RAELIENS - - 7.200 � 10.000 - 5.000
- - 2.500 - 1.500
SCIENTOLOGIE 2.000.000 2 � 3.000.000 - - 1.000.000
1.000 + 10.000 -20.000 - 2.000

D�nombrement des adeptes de sectes en 1995 par l'UNADFI

Nom de la Secte Adeptes
France Monde
Alliance universelle 1.000 2.000
Antoinistes 2.500 200.000
Communaut� des Chr�tiens 300 80.000
Eglise du Christ de Paris 700
Eglise du Christ scientiste 800 480.000
Eglise �vang�lique de Pentec�te de Besan�on 500
Eglise n�o apostolique 17.700 7.187.000
Eglise universelle de Dieu 300 100.000
La Famille (ex Enfants de Dieu) 250 12.000
Fraternit� blanche universelle 20.000
Krishna 1.000 80.000
IVI 7.000
Longo mai 200 + 70 enfants
Mahikari-Sukyo Mahikari 15 � 20.000 500.000
Mandarom ou Chevaliers du Lotus d'or 2.000
MT M�ditation transcendantale 3.500.000
Moon ou association du Saint esprit pour l'Unification mondiale 500 180.000
Mormons ou Eglise de J�sus Christ des Saints des derniers jours 25.000 8.406.985
Mouvement du Graal 950 9.000
Mouvement parti humaniste 200
Nouvelle Acropole 10.000
Raja Yoga ou Organisation spirituelle des Brahma Kumaris 200
Ram Chandra mission 60 pr�cepteurs pour 600 " Abhiasys "
Raeliens 1.000 20.000
Sahaja Yoga Matapi 200
Saint Erme 350
Scientologie 1.000 + 6.000 clients 11.000.000
Sokka Gakkai + Nichiren Soshu 6.000 17.000.000

Une mesure indirecte de l'activit� sectaire peut �tre fournie par l'analyse des appels t�l�phoniques re�us par le centre parisien de l'ADFI qui, en 1994, s'est vu interroger sur les activit�s de 1.150 associations ou mouvements. Si cette mesure s'apparente plus � un sondage qu'� une analyse pr�cise, elle permet toutefois d'appr�cier le pros�lytisme des diff�rents mouvements, ainsi que, probablement, leur audience relative en r�gion parisienne.

Consultations re�ues par t�l�phone dans les locaux de l'ADFI (centre parisien) et relatives � certains groupes

| | 1989 | 1990 | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | | | ----------------------------------- | ---- | ---- | ---- | ---- | ---- | --- | | Scientologie | 389 | 829 | 976 | 862 | 563 | 414 | | T�moins de Jehovah | 104 | 215 | 345 | 101 | 231 | 236 | | G.E.P.M. | NR | 10 | 130 | 300 | 496 | 946 | | Nouvelle Acropole | 20 | 59 | 118 | 125 | 118 | 82 | | Sahaja Yoga (Sri Mataji) | 27 | 38 | 111 | 127 | 36 | 21 | | T.F.P. (Avenir de la culture) | 32 | 89 | 101 | 45 | 26 | 27 | | Mandarom (Aumisme) | NR | NR | 97 | <10 | 48 | 42 | | I.V.I. | 73 | 50 | 96 | 88 | 113 | 105 | | Sokka Gakai | 66 | 27 | 82 | 90 | 122 | 90 | | Eglise du Christ | 9 | 25 | 71 | 94 | 95 | 217 | | Moon | 57 | 102 | 65 | 40 | 79 | 41 | | Krishna | 84 | 16 | 57 | 25 | 24 | 31 | | Ecoovie | 79 | 23 | 55 | 34 | 57 | 34 | | Rose Croix | 17 | 15 | 49 | 70 | 65 | 68 | | Rael | 24 | 40 | 44 | 70 | 48 | 110 | | Le Patriarche | 9 | 10 | 40 | 30 | 27 | 70 | | Mormons | NR | 12 | 38 | 17 | 31 | 33 | | M�ditation transcendantale | 17 | 34 | 26 | 25 | 46 | 36 | | Graal | | NR | 24 | <15 | 23 | 16 | | Pentec�tistes | | NR | 24 | | | | | Hommes d'affaires du plein Evangile | NR | NR | 24 | <10 | <10 | 31 |

NR : non r�pertori�. Source : ADFI Paris

Par ailleurs, les diff�rents experts auditionn�s par la Commission ont, en r�gle g�n�rale, confirm� qu'au cours des derni�res ann�es, le mouvement sectaire s'est, tant en termes de structures que de nombre d'adeptes, consid�rablement d�velopp�, m�me s'ils ne disposent pas de donn�es chiffr�es pr�cises sur cette tendance.

Au-del� des difficult�s de mesure, il n'appara�t pas contestable que le ph�nom�ne sectaire est aujourd'hui en France bien r�el, et qu'il semble en progression.

Par ailleurs, les caract�ristiques de son �volution laissent pr�sager des potentialit�s d'expansion qui ne laissent pas d'inqui�ter votre commission.

C.- UN PH�NOM�NE EN EXPANSION POTENTIELLE

Le ph�nom�ne sectaire a connu depuis quelques d�cennies d'importantes �volutions qui influent sur les tendances actuellement constat�es ; une appr�ciation prospective montre de surcro�t la tendance � une expansion potentielle.

1.- Les grandes tendances actuelles

Il n'est �videmment pas possible de proc�der dans le cadre de ce rapport, dont ce n'est au demeurant pas l'objet, � une �tude historique du ph�nom�ne sectaire, dont les sp�cialistes soulignent la permanence dans le temps et l'universalit�.

Tite Live dans son ouvrage " Les sectes religieuses en Gr�ce et � Rome " se livrait d�j� � un r�cit circonstanci� de l'affaire des Bacchanales, adeptes du culte de Bacchus.

Sous l'empire romain, les premi�res communaut�s chr�tiennes furent pers�cut�es tant � cause de leur refus du serment � l'Empereur qu'en raison des accusations de sorcellerie (r�unions nocturnes) ou d'anthropophagie (rite de la communion) dont elles firent l'objet. Les proc�s en sorcellerie dont furent victimes au Moyen-Age jusqu'au d�but de la R�forme, pr�s de 100 000 personnes en Europe t�moignent de la persistance du ph�nom�ne sectaire. Les religions chr�tiennes ne sont pas la seule source d'exemples : ainsi l'Islam dont un courant �sot�rique est repr�sent� par le soufisme a-t-il donn� naissance � la secte des Hashishins, qui combattit les Templiers en Terre sainte.

L'�volution r�cente du ph�nom�ne sectaire permet toutefois de d�gager un certain nombre de grandes tendances relatives respectivement � la nature des sectes, � leur organisation, aux th�mes d�velopp�s par elles, � la fa�on dont elles sont per�ues enfin.

a) La nature des sectes

Une �tude des sectes actuellement implant�es en France montre que celles-ci se sont install�es en deux vagues bien distinctes.

La premi�re remonte au d�but du XXe si�cle, qui a vu des mouvements religieux n�s pour la plupart dans des pays anglo-saxons s'enraciner dans la soci�t� fran�aise. T�moins de J�hovah, Mormons, Pentec�tistes, Adventistes, Baptistes : tous ces mouvements issus du monde protestant vinrent joindre leur contestation de la doctrine officielle de l'Eglise � celle d�j� exprim�e par des groupes issus de la mouvance catholique (Antoinistes, adeptes du Christ de Montfavet).

La seconde vague d�ferle � la fin des ann�es 1960, toujours en provenance des Etats-Unis, mais marqu�e par une plus grande empreinte orientaliste d'une part, �sot�rique ou gnostique d'autre part. Rel�vent notamment du premier courant l'Association internationale pour la conscience de Krishna (fond�e en 1966), l'Association pour l'Unification du Christianisme mondial (AUCM, ou secte Moon) et la Soka Gakka�.

Au titre du second courant, on citera les groupes li�s � Rose-Croix, l'Eglise de Scientologie ou l'anthroposophie. D'autres sectes proposant des alternatives globales fond�es sur l'�cologie (Ecoovie), la croyance aux extra-terrestres (Mouvement ra�lien), les techniques de m�ditation (M�ditation transcendantale), voire la fraternit� (Nouvelle Acropole) connaissent �galement un essor rapide.

Ce mouvement orientaliste et �sot�rique ne doit pas cependant faire oublier la permanence, voire la mont�e en puissance, de mouvements issus du tronc jud�o-chr�tien, qu'ils soient mill�naristes (T�moins de J�hovah, n�buleuse des mouvements du Nouvel Age) ou gu�risseurs (Invitation � la Vie Intense, IVI).

Cette �volution, trac�e � grands traits, permet de d�gager un certain nombre de caract�ristiques :

- la prolif�ration croissante de ces mouvements, d'origine relativement r�cente. Aucune classification ni description ne peut �tre consid�r�e comme d�finitive ou satisfaisante, tant de multiples mouvements m�langent les genres ou les influences pr�c�demment d�finis : si les renseignements g�n�raux d�nombrent avec une relative pr�cision les mouvements pouvant �tre qualifi�s de " sectes " , toute �num�ration en la mati�re encourt le reproche d'�tre incompl�te, car par nature limitative ;

- la place croissante que jouent dans ce mouvement les organisations d'origine confessionnelle enti�rement nouvelles proposant une explication globale du monde, au d�triment des organisations se pr�sentant comme une s�cession, un schisme d'une Eglise pr�c�demment �tablie ;

- l'�volution dans la nature du public touch�. Les mouvements protestants de la premi�re vague recrutaient leurs adeptes dans des milieux relativement d�favoris�s, chez les personnes adultes, le plus souvent du sexe f�minin. Les organisations s'�tant d�velopp�es apr�s 1968 sont caract�ris�es par la jeunesse et la mixit� de leur public, issu en g�n�ral des classes moyennes.

Au-del� de ces �l�ments relatifs � la nature des sectes, on constate en g�n�ral d'autres points communs qui, sans s'appliquer � l'ensemble des sectes cit�es ci-dessus, sont n�anmoins caract�ristiques d'une �volution de leurs structures et des th�mes d�velopp�s par elles : c'est ainsi la fa�on dont sont per�ues les sectes qui est profond�ment modifi�e.

b) La structure des sectes

La plupart des sectes, poursuivant en cela une �volution depuis longtemps entam�e, sont organis�es sur un mod�le pyramidal garantissant l'exercice du pouvoir au profit d'une personne (le gourou) et/ou d'une �lite restreinte.

Comme toutes les structures pyramidales, elles reposent sur une coupure entre les adeptes de base et les dirigeants, temp�r�e par l'existence d'�chelons interm�diaires, dont le nombre se r�duit au fur et � mesure que l'on progresse vers le sommet.

Il s'�tablit entre ces diff�rents �chelons des liens complexes de d�pendance, organisant la distribution des r�les, du savoir, du pouvoir. Un tel syst�me garantit l'existence de filtres efficaces restreignant les voies d'acc�s au gourou ou � l'�lite, prot�g�s de la base par leur isolement et la symbolique de leur pouvoir.

R�ciproquement, les adeptes sont r�compens�s de leur fid�lit� par une progression au sein de la secte, mat�rialis�e par l'obtention de grades et de dipl�mes, voire par des b�n�fices plus mat�riels. Le passage � un �chelon sup�rieur est souvent l'occasion d'une c�r�monie initiatique.

Encore convient-il de souligner que, dans bien des mouvements, coexistent plusieurs types de structures pyramidales relatives � l'organisation cultuelle de l'enseignement, des services administratifs et financiers : cette prolif�ration des structures rigidifie encore l'organisation d�crite.

c) Les th�mes d�velopp�s par les sectes

A la diff�rence des th�mes d�velopp�s par les organisations schismatiques d'Eglises �tablies, qui se concentrent sur un certain nombre de critiques et de propositions alternatives de nature religieuse, le discours tenu par les nouvelles sectes fait une large place au perfectionnement individuel, pr�f�r� � l'action collective ou profane.

C'est dans cet esprit que sont le plus souvent promus les th�mes de l'exemple personnel, du pros�lytisme. C'est pour cette raison qu'est souvent pr�n�e, sous des formes diverses, une certaine asc�se se caract�risant par l'abstention d'un certain nombre de pratiques (consommation de tabac et d'alcool), la promotion de nouvelles habitudes alimentaires ou sexuelles, voire la r�duction du temps du sommeil.

A l'extr�me, une telle asc�se peut conduire � la rupture avec les relations ant�rieures, au travail au b�n�fice partiel ou exclusif de la secte, voire � la vie en commun. Une telle attitude de repli sur soi ou sur un groupe restreint est en contradiction avec tout engagement ext�rieur � la secte.

On con�oit que l'�volution consid�rable de la nature, des structures, des th�mes d�velopp�s par les sectes modifie consid�rablement la mani�re dont elles sont per�ues.

d) La perception du ph�nom�ne sectaire

Alors que jusqu'au d�but des ann�es 1970, les mises en garde contre les sectes �taient avant tout le fait des Eglises, qui se situaient dans une logique r�solument th�ologique et pastorale, les d�bordements de certaines organisations, les atteintes r�elles ou suppos�es � l'ordre public ou aux libert�s individuelles, ont contribu� � une modification brutale de la fa�on dont elles sont per�ues.

Ce ph�nom�ne s'est traduit par la constitution d'associations de d�fense (Centre Roger Ikor, UNADFI en France) et le d�veloppement d'un contentieux judiciaire relativement important. La gravit� des agissements criminels de certaines sectes (attentats, suicides collectifs, assassinats) a � juste titre �mu les m�dia et l'opinion publique.

Date Lieu Secte Nombre de morts Circonstances
18/11/1978 Jonestown Guyana Temple du peuple 923 suicide
03/06/1983 Smithville (Arkansas) Groupe Comitatus 2 affrontement
15/05/1985 Philadelphie (Pensylvanie) Move 11 affrontement
19/09/1985 Mindanao (Philippines) Datu Mangayanon 60 suicide
01/11/1986 Wokayama (Japon) Eglise des amis de la v�rit� 7 suicide
28/08/1987 S�oul (Cor�e du sud) Park Soon ja 32 suicide
21/08/1992 Naples (Idaho) Mouvement Identit� Chr�tienne 3 affrontement
19/04/1993 Waco (Texas) Davidsoniens 88 suicide affrontement
04/10/1994 Suisse Canada Temple solaire 48 5 assassinats et suicides
5/03/1995 Tokyo (Japon) Aoum 11 morts 5000 bless�s attentat

Source : J.P. MORIN - Futuribles - Novembre 1994 - Tableau compl�t� pour les �v�nements post�rieurs � 1994.

S'il convient de ne pas surestimer les risques que se produisent en France de tels d�bordements, une vigilance accrue s'impose.

Et si la focalisation m�diatique sur des d�rapages extr�mement alarmants ne doit pas conduire � couvrir d'un m�me opprobre toutes les sectes, elle ne doit pas non plus, en mettant en " valeur " des groupes extr�mement minoritaires, conduire � sous-�valuer les risques que font peser sur leurs adeptes des mouvements de grande ampleur et d'une dangerosit� beaucoup plus consid�rable bien que - et en m�me temps, parce que - beaucoup moins �vidente.

Cette remarque est d'autant plus importante que l'on peut aujourd'hui d�nombrer un certain nombre d'indices qui font penser - et craindre - que le ph�nom�ne sectaire a des potentialit�s de d�veloppement non n�gligeables.

2.- Les facteurs d'expansion potentielle

Deux principaux facteurs permettent d'avancer l'id�e d'une expansion potentielle du ph�nom�ne sectaire : les sectes disposent en effet aujourd'hui de moyens financiers puissants, mis au service de leur pros�lytisme actif ; surtout, elles r�pondent � des besoins importants, bien qu'exprim�s de mani�re diffuse.

a) La r�ponse � des besoins importants

Il serait faux de pr�senter le d�veloppement du ph�nom�ne sectaire comme se r�duisant exclusivement � la manipulation de personnalit�s fragiles par des groupes coercitifs par l'application de techniques psychologiques �prouv�es.

Une telle explication serait singuli�rement r�ductrice d'un ph�nom�ne extr�mement complexe. La commission a pu constater que le ph�nom�ne sectaire �tait au contraire indissociablement li� � l'existence d'une demande, de besoins qui ne trouvent pas d'autre moyen d'�tre satisfaits.

Un m�decin auditionn� par la Commission, peu suspect de complaisance � l'�gard du ph�nom�ne sectaire, a ainsi insist� sur la complexit� de la dialectique entre l'offre et la demande en ce domaine : " vous rencontrez le meilleur et le pire dans les sectes (...). Parfois, par le biais des sectes, des personnes se retrouvent dans un groupe chaleureux, d'autres redonnent un sens � leur vie, d'autres encore se structurent. Parmi mes patients, certains sont entr�s dans des sectes. Je ne voudrais pour rien au monde qu'ils en sortent, car cela leur sert momentan�ment de tuteur. Bien entendu, cela ne l�gitime pas l'ensemble du ph�nom�ne, mais c'est vous dire qu'il y a des aspects tr�s positifs. Si on ne le comprend pas, on ne comprendra pas davantage le succ�s des sectes. Nos contemporains ne sont pas des imb�ciles. S'ils se ruent par centaines de milliers dans ces mouvements, c'est qu'ils ont des raisons et surtout qu'ils y trouvent des r�ponses (...) " .

L'�mergence de besoins spirituels nouveaux r�sulte de la conjonction d'un certain nombre de facteurs connus, qui ne seront rappel�s ici que pour m�moire.

Il est certain que la contestation du productivisme, l'effondrement des id�ologies politiques, les remises en cause du scientisme, du mat�rialisme, le d�clin continu des religions " traditionnelles " ont fortement remis en cause le mod�le sur lequel les soci�t�s occidentales s'�taient d�velopp�es depuis le XIXe si�cle.

Cet �branlement des croyances traditionnelles et des grands principes d'organisation sociale a suscit� nombre de d�ceptions, de frustrations, de tentatives de red�finition. L'incertitude de l'avenir a d�s lors contribu� � la multiplication des groupes proposant une explication globale de l'Homme, de nouvelles religiosit�s.

Ce retour du religieux ou, plus pr�cis�ment, du spirituel, n'a paradoxalement pas profit� aux Eglises traditionnelles - et plus particuli�rement en France � l'Eglise catholique, toujours confront�e � une baisse continue de la pratique religieuse et des vocations.

Il n'�tait �videmment pas dans le r�le de la Commission de s'attacher � une �tude approfondie de ce ph�nom�ne. Nul cependant, m�me au sein de l'Eglise catholique, ne cherche � nier le d�calage entre les attentes des fid�les ou anciens fid�les et le discours tenu par l'Eglise, m�me si celle-ci tente parfois de d�gager sa responsabilit� en accusant la mentalit� contemporaine, qui vise � la " satisfaction imm�diate et au confort mat�riel, �rige la ``libert� en absolu'', sans r�f�rence � la V�rit� et � des valeurs autres que celles ``de l'individu, du milieu et du groupe''. Les nouvelles formes de religiosit�, le d�veloppement des sectes r�v�lent les lacunes de ``l'ath�isme pratique'' qui se d�veloppe partout en Europe " . (conclusions du Synode Est-Ouest, 1991).

Il a r�sult� de l'ensemble de ces �volutions une certaine spontan�it� spirituelle : la croyance est aujourd'hui v�cue de mani�re relativement libertaire, en tout cas hors des institutions traditionnelles.

C'est sur ce terreau favorable � l'�closion de nouveaux mouvements religieux que sont intervenus la crise �conomique et le bouleversement des structures familiales.

Le Rapport Vivien signalait d�j� " des aspirations � plus de bonheur familial bien compris ou � plus de pl�nitude affective pr�existant � l'entr�e dans une secte et cela malgr� l'apparence de relations familiales harmonieuses " . L'entr�e dans une secte repr�sente souvent une r�ponse s�curitaire � l'expression de besoins affectifs ou conviviaux qui ne sont pas satisfaits dans le cadre familial ou celui du travail.

Enfin, l'individualisme des ann�es 1980 a suscit� un courant pr�nant la transformation personnelle, l'am�lioration des capacit�s de chacun. Il est rare que ce th�me ne soit pas exploit� par les associations sectaires. Ainsi que l'a pr�cis� � la Commission une des personnalit�s auditionn�es, " il est vrai que si l'on se mobilise, on augmente ses capacit�s. Les troubles fonctionnels l�gers - petits maux de ventre, de t�te ou rhumatismes - disparaissent pour peu que l'on ait une forte motivation. Les sectes obtiennent donc des r�sultats. C'est vrai que l'on augmente ses capacit�s, c'est vrai que si l'on se mobilise autour de n'importe quoi, m�me le culte de la betterave, on peut devenir meilleur, plus fort, plus efficace et plus dynamique (...). Nous sommes tous tent�s de d�velopper notre potentiel. Qui d'entre nous ne le serait pas ? (...). Les personnes se ruent dans les sectes parce qu'elles ne trouvent plus dans le monde que nous leur avons construit les rep�res, les moyens de mobilisation, la cr�dibilit� des appareils. Bien s�r, nous sommes lourdement responsables. On attrape les mouches avec du vinaigre. Les gens ont besoin d'id�al. On entre dans une secte avant tout par id�al. Il ne faut pas se tromper. Les sectes manient une langue de bois que l'on n'ose m�me plus pratiquer ailleurs ! " .

On livrera enfin le t�moignage d'un ancien adepte d'une secte, particuli�rement r�v�lateur des raisons pouvant pousser des individus � s'agr�er � de telles structures : " Tout d'abord, je crois qu'il y a ce mal du si�cle, ce mal de vivre qui est de plus en plus pr�sent. La cellule familiale est souvent �clat�e, le p�re en particulier est souvent absent ou, au contraire, trop pr�sent, par sa violence par exemple. A travers une secte, l'on recherche une famille, un p�re d'emprunt, une autorit�, un mod�le qui nous a fait d�faut. Du jour au lendemain, on se retrouve avec deux cents, trois cents amis, qui vous recevront, qui vous accueilleront. Votre couvert sera mis. On vous entendra. Vous vous sentez en confiance.

Les personnes qui entrent dans les sectes sont souvent des id�alistes, des personnes qui recherchent la perfection, pas toujours, mais en partie.

Personnellement, l'�clatement familial, le d�sir id�aliste m'ont pouss�.

Le gourou nous disait : ``Le monde va mal''. Il suffit d'allumer la t�l�vision � l'heure des informations pour s'en convaincre. Il y a des guerres, des maladies, des probl�mes partout. Le monde va mal. Que peut-on faire � titre individuel pour essayer qu'il aille mieux ? C'est ce que nous proposait le gourou.

Voulions-nous am�liorer la situation de la terre, de la plan�te, des autres ? " Commencez par vous-m�me, commencez par vous transformer et vous transformerez le monde " . J'y croyais. Je me transformais pour transformer le monde " .

On con�oit d�s lors que la vision du monde propos�e par les sectes s�duise un nombre croissant d'individus dans toutes les couches de la population fran�aise.

L'hypoth�se d'un profil d�termin� pr�existant � l'entr�e dans une secte et donc y pr�disposant, est aujourd'hui largement battue en br�che. De nombreuses �tudes ont montr� que le profil psychologique des adeptes des nouveaux groupes religieux se situe dans une zone normale, m�me si l'existence d'un �pisode d�pressif semble un facteur favorable � l'attirance pour un groupe sectaire. Ainsi que le relevait le rapport Vivien, " m�me si on ne peut conclure sur l'existence ou non d'un profil de client�le sectaire, il semble que des difficult�s ou des souffrances aig�es constituent toutefois un terreau propice. "

Il faut de surcro�t signaler que le th�me du perfectionnement individuel a attir� vers les sectes une client�le qui lui �tait encore r�cemment inaccessible : celle des �tudiants (cherchant � accro�tre leurs performances pour la r�ussite � un examen...), des �lites intellectuelles, et notamment scientifiques.

De nombreux interlocuteurs de la Commission ont tent� d'expliquer ce ph�nom�ne par la difficult� pour certains scientifiques de supporter l'id�e de doute, et, en cons�quence, par leur attirance pour des mouvements proposant des explications globales. Par ailleurs, les intellectuels sont pour la plupart convaincus de leur capacit� � r�sister aux techniques suggestives des sectes: " Qui davantage qu'un intellectuel est certain de ne pas �tre manipul� ? L'homme de la rue se m�fiera, mais l'intellectuel dira : ``je ne suis pas manipulable''. La vuln�rabilit� des �lites r�side pr�cis�ment dans la certitude de ne pas �tre manipulables. "

Il r�sulte des pr�c�dents d�veloppements qu'il est particuli�rement difficile - pour ne pas dire impossible - de d�finir un profil des adeptes des sectes qui soit diff�rent de celui de la population g�n�rale.

Quelques tendances peuvent n�anmoins �tre d�gag�es :

- les adeptes sont majoritairement issus des classes moyennes et ais�es de la soci�t�, beaucoup plus rarement des classes modestes, ce qui s'explique en partie par le souhait des sectes de rencontrer un public " solvable " ;

- si l'�ge des adeptes est extr�mement variable, deux groupes semblent dominer : celui des jeunes adultes (25 - 35 ans), dans les sectes orientalistes, gnostiques ou du Nouvel Age, celui des personnes de 50 - 60 ans dans les groupes de pri�re ou de gu�rison ;

- l'adh�sion � la secte repr�sente souvent une r�ponse � des conflits sociaux ou familiaux auxquels le futur adepte est confront�.

Dans le m�me esprit, il est � noter que l'Eglise de Scientologie a pr�cis� � la Commission que " ses adeptes appartiennent � toutes les cat�gories sociales. Il s'agit principalement de gens socialement int�gr�s et m�rs puisque leur moyenne d'�ge est de 35 ans " .

b) Des techniques de recrutement de plus en plus sophistiqu�es

Les techniques de recrutement des sectes sont aujourd'hui largement connues. Elles ne s'appuient en aucune mani�re sur un processus coercitif, � la diff�rence de certaines m�thodes employ�es lorsque l'adepte est mieux int�gr� au sein de la structure sectaire, et qui conduisent � des pratiques de " captation de consentement " manifestes, comme on le verra ci-apr�s. La particularit� des m�thodes de recrutement utilis�es par les sectes explique la situation paradoxale du nouvel adh�rent d'une secte qui se trouve �tre une victime consentante.

Les techniques de recrutement des sectes s'appuient sur une tr�s grande diversit� de th�mes et d'instruments ; la d�marche psychologique des futurs adeptes est aujourd'hui mieux connue.

Les th�mes de propagande utilis�s par les sectes sont extr�mement divers. On mentionnera, outre les th�mes religieux :

les th�mes �thiques : un grand nombre de sectes se pr�sentent, elles-m�mes ou des institutions qui leur sont li�es, comme des d�fenseurs de l' " �thique " . Particuli�rement significatif � cet �gard est le journal de l'Eglise de Scientologie d�nomm� " Ethique et Libert� " . Un certain nombre d'associations li�es � l'Eglise de Scientologie agissent officiellement pour le respect des droits de l'Homme, celui des libert�s ou la promotion de la tol�rance : on mentionnera notamment le Comit� fran�ais des scientologues contre la discrimination, la commission des citoyens pour les Droits de l'Homme, le Mouvement pour la Paix en Europe. L'Association des femmes pour la Paix mondiale, la F�d�ration interreligieuse pour la Paix mondiale, l'Association des familles internationales et Familles et vie d�pendent, elles, de la secte Moon.

les th�mes �cologiques : la secte " Ecoovie " qui pr�ne ainsi l'exclusion des acquis contemporains de la vie sociale et �conomique et le retour au mode de vie des tribus indiennes primitives, s'est longtemps fait conna�tre par les actions de l'association " SOS D�serts " , qui s'est donn� pour but d'arr�ter la progression du d�sert dans le Sahel.

les th�mes m�dicaux : les sectes gu�risseuses, comme l'Association " Invitation � la Vie intense " (IVI), affirment le caract�re pr�tendument curable de maladies pour lesquelles le diagnostic m�dical est fort r�serv�, ou bien concurrencent les services m�dicaux de soins palliatifs. Sans rappeler les pol�miques li�es aux actions de l'Association Lucien J. Engelmajer (gestionnaire des centres d'accueil " Le Patriarche " ), il est � noter que nombre de sectes ont d�velopp� des centres de soins pour toxicomanes (Narconon, pour l'Eglise de Scientologie).

les th�mes culturels : bien que la plupart des sectes aient d�velopp� des associations � caract�re culturel, on mentionnera plus particuli�rement la Nouvelle Acropole, dont les diff�rentes ANAF (Association Nouvelle Acropole France) proposent nombre de conf�rences, r�unions et cycles de formation.

les th�mes �ducatifs : de nombreuses �coles priv�es sont li�es � des sectes, et proposent par des publicit�s affich�es sur les murs des grandes villes un enseignement de soutien ou de rattrapage.

les th�mes li�s � la transformation personnelle : on a d�j� vu toute leur importance pour les sectes �tant apparues apr�s 1968. On signalera ici qu'ils sont essentiellement exploit�s par la Facult� de Paraspychologie de Paris, la Scientologie, la M�ditation transcendantale ou la Famille de Nazareth.

les th�mes li�s � l'�panouissement de la sexualit� : ils sont particuli�rement exploit�s par les sectes Analyse Actionnelle Organisation, la Famille ou les Ra�liens.

Les instruments de propagande utilis�s par les sectes sont eux aussi extr�mement divers : d�marchage dans la rue ou � domicile, diffusion de journaux, publicit� par voie d'affichage ou de presse, conf�rences, cycles de formation.

Quels que soient les th�mes et instruments utilis�s par les sectes, la d�marche psychologique du futur adepte semble aujourd'hui mieux connue.

Ainsi que l'indique le Dr Jean-Marie Abgrall (Le cerveau prisonnier), " le recrutement d'un adepte passe par trois phases, � partir desquelles l'adh�sion va s'obtenir progressivement, en m�me temps qu'appara�t une forme de d�pendance intellectuelle et affective. Tour � tour, le nouvel adepte va �tre s�duit, persuad� puis fascin� par la secte et ses membres recruteurs " .

La premi�re phase du recrutement est �videmment celle de la s�duction. Elle vise � proposer une alternative s�duisante aux difficult�s de la vie quotidienne. Il est rare que les futurs adeptes se pr�sentent spontan�ment � une structure sectaire : les premiers contacts ont lieu le plus souvent � l'initiative des agents recruteurs des sectes, eux-m�mes jug�s � l'aune de l'efficacit� de leur pros�lytisme.

Le principe de s�duction veut que le premier contact soit destin� � favoriser le processus d'identification entre le recruteur et le recrut�. Cette identification repose sur un certain nombre de crit�res permettant au futur adepte �ventuel de percevoir une similitude entre lui-m�me et son interlocuteur. Ce sentiment peut �tre obtenu par des ressemblances d'attitude, l'approbation syst�matique du bien-fond� des interrogations exprim�es par le futur adepte. La r�ussite de cette phase de s�duction est bien s�r largement conditionn�e par le choix du public au sein duquel le recrutement est op�r� , et donc celui des lieux de rencontre, qui sont en g�n�ral d�termin�s en fonction de leur densit� de fr�quentation. Le Dr Abgrall pr�cise ainsi qu' " un d�marchage � domicile " (type T�moins de J�hovah) utilisera des d�marcheurs en famille (p�re, m�re, enfant, ou pr�sum�s tels), la famille recrutante �tant souvent illusoire et constitu�e sans liens familiaux r�els. L'aspect " jeune cadre dynamique " des scientologues conviendra mieux au d�marchage dans des cit�s universitaires, des clubs de gymnastique, ou des caf�s � la mode (...). Qui ne sait reconna�tre les jeunes �vang�listes Mormons, aux cheveux coup�s ras, � l'�ternel blazer bleu marine et � la cravate club discr�te ? Comment ne pas noter le caract�re bon chic bon genre mais un peu d�suet des T�moins de J�hovah ?

Tout ceci fait l'objet de choix d�lib�r�s, proc�dant d'une �tude pr�cise de l'image � transmettre � l'autre. "

Le sentiment d'identification est �galement obtenu par le choix des outils utilis�s pour la premi�re prise de contact : si le fameux " test de personnalit� " de l'Eglise de Scientologie peut �tre propos� � tout passant paraissant quelque peu d�soeuvr�, l'organisation d'un cycle de conf�rences sur les civilisations antiques se pr�tera plus aux pr�occupations des �tudiants des facult�s d'histoire qu'� celles des �l�ves d'�conomie, davantage int�ress�s par une initiation aux techniques de communication ou d'am�lioration de l'efficacit�... On rappellera enfin que le principe de s�duction avait �t� pouss� dans sa logique ultime par David Mo�se, fondateur de la secte Enfants de Dieu, qui avait clairement pr�n� la " p�che par le flirt " ou " racolage missionnaire " pour recruter de nouveaux adeptes, et dont le mouvement fut dissous en 1978 pour prostitution.

En tout �tat de cause, le recruteur doit disposer d'une bonne capacit� � percevoir le cadre de r�f�rence de son interlocuteur, ses composantes �motionnelles.

La seconde phase du recrutement, une fois suppos�s �tablis des liens de sympathie, consiste � persuader le futur adepte de la cr�dibilit� du discours. Lionel Bellanger (La persuasion, PUF, 1985) d�finit les " 4 C " de la communication persuasive saine : pour qu'un message soit persuasif dans l'hypoth�se d'un libre arbitre reconnu � l'�ventuel futur persuad�, il convient que ce message soit cr�dible (il faut qu'il puisse s'appuyer sur des preuves), coh�rent (absence de contradiction intrins�que), consistant (continuit� du propos) et congruent (ad�quation entre le message d�livr� et l'attente de celui auquel il s'adresse). L'objectif du recruteur, dans le domaine du pros�lytisme, consiste � faire passer progressivement son interlocuteur du monde r�el � celui des croyances, sans susciter de ph�nom�ne de rejet d�finitif. Ce passage progressif s'obtient par la fabulation (travestissement du r�el), la simulation (cr�dibilisation d'un message erron�), la dissimulation, la calomnie, l'�quivoque, soit un ensemble de techniques permettant de s'adapter aux attentes de l'interlocuteur, de passer de la persuasion � la mystification. Ces techniques parfaitement au point ne sont pas en elles-m�mes r�pr�hensibles ; en tout cas, elles sont � la base des actions de marketing de tout ordre et ne tombent en rien sous le coup de la loi. Une des personnalit�s auditionn�es par la Commission a ainsi pr�sent� la d�fense qui pourrait �tre invoqu�e par les sectes : " Tout est manipulation, il n'y a rien � faire. Le commercial, le politique, le processus amoureux, la discussion d�mocratique, la publicit�, la t�l�vision, tout vise � manipuler les personnes. De toute fa�on, il ne faut pas s'affoler : tout le monde manipule tout le monde. " .

On verra que la dangerosit� du discours de persuasion tenu par les sectes ne tient pas tant aux techniques utilis�es, qu'aux cons�quences de l'adh�sion � laquelle elles ont conduit.

La derni�re composante de la d�marche conduisant � l'adh�sion est la fascination, obtenue le plus souvent lors de la rencontre avec la pi�ce ma�tresse de la dynamique sectaire (r�sultats positifs � un test, assistance � un rite, rencontre du gourou, etc...), qui introduira le caract�re magique dans la relation entre le futur adepte et la secte, suscitera l'irruption dans l'univers symbolique de la secte et conduira � la volont� d'engagement.

Cet expos� rapide des traits dominants des techniques de recrutement utilis�es par les sectes montre le caract�re tr�s particulier de la d�marche, qui vise � obtenir le consentement expr�s du futur adepte ne sont pas des techniques de coercition mais de persuasion qui sont mises en oeuvre : l'adepte est formellement consentant.

Plusieurs interlocuteurs de la Commission ont mis en �vidence ce paradoxe : l'originalit� des groupes sectaires r�side dans le fait que, notamment lors du processus aboutissant � l'adh�sion, la victime est acteur. Un certain parall�lisme peut �tre �tabli avec la d�marche des toxicomanes : " Nous avons des controverses avec les parents de toxicomanes. Ceux-ci pensent - d'une certaine fa�on � juste titre - que sans l'horrible dealer leur enfant serait un ange. Ils oublient les neuf dixi�mes du trajet qu'a parcouru le malheureux enfant, responsable ou non, mais de son fait, pour se rendre dans les bras dudit dealer. Il ne faut pas exclure la part volontaire de l'adepte, qui n'est pas un imb�cile que l'on manipulerait - c'est vous et moi --, mais (...) qui s'est rendu d�lib�r�ment " . Dans cette optique, les recruteurs des sectes ont pu �tre pr�sent�s comme des " dealers de transcendance " . A cet �gard, une image utilis�e par une personne entendue par la Commission para�t particuli�rement apte � faire comprendre le caract�re conscient de la d�marche du futur adepte : " les sectes ne sont pas un filet qui s'abat sur des gens, mais une nasse dans laquelle ils se rendent " .

c) Une puissance financi�re

Il est ind�niable qu'un certain nombre de sectes disposent de moyens financiers particuli�rement importants.

Lafayette Ron Hubbard, fondateur de la scientologie, avait d'ailleurs proclam�, non sans cynisme, dans son discours de Newark : " Si l'on veut vraiment devenir millionnaire, le meilleur moyen consiste � fonder sa propre religion. "

Ce fait est patent, reconnu par la plupart des dirigeants des sectes auditionn�s par la Commission, m�me s'ils se sont montr�s tr�s �vasifs sur les budgets exacts de leurs associations. Une appr�ciation de ceux-ci demeure donc largement le fait de ceux qui s'opposent aux sectes, et encourt donc le risque d'�tre jug�e sur�valu�e. Cela �tant, si les sectes estiment que les informations qui circulent ne sont pas conformes � la r�alit�, il ne tient qu'� elles de faire preuve de la plus grande transparence dans la pr�sentation de leurs moyens financiers, ce qui est tr�s loin d'�tre le cas. Elles auraient d�s lors mauvaise gr�ce � se plaindre - ce qu'elles ne manquent pourtant pas de faire - de l'absence d'objectivit� des jugements port�s sur leur assise financi�re.

L'ouvrage collectif du Centre Roger Ikor " Les sectes, �tat d'urgence " comporte de nombreux renseignements permettant de prendre conscience du v�ritable empire financier constitu� par certaines associations.

Les cas de la secte Moon ou de la Scientologie sont trop connus pour �tre ici rappel�s.

Le CCMM estime, concernant la M�ditation transcendentale, que le droit � l'initiation est fix� au quart du salaire mensuel, que le prix d'un cours de Sidhi s'�l�ve � 40.000 F.

La m�me source avance, pour le mouvement ra�lien, une cotisation de 3 % des revenus annuels nets pour l'admission au mouvement fran�ais, de 7 % pour l'adh�sion au mouvement international et de 10 % pour l'appartenance au gouvernement mondial g�niocrate.

La puissance financi�re de la Soka Gakka� se d�duit, selon la m�me source, des r�cents investissements immobiliers de la secte (domaine des Forges � Trets, ch�teau des Roches � Bi�vres).

L'importance des sommes en jeu explique la strat�gie de nombreuses associations, qui choisissent de s'implanter dans des pays dot�s d'une l�gislation fiscale " tol�rante " : ainsi en va-t-il des Etats-Unis (o� le premier amendement � la Constitution est interpr�t� dans un sens extr�mement lib�ral), de nombreux Etats d'Am�rique du Sud ou des pays europ�ens anciennement communistes.

Les dirigeants des sectes auditionn�s par la Commission n'ont en g�n�ral pas ni� cette puissance financi�re, allant m�me, non sans humour ou sans cynisme, jusqu'� affirmer que leurs associations ne repr�sentent pas des religions pr�nant la pauvret� comme vertu.

Ils ont fait en g�n�ral valoir :

- que leurs ressources proviennent des contributions volontaires vers�es par les fid�les en contrepartie de certains services (religieux ou non), de la vente de publications et de dons financiers �manant de particuliers ;

- que leurs comptes sont approuv�s par des cabinets d'experts-comptables dont la r�putation n'est plus � faire ;

- qu'ils sont en r�gle avec l'administration fiscale, ayant le plus souvent accept� les redressements impos�s par l'administration.

Certains dirigeants vont m�me jusqu'� reconna�tre les liens particuliers les unissant � des entreprises. Dans la contribution �crite d�pos�e devant la Commission par l'Eglise de Scientologie de Paris, on peut ainsi lire : " De plus, comme tout citoyen, certains scientologues travaillent dans le monde des affaires et � ce titre dirigent des entreprises priv�es. Il leur arrive de soutenir l'Eglise par des dons financiers mais ceci n'est en aucun cas une obligation. C'est � la discr�tion de la personne.

Enfin, il existe une structure appel�e WISE qui regroupe des entreprises ayant d�cid� d'employer la technologie de management de Monsieur Hubbard et ont pour but de cr�er un monde des affaires o� r�gne une plus grande �thique. "

Quant aux anciens adeptes dont la Commission a auditionn� un certain nombre, il ressort de leurs t�moignages :

- que le montant des contributions exc�de largement les services rendus... et les moyens des adeptes, souvent amen�s � verser une grande part de leurs revenus aux sectes, voire � s'endetter dans des proportions difficilement imaginables ;

- que le caract�re volontaire de ces contributions peut souvent �tre sujet � caution, tant l'�tat de d�pendance des donateurs � l'�gard de la secte conduit � s'interroger sur la permanence de leur libre arbitre ;

- que le mode de vie des dirigeants laisse pr�sumer que l'int�r�t bien compris de ceux-ci semble parfois primer les buts religieux officiellement d�clar�s de leur association.

Une telle situation ne laisse par d'inqui�ter : en effet, les associations affectent d'importants moyens au pros�lytisme et mettent de surcro�t en place des structures juridiques leur permettant d'accro�tre les moyens dont elles pourraient b�n�ficier.

C'est en effet en se fondant sur une interpr�tation stricte du caract�re cultuel des associations constitu�es par les divers mouvements religieux ou philosophiques que le Conseil d'Etat a jusqu'� maintenant refus� � certaines d'entre elles le b�n�fice de la possibilit� de recevoir des dons et legs.

L'arr�t Association fraternit� des serviteurs du Monde nouveau (CE, 21/01/1983) confirme ainsi la l�galit� d'un d�cret du Premier ministre, rejetant le recours administratif de l'association contre un arr�t� pr�fectoral lui refusant l'autorisation de percevoir un legs en consid�rant que " admettant m�me que l'association (...) ait aussi pour objet l'exercice d'un culte, il ressort des pi�ces du dossier qu'elle se consacre depuis sa cr�ation � l'�dition et � la diffusion de publications doctrinales : qu'ainsi (...) elle n'a pas exclusivement un tel objet, que d�s lors elle n'est pas fond�e � soutenir que c'est � tort que le d�cret attaqu� a confirm� la d�cision pr�fectorale lui refusant l'autorisation de recevoir un legs . "

Dans un cas de la m�me esp�ce (Association cultuelle de l'�glise apostolique arm�nienne de Paris, CE, 29/10/1990), le Conseil d'Etat, sans m�me mettre en avant l'existence d'une activit� commerciale, confirme le rejet de la requ�te de l'association : " Consid�rant qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts... l'association cultuelle de l'�glise apostolique arm�nienne de Paris a notamment pour but de ``promouvoir la vie spirituelle, �ducative, sociale et culturelle de la communaut� arm�nienne'' ; que l'association requ�rante ne peut, d�s lors, �tre regard�e comme ayant exclusivement pour objet l'exercice d'un culte... " .

C'est pour l'ensemble de ces raisons qu'un certain nombre d'associations ont choisi de distinguer au sein de leurs activit�s plusieurs p�les, en s�parant notamment de leurs activit�s exclusivement cultuelles, exerc�es au sein d'associations cultuelles, leurs activit�s commerciales (�dition, librairie) effectu�es au sein de soci�t�s � responsabilit� limit�e.

Une telle �volution, au demeurant parfaitement l�gale, ne peut toutefois manquer d'inqui�ter, la plupart des associations affichant clairement (et on ne peut, d'un seul point de vue juridique, le leur reprocher) leur volont� d'affecter � l'expansion de leur mouvement une large part de leurs moyens financiers : tous les dirigeants des sectes entendus par la Commission ont affirm� la vocation de leur association � se d�velopper et � r�pandre leurs croyances par le pros�lytisme.

L'importance des moyens dont disposent un certain nombre d'associations sectaires, dont t�moigne notamment le luxe des documents pr�sentant leurs activit�s qui ont �t� remis aux membres de la Commission, vient incontestablement renforcer le pouvoir d'attraction des sectes et augmenter l'efficacit� des techniques de recrutement utilis�es.

II.- UN PH�NOM�NE MULTIFORME AUX EFFETS COMPLEXES

A.- UN PH�NOM�NE DIVERSIFI�

Il est particuli�rement difficile de dresser un tableau complet du ph�nom�ne sectaire en France, en raison de l'extr�me diversit� des mouvements qui le composent.

Le rapport de M. Alain Vivien r�partissait, en 1982, les 116 sectes recens�es en trois cat�gories : orientales, syncr�tiques et �sot�riques, racistes et fascistes.

Les Renseignements g�n�raux ont aujourd'hui adopt� une d�marche qui permet d'affiner consid�rablement l'analyse. On exposera la m�thode retenue par la DCRG et les principaux r�sultats de son �tude, tels qu'ils ont �t� communiqu�s � sa demande � votre commission.

1.- La m�thode adopt�e par les Renseignements g�n�raux

La d�marche suivie par les Renseignements g�n�raux consiste � rattacher chaque mouvement �tudi� � une " famille " de pens�e ou de pratique. Treize qualificatifs ont �t� retenus pour proc�der au classement, qu'il convient, pour la clart� de l'analyse, de pr�ciser bri�vement.

- Analyse des crit�res de qualification doctrinale des sectes

Les groupes " Nouvel Age " .

On a regroup� sous ce qualificatif les organisations se r�clamant du courant n�o-spiritualiste se r�f�rant � l'absolu comme " �nergie-conscience " et mettant en oeuvre diff�rentes techniques pour connecter l'adepte avec cet absolu.

Les doctrines du Nouvel �ge (), popularis�es par un grand nombre d'auteurs, reposent sur l'id�e que le monde est sur le point d'entrer dans une nouvelle �re, celle du Verseau, correspondant � une nouvelle prise de conscience spirituelle et marqu�e par de profondes mutations. Elles se fondent donc sur un mill�narisme pour l'an 2000 (le millenium est le r�gne de mille ans attendu avant le jour du Jugement dernier).

Les tenants de ces doctrines ont souvent pour objectif de d�finir la nouvelle religion mondiale destin�e, selon eux, � se substituer aux religions chr�tiennes de l'�re du Poisson qui ont elles-m�mes supplant� les religions mosa�que (�re du B�lier) et babylonienne (celle du Taureau).

Comme l'indique le dictionnaire des religions, ces doctrines se fondent sur un certain nombre de convictions, parmi lesquelles " la r�incarnation et la loi du karma. La r�alisation spirituelle comme objectif de l'existence individuelle et l'�veil � une conscience plan�taire comme objectif de l'existence collective, la nature divine de la conscience int�rieure, et le r�le du corps comme lieu d'int�gration au cosmique, une anthropologie faisant place au corps subtil, �th�rique, astral; et une cosmologie faisant place aux anges et aux esprits, la croyance � un Christ cosmique animant l'univers comme une �nergie subtile, et � l'existence d'avatars christiques, tel J�sus, venant guider p�riodiquement l'humanit� vers son destin spirituel " .

Les groupes " alternatifs "

Ils proposent en g�n�ral une organisation diff�rente des circuits �conomiques, du mode de production, du commerce mondial, des rapports humains.

Le mouvement Humana France (�coles TVIND) a ainsi pour doctrine l'aide humanitaire (essentiellement consacr�e aux victimes de la famine, de la guerre, de la maladie, des catastrophes), l'assistance � la promotion de projets dans le tiers-monde et d'�tudes visant � contribuer � la recherche sur les causes de la pauvret� et de la souffrance.

Le Mouvement humaniste, fond� en 1969 par l'Argentin Mario Rodriguez Cobos, dit Silo, repose, lui, sur l'id�ologie du silo�sme se donnant pour but d'�radiquer la violence et la souffrance personnelle par le d�veloppement personnel et la transformation sociale. Celle-ci est ax�e sur la solidarit�, la non-violence active, la non-discrimination, la lutte contre les monopoles, les coop�ratives, l'autogestion.

Les groupes " �vang�liques " et " pseudo-catholiques " .

On regroupe sous ces deux qualificatifs les mouvements qui, tout en se r�f�rant � la tradition chr�tienne (protestante dans un cas, catholique dans l'autre) sont r�unis autour de personnes (pasteurs, anciens pr�tres) d�veloppant une attitude de gourou. Dans le cas des groupes " pseudo catholiques " , leur doctrine est le plus souvent tellement �loign�e de la th�ologie de l'Eglise qu'ils sont exclus de sa communion.

Parmi les groupes �vang�liques les plus actifs, on peut notamment citer l'Alliance universelle, l'Eglise �vang�lique de Pentec�te de Besan�on, la Famille (ex Enfants de Dieu) et, bien s�r, la secte Moon.

La secte Moon (Association pour l'unification du christianisme mondial) professe l'�chec de J�sus, mort pauvre et sans avoir pu cr�er une famille parfaite. Il revient au r�v�rend Moon de cr�er cette famille, conform�ment au souhait m�me de J�sus-Christ, qui lui est apparu en 1936. Pour la r�alisation de cet objectif, le r�v�rend doit notamment acqu�rir une puissance �conomique qui lui permette de vaincre Satan. Cette organisation est tr�s repr�sentative des mouvements �vang�liques purs.

Parmi les mouvements pseudo-catholiques les plus actifs, on mentionnera Invitation � la Vie Intense (cf. infra), ou Traditions Famille Propri�t�, li�e � l'association " Avenir de la Culture " .

L'objectif de TFP est de restaurer la civilisation chr�tienne (campagnes d'Avenir de la culture contre le Minitel rose, la distribution de pr�servatifs, campagnes de TFP contre les fils Je vous salue Marie, ou la tentation du Christ) mais aussi de lutter contre la r�forme agraire au Br�sil (le fondateur de TFP est le br�silien Plinio Correa de Oliveira), contre le socialisme et de r�tablir la monarchie.

Les mouvements " apocalyptiques "

Ils pr�disent tous un prochain cataclysme mondial (tel celui d�j� annonc� par les T�moins de J�hovah � quatre reprises pour 1874, 1914, 1925 et 1975), en se r�f�rant soit � l'Apocalypse de Saint Jean, soit � la doctrine hindouiste des cycles.

Les mouvements " n�o-pa�ens "

Alors que dans la perspective chr�tienne, les pa�ens sont les membres des peuples n'ayant pas �t� atteints par la pr�dication chr�tienne ou l'ayant refus�e, la notion de n�o-paganisme renvoie, elle, � celle d'hommes se r�f�rant � d'autres dieux que celui de la Bible.

Les mouvements " n�o-pa�ens " se r�f�rent le plus souvent aux mythologies celtiques ou nordiques, voire � l'animisme.

On citera, pour la France, trois mouvements professant de telles doctrines : l'Ordre monastique d'Avallon, le Suicide des Rives et Cl� de l'Univers.

Les mouvements " sataniques "

Ces mouvements ont pour point commun de rendre un culte � l' " Adversaire " de la tradition biblique, Satan, dans une d�monologie foisonnante.

Rel�vent de ce courant, les mouvements Azazel Institute, le Cercle initiatique de la licorne occidentale, l'Eglise philosophique lucif�rienne ou les Crois�s de la nouvelle Babylone.

Les mouvements " gu�risseurs "

On peut qualifier de " gu�risseuses " les th�ories professant un mode de gu�rison non reconnu par la science m�dicale actuelle.

Le degr� de dangerosit� de ces th�ories varie suivant quelles compl�tent ou se substituent � des techniques plus scientifiques, qu'elles entra�nent ou non des interactions avec des substances actives prescrites par des m�decins.

Les mouvements gu�risseurs sont extr�mement divers.

Un des plus anciens est le culte antoiniste, fond� par Louis Antoine � la fin du dernier si�cle. La notion de maladie est ni�e, de m�me que celle de la mort (croyance en la r�incarnation) : c'est l'intelligence qui cr�e la souffrance, c'est la seule foi en elle-m�me qui la supprime, et non l'intervention des professionnels de sant�.

Le mouvement HUE France (branche fran�aise de l'Institute for Human and Universal Energy Reseach Inc - IHUERI) se rattache, lui, au courant plus Nouvel �ge ou orientaliste. La th�rapie propos�e consiste � " injecter de l'�nergie universelle dans l'organisme du patient (...) en d�bloquant les canaux d'�nergie " , gr�ce � une action consistant � maintenir les chakras ouverts. L'ensemble des pathologies est couvert par les techniques de l'IHUERI.

Plus r�cent et d'apparence catholique, le groupe Invitation � la Vie Intense (IVI) a �t� fond� en 1977 par Yvonne Trubert. La doctrine, fond�e sur l'affirmation du caract�re b�n�fique de certaines " harmonisations " et " vibrations " , emprunte � de multiples th�ories, y compris m�dicales.

Il est � signaler que les mouvements gu�risseurs recrutent, dans des proportions non n�gligeables, parmi les professionnels de la sant�, m�dicaux ou para-m�dicaux, ce qu'un des interlocuteurs de la Commission a expliqu� de la mani�re suivante : " Aujourd�hui, de nombreux m- ce n�est pas moi qui prendrai position - les e classique. Ils cherchent donc des voies nouvelles dans les ms que l�on voit fleurir: mn particulier les m amen ��J�ai trouvous sommes en train d�e nouvel arrivant a ainsi la caution de ses confrante, j�allais dire sur un plan scientifique. Il entre donc dans la secte, il y dle. Tous les gourous que j�ai ntelligence ! "

Les mouvements " orientalistes "

On regroupe sous ce qualificatif une extr�me diversit� de mouvements se r�f�rant, tout en les d�voyant, aux religions et doctrines m�taphysiques orientales, tel le bouddhisme, l'hindouisme ou le tao�sme.

On peut regrouper dans ce courant l'Association Sri Chinmoy de Paris, le Centre de m�ditation Mahatayma, la F�d�ration fran�aise pour la conscience de Krishna, Maha Shakti Maudir, la Mission Snimi Atmananda Afma Bodha Satsanga, la Shi Ram Chandra Mission, et bien s�r la Soka Gakka�.

La Soka Gakka� pr�tend enseigner (malgr� le schisme de 1990 avec Nichiren Sh�sh�) la doctrine de Nichiren, moine bouddhiste du XIIIe si�cle qui professait une version nationaliste et intol�rante du bouddhisme. L'acc�s � la paix et au bonheur est garanti au fid�le qui respecte un certain nombre de pratiques, parmi lesquelles la r�citation gonkyo de certains chapitres du S�tra du Lotus, la r�citation da�moku de la formule sacr�e d'adoration, la d�votion au mandala, rouleau o� s'inscrivait cette invocation. La Soka Gakka� se pose comme une religion universelle, qui unifiera le bouddhisme et la soci�t�.

Les mouvements " occultistes "

On d�signe par occultisme la croyance en l'existence et en l'efficacit� de pratiques (le dictionnaire Robert �voque notamment l'alchimie, l'astrologie, la cartomancie, la chiromancie, la divination, la magie, la n�cromancie, la radiesth�sie, la t�l�pathie) qui ne sont reconnues ni par les religions, ni par la science, et requi�rent une initiation particuli�re.

Alors que l'�sot�risme postule l'existence d'une tradition primordiale de l'Homme qui ne lui aurait pas �t� r�v�l�e et qui ne peut �tre connue que par l'enseignement, l'occultisme est la recherche de pouvoirs magiques initiatiques. Il existe n�anmoins d'innombrables passerelles entre les deux courants qui autorisent certains � parler d'un courant d'�sot�ro-occultisme.

Pour ceux-ci, l'Homme est form� de trois principes (le physique, l'astral et le divin) dont l'�quilibre a �t� rompu, et qu'il convient de restaurer par l'initiation, qui permet de r�tablir un lien entre le visible et l'invisible, ce que l'on per�oit et ce qui �chappe aux sens.

Rel�vent de ce courant aux pratiques les plus diverses le mouvement d'otonlogie m�thodique Culture et Tradition, l'Association Nouvelle Acropole France (ANAF), la Rose-Croix d'Or, l'Ordonnance des Scribes Scientifiques et des Myst�res Initiatiques.

En relevait �galement l'Ordre du Temple Solaire, fond� en 1984 par Luc Jouret et dont les activit�s ont tragiquement pris fin le 5 octobre 1994 (massacres de Morin Heights et de Fribourg, au Canada et en Suisse).

Les mouvements " psychanalytiques "

Difficile � cerner, le mouvement " psychanalytique " d�veloppe diverses techniques parapsychologiques pr�tendant gu�rir l'inconscient de traumatismes divers.

La Facult� de Parapsychologie, la Famille de Nazareth (fond�e sur l'enseignement de la psychologie existentielle, confondant les r�les du psychoth�rapeute et du ma�tre spirituel) sont des repr�sentants de ce mouvement, dont l'Eglise de Scientologie est cependant l'�l�ment dominant.

Une publication de l'association, diffus�e � l'occasion du quaranti�me anniversaire du mouvement, pr�sente ainsi la doctrine de la Scientologie :

" La scientologie comprend un ensemble de connaissances qui proviennent de certaines v�rit�s fondamentales. Parmi les premi�res de ces v�rit�s sont les suivantes :

L'homme est un �tre spirituel et immortel.

Son exp�rience va bien au-del� de la dur�e d'une vie.

Ses capacit�s sont illimit�es m�me si elles ne sont pas r�alis�es dans le pr�sent.

De plus, la Scientologie consid�re que l'homme est fondamentalement bon et que son salut spirituel d�pend de lui-m�me et de ses semblables ainsi que de l'accomplissement de sa fraternit� avec l'univers. Ainsi, la Scientologie est une philosophie religieuse au sens le plus profond du terme, car elle se pr�occupe de la r�habilitation compl�te de l'identit� spirituelle inn�e de l'homme - ses aptitudes, son �tat de conscience et la certitude de sa propre immortalit�. En outre, �tant donn� que la religion s'int�resse � l'esprit par rapport � lui-m�me, � l'univers et aux autres formes de vie, et est essentiellement la croyance en des �tres spirituels, la Scientologie suit une tradition religieuse qui remonte au moins aussi loin dans le temps que l'humanit�. Et pourtant, ce que la Scientologie repr�sente somme toute est nouveau. Sa technologie religieuse est nouvelle, son organisation eccl�siastique est nouvelle, et sa signification pour l'homme du Xx�me est enti�rement nouvelle (...).

Le premier moyen d'appliquer les v�rit�s fondamentales de la Scientologie � la r�habilitation de l'esprit humain s'appelle l'audition. Il s'agit l� de la pratique centrale de la Scientologie et elle est administr�e par un auditeur, du latin audire, " celui qui �coute " . (...).

Les auditeurs de la Scientologie aident des individus � atteindre ce but en leur faisant examiner leur existence par le biais d'une s�rie d'�tapes soigneusement con�ues par Ron Hubbard. En suivant ce processus graduel, ces personnes peuvent am�liorer leur capacit� � faire face � ce qu'elles sont et � leur environnement - en retirant une � une les couches d'exp�rience qui les oppriment si pesamment.

L'audition n'est donc pas une chose qu'une personne subit. On ne peut en tirer de bienfaits qu'au moyen d'une participation active et une bonne communication.

L'utilisation de l'�lectropsychom�tre, ou �lectrom�tre, par les auditeurs est propre � la religion de Scientologie et unique en son genre- ainsi que r�volutionnaire dans le domaine du d�veloppement spirituel. Les auditeurs utilisent l'�lectrom�tre pour aider � localiser les zones de d�tresse ou de souffrance spirituelle qui existent au-dessous du niveau de conscience actuel de la personne. Lorsque ces zones p�nibles sont mises en �vidence, la personne peut alors les examiner sans les influences subjectives qui accompagnent les pratiques du conseil spirituel des autres religions.

Ron Hubbard a mis au point l'�lectrom�tre en sachant que l'esprit retient des images mentales, de v�ritables enregistrements d'exp�riences pass�es. Ces images renferment de l'�nergie et de la masse. Lorsqu'une personne regarde l'une de ces images mentales ou pense � quelque chose, l'�lectrom�tre enregistre avec pr�cision les changements que subissent cette masse et cette �nergie mentales. (...)

La Dian�tique a annonc� la d�couverte d'une partie jusqu'alors inconnue et n�faste du mental qui contient beaucoup d'enregistrements d'exp�riences de douleur et d'inconscience, sous forme d'images mentales. Celles-ci se trouvent en dessous du niveau de conscience d'une personne et leur ensemble compose ce qu'on appelle le mental r�actif - la source de toutes les craintes, les �motions, les douleurs et les maladies psychosomatiques ind�sirables. Etape par �tape, l'audition agit sur le mental r�actif jusqu'� ce que son contenu soit r�v�l� et que ses effets n�fastes sur l'individu soient supprim�s. Quand cela s'est produit on a atteint un nouvel �tat d'�tre que l'on appelle en Scientologie �tat de Clair. La personnalit� fondamentale d'une personne, ses aptitudes artistiques, sa force personnelle et son caract�re individuel, la bont�, l'honn�tet� qui lui sont inh�rents sont r�tablis.

Clair est un nouvel �tat pour l'homme, mais le Pont le conduit � des sommets de libert� spirituelle encore plus �lev�s. Au-del� de l'�tat de Clair apparaissent les niveaux de Th�tan Op�rant (OT, en anglais Operating Thetan). Le th�tan est l'�tre spirituel immortel, l'individu lui-m�me, non pas son corps ni son mental, ni quoi que ce soit d'autre. Il ne s'agit pas de ce qu'il a, mais de ce qu'il est, un �tat de fait qui se r�v�le clairement � ces niveaux sup�rieurs.

L'�tat de Clair vise � l'�limination de ce qui n'appartient pas de mani�re inh�rente � l'�tre spirituel lui-m�me. Le but du Th�tan Op�rant est de vaincre les souffrances de l'existence et de retrouver la certitude et les aptitudes de son �tat d'�tre spirituel premier. A ce niveau, il sait qu'il est bien s�par� des choses mat�rielles telles que la forme physique et l'univers physique. (...)

Une autre pratique fondamentale de la religion de Scientologie est la formation ou entra�nement - l'�tude des principes de la Scientologie. La religion de Scientologie offre de nombreux cours d'entra�nement parce qu'une personne peut, comme on l'a dit, se servir des v�rit�s d�couvertes en Scientologie pour am�liorer les conditions de chaque domaine de la vie. Cela dit, les cours d'entra�nement les plus importants sont ceux qui permettent de devenir auditeur. Ceci parce que le principe premier pour tous les cours est que la Scientologie est une philosophie religieuse appliqu�e, et tout l'entra�nement insiste sur l'application.

Le chemin emprunt� par le scientologue qui re�oit de l'audition et �tudie les �crits de Scientologie appelle Le Pont. Ceci donne corps � un concept ancien - une voie imagin�e depuis longtemps qui relie l'ab�me existant entre l'�tat actuel de l'homme et des niveaux de conscience beaucoup plus �lev�s. Le Pont se compose d'�tapes graduelles pour que les b�n�fices acquis soient progressifs, pr�visibles et apparents. (...)

Voici donc l'essence de la Scientologie : Le Pont, l'audition et l'entra�nement ; et ceux-ci ont lieu chaque jour de l'ann�e dans toutes les �glises de Scientologie du monde entier. La mission de la Scientologie n'est ni plus ni moins que la r�habilitation de l'esprit humain. Et quatre d�cennies apr�s la naissance de l'Eglise, c'est cette aptitude � atteindre ce but qui remonte � la nuit des temps qui fait que de plus en plus d'hommes et de femmes de tous les milieux et cultures se tournent vers la Scientologie. "

Les mouvements " ufologiques "

L'ufologie est la croyance en la pluralit� des mondes habit�s et � la r�alit� des visiteurs de l'espace : elle postule en d'autres termes l'existence d'extra-terrestres.

L'association la plus connue de ce courant est sans conteste le mouvement Ra�lien.

Le mouvement Ra�lien a �t� fond� en 1975 par Claude Vorilhon. Celui-ci aurait �t� contact� en 1973 par le pr�sident du conseil des Eternels afin qu'il r�pande, en tant que proph�te, la nouvelle religion ath�e. Celle-ci repose sur la croyance de l'existence des Elohim, habitants d'une plan�te situ�e � neuf milliards de kilom�tres et cr�ateurs scientifiques de toutes les formes de vie sur terre. Ceux-ci lui auraient r�v�l� la v�ritable signification des �v�nements relat�s dans la Bible (la baleine de Jonas �tait un sous-marin atomique, la tour de Babel une fus�e spatiale) et inspir� son message, fond� sur la remise en cause du syst�me d�mocratique au profit de la " g�niocratie " , la hi�rarchie des races humaines et la promotion de valeurs eug�nistes. La " m�ditation sensuelle " , qui permet d'atteindre l'orgasme cosmique, constitue l'une des pratiques pr�n�e par les Ra�liens, toujours en qu�te d'un lieu - et de ressources - propice � l'�dification d'une ambassade o� les Elohim viendront prendre contact officiellement avec les hommes.

Les mouvements syncr�tiques

On a regroup� sous le terme " syncr�tique " l'ensemble h�t�rog�ne des mouvements pr�sentant une synth�se entre les diff�rentes religions, y compris primitives, voire entre les traditions orientale et occidentale.

Ce courant regroupe des mouvements extr�mement divers, comme le domaine d'Eph�se, la Seimeikyo Europe, l'Association de m�ditation en France.

Les deux associations regroupant le plus grand nombre d'adeptes sont sans doute les Chevaliers du Lotus d'Or et la Fraternit� Blanche Universelle.

Fond�e par Omraam Mikha�l A�vanhov en 1947, cette derni�re se pr�sente comme une �cole initiatique proposant un �sot�risme syncr�tique, fond�e sur l'adoration du Soleil, les lois du karma et la " galvanoplastie spirituelle " .

L'Association des Chevaliers du Lotus d'Or a �t� fond�e par Gilbert Bourdin en 1967. Elle a pour principale doctrine l'aumisme, qui professe que la premi�re parole de Dieu � l'origine de la cr�ation de l'Univers fut " Aum " . Il en r�sulte que les Chevaliers se livrent � une pratique consistant � transmettre le son " om " des millions de fois ou � r�citer le mautra " Om Ah Hum " cens� neutraliser les vibrations des forces occultes. Cette nouvelle mystique universelle et syncr�tiste capable d'unir l'orient et l'occident a pour but de sauver la terre et le cosmos de l'autodestruction pour que s'installent l'Age d'Or et sa nouvelle soci�t�.

Gilbert Bourdin, alias le Christ-roi de la Nouvelle Alliance, alias Hamsah Manarah, alias Melkisedeg s'est proclam� en 1990 " Messie cosmoplan�taire " , apr�s une longue suite de combats contre une multitude d'ennemis. La cit� sainte du Mandarom est install�e � Castellane.

Pour une analyse plus fine encore, les Renseignements g�n�raux ont, le cas �ch�ant, compl�t� le " type dominant " par un " type associ� " , retenu parmi les m�mes crit�res d�j� expos�s.

- Les notions de types " dominant " et " associ� "

Cette analyse conduit, par exemple, � distinguer au sein du mouvement du " nouvel �ge " , les sectes ne pouvant se r�clamer que de cette seule mouvance de celles dont la doctrine emprunte certains de ses �l�ments aux courants " gu�risseur " , " syncr�tique " ou " orientaliste " .

De la m�me mani�re, on peut, au sein des mouvements apocalyptiques, distinguer les mouvements " �vang�liques " de ceux plus " orientalistes " .

A c�t� des T�moins de J�hovah dont la doctrine est trop connue pour qu'il soit n�cessaire de la rappeler ici, l'Eglise universelle du Bien est une autre secte du type " apocalyptique/�vang�lique " . Fond�e par l'am�ricain Herbert W. Armstrong (1892-1896), elle s'est d�velopp�e en Europe dans les ann�es 1950. Sa doctrine repose sur " l'anglo-isra�lisme " , selon lequel les v�ritables isra�lites, descendants des dix tribus d'Isra�l, sont les Anglo-saxons et les europ�ens de l'Ouest. La restauration de l'Eglise anglo-isra�lienne impose de reconna�tre en la reine d'Angleterre l'h�riti�re l�gitime du roi David. Celle-ci devra n�anmoins c�der son tr�ne au Christ � l'occasion du retour sur terre de celui-ci.

L'universit� spirituelle internationale des Brahma Kumaris est, elle, plus repr�sentative du courant orientaliste des sectes apocalyptiques. Fond�e par Brahma Baba Lekk Raj, l'Universit� annonce l'imminence de l'holocauste nucl�aire et de la survenance du monde futur. La paix int�rieure de l'Homme r�sulte, dans l'attente de cet �v�nement, d'un certain nombre de pratiques, au rang desquelles le Raja-Yoga.

Il est pr�cis� que dans l'hypoth�se - tr�s fr�quente - o� des sectes ne peuvent �tre rattach�es � un unique courant de pens�e, les Renseignements g�n�raux ont eu tendance � consid�rer comme dominant le type auquel est attach�, empiriquement et implicitement, le plus fort degr� de dangerosit�. Ainsi, les crit�res " apocalyptique " , " gu�risseur " , " psychanalytique " et " satanique " sont-ils le plus souvent retenus prioritairement devant les neuf autres types possibles qui pourraient �tre d�cel�s pour la secte consid�r�e : telle secte dont le nom �voque spontan�ment la mouvance orientaliste (Sri Sathya Sai par exemple) sera ainsi class�e comme relevant du courant " gu�risseur " dans la mesure o� certains �l�ments de son discours sont manifestement thaumaturges.

2.- Les r�sultats de l'enqu�te

L'analyse r�alis�e sur ces bases par les Renseignements g�n�raux et communiqu�e � votre commission permet d'une part de proc�der � la r�partition des sectes entre les courants de pens�e, d'autre part de d�gager les grandes lignes de l'�volution du mouvement sectaire.

R�partition des sectes entre les courants de pens�e

La r�partition des sectes par type dominant fait appara�tre le poids pr�pond�rant du courant " Nouvel Age " . Parmi les sectes retenues dans l'�tude des Renseignements g�n�raux (173 au total), 49 rel�vent du courant " Nouvel �ge " , 19 du courant " orientaliste " , 18 du courant " gu�risseur " , 16 du courant " occultiste " , 15 du courant " apocalyptique " , 13 du courant " �vang�lique " . Les cat�gories " pseudo-catholique " , " psychanalytique " et " syncr�tique " regroupent chacune 9 mouvements. Enfin, les courants " ufologique " (5 mouvements), " alternatif " (4 mouvements), " satanique " (4 mouvements) et " n�o-pa�en " (3 mouvements) sont nettement minoritaires.

Sur les 173 mouvements �tudi�s, 69 sont rattach�s � un unique courant de pens�e. Une �tude de la r�partition des " types associ�s " sur les 104 autres sectes montre la pr�dominance du crit�re " gu�risseur " (cit� 46 fois) et du crit�re " nouvel �ge " (20 cas). Les autres types associ�s ne sont �voqu�s que moins de 10 fois.

On constate toujours, si l'on raisonne en termes de nombre de structures, une tr�s grande diversit� au sein du mouvement sectaire : l'application des deux crit�res " type dominant " et " type associ� " conduit � recenser 56 cat�gories de sectes... Aucune de ces cat�gories ne regroupe plus de cinq mouvements, � six exceptions notables :

- le mouvement " Nouvel Age/gu�risseur " regroupe vingt mouvements, dont le nombre d'adeptes est toutefois faible (� l'exception de Hue-France).

- le mouvement " Nouvel Age " pur regroupe dix-sept mouvements � l'audience relativement confidentielle (moins de 500 adeptes) ;

- le mouvement " orientaliste " pur comprend neuf structures, dont certaines regroupent un nombre �lev� d'adeptes (Sri Chinmoy, Shri Ram Chandra, Soka Gakkai) ;

- le mouvement " �vang�lique " pur r�unit huit mouvements d'audience limit�e ;

- le mouvement " gu�risseur / Nouvel Age " regroupe six structures d'audience limit�e ;

- le mouvement " �vang�lique/gu�risseur " , bien que peu nombreux (5 groupes) dispose lui d'une audience forte puisqu'il regroupe l'Alliance universelle, l'Eglise �vang�lique de Pentec�te de Besan�on, l'Eglise n�o-apostolique, la Parole de foi et Vie chr�tienne en France.

Une �tude restreinte aux seules sectes dont le nombre d'adeptes est relativement important (sup�rieur � 500) conduit toutefois � relativiser l'impression de la forte pr�valence des sectes de type " Nouvel Age " ou " Gu�risseur " .

Typologie des sectes dont le nombre d'adeptes est sup�rieur � 500

Nom de la secte Type dominant Type associ�
Alliance universelle Evang�lique Gu�risseur
ANTHROPOS - Association pour la recherche sur le d�veloppement holistique de l'homme Nouvel Age Gu�risseur
Association des T�moins de J�hovah Apocalyptique Evang�lique
Association Lucien J. Engelmajer Gu�risseur Psychanalytique
Association SRI Chinmoy de Paris Orientaliste
Association Subud de France - Susila Dharma France Orientaliste Syncr�tique
CEDIPAC SA (ex-GEPM) Evang�lique
Chevaliers du Lotus d'or Syncr�tique
Communaut� des petits fr�res et des petites soeurs du Sacr�-coeur Pseudo-catholique
Culte Antoiniste Gu�risseur Syncr�tique
Domaine d'Eph�se Syncr�tique Nouvel Age
Eglise de scientologie de Paris Psychanalytique Gu�risseur
Eglise �vang�lique de Pentec�te de Besan�on Evang�lique Gu�risseur
Eglise n�o-apostolique de France Evang�lique Gu�risseur
Eglise universelle de Dieu Apocalyptique Evang�lique
Eglise universelle du royaume de Dieu Gu�risseur Evang�lique
Eglises du Christ international en France Apocalyptique Evang�lique
Energie humaine et universelle France - HUE France Nouvel Age Gu�risseur
Fraternit� blanche universelle Syncr�tique Gu�risseur
Fraternit� Notre Dame Pseudo-catholique
Institut de science vedique maharishi Paris - C.P.M. - Club pour m�ditants Orientaliste Gu�risseur
Invitation � la vie intense Pseudo-catholique Gu�risseur
L'oeil s'ouvre Apocalyptique Gu�risseur
La maison de Jean Nouvel Age Syncr�tique
La parole de de foi - Evang�lisation mondiale Evang�lique Gu�risseur
Mouvement du Graal en France Gu�risseur Occultiste
Mouvement Ra�lien fran�ais Ufologique Gu�risseur
Ontologie m�thodique culture et tradition Occultiste Ufologique
Paris Dharma Sah - Lotus Sangha of European social buddhism Orientaliste Gu�risseur
Shri Ram Chandra Mission France Orientaliste
Soci�t� internationale de trilogie analytique Psychanalytique Gu�risseur
Soka Gakkai internationale France Orientaliste
Union des associations centres et groupes Sri Sathya Sai Gu�risseur Orientaliste
Universit� spirituelle internationale des Brahma Kumaris Apocalyptique Orientaliste
Vie chr�tienne en France - Centre de vie chr�tienne Evang�lique Gu�risseur
Viswa Nirmala Dharma - Sahaja Yoga Orientaliste Apocalyptique

On constate que les courants " orientaliste " , " �vang�lique " et " apocalyptique " regroupent respectivement 7, 6 et 5 mouvements, alors que le courant " Nouvel Age " n'en comprend que 3.

Par ailleurs, si le courant " gu�risseur " ne r�unit que cinq sectes, ce crit�re est cit� 15 fois au titre du type associ�.

Le travail effectu� par les Renseignements g�n�raux fournit, outre cette photographie du ph�nom�ne sectaire, des �l�ments permettant de suivre son �volution sur moyenne p�riode.

Evolution typologique du ph�nom�ne sectaire

Il est possible de d�gager les quelques grandes tendances suivantes dans l'�volution du ph�nom�ne sectaire.

- Le " Nouvel Age " semble responsable du recul des " alternatifs " et pr�pare peut-�tre le d�veloppement des " Apocalyptiques " .

Le " Nouvel Age " , courant spirituel et philosophique " fourre-tout " , import� des Etats-Unis au milieu des ann�es 80, est le premier vainqueur de la comp�tition sectaire � l'approche du troisi�me mill�naire. Actuellement, il se cr�e presque chaque jour de nouveaux groupuscules ou r�seaux consacr�s � l' " �re du Verseau " alors que, dans le m�me temps, des sectes importantes et d�j� anciennes (FBU, Nouvelle Acropole...) tentent de " rafra�chir " leur doctrine en y incorporant des th�mes " new-age " .

V�ritable n�buleuse, constitu�e autant par de simples organisateurs de stages � la recherche d'une client�le que par de v�ritables gourous contr�lant une structure, le " Nouvel Age " est dangereux parce qu'il peut pr�disposer ses adeptes � s'engager dans des voies plus p�rilleuses de type " apocalyptique " par exemple.

L'approche de l'an 2000 pourrait, en effet, correspondre � une multiplication consid�rable des groupes " apocalyptiques " ou mill�naristes � partir du message mal compris (car il est fondamentalement optimiste) des " new-agers " . En outre, de gros bataillons d'adeptes d��us des rangs �vang�liques (T�moins de J�hovah, adventistes...) ou syncr�tiques pourraient nourrir ce mouvement.

Le " Nouvel Age " a en tout cas fait r�gresser dans de notables proportions une dominante exclusive " alternative " qui �tait fortement ancr�e dans le paysage sectaire depuis les ann�es 70 (communaut�s de " retour � la terre " , � caract�re tribal comme Ecoovie...).

- Les sectes " orientalistes " se renouvellent.

Les sectes " orientalistes " actuelles sont le noyau dur et les h�riti�res des sectes religieuses dominantes des ann�es 70-80. Celles-ci, telles Krishna, la M�ditation Transcendantale, la Soka Gakka� se sont le plus souvent seulement maintenues, alors que de nouveaux coreligionnaires d'importance sont apparus (HUE, sectes japonaises...).

La spiritualit� orientale fascine toujours, m�me si, aujourd'hui , elle est concurrenc�e par le " Nouvel Age " et si elle incorpore de plus en plus de pr�ceptes " gu�risseurs " particuli�rement dangereux.

- La dominante " gu�risseuse " envahit, � l'instar du " nouvel �ge " la plupart des courants sectaires.

Avec la composante " Nouvel Age " , les pseudo-th�rapies d'origine divine ou " naturelle " fa�onnent maintenant pour une large part le paysage sectaire. Confin�e jusqu'� ces derni�res ann�es dans la sph�re religieuse orientale (Mahikari, HUE...) ou chr�tienne (IVI, groupes �vang�liques...), la dominante " gu�risseuse " se greffe aussi aujourd'hui sur la plupart des autres grands courants sectaires (occultiste, syncr�tique, psychanalytique).... quand elle ne se suffit pas � elle-m�me en tant qu'unique objet de la secte (F�d�ration internationale pour le d�veloppement de l'alimentation instinctive).

S'imposant � des degr�s divers, depuis la simple pri�re jusqu'� des processus " th�rapeutiques " complets, cette dominante pr�sente �galement une dangerosit� variant selon ses pr�tentions � apporter ou non une solution aux maladies les plus graves, � imposer ou non l'abandon de la m�decine officielle.

- Le vaste courant " occultiste " semble peu menac� par ses stables voisins " n�o-pa�ens " et " sataniques " .

A c�t� des nombreux mouvements �sot�riques non pris en compte (rosicruciens AMORC, martinistes...), de multiples structures n�o-templi�res, initiatiques etc... perp�tuent un courant " occultiste " souvent m�tin�, aujourd'hui , d'apports du " nouvel �ge " ou " gu�risseurs " .

En marge de ces confr�ries souvent int�ress�es principalement par l'assise financi�re de leurs membres, ont gravit� de tout temps des groupes n�o-pa�ens (les " druides " ..) ou sataniques (WICCA...) dont l'aspect folklorique ne doit pas faire oublier l'id�ologie �litiste, agressive, fr�quemment raciste.

Tous ces courants " magiques " paraissent avoir peu �volu� sur l'�chiquier sectaire. Mais l'extr�me discr�tion des groupes qui en rel�vent ne permet pas de les d�tecter syst�matiquement et les groupuscules sataniques inspirent des craintes qui ne doivent pas �tre prises � la l�g�re, car, � l'instar de leur " coreligionnaires " des Etats-Unis et des pays scandinaves, les lucif�riens fran�ais sont susceptibles de d�laisser leurs activit�s folkloriques actuelles pour des actions criminelles : profanation de cimeti�res, trafic de drogue, crimes de sang...

- Les courants " �vang�lique " , " pseudo-catholique " et " syncr�tique " r�sistent plus ou moins bien.

A l'instar du courant orientaliste, qui dispose d'atouts exotiques pour garder son rang sur la sc�ne sectaire, ces mouvements � dominante religieuse �prouvent de plus en plus le besoin de d�velopper, � titre accessoire et r�mun�rateur, un enseignement (et des prestations) ax� sur la gu�rison divine.

Les " petites �glises " conduites par de faux �v�ques se maintiennent aussi gr�ce � une utilisation caricaturale des rituels romains ou catholiques orientaux. De leur c�t�, les mouvements � dominante �vang�lique, souvent anim�s par d'authentiques pasteurs ayant bascul� dans le r�le de gourou, profitent toujours des libert�s offertes par les structures protestantes officielles pour prosp�rer � leur lisi�re. Les groupes syncr�tiques, quant � eux, r�sistent difficilement � la vague " nouvel �ge " .

- Un engouement pour les sectes " modernes " affichant des pr�tentions en mati�re psychanalytique est ind�niable.

Le courant " psychanalytique " occupe sans conteste dans la dynamique sectaire de ces derni�res ann�es la troisi�me place d'un podium d�j� occup� par le " nouvel �ge " et les " gu�risseurs " . La difficult� de cerner avec pr�cision ce courant explique que les donn�es quantitatives le concernant ne traduisent que fort imparfaitement son influence.

Avec des fers de lance comme la Scientologie, ce courant appara�t aujourd'hui comme l'un des substituts privil�gi�s des doctrines religieuses traditionnelles. Il n'est que d'observer la prolif�ration d'officines proposant stages et s�minaires de " d�veloppement personnel " .... financ�s parfois dans le cadre de la formation professionnelle.

Il y a certes plus de " clients " que d' " adeptes " fid�lis�s, mais les cas de d�rives sectaires se multiplient. Les dommages caus�s aux victimes sont particuli�rement graves (ruine, d�mence, suicide...) car, dans ce type de secte, les techniques de manipulation mentale sont extr�mement perfectionn�es.

- Le courant " ufologique " demeure restreint mais prosp�re.

Emmen�s par le Mouvement Ra�lien et Siderella, les " soucoupistes " font peu �cole. Leurs effectifs progressent moins que les tarifs des prestations propos�es par les responsables. Ici encore, le pittoresque du discours cache souvent des concepts plus inqui�tants comme la " g�niocratie " (ou " gouvernement des �lites " ) chez les Ra�liens.

B.- DES PRATIQUES SOUVENT DANGEUREUSES

Les dangers que pr�sentent les sectes, autrement appel�s " d�rives " sectaires, m�ritent au premier chef d'attirer notre attention. En effet, ce sont eux qui justifient l'attention particuli�re que doivent leur porter les pouvoirs pubics et, rappelons-le, la cr�ation de notre commission d'enqu�te.

Il convient donc de les analyser dans le d�tail.

Mais auparavant, il est n�cessaire de dissiper un �ventuel malentendu : tous les mouvements spirituels autres que les religions traditionnelles et commun�ment appel�s sectes ne sont pas dangereux, comme, par exemple, les baptistes, les quakers ou les mormons. Leur r�le peut m�me �tre, parfois, consid�r� comme tr�s positif : " Vous rencontrez [dans les sectes] le meilleur et le pire " a ainsi d�clar� un m�decin � la Commission. Et d'ajouter: " Parfois, par le biais des sectes, des personnes se retrouvent dans un groupe chaleureux, d'autres redonnent un sens � leur vie, d'autres encore se structurent. Parmi mes patients, certains sont entr�s dans des sectes. Je ne voudrais pour rien au monde qu'ils en sortent, car cela leur sert momentan�ment de tuteur " .

La commission a donc bien pris garde de faire un amalgame entre tous les groupes spirituels existants. Elle a consid�r� qu'elle devait se cantonner � examiner les nuisances provoqu�es par les seules sectes dangereuses. Et ce, pour mieux tenter de d�gager les moyens de les combattre.

Ces effets n�gatifs ont �t� maintes fois d�nonc�s, que ce soit par la presse ou par les pouvoirs publics eux-m�mes. Le rapport d'Alain Vivien de 1983, l'avis de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme du 10 d�cembre 1993 et les r�ponses du Gouvernement aux questions parlementaires en t�moignent, ainsi que, sur la sc�ne internationale, les rapports de M. Richard Cottrell, du Parlement europ�en, en 1984, ou de Sir John Hunt du Conseil de l'Europe, en 1991. D'ailleurs, la Commission a constat�, au cours de ses travaux, que personne n'en d�mentait l'existence.

Pour analyser les dangers que font courir un certain nombre de ssectes, la Commission s'est fond�e principalement sur deux sources d'information, qui pr�sentent les plus grandes garanties d'objectivit�, � savoir les d�cisions judiciaires et les donn�es collect�es par les Renseignements g�n�raux. Elle a aussi utilis�, dans une moindre mesure et avec la prudence requise, les t�moignages directs d'anciens adeptes.

La d�marche suivie fait appara�tre que si les d�cisions judiciaires t�moignent de nombreuses ill�galit�s commises par les sectes ou certains de leurs membres, elles ne rendent compte que tr�s partiellement de leurs multiples dangers.

1.- Des ill�galit�s nombreuses et vari�es

De l'ensemble des d�cisions de justice auxquelles la Commission a eu acc�s, notamment de celles fournies par la Direction des affaires criminelles et des gr�ces du minist�re de la Justice, il ressort que de nombreuses sectes se sont, au cours des dix derni�res ann�es, rendues coupables d'ill�galit�s. Celles-ci rel�vent de six domaines principaux :

( Il s'agit, en premier lieu, de d�lits relatifs aux atteintes physiques � la personne humaine : mauvais traitements, coups et blessures, s�questration, non assistance � personne en danger ou pratique ill�gale de la m�decine.

Ainsi, le Tribunal de grande instance de Versailles a-t-il �tabli, dans une d�cision des 8 et 9 f�vrier 1995 (n\xfb 234) que M. et Mme Mihaes, les dirigeants de la secte " la Citadelle " , se sont rendus coupables, entre autres, de violences sur mineur de quinze ans, d'enl�vement et de s�questration. Le compte-rendu des faits par le tribunal est �loquent :

" Attendu que M. Solomon, qui avait appartenu � ce groupe [la Citadelle] � partir de 1974, l'avait quitt� en 1990, rejoint quelques temps plus tard par son �pouse, alors que leurs deux enfants majeurs Karen et Pascal ainsi que leur fille mineure Dana Solomon �taient rest�s dans le mouvement ;

" Que M. Solomon et son �pouse �taient parvenus � reprendre avec difficult�s leur fille Dana le 25 ao�t 1991, alors quelle se trouvait au ch�teau de Courcillon (72), propri�t� du couple Mihaes ;

" Que Dana Solomon devait expliquer que dans cette communaut� les enfants �taient habituellement s�par�s de leurs parents et qu'ils subissaient divers mauvais traitements qui leur �taient inflig�s, notamment par Mme Mihaes, Mme Esther Antoine et M. Axel Schmidt ;

" Qu'elle-m�me avait �t� � plusieurs reprises frapp�e, s�questr�e, contrainte au je�ne et priv�e habituellement d'une nourriture suffisante ;

" Attendu qu'il est �tabli que, sous couvert d'application de pr�ceptes bibliques, les enfants ont �t� contraints aux je�nes, aux confessions publiques, ont �t� soumis � des punitions qui, outre les coups, pouvaient s'exercer en un isolement ainsi qu'en a �t� victime Dana Solomon, retenue contre sa volont� dans la maison de gardien de la propri�t� du V�sinet, sans chauffage pendant les mois d'hiver et ne disposant que d'une nourriture extr�mement frugale, mais qui pouvait aussi s'exercer sous forme d'un d�placement de r�sidence ainsi qu'en avait �t� victime Claire Solomon plac�e, ``en punition'', au domicile du couple Bahjejian et s�par�e de ses fr�res et soeur ;

" Attendu qu'en ce qui concerne plus pr�cis�ment les pr�venus, il est �tabli que Mme Delia Mihaes, qui a toujours contest� les accusations port�es contre elle, a commis les faits qui lui sont reproch�s dans la pr�vention, en se livrant, � de multiples reprises, � des actes de violence � l'�gard des enfants St�phane, Jonathan, C�line et Claire Antoine, Dana Solomon ainsi qu'� l'�gard de ses fils jumeaux Octavius et Flavius ;

" Qu'elle a gravement compromis la sant� et l'�ducation de ces enfants en leur faisant subir les privations et les brimades pr�c�demment expos�es ;

" Qu'il est par ailleurs �tabli qu'elle s'est rendue complice de s�questration exerc�e sur la personne de Dana Solomon (...) " .

Le Tribunal de grande instance de Dijon a, par ailleurs, �t� amen�, dans un jugement du 9 janvier 1987 (n\xfb 118-87), � condamner le directeur-adjoint du centre Narconon de Grangey-sur-Ource pour non assistance � personne en danger. Ce centre, cr�� par l'Eglise de Scientologie, propose des cures de d�sintoxication en appliquant les m�thodes de Ron Hubbard, � savoir la proc�dure de " purification " , fond�e principalement sur plusieurs heures de sauna par jour, des " auditions " et une absorption importante de vitamines. En l'esp�ce, la victime �tait depuis longtemps soign�e pour �pilepsie et s'�tait adress�e � cet organisme car elle souhaitait se " lib�rer des m�dicaments " . Le centre l'a, sans examen m�dical pr�alable, plac�e dans une chambre de " sevrage " . Or, les expertises m�dicales ont montr� que le d�c�s �tait d� � " un �tat de mal �pileptique d� � l'absence de traitement suffisant � son d�but et de traitement d'urgence pendant l'�tat de mal. " Le jugement ne laisse aucun doute sur la responsabilit� du centre :

" Que si Jocelyne Dorfmann avait pris la d�cision de r�duire sa consommation m�dicamenteuse, puis de l'interrompre au risque de compromettre son �tat de sant�, les pr�venus ne l'ont � aucun moment pr�venue de la n�cessit� d'un examen m�dical d'admission, lequel aurait vraisemblablement permis de contre-indiquer la cure de sevrage ; qu'il est inconcevable que la victime ait pu �tre accept�e sans cet examen et sans entretien s�rieux malgr� ses d�clarations sur son �tat de sant� et son �pilepsie, alors que les pr�venus ont reconnu savoir qu'en cas de maladie grave, le traitement m�dical ne devait pas souffrir d'interruption ;

" Que si lors de la survenue de la premi�re crise, les pr�venus ont pu se m�prendre sur la nature exacte, la r�p�tition des crises et leur intensit� croissante devaient leur �voquer une origine distincte d'un �tat de manque qui, selon les m�decins experts, ne peut �tre confondu avec un �tat �pileptique ;

" Qu'ils n'ont pas jug� utile de demander directement � la victime, alors qu'elle �tait encore consciente, si ces manifestations pouvaient correspondre aux crises d'�pilepsie auxquelles elle avait fait allusion ou de faire appel au m�decin le plus proche. (...) "

Plusieurs cas d'exercice ill�gal de la m�decine ont, en outre, �t� observ�s ces derni�res ann�es. On �voquera, par exemple, le cas assez significatif de M. Main, chef d'une communaut� religieuse appel�e " Le Bon pasteur " , qui, se r�clamant du titre d'�v�que (il avait �t� ordonn� tel par des eccl�siastiques n'ob�issant plus � Rome apr�s le Concile de Vatican II), pr�tendait gu�rir ou soulager ses " fid�les " par des paroles, des pri�res, des appositions des mains, l'utilisation d'un pendule et des pratiques d'exorcisme et de d�senvo�tement. Les conclusions du Tribunal de grande instance de P�rigueux, dans sa d�cision du 22 juin 1994 (n\xfb 894), sont se passent de commentaires : M. Main a �t� reconnu coupable d'exercice ill�gal de la m�decine par le tribunal de grande instance de P�rigueux dans un jugement du 22 juin 1994.

De nombreuses condamnations ont �galement �t� prononc�es en mati�re de violation de certaines obligations familiales, notamment de parents adeptes de sectes � l'�gard de leurs enfants.

Ainsi, par exemple, la Cour d'appel de Rennes a-t-elle, dans une d�cision du 13 f�vrier 1993 (Epoux Durand), jug� que M. et Mme Durand, membres de la secte Sahaja Yoga, avaient " compromis gravement par manque de direction n�cessaire la sant� et la s�curit� de [leur] enfant Yoann " et tomb aient, de ce fait, sous le coup de l'article 357.1 du code p�nal, en l'envoyant � l'�ge de six ans et demi en Inde dans une �cole de Dharamsala dirig�e par les adeptes de cette secte. Les motifs de la d�cision m�ritent d'�tre cit�s :

" (...) consid�rant (...) que sur la foi d'un simple prospectus donnant de simples orientations g�n�rales (...), Dominique et Josette Durand (...) ont pris la d�cision d'envoyer en avril 1990 (...) leur enfant Yoann sans d'ailleurs l'accompagner dans son voyage, dans une �cole dont le contenu de l'enseignement, en anglais et hindi, ne leur �tait pas vraiment connu (...), qu'ils n'offraient � l'enfant des garanties sur l'issue de cet enseignement, sur les conditions d'accueil et de vie dont le dossier r�v�le qu'elles �taient notamment sur le plan climatique tr�s rudes (...) sans s'assurer de l'infrastructure m�dicale et des conditions sanitaires qui attendaient l'enfant, sans m�me avant son d�part s'informer aupr�s de la m�decine sp�cialis�e sur les risques qu'il encourait dans une r�gion du monde frapp�e de graves maladies �pid�miques pour l'essentiel inconnues en Europe, sans mesurer les risques pour un enfant de 6 ans et demi d'un sentiment d'abandon, voire de rejet alors qu'il savait la naissance proche d'un autre enfant dans le foyer et qu'il entretenait des relations particuli�rement privil�gi�es avec ses grands-parents maternels, les �poux H�line ;

" (...) que le rapport �tabli par trois experts qui ont examin� l'enfant le 5 juillet 1991 constate d'importantes d�gradations psychiques li�es � la s�paration brutale et prolong�e exactement d�crites par le tribunal, des examens post�rieurs r�v�lant une nette am�lioration chez un enfant revenu dans son cadre familial et poursuivant une scolarisation normale ; "

Parfois, les faits ne sont pas aussi manifestement r�pr�hensibles. Le juge s'abstient alors de condamner directement les parents adeptes, mais leur refuse l'exercice de l'autorit� parentale ou le droit de garde. C'est en ce sens, par exemple, que statua le Tribunal de grande instance d'Avignon le 25 mai 1992 (d�cision n\xfb 673/92) :

" Il n'appartient certes pas au Tribunal de se prononcer sur les bienfaits ou m�faits de la secte (...) des T�moins de J�hovah mais seulement, selon " l'int�r�t des enfants mineurs " , (...) d'indiquer le parent chez lequel les enfants ont leur r�sidence habituelle et de statuer sur l'exercice de l'autorit� parentale.

" Apr�s avoir �num�r� une partie de l'impressionnante liste des interdits que les adeptes de cette secte - � laquelle Madame ...... ne conteste pas avoir adh�r� - doivent respecter, Madame Audoyer remarque � juste titre dans le rapport d'enqu�te sociale qu'elle a d�pos� qu'ils sont susceptibles d'entraver un avenir pour des enfants telles que Debora et Flora.

" L'�ducation des enfants ne saurait en effet consister en un endoctrinement bas� sur une vision particuli�rement cataclysmique du monde dont seuls les adeptes de la secte seraient pr�serv�s, mais au contraire en un �veil de l'esprit, une ouverture � tous les domaines de la connaissance et � toutes les disciplines, ainsi qu'aux relations avec les autres sans discrimination de race, de religion ou d'id�es.

" En l'�tat actuel, afin de pr�server tant le pr�sent que l'avenir de ces deux enfants (...), il appara�t n�cessairede fixer leur r�sidence habituelle chez leur p�re qui exercera l'autorit� parentale. (...) "

Les sectes se sont, en outre, maintes fois rendues coupables de diffamation, d�nonciation calomnieuse ou violation de la vie priv�e au cours de la p�riode r�cente.

Ce fut notamment le cas de l'Eglise de Scientologie.

Ainsi, le Tribunal de grande instance de Paris a-t-il, dans un jugement du 13 octobre 1993 (M. Abgrall c/ Mme Lef�vre), condamn� pour diffamation Mme Lef�vre, directeur de la publication d' " Ethique et libert� " , l'une des revues de l'Eglise de Scientologie.

En effet, un article de cette publication, titr� " Une milice de la pens�e " et consacr� � l'Association de d�fense de la famille et de l'individu, faisait �tat d'enl�vements et de s�questrations commis par les membres de cette association, et notamment de l'internement en h�pital psychiatrique en 1991 d'un scientologue de Marseille, r�alis� avec la complicit� de J.M. Abgrall, psychiatre, alors que ces faits n'ont nullement �t� prouv�s.

Dans le m�me sens, la Cour d'appel de Douai a, dans sa d�cision du 18 mars 1982 (n\xfb 302), reconnu le Centre Hubbard de Dian�tique coupable de " diffamation publique, assimil�e � l'injure " , pour avoir �crit en faisant r�f�rence � l'ADFI :

" ... Il me para�t vital pour la libert� de religion et pour la libert� d'opinion de d�noncer et d'arr�ter les agissements de ce groupe fascisant qui tire sur tout ce qui bouge qui soit nouveau ou diff�rent...

On peut �galement �voquer le cas d'une d�nonciation calomnieuse confirm�e par la Cour de cassation dans un arr�t du 28 avril 1987 (A.J.), ainsi que celui d'une violation de la vie priv�e par l'association " Ethique et libert� " , dans une d�cision rendue le 15 mars dernier par le Tribunal de grande instance de Paris (n\xfb 9).

Plusieurs d�cisions juridictionnelles t�moignent aussi d'une pratique assez fr�quente de la fraude fiscale par certaines associations.

La Cour de Cassation a, par exemple, confirm� dans un arr�t du 25 juin 1990 (Blanchard Henri et autres) l'arr�t de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 1988, condamnant le Pr�sident de l'Association pour l'unification du christianisme mondial (AUCM), qui est la branche fran�aise de la secte Moon, pour fraude fiscale. Cet arr�t montre notamment que cet organisme a, sous le couvert d'une association � but religieux, r�alis� d'importants b�n�fices non d�clar�s :

" (...) Attendu que Henri Blanchard a �t� renvoy� devant le tribunal correctionnel pour avoir soustrait frauduleusement l'AUCM dont il �tait le pr�sident � l'�tablissement et au paiement de l'imp�t sur les soci�t�s, et pour avoir sciemment omis de passer ou de faire passer dans les documents tenant lieu de livre-journal et de livre d'inventaire tout ou partie des �critures ;

" Attendu que (...) les juges �noncent que l'AUCM n'a que les apparences d'une association et qu'elle exerce, par la mise en vente d'un journal, une activit� lui procurant des b�n�fices dont une partie importante, non port�e en recettes, a servi, par l'interm�diaire de pr�te-noms, � des acquisitions mobili�res ou immobili�res occultes, dont, pour certaines, l'affectation n'a pu �tre pr�cis�e ; (...) " .

Ont �galement �t� convaincues de fraude fiscale, entre autres, l'Association internationale pour la conscience de Krishna (AICK) (cf. notamment l'arr�t du 19 octobre 1989 de la Cour d'appel de Bourges, n\xfb 461/89) et l'Eglise de Scientologie (cf. notamment l'arr�t du 3 f�vrier 1995 de la Cour d'appel de Paris, n\xfb 7). L� aussi, ces organismes avaient r�alis� de substantiels b�n�fices commerciaux par le biais d'associations � but soi-disant d�sint�ress�.

Par ailleurs, l'arr�t du 3 f�vrier 1995 de la Cour d'appel de Paris a �tabli que l'Eglise de Scientologie pr�sentait un passif de l'ordre de 41 millions de francs et l'a mise en redressement judiciaire. En outre, le tribunal de commerce de Paris a prononc�, le 30 novembre 1995, la mise en liquidation judiciaire de l'Eglise de Scientologie de Paris, pour des impay�s � l'administration fiscale et � l'URSSAF d'un montant de 48 millions de francs.

On constate �galement plusieurs cas d'escroquerie, de tromperie ou d'abus de confiance.

Le Tribunal de grande instance de Draguignan a ainsi, dans une d�cision du 20 mars 1995 (n\xfb 882/95), condamn� pour escroquerie deux personnes (M. Galiano et Mme Pison) se pr�sentant respectivement comme une r�incarnation du Christ et de la Vierge. Et ce, pour les raisons suivantes :

" Il r�sulte ainsi de l'ensemble de ces �l�ments que les mis en examen, par des mises en sc�ne dans des r�unions publiques, ont persuad� des gens cr�dules de l'existence de pouvoirs surnaturels leur permettant d'esp�rer un mieux vivre ou une gu�rison, tout en utilisant l'alibi de la science, � savoir la profession de psychanalyste pour l'un et de dentiste pour l'autre. En tentant de se faire remettre ou en percevant des sommes, ils ont commis le d�lit d'escroquerie. "

La Cour de cassation a, par ailleurs, jug�, dans un arr�t du 15 novembre 1995 (A. Pouteau), que la SARL Wide, dont Alain Pouteau �tait le g�rant et dont l'enqu�te a montr� qu'elle �tait " sous l'ob�dience de l'Eglise de Scientologie " , " exploitait un centre de formation aux m�tiers de la vente et faisait diffuser des annonces dans la presse et des lettres circulaires aupr�s des maires dans lesquelles elle s'engageait � procurer aux candidats, � l'issue de leur formation, une place dans une entreprise s�rieuse " , s'est rendue coupable de tromperie, car elle " n'�tait pas en mesure de garantir des emplois � ses stagiaires " .

La fameuse affaire de la secte du Fr�chou illustre, d'autre part, parfaitement le cas d'abus de confiance commis par les dirigeants de sectes au d�triment de leurs adeptes. En l'occurrence, ils se pr�valaient ind�ment du titre de pr�tre, ce qui leur avait permis d'extorquer � leurs fid�les un montant important de dons (cf. notamment l'arr�t du 10 mai 1991 de la Cour d'appel d'Agen, n\xfb 215/91).

Enfin, la jurisprudence fait �tat de multiples violations du droit du travail ou de celui de la s�curit� sociale.

" La d�nonciation de l'exploitation impitoyable de l'adepte par les dirigeants, m�pris des lois sociales, dur�e du travail, pas de r�mun�ration, ni de couverture sociale (...) trouvent leur confirmation dans le fait qu'Ecoovie ne verse au d�bat aucun contrat de travail, aucun bulletin de salaire, aucune d�claration � la s�curit� sociale ou au fisc concernant les adeptes qu'elle emploie, se bornant � all�guer que ceux-ci sont b�n�voles. " . C'est ainsi, par exemple, que le Tribunal de grande instance de Paris d�crivait, dans son arr�t du 10 juillet 1985 (n\xfb 263), la fa�on dont la secte Ecoovie concevait l'application des r�gles du droit du travail et de la s�curit� sociale.

Maintes condamnations ont donc �t� prononc�es sur des points tr�s divers � l'encontre des sectes au cours des derni�res ann�es, sur la base de faits mat�riels incontestables.

Toutefois, la Commission a �t� amen�e � constater que cette approche ne rend qu'incompl�tement compte des dangers de certains mouvements sectaires.

2.- Une nocivit� qui d�passe largement le champ des ill�galit�s constat�es par les tribunaux

Tous les actes r�pr�hensibles commis par les sectes ne font �videmment pas l'objet d'une condamnation. Loin s'en faut. Une telle condamnation, n�cessite, en effet, la r�union de plusieurs conditions qu'il est souvent difficile d'obtenir :

- il faut, tout d'abord, que la personne ayant subi un pr�judice en soit consciente. Or, pour les adeptes, la r�gle qui leur est impos�e par leur gourou est forc�ment bonne. Il faut donc que l'adepte ait pris suffisamment de distance vis-�-vis de la secte, g�n�ralement en en �tant sorti, pour acc�der � cette prise de conscience ;

- il convient ensuite que l'int�ress� d�cide de porter plainte. Or, cette d�marche est loin d'�tre syst�matique : beaucoup pr�f�rent " tourner d�finitivement la page " d'une p�riode traumatisante de leur histoire ; d'autres se confient volontiers � des associations de d�fense mais n'osent pas intenter d'action en justice par manque de confiance ou par peur de repr�sailles ;

- la preuve du d�lit ainsi que la responsabilit� de son auteur est, de l'avis de la plupart des personnes entendues par la Commission, difficile � appporter, ne serait-ce qu'en raison de " l'originalit� " des d�lits sectaires, desquels les victimes sont parfois, par leur consentement d'un moment, les propres acteurs ;

- il faut aussi que les faits correspondent � une incrimination pr�vue et sanctionn�e par la loi, ce qui n'est pas �vident dans les cas de manipulation mentale par exemple ;

- reste enfin, au cas o� une condamnation est intervenue, � la faire appliquer, ce qui se heurte parfois � de grandes difficult�s, en raison de la multiplicit� des moyens que certains mouvements peuvent d�ployer : proc�dures dilatoires, pressions de tous ordres, auto-dissolution ou, tout simplement, fuite � l'�tranger.

Les informations fournies � la Commission par les Renseignements g�n�raux ainsi que les t�moignages qu'elle a re�us l'ont conduite � penser que les dangers que font courir certains mouvements sectaires aux individus et � la soci�t� sont, en r�alit�, � la fois plus nombreux, plus �tendus et plus graves que ne le sugg�re la seule lecture des d�cisions judiciaires.

L'�num�ration ci-dessous regroupe, en dix cat�gories, les dangers que pr�sente le ph�nom�ne sectaire pour les individus d'une part, pour la soci�t� d'autre part, tels que la Commission a pu les appr�hender au travers de l'ensemble de ses travaux.

a) Les dangers pour l'individu

La d�stabilisation mentale est le premier d'entre eux.

On entend par cette expression le fait, par la persuasion, la manipulation ou tout autre moyen mat�riel, de d�stabiliser quelqu'un pour le soumettre � son emprise.

Selon les Renseignements g�n�raux, les 172 mouvements sectaires coercitifs qu'ils ont recens�s recourraient � des pratiques pouvant �tre ainsi qualifi�es.

La d�stabilisation mentale peut prendre des formes tr�s diverses, et, notamment, tr�s insidieuse, comme l'illustrent le test de personnalit� et les " auditions " propos�s par l'Eglise de Scientologie. Voici comment un ancien adepte de cette association a d�crit � la Commission l'exp�rience du test :

" Ce test, qui comporte environ 200 questions ayant trait � l'argent, la famille, au travail, etc., a, � mon sens, un fondement psychologique vrai mais donne ensuite lieu � une analyse - sur ordinateur, aujourd'hui, ce qui lui donne un aspect s�rieux qui en impose beaucoup - tendant avant tout � mettre en valeur les d�fauts - ce qui est somme toute simple --.

" Les d�fauts sont donc amplifi�s tandis que les qualit�s sont plut�t sous-estim�es, ce qui permet d'arriver au constat qu'il y a des choses � faire et que le centre de dian�tique a des choses � vous proposer.

" (...) Et � partir de l�, [les gens] sont tent�s d'aller plus loin " .

D�s lors, le processus de d�stabilisation mentale est d�j� commenc�. Il franchit une �tape suppl�mentaire lorsque l'int�ress� va effectivement " plus loin " et accepte de se livrer � des " auditions " dian�tiques :

" J'ai fait cinq ou six heures d'audition. Dans ces auditions dites dian�tiques(...), on vous fait fermer les yeux - un peu comme chez un psy - et on vous fait revivre les moments difficiles. Personnellement, j'ai parl� de mon premier amour d'adolescent - j'ai fait la m�me chose que ce que l'on fait devant un psy --, ce qui a entra�n� chez moi une remont�e �motionnelle qui m'a un peu perturb�.

" L�, le mal �tait bel et bien fait car j'avais envie d'aller plus loin. (...) " .

L'int�ress� est effectivement " all� plus loin " , ce qui l'a conduit � un �tat d'ali�nation et de d�pendance extr�mes.

Cette pratique, on le voit, est tr�s insidieuse, car elle se pare d'un fondement scientifique et s'exerce avec l'accord de la victime, de fa�on progressive et dans un cadre parfaitement l�gal.

Certains proc�d�s sont, en revanche, nettement plus brutaux. Il s'agit, par exemple, d'affaiblir l'individu en lui imposant une discipline tr�s rigoureuse, ou de r�duire son esprit critique en l'astreignant � des actes ou des pri�res r�p�titifs afin d'obtenir sa compl�te ob�issance. Les t�moignages recueillis sur la journ�e type d'un adepte de l'Association internationale pour la conscience de Krishna, avec, notamment, ses onze heures de travail et ses six heures de d�votion par jour, l'attestent.

Ces proc�d�s peuvent m�me parfois conduire les adeptes � un �tat d'asth�nie pathologique avanc�.

On constate �galement, bien que plus rarement, le recours � des techniques sophrologiques, pouvant aller jusqu'� l'hypnose profonde ou � la prescription de drogues, permettant de r�aliser, pour reprendre l'expression du colonel Morin, un v�ritable " viol psychique " de l'adepte.

Ces formes de d�stabilisation mentale peuvent avoir de graves cons�quences sur le psychisme de ceux auxquels elles ont �t� appliqu�es, telles que d�pression, envo�tement, attitude schizophr�nique ou profond �tat de d�pendance.

Certaines sectes ont, en outre, � l'�gard de leurs adeptes, des exigences financi�res exorbitantes.

Selon les Renseignements g�n�raux, ce serait aujourd'hui le cas de 76 sectes.

Il en est notamment ainsi de l'Eglise de Scientologie. Celle-ci facturerait, en effet, certains cours � plus de 70.000 francs. Plusieurs t�moignages recueillis par la Commission montrent qu'elle aurait conduit de nombreux adeptes � une grave situation d'endettement.

On peut citer �galement l'Association pour l'unification du christianisme mondial qui aurait demand� entre 7.000 et 14.000 francs � chacune des 72.000 personnes mari�es collectivement par le R�v�rend Moon � S�oul au mois d'ao�t dernier.

L'exploitation financi�re serait aussi le fait, notamment, de l'Alliance Rose Croix, la Nouvelle Acropole, les Chevaliers du Lotus d'Or, l'Eglise universelle du royaume de Dieu, le Grand logis ou le Mouvement ra�lien fran�ais.

La rupture de l'adepte avec l'environnement d'origine est fr�quemment constat�e. Elle est �vidente lorsqu'il s'agit de sectes pratiquant la vie en communaut�, mais celles-ci ne sont pas les plus nombreuses. Elle est plus insidieuse mais tout aussi r�elle dans le cadre de sectes dont les adeptes continuent, en apparence, de mener une vie familiale et sociale normale, mais dont l'engagement les conduit progressivement � cesser toute relation v�ritable avec le monde ext�rieur au mouvement dont ils sont membres. Et c'est pr�cis�ment l� le but auquel les dirigeants de sectes veulent parvenir, en incitant l'adepte � consacrer le plus possible de son temps � la secte, � ses rites et � ses croyances : faire cesser tout contact avec les personnes qui seraient susceptbiles d'insinuer le doute dans l'esprit de l'adepte, de r�veiller son sens critique et, finalement, de le d�tourner de la secte.

D'apr�s les informations recueillies par votre commission, 57 mouvements spirituels pr�senteraient ce danger, notamment l'Alliance universelle, l'Eglise de scientologie, les T�moins de J�hovah, IVI, la Famille ou le Mouvement humaniste.

On se bornera, pour l'illustrer, � rappeler un t�moignage communiqu� par un ex-adepte des T�moins de J�hovah :

" (...) Si je me d�cide aujourd'hui � �crire, c'est pour casser le silence de vingt ann�es maintenant de souffrance morale durant lesquelles � cause d'une secte, qui est (...) " la secte des T�moins de J�hovah " , j'ai v�cu l'enfer.

" Les gens vivent en autarcie, ne participent en rien � la vie �conomique, culturelle ou autre d'un pays. Ils sont un danger parce qu'ils vous d�truisent tout simplement ; vous �cartent de votre famille, de vos amis, de la soci�t� m�me. Vous �tes isol�s de tout, il y a un endoctrinement commun � tous les disciples et gare si vous essayez d'�tre vous-m�me. C'est interdit. "

( Les pratiques de certaines sectes portent atteinte � l'int�grit� physique des adeptes. Selon les renseignements qui ont �t� obtenus par votre commission, 82 sectes feraient courir un tel danger � leurs membres.

Il peut s'agir de mauvais traitements, coups et blessures, s�questrations, non assistance � personne en danger ou exercice ill�gal de la m�decine, mais aussi d'agressions sexuelles.

Plusieurs plaintes ont ainsi �t� d�pos�es contre le gourou du Mandarom, Gilbert Bourdin, pour viols, tentatives de viols et agressions sexuelles. L'int�ress� a d'ailleurs �t� mis en examen et plac� sous contr�le judiciaire en juin dernier.

Il est bien connu qu'au sein de la secte Les Enfants de Dieu (aujourd'hui dissoute) la prostitution et l'inceste �taient couramment pratiqu�s. Voici, par exemple, comment la fille de David Berg, le fondateur du mouvement, raconte l'attitude de son p�re � son �gard dans le " Shukan Bushun " du 30 juillet 1992 :

" Mon p�re m'a press�e pour la premi�re fois d'avoir un rapport sexuel avec lui, quand j'avais huit ans, au Texas. J'ai r�sist�, n�anmoins, j'ai �t� viol�e. Cela a �t� si brusque que j'en �tais totalement boulevers�e et incapable d'en parler � quiconque.

" (...) Malheureusement, quand mon p�re �tait saisi par le d�sir sexuel, il ne pouvait pas se contr�ler, m�me si l'objet de son d�sir �tait sa propre fille.

" (...) Un jour, mon p�re rassembla les membres de la famille royale et annon�a : " l'inceste est une bonne chose. C'est ainsi qu'Adam et Eve ont eu beaucoup de descendance " (...) "

Une autre adepte fait part, elle, de la pratique du " flirty fishing " consistant � prostituer des enfants " avec l'intention d�termin�e de gagner plus d'adeptes et d'acqu�rir des appuis " .

Auto-dissoute en 1978, cette secte aurait �t� recr��e sous une autre appellation ( " La Famille " ), sous laquelle existe effectivement aujourd'hui une association sectaire.

Chacun garde enfin en m�moire les drames � grande �chelle que furent, entre autres, les suicides collectifs du Guyana en 1979, qui ont fait 923 victimes, ou de Waco en 1993, qui ont tu� 88 personnes.

Enfin, l'embrigadement des enfants serait le fait de 28 mouvements.

Outre " la Citadelle " dont les exactions ont d�j� �t� �voqu�es, pratiqueraient l'embrigadement des enfants sous une forme plus ou moins insidieuse, les T�moins de J�hovah, l'Association pour l'unification du christianisme mondial, la Communaut� de la Th�ba�de, l'Eglise de Scientologie de Paris, l'Eglise kristique de la J�rusalem nouvelle, la F�d�ration fran�aise pour la conscience de Krishna, la Famille et le Grand Logis.

Au-del� de ces effets n�gatifs sur des individus d�termin�s, les sectes peuvent �galement se r�v�ler particuli�rement nocives pour la collectivit� dans son ensemble.

b) Les dangers pour la collectivit�

Certaines sectes ont, en premier lieu, un discours clairement antisocial.

Cela n'est d'ailleurs pas �tonnant : les mouvements qui pr�conisent des pratiques contraires aux lois et � la morale commune doivent bien les justifier ; ils expliquent donc souvent � leurs adeptes que ces lois et cette morale sont mauvaises et que seuls les principes de la secte m�ritent d'�tre suivis.

46 organisations auraient un discours antisocial selon les Renseignements g�n�raux, parmi lesquelles les Chevaliers du lotus d'or, la F�d�ration fran�aise pour la conscience de Krishna, la Famille, le Suicide des rives, le Mouvement ra�lien et l'Ordre du coeur immacul� de Marie et de Saint Louis de Montfort.

Plusieurs organisations provoquent, d'autre part, des troubles � l'ordre public.

Selon les indications fournies � votre commission par le minist�re de l'int�rieur, ce serait le cas de 26 sectes, parmi lesquelles les T�moins de J�hovah, la Nouvelle Acropole, l'Eglise de Scientologie, la F�d�ration fran�aise pour la conscience de Krishna, le Suicide des rives et le Mouvement ra�lien fran�ais.

Les t�moignages recueillis concernant la Nouvelle Acropole, assimilant la secte � un mouvement n�o-fasciste, sont assez �loquents. En voici un extrait :

" (..) Or, malheureusement, � la Nouvelle Acropole, au fur et � mesure que les ann�es passent, les id�es tr�passent. C'est-�-dire que rentr� dans une �cole de philosophie � la fa�ade honn�te, vous vous retrouvez tr�s rapidement dans une secte aux vis�es politiques, au caract�re extr�me-droite et de type n�o-fasciste, et si vous ne r�agissez pas rapidement, vous risquez de vous retrouver en uniforme de style para-militaire (bleu-marine pour les femmes, noir pour les hommes et marron pour les officiers), le brassard au bras, l'�tendard dans une main, chantant des chants guerriers au rythme de musiques militaires, puis baissant la t�te, le genou � terre, saluant le bras lev� un rapace dans un soleil !!!

" (...) Ce sont de plus des ennemis d�clar�s de la d�mocratie, uniquement bonne aux l�ches et aux faibles, aux dires des dirigeants de la Nouvelle Acropole. De plus, ils sont hostiles � toute forme d'opposition, et sont susceptibles de devenir tr�s dangereux. Pour eux, la fin justifie les moyens (...) " .

( Certaines sectes sont coutumi�res des d�m�l�s judiciaires, comme en t�moignent les affaires �voqu�es plus haut.

Toutefois, il convient de pr�ciser que les rapports difficiles qu'entretiennent certaines sectes avec la justice peuvent prendre deux visages : les poursuites dont elles font l'objet en raison du caract�re d�lictueux ou pr�judiciable de leurs actes ; les actions qu'elles intentent elles-m�mes � l'�gard des personnes qui ont, selon elles, terni leur image.

A cet �gard, la Commission a eu l'occasion de constater que la plupart des personnes auditionn�es qui se sont publiquement exprim�es sur les effets n�gatifs de certains mouvements sectaires ont �t� assign�es en justice par ceux-ci pour diffamation. L'Eglise de Scientologie est, par exemple, tr�s coutumi�re du fait. En g�n�ral, les tribunaux d�boutent les mouvements.

On constate �galement de nombreux cas de d�tournement des circuits �conomiques, de telles pratiques �tant le fait de 51 organismes, selon les analyses des Renseignements g�n�raux.

Il en serait ainsi de l'Association pour la recherche sur le d�veloppement holistique de l'homme, l'Association Nouvelle Acropole France, Athanor, le Centre de documentation d'information et de contact pour la pr�vention du cancer, la Cl� de l'univers, l'Eglise de Scientologie, du Mouvement ra�lien fran�ais ou de la Soka Gakka� internationale France.

On a vu, de fait, comment certaines sectes pouvaient avoir recours au travail clandestin ou � diverses formes de fraude ou d'escroquerie.

Par ailleurs, plusieurs personnes ont �voqu� devant la Commission les infiltrations ou tentatives d'infiltration auxquelles se livreraient les sectes au sein des pouvoirs publics. Dans le m�me sens, certains journalistes se sont attach�s depuis quelques ann�es � d�montrer l'influence que pouvaient exercer certaines sectes - au premier chef l'Eglise de Scientologie - dans l'appareil d'Etat.

Votre commission, quant � elle, ne s'estime pas autoris�e � faire �tat dans le pr�sent rapport d'all�gations port�es � sa connaissance au cours de ses travaux mais dont elle n'a eu aucun moyen de v�rifier le bien-fond�. Certains pourraient voir l� de la na�vet� et la juger d�plac�e face aux entreprises subtiles de groupes qui savent tr�s habilement mettre en oeuvre les moyens leur permettant d'arriver � leurs fins. Il n'en est rien. Simplement, la Commission juge de son devoir de faire preuve de prudence et de refuser de rapporter des all�gations dont les cons�quences pourraient �tre d'une certaine gravit�, sans pouvoir en apporter la moindre preuve. Pour autant, elle n'a pas manqu� d'�tre alarm�e par certains �l�ments qui lui ont �t� communiqu�s. Aussi attire-t-elle l'attention des responsables administratifs sur la n�cessit�, sans tomber dans la parano�a, de faire preuve de la plus grande vigilance, de fa�on � �viter, au moins, que soient attribu�s des subventions ou des march�s � des sectes ou des organismes gravitant dans leur mouvance, par m�connaissance de leur nature exacte.

Multiple, divers, complexe, le ph�nom�ne sectaire pr�sente des dangers ind�niables pour l'individu comme pour la soci�t�. Et ce, d'autant qu'ils peuvent prendre les formes les plus insidieuses. Aucune cat�gorie sociale ou professionnelle n'y �chappe et si les jeunes paraissent davantage touch�s, on trouve dans les sectes des personnes de tous �ges.

Une question essentielle se pose alors aujourd'hui : ces dangers tendent-ils � s'accro�tre depuis dix ans ?

On ne peut gu�re apporter de r�ponse pr�cise � cette question, car il est, en l'�tat actuel des choses, impossible de mesurer avec exactitude leur �volution dans l'ensemble des mouvements. Toutefois, les avis recueillis par la Commission de la part de plusieurs observateurs laissent penser que si les pratiques des sectes ne sont pas plus dangereuses aujourd'hui qu'hier, beaucoup plus de personnes en sont victimes.

Dans ces conditions, il para�t particuli�rement important de savoir, d'une part, si le dispositif juridique existant est suffisant pour y faire face et, d'autre part, ce que les pouvoirs publics peuvent faire pour mieux lutter contre ces d�rives.

III.- LA N�CESSIT� D'UNE RIPOSTE ADAPT�E � LA DANGEROSIT� DES SECTES

Si l'on cherche � analyser les causes de la difficult� que les pouvoirs publics �prouvent � enrayer les d�rives sectaires, il appara�t que cette situation peut tenir � trois causes : soit les moyens de droit existants ne permettraient pas de les contrecarrer ; soit le dispositif juridique actuel est globalement adapt� mais incomplet et ne permet donc que partiellement d'y faire face ; soit, enfin, il est suffisant, mais n'est pas appliqu� de mani�re totalement satisfaisante.

L'�tude du dispositif juridique conduit votre commission � penser qu'il est globalement adapt� aux probl�mes pos�s par les sectes et ne n�cessite pas, de ce fait, une r�forme d'ensemble.

On constate n�anmoins, comme on l'a vu plus haut, qu'il est souvent difficile de faire condamner des organismes qui ont eu un comportement d�lictuel.

La r�ponse � ces probl�mes passe donc par une attitude tr�s pragmatique, fond�e avant tout sur une forte action de pr�vention, une meilleure application de la loi et l'am�lioration sur quelques points du dispositif juridique existant.

A.- UN DISPOSITIF D'ENSEMBLE �QUILIBR�, QUI NE JUSTIFIE PAS DE R�VOLUTION JURIDIQUE

Tout mouvement spirituel, dans la mesure o� il exprime des convictions religieuses ou, � tout le moins, des croyances, est prot�g� par le principe de la libert� de conscience.

Cette libert�, qui se d�finit comme le pouvoir d'agir conform�ment aux indications de sa conscience, notamment en mati�re religieuse, est, rappelons-le, garantie par l'article 10 de la D�claration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, le 5e alin�a du pr�ambule de la constitution de 1946, ainsi que par l'article 2 de la constitution de 1958.

Elle est �galement consacr�e, de fa�on encore plus pr�cise, par plusieurs conventions internationales auxquelles la France est partie. Ainsi en est-il de l'article 9 de la Convention europ�enne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libert�s fondamentales, ratifi�e par la France en 1973 et de l'article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, entr� en vigueur en France en 1981.

Tout mouvement spirituel jouit, d'autre part, de la libert� de r�union garantie par la loi du 30 juin 1881, ainsi que de la libert� d'association, pr�vue par l'article 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

Ces trois libert�s ne peuvent toutefois s'exercer que dans certaines limites.

D'abord, celle du respect de l'ordre public, c'est-�-dire, au sens large, la tranquillit�, la s�curit�, la salubrit� et la moralit� publiques. Ainsi, l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 pr�cit�e dispose que " toute association fond�e sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte � l'int�grit� du territoire national et � la forme r�publicaine du Gouvernement, est nulle et non avenue " . Ainsi, dans un arr�t du 14 mai 1982 (Association internationale pour la conscience de Krishna), le Conseil d'Etat a-t-il estim� que les seules restrictions susceptibles d'�tre apport�es � l'exercice du culte krishna�te pouvaient �tre tir�es du respect de la tranquillit� publique et de la n�cessit� de garantir les dispositions en mati�re d'hygi�ne et de s�curit� dans les �tablissements recevant du public.

Deuxi�mement, celle du respect de la libert� et des droits d'autrui, car, comme l'affirme l'article 4 de la D�claration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 : " la libert� consiste � faire tout ce qui ne nuit pas � autrui " . Ainsi, par exemple, il ressort de la r�ponse apport�e par le ministre de l'Int�rieur � deux questions �crites de M. Alain Vivien, que poursuit une action de caract�re d�lictuel, en infraction avec la loi n\xfb 78-17 du 6 janvier 1978 relative � l'informatique, aux fichiers et aux libert�s, la secte qui, par le biais d'enqu�tes ou de sondages sur l'usage des tranquillisants, adresse � ses adh�rents et � des tiers non adh�rents des questionnaires comportant des demandes de renseignements sur l'identit�, le domicile, le profession ou les coordonn�es t�l�phoniques des personnes interrog�es et des personnalit�s connues de ces derni�res, du monde politique, m�diatique, artistique, judiciaire ou financier (Rep. quest. �crites min. int. n. 8465 et 8467 : JOAN [Q] 10 avril 1989, p. 1691).

Enfin, celle du respect du principe de la�cit�, sur lequel repose la s�paration des Eglises et de l'Etat d�cid�e par la loi du 9 d�cembre 1905, ainsi que sur la neutralit� de celui-ci vis-�-vis des cultes. L'article 9 de cette loi dispose, en effet, rappelons-le, que " la R�publique ne reconna�t, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte " .

Fond� sur un �quilibre entre, d'une part, les libert�s de conscience, de r�union et d'association et, d'autre part, le respect de l'ordre public, des droits et libert�s d'autrui et de la la�cit� de la R�publique, le r�gime des cultes permet donc, tout en assurant l'expression de toutes les croyances, de faire face aux dangers sectaires.

1.- Un r�gime qui, tout en garantissant la libert� de religion, permet de r�primer les abus des mouvements sectaires

Si les mouvements spirituels disposent des moyens juridiques pour exister et se d�velopper, la loi pr�voit un arsenal important permettant de sanctionner les abus qui pourraient �tre commis sous couvert de l'exercice de la libert� religieuse.

a) Les mouvements spirituels disposent de plusieurs cadres l�gaux pour s'exprimer

Ces mouvements peuvent, en premier lieu, s'organiser en association non d�clar�e.

Les associations non d�clar�es peuvent, selon l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901 , recueillir des cotisations. Elles peuvent aussi cr�er un fonds commun destin� � faire face aux d�penses de l'association, ouvrir un compte de ch�ques postaux et passer des contrats de travail.

Elles ne font l'objet d'aucun contr�le administratif sp�cifique.

Le fait de ne pas �tre d�clar�es les emp�che, en revanche, de jouir de la capacit� juridique. Il s'ensuit qu'elles ne peuvent acqu�rir ni poss�der un patrimoine immobilier, ni ester en justice.

Il est tr�s difficile de savoir combien de mouvements sectaires optent pour ce statut, qui ne suppose aucune forme de publicit�, mais ils sont vraisemblablement peu nombreux.

Le cadre juridique semble-t-il le plus utilis� par les sectes est celui des associations d�clar�es pr�vu par la loi du 1er juillet 1901.

Pour b�n�ficier de ce statut, il suffit, en application de l'article 5 de cette loi, de :

- faire une d�claration � la pr�fecture du d�partement ou � la sous-pr�fecture de l'arrondissement o� l'association a son si�ge social, mentionnant " le titre et l'objet de l'association, le si�ge de ses �tablissements et les noms, professions, domiciles et nationalit�s de ceux qui, � un titre quelconque, sont charg�s de son administration ou de sa direction " ;

- y joindre deux exemplaires des statuts ;

- rendre publique l'association dans un d�lai d'un mois par insertion au " Journal officiel " d'un extrait contenant la date de la d�claration, le titre et l'objet de l'association, ainsi que l'indication de son si�ge social.

Dot�es de la capacit� juridique, ces associations peuvent, outre exercer les droits reconnus aux associations non d�clar�es, notamment :

- acqu�rir, poss�der et administrer les cotisations de leurs membres, le local destin� � leur administration et � la r�union de leurs membres et les immeubles strictement n�cessaires � l'accomplissement du but qu'elles se proposent ;

- poss�der des meubles corporels et incorporels, ainsi qu'�tre titulaire d'un droit au bail relatif � un immeuble d'habitation ;

- recevoir des dons manuels, des lib�ralit�s des �tablissements d'utilit� publique, ainsi que des subventions publiques de l'Etat, des r�gions, des d�partements, des communes et des �tablissements publics ;

- retirer r�tribution de services rendus ;

- ester en justice.

En contrepartie, elles peuvent �tre soumises au contr�le fiscal (article 1999 du code g�n�ral des imp�ts) et � celui de l'inspection du travail (article 143.5 du code du travail), possibilit�s dont on peut d'ailleurs regretter qu'elles ne soient pas davantage utilis�es.

D'autre part, elles ne peuvent - � l'exception de celles qui sont reconnues d'utilit� publique et de celles qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou m�dicale - recevoir des donations ou des legs.

Tr�s facile � obtenir, le statut d'association d�clar�e offre beaucoup de droits tout en imposant peu de contraintes. Aussi, la plupart des sectes l'adoptent-elles.

Beaucoup moins nombreux sont les mouvements religieux qui jouissent du statut d'association cultuelle.

Ce r�gime est d�fini par la loi du 9 d�cembre 1905 relatif � la s�paration des Eglises et de l'Etat.

La cr�ation des associations cultuelles est soumise, outre aux conditions pr�vues pour les associations d�clar�es, � certaines autres obligations particuli�res. Ainsi doivent-elles avoir pour objet exclusif l'exercice d'un culte et �tre compos�es d'au moins sept personnes dans les communes de moins de 1.000 habitants, de quinze personnes dans les communes de 1.000 � 20.000 habitants et de 25 personnes majeures dans les communes de plus de 20.000 habitants.

Elles b�n�ficient de tous les droits accord�s aux associations d�clar�es, hormis celui de recevoir des subventions de l'Etat, des d�partements et des communes, en raison du principe de s�paration entre les Eglises et l'Etat.

De plus, elles peuvent recevoir, outre le produit des qu�tes et collectes pour les frais du culte et des r�tributions pour les c�r�monies et services religieux, des lib�ralit�s testamentaires et entre vifs (article 19, alin�a 4 de la loi du 9 d�cembre 1905). Toutefois, cette possibilit� est soumise � une autorisation d�livr�e par arr�t� pr�fectoral quand la valeur de la lib�ralit� est inf�rieure ou �gale � 5 millions de francs et par d�cret en Conseil d'Etat lorsqu'elle d�passe ce montant.

D'autre part, en application des articles 200 et 238 bis du code g�n�ral des imp�ts, leurs bienfaiteurs peuvent d�duire de l'imp�t sur le revenu ou de l'imp�t sur les soci�t�s, dans une certaine limite, un pourcentage des lib�ralit�s qui leur sont accord�es.

Il convient enfin d'observer que, au titre de l'article 24 de la loi du 9 d�cembre 1905, les �difices affect�s � l'exercice du culte appartenant � l'Etat, aux d�partements ou aux communes, sont exempt�s de l'imp�t foncier et que les ministres des cultes peuvent �tre affili�s, en application de l'article L.721.1 du code de la s�curit� sociale, � un r�gime sp�cial de s�curit� sociale.

Enfin, ces associations font l'objet d'un contr�le financier par l'administration de l'enregistrement et par l'inspection g�n�rale des finances.

Peu de sectes se sont vu reconna�tre ce statut jusqu'� pr�sent.

Certaines se d�clarent elles-m�mes associations cultuelles, y compris dans leur intitul�. C'est le cas par exemple de l' " association cultuelle des T�moins de J�hovah " et de la secte du Mandarom, qui s'est qualifi�e en 1991 d' " association cultuelle du temple pyramide de l'unit� des religions " . Mais cela ne signifie pas pour autant qu'elles se sont vu reconna�tre cette qualit� par l'administration. D'ailleurs, en l'esp�ce, elles ne b�n�ficient pas de ce statut.

C'est la jurisprudence administrative qui a pr�cis� les contours de la notion d'association cultuelle, en en donnant une d�finition restrictive.

Sa conception de l'objet cultuel l'a ainsi conduite � refuser ce statut � l'Union des ath�es (CE, Union des ath�es, 17/06/1988), alors que la Commission europ�enne des droits de l'Homme consid�re, elle, que cette association pouvait, par une analogie des contraires, �tre consid�r�e comme cultuelle. Par ailleurs, le Conseil d'Etat a jug� que l'�dition et la vente de livres religieux (CE, Association Fraternit� des Serviteurs du Monde Nouveau, 21/01/1983) ou une activit� �ducative, sociale et culturelle, f�t-elle le prolongement d'une activit� cultuelle (CE, 20/10/1990, Association cultuelle de l'Eglise apostolique arm�nienne de Paris), ne pouvaient �tre consid�r�es comme des activit�s cultuelles.

D'autre part, le Conseil d'Etat a refus� de reconna�tre le statut d'association cultuelle aux T�moins de J�hovah dans un arr�t d'assembl�e du 1er f�vrier 1985 (CE, 1/02/1985, Association Chr�tienne des T�moins de J�hovah), consid�rant que cette association n'avait pas une activit� conforme � l'ordre public et � l'int�r�t national.

L'absence de motivations pr�cises de cette derni�re d�cision a d'ailleurs suscit� des critiques d'une part de la doctrine, notamment du Professeur Jacques Robert, qui a estim� qu'elle devrait conduire l'administration � saisir le Procureur de la R�publique pour faire constater la nullit� de ladite association par le tribunal de Grande Instance, conform�ment aux dispositions des articles 3 et 7 de la loi du 1er juillet 1901, et qu'une telle restriction � la libert� des cultes aboutissait � la reconstitution des cultes reconnus, situation � laquelle la loi du 9 d�cembre 1905 entendait pr�cis�ment mettre un terme.

Toujours est-il que c'est en fonction de ces crit�res jurisprudentiels que le statut d'association cultuelle est accord� par l'administration. Encore ne l'est-il d'ailleurs que de fa�on indirecte par le bureau des cultes ou les pr�fectures � l'occasion d'une demande visant � b�n�ficier des avantages pr�vus par l'article 19, alin�a 4 de la loi du 9 d�cembre 1905 (lib�ralit�s) ou des articles 200 et 238 bis du code g�n�ral des imp�ts (d�ductions d'imp�ts). Compte tenu de la multiplication des associations qui se pr�sentent comme l'expression de nouveaux mouvements religieux et susceptibles de demander � b�n�ficier du statut d'association cultuelle, il n'est pas certain que ces administrations disposent � elles seules des moyens de statuer en toute connaissance de cause sur de telles demandes.

Certains mouvements religieux exercent leurs activit�s dans le cadre de congr�gations.

Il existe actuellement en France environ 500 congr�gations, dont la moiti� a �t� reconnue depuis 1970. La quasi totalit� rel�ve de la religion catholique, mais on compte parmi elles quatre orthodoxes, six bouddhistes et une protestante.

Leur r�gime juridique est organis� par le titre III de la loi du 1er juillet 1901. Ce texte pr�voit qu'elles sont reconnues par d�cret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat et leur accorde les m�mes avantages que ceux conf�r�s aux associations cultuelles.

Mais la loi ne donne pas de d�finition de la congr�gation et la jurisprudence est extr�mement rare sur ce point.

En tout �tat de cause, selon le bureau des cultes du minist�re de l'Int�rieur, peu de sectes ont demand� � b�n�ficier de ce statut. Une requ�te a �t� formul�e en ce sens par le Mandarom de Castellane (Chevaliers du Lotus d'or) dans la p�riode r�cente, mais elle a �t� rejet�e.

D'autres sectes recourent �galement, directement ou indirectement, au statut de soci�t�s.

Il en est ainsi, par exemple, de l'Eglise de Scientologie qui diffuse sa doctrine au travers de multiples soci�t�s de formation et de services.

S'applique alors le r�gime de droit commun de la forme juridique de la soci�t� cr��e.

Il convient, enfin, de mentionner l'existence de divers r�gimes sp�ciaux.

Il s'agit, en fait, de particularismes juridiques propres � certains d�partements et dont l'existence tient � des raisons historiques.

C'est le cas notamment du r�gime des cultes d'Alsace-Moselle, fond� sur un statut de concordat. Il est caract�ris� principalement par le maintien de la distinction entre cultes reconnus et cultes non reconnus, la gestion des cultes reconnus par des �tablissements publics, la r�mun�ration des pr�tres, certaines obligations financi�res, des avantages fiscaux particuliers et un contr�le plus �troit par l'administration.

C'est le cas �galement du r�gime des missions religieuses dans les territoires d'outre-mer et � Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que du r�gime d�partemental confessionnel propre � la Guyane.

Si les mouvements spirituels b�n�ficient donc de plusieurs cadres juridiques pour s'exprimer, la loi permet cependant de r�primer les abus auxquels certains peuvent se livrer.

b) Un arsenal juridique important permet de sanctionner les " d�rives " sectaires

Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner, pour chaque type de danger sectaire identifi� par l'�tude des Renseignements g�n�raux, les moyens juridiques � la disposition des victimes et des pouvoirs publics pour s'y opposer.

Pour des raisons �videntes, la r�pression des pratiques de d�stabilisation mentale est particuli�rement d�licate. Cela �tant, un certain nombre de dispositions peuvent �tre utilis�es pour y parvenir. On peut notamment citer :

- l'article 31 de la loi du 9 d�cembre 1905 concernant la s�paration des Eglises et de l'Etat, punissant " de la peine d'amende pr�vue pour les contraventions de la 5�me classe et d'un emprisonnement de dix jours � un mois, ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer � un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront d�termin� � exercer ou � s'abstenir d'exercer un culte, � faire partie ou � cesser de faire partie d'une association cultuelle, � contribuer ou � s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte. "

- les sanctions pr�vues � l'encontre des appels t�l�phoniques malveillants ou des agressions sonores r�it�r�s en vue de troubler la tranquillit� d'autrui (art. 222.16 du nouveau code p�nal) ;

- les peines r�primant les outrages aux bonnes moeurs, les attentats aux moeurs et le harc�lement sexuel (art. 283 et suivants et art. 330 et suivants du code p�nal ; art. 227.23 et suivants, 222.32, 222.33 et 227.25 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- les dispositions p�nales concernant le trafic des stup�fiants (art. 222.34 et suivants du nouveau code p�nal), dans l'hypoth�se o� une secte inciterait ses adeptes � la consommation de drogues ;

- les peines relatives � l'exercice ill�gal de la m�decine (art. L-372 et suivants du code de la sant� publique) ;

Mais votre Commission constate - pour le regretter - qu'il n'est gu�re fait recours � ces dispositions dans le cadre de la lutte contre les d�rives sectaires.

En outre, � c�t� de ces dispositions traditionnelles, le nouveau code p�nal en application depuis mars 1994 comporte une incrimination nouvelle susceptible de constituer un moyen juridique suppl�mentaire pour lutter contre les pratiques de certains mouvements sectaires. Il s'agit de l'article 313-4, aux termes duquel " l'abus frauduleux de l'�tat d'ignorance ou de la situation de faiblesse, soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particuli�re vuln�rabilit� due � son �ge, � une maladie, � une d�ficience physique ou psychique ou � un �tat de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne vuln�rable � un acte ou � une abstention qui lui sont gravement pr�judiciables, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2.5000.000 F d'amende. " . Enti�rement nouveau, - de m�me que les articles 225-13 et 225-14 qui seront �voqu�s plus loin � l'occasion de l'examen des moyens de lutter contre les escroqueries et abus de confiance - cet article, sans �tre sp�cifique aux sectes, semble �tre d'un int�r�t particulier pour r�primer des faits de d�stabilisation mentale perp�tr�s par des sectes destructrices qui passaient pr�c�demment entre les mailles du filet du droit p�nal. Votre Commission ne peut donc qu'�mettre le souhait que les juges fassent usage de l'article 313-4 chaque fois que cela permettra de sanctionner des actes r�pr�hensibles commis par des sectes.

Enfin, mais il ne s'agit plus l� de r�pression, le code civil comporte des dispositions relatives � la protection des majeurs, qui peuvent trouver � s'appliquer dans certains cas de profonde d�stabilisation. Ainsi, la loi prot�ge-t-elle " le majeur qu'une alt�ration de ses facult�s personnelles met dans l'impossibilit� de pourvoir seul � ses int�r�ts " ou celui qui, " par sa prodigalit�, son intemp�rance ou son oisivet�, s'expose � tomber dans le besoin ou compromet l'ex�cution de ses obligations familiales " (art. 489 du code civil). Il en est �galement ainsi " lorsque les facult�s mentales sont alt�r�es par une maladie, une infirmit� ou un affaiblissement d� � l'�ge " (art. 490 du code civil). Un r�gime de sauvegarde de justice (art. 491 et suivants), de tutelle (art. 492 et suivants), ou de curatelle (art. 508 et suivants) peut alors �tre appliqu�.

Pour battre en br�che les exigences financi�res exorbitantes de certaines sectes, on dispose :

- des articles du code p�nal et du nouveau code p�nal punissant le vol (art. 379 et suivants du code p�nal et 311.1 et suivants du nouveau code p�nal), l'escroquerie (art. 405 du code p�nal et 313.1 du nouveau code p�nal) et l'abus de confiance (art. 406 et suivants du code p�nal et 314.1 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- des sanctions existant en mati�re de publicit� fausse ou trompeuse (loi n\xfb 73.1193 du 27 d�cembre 1973, art. 44 ; loi n\xfb 78.23 du 10 janvier 1978, art. 30) ;

- de la r�glementation des qu�tes sur la voie publique (circulaire du 21 juillet 1987 relative � l'appel � la g�n�rosit� publique) ;

- des articles 225.13 ( " Le fait d'obtenir d'une personne, en abusant de sa vuln�rabilit� ou de sa situation de d�pendance, la fourniture de services non r�tribu�s ou en �change d'une r�tribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli est puni de deux ans d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende " ) et 225.14 ( " Le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vuln�rabilit� ou de sa situation de d�pendance � des conditions de travail ou d'h�bergement incompatibles avec la dignit� humaine est puni de deux ans d'emprisonnement et de 500.000 F. d'amende " ) du nouveau code p�nal, qui permettent de sanctionner des formes d'exploitation financi�res directes ou indirectes manifestes. On ne peut que souhaiter que ces dispositions nouvelles re�oivent une application fr�quente de fa�on � lutter efficacement contre l'exploitation financi�re des adeptes par les sectes.

Plusieurs moyens permettent de faire face aux ruptures avec l'environnement d'origine :

- les obligations impos�es par le code civil aux �poux (art. 212 et suivants du code civil). On citera notamment l'article 215, qui pr�cise que " les �poux s'obligent mutuellement � une communaut� de vie " et que " la r�sidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord " , ainsi que l'article 220.1, qui pr�voit que " si l'un des �poux manque gravement � ses devoirs et met ainsi en p�ril les int�r�ts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requi�rent ces int�r�ts " ;

- les obligations parentales fix�es par ce m�me code et les sanctions pr�vues par celui-ci dans les cas o� elles ne sont pas respect�es : d�ch�ance (art. 378 et suivants), perte ou privation provisoire de l'autorit� parentale (art. 373 et suivants) ;

- l'article 371.4 du code civil, disposant que " les p�re et m�re ne peuvent, sauf motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands parents " et qu'en consid�ration de situations exceptionnelles, le " juge aux affaires familiales " peut accorder un droit de correspondance ou de visite � d'autres personnes, parents ou non ;

- les peines en mati�re de d�laissement de mineur, d'abandon de famille, d'atteintes � l'exercice de l'autorit� parentale ou � la filiation ou de mise en p�ril des mineurs (articles 227.1 et suivants du nouveau code p�nal).

De nombreuses dispositions permettent de sanctionner les atteintes � l'int�grit� physique, qu'il s'agisse :

- d'enl�vements et s�questrations (art. 341 et suivants et 354 et suivants du code p�nal ; art. 224.1 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- de coups et blessures (art. 309 et suivants du code p�nal ; art. 222.7 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- de tortures (art. 303 du code p�nal ; art. 222.1 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- de non assistance � personne en danger (art. 63 du code p�nal ; art. 223.6 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- d'homicide (art. 296 et suivants du code p�nal ; art. 221.1 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- de viol (art. 332 et suivants du code p�nal ; art. 222.23 et suivants du nouveau code p�nal) et d'agressions sexuelles (art. 222.22 et suivants du nouveau code p�nal) ;

- de prostitution et de prox�n�tisme (art. 334 et suivants du code p�nal ; art. 225.5 et suivants et R.625.8 du nouveau code p�nal) ;

- d'incitation � la d�bauche et de corruption de mineurs (art. 334.2 du code p�nal ; art. 227.22 du nouveau code p�nal) ;

- des dangers mena�ant la sant�, la s�curit� ou la moralit� d'un mineur non �mancip� ou les conditions de son �ducation (art. 375 et suivants du code civil, permettant � la justice d'ordonner des mesures d'assistance �ducative).

S'agissant de l'embrigadement des enfant, outre les dispositions pr�cit�es permettant de s'opposer aux ruptures avec l'environnement d'origine, il peut �tre fait application des r�gles concernant l'obligation scolaire (loi du 28 mars 1882, ordonnance n\xfb 59.45 du 6 janvier 1959 et d�cret n\xfb 66.104 du 18 f�vrier 1966 sur l'obligation scolaire et d�cret n\xfb 59.39 du 2 janvier 1959 sur les bourses) et des sanctions pour d�tournement de mineur (art. 354 et suivants du code p�nal ; art. 227.7 et suivants du nouveau code p�nal).

Les principes de libert� de pens�e et d'expression emp�chent �videmment que les sectes qui d�veloppent un discours anti-social puissent �tre inqui�t�es pour ce motif, pouvant seuls �tre sanctionn�s, les cas �ch�ant, les actes de diffamation ou d'injure � l'�gard des institutions publiques ou de leurs repr�sentants (art. 30 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 sur la libert� de la presse ; article 1er de la loi du 11 juin 1887 concernant la diffamation et l'injure commises par les correspondances postales ou t�l�graphiques circulant � d�couvert) ;

En mati�re de troubles � l'ordre public, le dispositif est � la fois pr�ventif et r�pressif.

Concernant les mesures pr�ventives, il s'agit de l'ensemble des dispositions qui permettent de garantir la s�curit�, la tranquilit�, la sant� et la morale publiques. On peut citer, par exemple, les r�gles de s�curit� dans les �tablissements recevant du public (art. R 123-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation), dans les �tablissements priv�s d'enseignement (loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement, loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, loi n\xfb 59-1557 du 31 d�cembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les �tablissements d'enseignement priv�, d�cret n\xfb 60-389 du 22 avril 1960, relatif aux contrats d'association � l'enseignement public pass� par les �tablissements d'enseignement priv�), ou la r�glementation de la publicit� en faveur de mat�riels et proc�d�s th�rapeutiques (art. L 551 et suivants et R 5055 et suivants du code de la sant� publique). On peut noter � cet �gard que l'appr�ciation du trouble � l'ordre public ne para�t pas toujours tr�s s�v�re � l'�gard des sectes, en comparaison de la fa�on dont elle est port�e � l'�tranger, comme en t�moigne le fait que le r�v�rend Moon a r�cemment pu tenir une conf�rence dans notre pays alors que l'autorisation lui en a �t� refus�e dans plusieurs pays europ�ens.

En mati�re r�pressive, on peut �voquer, entre autres, outre le principe g�n�ral de l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 pr�cit�, l'article 7 de cette m�me loi, fixant les modalit�s de dissolution des associations fond�es sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs ou qui aurait pour but de porter atteinte � l'int�grit� du territoire national et � la forme r�publicaine du Gouvernement, son titre V r�gissant la police des cultes ou les dispositions permettant la dissolution des groupes de combat et milices priv�es (loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices priv�es, art. 1er).

Concernant les d�m�l�s judiciaires, il convient, comme on l'a vu, de distinguer deux cas :

- les poursuites dont certaines sectes font l'objet en raison du caract�re d�lictueux ou pr�judiciable de leurs actes, qui, tout en r�v�lant un danger, sont elles-m�mes une sanction ;

- les actions qu'elles intentent � l'�gard des personnes qui ont, selon elles, terni leur image, contre lesquelles celles-ci peuvent faire valoir, selon les cas, le d�lit de diffamation ou d'injure (art. 30 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 sur la libert� de la presse), les atteintes � la personnalit� (atteintes � la vie priv�e (art. 226-1 et suivants du nouveau code p�nal) ; atteintes au secret (art. 226-13 et suivants de ce code) ; d�nonciation calomnieuse (art. 226-10 et suivants de ce code) ; atteintes aux droits de la personne r�sultant des fichiers informatiques (art. 226-16 et suivants de ce code), ou celles relatives au secret des correspondances (art. 226.15 de ce code) ou � l'inviolabilit� du domicile (art. 226-4 et suivants de ce code)), ainsi que l'article 700 du nouveau code de proc�dure civile (condamnation aux d�pens ou aux frais expos�s non compris dans les d�pens).

Les d�tournements des circuits �conomiques peuvent �tre sanctionn�s notamment par la direction g�n�rale des imp�ts et la direction g�n�rale des douanes, pour les violations des r�gles du droit fiscal, l'inspection du travail, pour les infractions au code du travail, les diff�rents services de s�curit� sociale, pour non respect du code de la s�curit� sociale. Comme cela a d�j� �t� signal�, votre Commission regrette toutefois le trop faible nombre des contr�les op�r�s, par manque de moyens et/ou en raison d'une insuffisante sensibilisation des services concern�s aux probl�mes pos�s par les sectes.

Le droit fran�ais offre donc, on le voit, beaucoup de moyens - d'autant que la liste ci-dessus n'est pas exhaustive - pour parer aux diff�rents dangers pr�sent�s par certains mouvements sectaires. Force est de constater cependant que les dispositions �voqu�es ci-dessus ne sont que - trop- rarement utilis�es pour r�primer les actes r�pr�hensibles commis par certaines sectes. Le probl�me n'est donc pas tant de r�former un dispositif que votre Commission estime globalement adapt� � la lutte contre les d�rives sectaires que de l'appliquer avec la d�termination n�cessaire.

2.- Une r�forme radicale ne para�t pas souhaitable

Un certain nombre de personnes engag�es � un titre ou � un autre dans la lutte contre les dangers que pr�sente le ph�nom�ne sectaire consid�rent que le dispositif juridique actuel devrait �tre profond�ment r�form�. Les r�flexions men�es en ce domaine prennent deux directions diff�rentes, les uns estimant n�cessaire d'�laborer un r�gime juridique sp�cifique aux sectes, les autres �tant favorables � la reconnaissance des sectes comme religions � part enti�re. Sans m�conna�tre l'int�r�t de ces d�marches, votre commission est parvenue � la conclusion qu'il ne serait ni utile ni opportun de bouleverser notre �difice juridique.

a) L'inopportunit� d'un r�gime juridique sp�cifique aux sectes

Cr�er un r�gime juridique propre aux sectes pour r�pondre aux dangers sp�cifiques qu'elles pr�sentent peut para�tre a priori une id�e s�duisante.

En effet, plusieurs arguments militent en ce sens.

En premier lieu, il est vrai que le ph�nom�ne sectaire a des caract�ristiques intrins�ques : la s�paration avec les religions traditionnelles, la fr�quente pr�sence d'un gourou ou les fortes contraintes souvent impos�es aux adeptes en t�moignent. D'o� l'id�e qu'� ce ph�nom�ne singulier devrait correspondre un cadre juridique propre.

D'autre part, il s'agit, on l'a vu, d'un ph�nom�ne qui tend � s'amplifier et dont les formes changent. Il pourrait donc, l� encore, justifier une adaptation du droit.

Troisi�mement, il pr�sente des dangers importants et multiples justifiant une action de plus grande ampleur des pouvoirs publics, ce qui passe le plus souvent par la mise en place de dispositifs juridiques nouveaux.

Certains sp�cialistes consid�rent, en outre, que notre arsenal juridique n'est pas parfaitement bien adapt� aux probl�mes pos�s par les sectes. Ainsi, par exemple, le colonel Morin d�veloppe-t-il la th�se, expos�e notamment dans Sectarus, selon laquelle le droit fran�ais ne permet pas de r�primer le viol psychique et d�plore cette lacune.

Voici, par ailleurs, comment l'UNADFI, dans le num�ro 36 (4�me trimestre de 1992) de sa revue " Bulles " , consacr� aux sectes et au droit, envisage la question :

" D�s lors, sans en m�conna�tre la difficult� et m�me l'apparente impossibilit�, est-il vraiment exclu de l�gif�rer en la mati�re ? De m�me qu'un pr�venu peut �tre relax� du d�lit de diffamation s'il rapporte la preuve de la v�rit� des faits diffamatoires, de m�me ne pourrait-on reconna�tre qu'un d�lit de " manipulation " est constitu� � condition de pouvoir rapporter la preuve de la v�rit� des faits manipulatoires ?

" Pour ce faire, il ne serait pas forc�ment n�cessaire de recourir � des expertises psychiatriques (des psychiatres peuvent aujourd'hui encore ignorer le processus de la manipulation mentale pratiqu�e par les sectes). Il semble qu'il soit possible d'apporter la preuve de la manipulation v�cue dans une secte, � partir de crit�res v�rifi�s dans des faits pr�cis, parfaitement d�montrables, d'autant plus probants qu'ils ne sont pas individuels ou isol�s mais collectifs et r�p�titifs. Ces faits permettraient de prouver que les adeptes ont perdu, en ce qui concerne les pratiques perverses de la secte, leur esprit critique et leur libre arbitre et sont devenus parfois des inconditionnels fanatis�s, pr�ts � croire, dire et faire tout et n'importe quoi. (...) "

Et de citer l'existence en Italie du d�lit de " piaggio " , c'est-�-dire de l'envo�tement, destin� � condamner toute pression exerc�e sur une personne par des moyens de fascination personnelle relevant de la sup�riorit� sociale ou culturelle.

D'autres sp�cialistes insistent enfin sur le fait que, non seulement le r�gime actuel ne permet pas de lutter efficacement contre les dangers des sectes, mais que, de plus, il traite de fa�on in�gale les diff�rents mouvements spirituels. Le professeur Jo�l Beno�t d'Onorio note d'ailleurs sur ce dernier point dans " La Semaine juridique " (n\xfb 20, 1988) :

" L'assemblage de textes �pars peut r�v�ler un certain statut des institutions catholiques dans la communaut� nationale : la loi et le d�cret de 1901, puis la loi de 1921 sur les congr�gations religieuses, l'aide-m�moire avec le Saint-Si�ge sur la consultation gouvernementale pr�alable � la nomination des �v�ques, l'�change de lettres diplomatiques de 1923 sur les associations doc�saines substitu�es, pour les catholiques, aux associations cultuelles de 1905 refus�es par Rome, le concordat de 1801 pour les trois d�partements d'Alsace-Moselle ainsi que la prise en compte par la jurisprudence de certains �l�ments du droit canonique composent un ensemble juridique sp�cial. A la v�rit�, on ne peut rayer d'un trait de plume, f�t-ce au moyen d'une loi voire d'une Constitution, une exp�rience historique de plusieurs si�cles : la France est un pays la�que de tradition catholique. Elle est devenue, en quelque sorte, " cathola�que " .

" Dans une certaine mais moindre mesure, vu leur repr�sentativit� sociologique, les autres cultes anciennement reconnus (protestant et isra�lite) b�n�ficient aussi d'un traitement particulier de la part des pouvoirs publics qui ont appris � les conna�tre depuis bient�t deux si�cles, ce qui n'est pas le cas pour les nouveaux mouvements religieux m�me inoffensifs.(...) "

D'o� l'id�e qu'il conviendrait d'�laborer un r�gime juridique propre aux nouveaux mouvements spirituels, susceptible � la fois de garantir qu'ils se conforment aux lois de la R�publique et de mieux les reconna�tre. Il pourrait, selon certains, prendre la forme d'un concordat ou de conventions pass�s avec ces mouvements. Ainsi par exemple, Philippe Gast �crit-il dans " Les Petites affiches " (n\xfb 90, 28/07/1995) : " A l'heure o� l'actualit� am�ne r�guli�rement les d�lires de telle ou telle secte, ou les abus de telle ou telle religion, il convient de se pencher sur la n�cessaire �laboration de crit�res permettant de distinguer les mouvements religieux et les " mauvaises " sectes des " bonnes " . Pour cela, il faut d'abord envisager quelques r�flexions conceptuelles sur ce th�me avant de tenter d'�laborer des solutions positives qui pourront donner lieu � une charte des mouvements spirituels authentiques. "

Au terme de ses travaux, il n'appara�t toutefois pas souhaitable � votre commission de pr�coniser l'�laboration d'un r�gime juridique sp�cifique aux sectes.

Une telle entreprise se heurterait d'abord � un probl�me de d�finition. On a vu, en effet, combien il �tait difficile de d�finir la notion de sectes et les limites que pr�sentaient les diff�rentes approches possibles. Or, la mise au point d'un r�gime juridique propre aux sectes obligerait n�cessairement � faire un choix en faveur de l'une d'elles, ce qui ne manquerait pas de pr�ter le flanc � toutes les contestations.

Supposons, par exemple, que l'on retienne l'acception la plus large, et que l'on consid�re comme des sectes l'ensemble des nouveaux mouvements spirituels, par diff�rence avec les religions traditionnelles : comment alors justifier que ces mouvements, qui peuvent parfois pr�senter les m�mes caract�ristiques qu'elles, soient soumis � un r�gime diff�rent ? Comment expliquer aussi qu'on applique un m�me droit sp�cifique � des ph�nom�nes aussi dissemblables que des courants spirituels pacifiques et des sectes dangereuses ? Si l'on optait, au contraire, pour une d�finition restrictive, selon laquelle les sectes correspondent � l'ensemble des mouvements spirituels pr�sentant des dangers pour l'individu ou la collectivit�, le probl�me se poserait alors de savoir quel(s) crit�re(s) de dangerosit� choisir. Or, le caract�re multiforme, nuanc� et changeant du ph�nom�ne rend � l'�vidence cette entreprise pour le moins p�rilleuse.

En deuxi�me lieu, ce r�gime para�t peu compatible avec plusieurs de nos principes r�publicains.

En effet, il conduirait � ne pas traiter de fa�on identique tous les mouvements spirituels, ce qui risquerait de porter atteinte, non seulement au principe d'�galit�, mais aussi � celui de la neutralit� de l'Etat vis-�-vis des cultes.

D'autre part, dans la mesure o� il aurait notamment pour but d'emp�cher les " d�rives " sectaires, il se traduirait probablement par un encadrement plus �troit des activit�s des sectes auquel il serait tr�s difficile de parvenir sans toucher aux libert�s de religion, de r�union ou d'association.

Troisi�mement, les arguments invoqu�s � l'appui de cette proposition ne semblent pas pertinents.

On a vu, en effet, que le droit fran�ais ne manquait pas de ressources pour combattre les dangers pr�sent�s par les sectes, bref qu'am�liorer la situation actuelle supposait moins l'adaptation du dispositif existant que son application effective.

En ce qui concerne l'argument selon lequel le droit positif ne permettrait pas de combattre certaines formes de manipulation mentale telles ce que certains qualifient de viol psychique, il convient d'observer que les sanctions pr�vues par le nouveau code p�nal � l'encontre de l'escroquerie, de l'exercice ill�gal de la m�decine, de l'abus de faiblesse ou de l'abus de vuln�rabilit� constituent de bons moyens de d�fense face � ce genre de pratiques. D'autre part, il semble, en fait, difficile d'aller plus loin dans la r�pression des m�thodes de persuasion, sous peine de porter atteinte au principe de la libert� d'expression.

Enfin, si l'ensemble des croyances spirituelles et religieuses ne sont pas soumises au m�me r�gime, elles ne sont pas non plus dans la m�me situation, ne serait-ce que parce que certaines pr�sentent des dangers et d'autres pas. Il est vrai toutefois que certaines diff�rences ne s'expliquent que pour des raisons historiques : c'est notamment le cas pour le r�gime sp�cial d'Alsace-Moselle.

L'id�e de cr�er un r�gime juridique sp�cifique aux sectes a, d'ailleurs, dans l'ensemble, �t� rejet�e par les pouvoirs publics et les sp�cialistes.

Ainsi, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme d�clare-t-elle, dans son avis du 10 d�cembre 1993, qu'elle " estime que la libert� de conscience garantie par la D�claration des droits de l'Homme et du citoyen (1789), par la D�claration universelle des droits de l'Homme, par la Convention europ�enne des droits de l'Homme (article 9) rend inopportune l'adoption d'une l�gislation sp�cifique au ph�nom�ne dit des sectes, qui risquerait de porter atteinte � cette libert� fondamentale " .

De m�me, Alain Vivien d�clarait-il dans une interview accord�e au " Figaro " le 29 avril 1992 : " Il ne faut pas cr�er de l�gislation particuli�re au risque de faire appara�tre les sectes pour des martyrs. L'arsenal dont nous disposons est tout � fait suffisant, il suffit de l'appliquer ! " .

Enfin, au cours de ses travaux, votre commission n'a gu�re entendu soutenir l'id�e d'une l�gislation sp�cifique aux sectes, les rares personnes qui y seraient favorables dans l'absolu convenant qu'en fait toute initiative en ce sens serait � tout le moins inopportune.

b) Les risques d'une reconnaissance des sectes comme religions � part enti�re

D'aucuns consid�rent qu'il conviendrait, sans cr�er de r�gime sp�cifique, de reconna�tre les nouveaux mouvements religieux comme des religions � part enti�re.

Cette id�e a �t� d�fendue, notamment au cours d'un colloque sur les T�moins de J�hovah, organis� le 26 novembre 1993 � l'Assembl�e nationale par le Centre de formation et d'�tudes judiciaires.

La raison principale invoqu�e � l'appui de cette th�se, est que, bien qu'�tant des religions, ces mouvements ne b�n�ficient pas du m�me statut que les religions traditionnelles.

Il est vrai, on l'a vu, que le statut d'association cultuelle et de congr�gation est en g�n�ral refus� aux mouvements commun�ment appel�s sectes. De plus, on peut arguer que leur accorder le b�n�fice de ce statut permettrait aux pouvoirs publics de mieux les contr�ler.

Toutefois, cette id�e ne semble pas devoir �tre retenue.

En effet, on ne voit pas comment il serait possible de reconna�tre comme religions � part enti�re des mouvements qui, comme un certain nombre de sectes, soit ne poursuivent pas un but exclusivement religieux, soit ont des pratiques contraires � l'ordre public et aux droits et libert�s d'autrui.

De ce point de vue, l'�quilibre sur lequel repose la loi du 9 d�cembre 1905 entre la libert� de conscience et d'association, d'une part, et le respect de l'ordre public, d'autre part, n'a pas lieu d'�tre remis en cause.

Cela dit, il est parfaitement normal que les mouvements dont l'objet est exclusivement cultuel et qui se conforment aux lois de la R�publique se voient reconna�tre, � leur demande, le statut d'association cultuelle ou de congr�gation. Mais c'est, en application de la loi, � l'administration, voire au juge administratif en cas de contentieux, qu'il appartient d'examiner si ces conditions sont effectivement remplies.

Il n'est donc pas n�cessaire de proc�der � une r�forme radicale du r�gime juridique existant pour r�soudre les probl�mes pos�s par les sectes ; il s'agit, en fait, plut�t, en s'appuyant sur lui, d'imaginer les moyens pratiques d'y faire face.

B.- POUR UNE R�PONSE PRAGMATIQUE AU PH�NOM�NE SECTAIRE

Votre Commission est donc bien convaincue, d'une part, de l'impossibilit�, tant juridique que de fait, de s'orienter dans la voie d'une l�gislation sp�cifique destin�e � lutter contre les agissements des sectes en ce qu'ils peuvent �tre consid�r�s comme dangereux, d'autre part des risques que comporterait l'inaction fond�e sur une conception pouss�e � l'extr�me de la libert� de conscience. Il lui appara�t d�s lors que la seule riposte adapt�e au ph�nom�ne sectaire ne peut �tre, pour des raisons � la fois de principe et de faisabilit�, que pragmatique et diversifi�e, de fa�on � prendre en compte le mieux possible une r�alit� complexe.

Plusieurs interlocuteurs de la Commission lui ont fait part des r�flexions qu'ils m�nent, pour certains depuis de fort nombreuses ann�es, sur les moyens aptes � lutter contre les dangers que font courir certaines sectes aux individus et � la soci�t�. Tous, y compris ceux qui dans l'absolu seraient partisans d'une l�gislation sp�cifique anti-sectes mais conviennent que telle ne peut pas �tre la solution, adoptent une d�marche comparable, faite de r�alisme et de pragmatisme, m�me s'ils ne donnent pas n�cessairement la priorit� aux m�mes mesures, ce qui ne fait que refl�ter la diversit� des horizons dont ils proviennent.

Une telle approche conduit aujourd'hui votre Commission � consid�rer que le dispositif susceptible de lutter avec efficacit� contre les dangers que font peser les sectes sur les individus et la soci�t� doit s'articuler autour de trois axes principaux : l'am�lioration de la connaissance des sectes et de la diffusion de cette connaissance ; l'application plus stricte du droit existant ; le renforcement sur quelques points de la l�gislation existante. Par ailleurs, il convient d'aider de mani�re plus efficace les anciens adeptes qui se trouvent parfois totalement d�munis sur le plan mat�riel et psychologique et auxquels n'est actuellement offerte aucune forme d'assistance correspondant � leurs besoins.

1.- Mieux conna�tre et faire conna�tre

Combattre de fa�on efficace et �quitable les " d�rives " sectaires suppose avant tout d'avoir une bonne connaissance du ph�nom�ne. Faute de bien le cerner, on risque, en effet, de mal appr�cier les dangers qu'il peut pr�senter et, ainsi, de mettre en oeuvre pour y rem�dier des moyens inad�quats.

Encore faut-il aussi que l'information ainsi recueillie fasse l'objet d'une diffusion appropri�e, fondement d'une politique de pr�vention qui reste, votre Commission en est convaincue, le meilleur moyen de lutte contre le d�veloppement du ph�nom�ne sectaire. Cette action de diffusion de la connaissance sur les mouvements sectaires et leurs pratiques doit �tre men�e aupr�s de l'ensemble des services administratifs concern�s et du grand public, en particulier des jeunes.

a) Mieux conna�tre

Force est de reconna�tre qu'on ne dispose pas aujourd'hui d'une connaissance suffisamment pr�cise du ph�nom�ne sectaire.

Ainsi a-t-on vu, par exemple, � quel point il �tait difficile de mesurer son importance quantitative - que ce soit en nombre d'adeptes ou de groupements - ou d'appr�cier de mani�re pr�cise sa progression.

Il appara�t � votre Commission qu'il serait opportun pour combler cette lacune de cr�er un observatoire d'�tude des sectes, qui ne pourra pleinement jouer son r�le que si parall�lement est am�lior� le dispositif d'information et d'analyse existant au sein de chaque minist�re.

1. Cr�er un observatoire interminist�riel rattach� au Premier ministre

Il n'existe aujourd'hui en France aucune structure dot�e de moyens suffisants pour suivre avec pr�cision l'ensemble du ph�nom�ne sectaire.

Certes, le minist�re de l'Int�rieur collecte gr�ce � une quarantaine d'agents des Renseignements g�n�raux r�partis sur tout le territoire, une information riche sur l'implantation des sectes, leurs effectifs et leurs agissements. Mais il ne peut s'agir que d'une information partielle. Les services de police n'ont en effet pas les moyens et il n'entre pas dans leurs missions de se livrer � une analyse des aspects sociologiques, psychologiques, m�dicaux ou juridiques du ph�nom�ne.

L'Institut des hautes �tudes de s�curit� int�rieure (IHESI) a, par ailleurs, cr�� en 1992, un groupe de travail sur les sectes. Toutefois, ce groupe n'a pas d'existence officielle. En outre, il ne dispose pas de moyens suffisants pour assurer un suivi global des activit�s sectaires.

Une mission d'�tude a �galement �t� mise en place au sein du minist�re des Affaires sociales. Depuis 1992, un agent de la Direction de l'action sociale est charg� de suivre, entre autres questions, celle des sectes. D'autre part, le minist�re a pass� en 1993 avec l'Association pour une recherche interdisciplinaire sur l'existence et la sant� (ARIES) une convention de recherche. Celle-ci pr�voit que l'ARIES remettra en 1996 au minist�re un rapport d'�tude sur les sectes. Cela �tant, ce dispositif est lui aussi tr�s limit� en termes de moyens.

On ne saurait, enfin, n�gliger le r�le important jou� par les associations de d�fense des victimes des sectes - Union nationale des associations de d�fense des familles et de l'individu (UNADFI) et Centre de documentation, d'�ducation et d'action contre les manipulations mentales (CCMM) - dans la collecte et l'exploitation de l'information sur les mouvements sectaires.

Face � la progression du ph�nom�ne sectaire et aux dangers que pr�sentent certains mouvements, un organisme d'�tude dot� d'une existence administrative et juridique propres ainsi que de moyens sp�cifiques appara�t donc n�cessaire.

D'ailleurs, une telle structure est r�clam�e depuis longtemps.

D�j�, en 1982, le rapport Ravail avait sugg�r� la cr�ation d'une commission interminist�rielle. En 1983, dans son rapport au Premier ministre, M. Alain Vivien sugg�rait " qu'un haut fonctionnaire soit d�sign� aupr�s du Premier ministre pour suivre l'ensemble du probl�me des sectes, coordonner la r�flexion et, le cas �ch�ant, mobiliser les d�partements minist�riels int�ress�s... A l'initiative de ce haut fonctionnaire, la commission interminist�rielle sugg�r�e par le rapport Ravail pourrait se r�unir � chaque fois qu'il le faudrait sans n�cessairement s�cr�ter une administration excessive dont la rigidit� pr�senterait sans doute bien des inconv�nients " .

La Commission nationale consultative des droits de l'homme, dans son avis du 10 d�cembre 1993 concernant le ph�nom�ne dit des sectes, proposait " que soit mise en place une structure de coordination interminist�rielle destin�e � faire p�riodiquement le point sur l'�volution du ph�nom�ne dit des sectes et � coordonner l'application des mesures l�gislatives et r�glementaires pertinentes ; et que soit cr�� un centre d'information publique sur ces groupes, recueillant et diffusant toutes informations et assurant une assistance juridique aux victimes " .

Cette id�e a, en outre, �t� d�fendue dans le cadre de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe. Ainsi, Sir John Hunt, dans son rapport de 1991 sur les sectes et les nouveaux mouvements religieux, affirmait-il que " des organismes ind�pendants devraient �tre cr��s pour collecter et diffuser une information concr�te et objective sur la nature et les activit�s des sectes. "

Par ailleurs, de nombreuses personnes entendues par la commission d'enqu�te ont sugg�r� la cr�ation d'un observatoire interminist�riel.

Cet organisme devrait assurer trois missions principales :

- �tudier et suivre le ph�nom�ne, en liaison notamment avec les services administratifs concern�s (minist�res de l'Int�rieur, des Affaires sociales, de la Justice, des Finances, de l'Education nationale, des Affaires �trang�res...), dans une approche pluridisciplinaire, tant sociologique, �conomique, administrative que juridique et m�dicale.

- informer le Premier ministre et, avec son autorisation, les services administratifs concern�s, du r�sultat de ses observations et de ses �tudes, notamment s'agissant des probl�mes d'actualit�.

- faire des propositions au Premier ministre visant � am�liorer les moyens de lutte contre les dangers des sectes, qui pourraient faire l'objet d'un rapport annuel d'activit� qui serait rendu public.

Cet organisme devrait �tre dot� d'un statut qui lui permette de remplir au mieux ses missions. Sans entrer dans le d�tail, il para�t souhaitable qu'il pr�sente les principales caract�ristiques suivantes :

�tre un service interminist�riel directement rattach� au Premier ministre, comme le sont, par exemple, la Commission pour la simplification des formalit�s (COSIFORM), le Coll�ge de la pr�vention des risques technologiques ou le Comit� central d'enqu�te sur le co�t et le rendement des services publics. Le rattachement � tel ou tel minist�re n'aurait en effet pas de justification, s'agissant d'un ph�nom�ne qui touche aux attributions de plusieurs.

�tre un observatoire, car il ne s'agirait, ni d'assumer une fonction de gestion ou d'ex�cution comme un service administratif classique, ni de disposer d'un pouvoir propre de d�cision.

�tre compos� de personnes susceptibles, par leurs comp�tences diversifi�es, d'assurer la n�cessaire approche pluridisciplinaire du ph�nom�ne. Les membres de cette instance, nomm�s par le Premier ministre, devraient donc comprendre, outre des repr�sentants de tous les services administratifs concern�s, des sp�cialistes de diverses disciplines, sociologues, juristes et m�decins notamment. Il serait peut-�tre pr�f�rable, afin de garantir � ces membres une parfaite ind�pendance et de les prot�ger contre tout risque de pression, que leur nom ne soit pas rendu public.

disposer de moyens propres. Pour accomplir ses missions, l'observatoire devrait avoir des ressources financi�res sp�cifiques, m�me si on aurait sans doute int�r�t � retenir, dans un premier temps, l'id�e d'une structure l�g�re dot�e des moyens juridiques adapt�s � l'accomplissement de sa mission. Il faudrait ainsi lui donner le pouvoir d'obtenir aupr�s de toute personne communication d'un document, sous r�serve du secret professionnel, du secret concernant la d�fense nationale, la s�ret� de l'Etat ou la politique ext�rieure, et du respect de la vie priv�e.

Compte tenu de l'importance du travail d�j� r�alis� au sein du groupe constitu� � l'Institut des hautes �tudes de s�curit� int�rieure, il serait sans doute de bonne m�thode d'utiliser, dans le cadre du nouvel observatoire tel que d�fini ci-dessus, les comp�tence qui ont maintenant fait leurs preuves sur le sujet.

2. Am�liorer dans chaque minist�re concern� le dispositif d'�tude des sectes

La connaissance des mouvements sectaires par les minist�res concern�s a incontestablement beaucoup progress� au cours des derni�res ann�es.

La mise en place par la Direction centrale des Renseignements g�n�raux d'un maillage d'agents - les " correspondants sectes " - charg�s de suivre localement le ph�nom�ne, la r�alisation d'un guide des mouvements sectaires en 1994 et son projet actuel d'une banque de donn�es interne l'attestent. La mission d'�tude cr��e � la Direction de l'action sociale en 1992 en t�moigne �galement.

Toutefois, le dispositif pourrait encore �tre am�lior�. Ainsi, le compte-rendu de la r�union interminist�rielle du 9 avril 1991 pr�cise-t-il que " les services sont parfois dans l'ignorance de la nature de secte de certaines associations " . Ainsi, il n'existe, semble-t-il, aucune personne charg�e de suivre particuli�rement le probl�me des sectes aux minist�res de l'Education nationale, de la Justice ni des Affaires �trang�res.

Dans ces conditions, il serait utile que chaque minist�re concern� engage une r�flexion sur les moyens d'am�liorer sa connaissance des sectes et de mieux faire face aux probl�mes qu'elles soul�vent.

Il serait �galement opportun que, dans chacun d'eux, soit d�sign�e une personne charg�e de suivre ces questions, au besoin en liaison avec l'observatoire interminist�riel dont la cr�ation a �t� pr�conis�e ci-dessus, de fa�on � �viter que, comme c'est parfois le cas aujourd'hui, deux services fassent chacun de leur c�t�, le m�me travail.

Enfin, il serait souhaitable que les ministres int�ress�s, par la voie d'une circulaire ou d'une instruction, attirent l'attention de leurs services sur les probl�mes pos�s par les sectes et leur indiquent les principes devant guider leur action pour y r�pondre.

b) Mieux faire conna�tre

La plupart des personnes auditionn�es par la Commission ont �t� d'accord sur au moins un point. La pr�vention est certainement le mode d'action qui doit �tre privil�gi� dans la lutte contre le d�veloppement des sectes. L'information, notamment des jeunes, appara�t donc comme un maillon essentiel du dispositif � mettre en oeuvre.

Certes, les associations de d�fense des victimes et les media m�nent d�j� certaines actions en ce sens.

Ainsi, outre les publications qu'il assurent, l'UNADFI et le CCMM organisent r�guli�rement des conf�rences ou des r�unions d'information dans divers �tablissements tels que des �coles, des lyc�es, des clubs ou des h�pitaux. Le CCMM a m�me r�alis� en 1993, avec l'aide de l'association " Je, tu, il " , un film d'une demie-heure intitul� " Les sectes... les pi�ges ! " , pr�sentant quatre sc�nes de la vie courante pouvant donner lieu � un recrutement. L'UNADFI devrait, elle, sortir prochainement un court m�trage sur le sujet, destin� � servir de support aux r�unions qu'elle organise.

Toutefois, les interventions de ces associations sont, par nature, ponctuelles et localis�es. D'autre part, leur message peut toujours �tre suspect� d'�tre partisan. Un membre d'une de ces associations d�clarait d'ailleurs � la Commission : " Les associations n'ont pas toujours les moyens d'investigation. Je ne dis pas qu'elles sont suspectes et sectaires, mais elles manquent de moyens, parfois de distance. Ce n'est pas l'id�al. On ne peut se substituer aux procureurs, jouer les inquisiteurs. Nous recevons des signalements ; il nous faut parfois six mois ou un an pour recouper des informations. C'est extr�mement compliqu�. " .

Les media, de leur c�t�, se sont beaucoup int�ress�s � la question des sectes au cours des derni�res ann�es, notamment � la suite du drame de Waco au Texas en avril 1993, de la mort de cinquante-huit membres du Temple du Soleil en Suisse en octobre 1994 et de l'attentat perp�tr� par la secte Aum � Tokyo en mars dernier. Le probl�me est que cette information est intermittente et focalis�e principalement sur les aspects les plus folkloriques ou sensationnels. Comme le d�clarait un sp�cialiste reconnu de la question � la Commission : " [les journalistes] aiment le sensationnel. Nous entretenons avec eux les rapports les meilleurs du monde, mais je suis extr�mement d��u. Chaque fois que l'on tue trente personnes, je passe � la t�l�vision et puis cela retombe jusqu'� la prochaine fois. Quand je suis inform� d'une mesure, je me dis : " Je vais avoir cinq t�l�s � faire, plus trois radios, plus... " . Ensuite, cela retombe pour six mois ou un an (...). "

Il convient donc que l'Etat prenne lui-m�me largement en charge la diffusion de l'information sur les dangers que peuvent pr�senter les sectes, aupr�s du public le plus large possible par une campagne m�diatique, et de mani�re " cibl�e " aupr�s des enfants et des adolescents au sein de l'Education nationale. Cette action d'information devrait �tre compl�t�e par une am�lioration de la formation des professionnels, et notamment des fonctionnaires, concern�s par le probl�me.

1. Informer les jeunes par l'Education nationale

Aucun dispositif g�n�ral d'information des �l�ves n'a pour l'instant �t� mis en place dans le cadre de l'Education nationale.

Toutes les sources le confirment, les recrutements sont particuli�rement nombreux chez les jeunes, parce qu'ils peuvent pr�senter une certaine fragilit�, que leur jugement n'est pas d�finitivement form� et qu'ils sont enclins � rechercher des id�aux que certaines sectes pr�tendent offrir. La n�cessit� de consentir un effort d'information en leur direction a �t� soulign�e par de nombreux interlocuteurs de la Commission. Or, rien n'est fait actuellement en ce sens au sein de l'Education nationale.

Il serait donc souhaitable que l'on inscrive dans les programmes d'instruction civique l'�tude du ph�nom�ne sectaire.

Par ailleurs, il faudrait organiser chaque ann�e une r�union d'information dans l'ensemble des �tablissements scolaires, du primaire au sup�rieur, pour sensibiliser les jeunes � cette question. Toutefois, il est essentiel que cette information soit parfaitement objective. La difficult� d'une telle entreprise tient � la n�cessit� de dispenser une information qui ne puisse �tre suspect�e de partialit�, alors que l'objectivit� est une notion particuli�rement d�licate � d�finir et � mettre en oeuvre dans ce domaine. Pour y tendre au maximum, ces sessions d'information devraient �tre organis�es sous l'autorit� de plusieurs enseignants qui auraient re�u des instructions � cet effet. La cr�ation d'un support vid�o r�alis� sous le contr�le de l'Education nationale constituerait un outil p�dagogique appr�ciable.

2. Organiser une campagne d'information du grand public, notamment par le canal des cha�nes de t�l�vision publiques

Au-del� des jeunes, il convient d'informer l'opinion publique tout enti�re des dangers que peuvent pr�senter certaines sectes.

En effet, il est utile que les parents soient inform�s, car la sensibilisation � ces probl�mes passe aussi par l'�ducation qu'ils donnent � leurs enfants. D'autre part, les adultes aussi peuvent, et en grand nombre, se laisser pi�ger. Cette information g�n�rale du public s'av�re �galement n�cessaire pour �viter que les responsables publics ou priv�s ne soient amen�s, en toute bonne foi, � apporter leur soutien � des associations nuisibles faute de conna�tre leurs activit�s v�ritables. On a vu, en effet, que de nombreuses sectes tentaient de " s'infiltrer " dans les plus hautes sph�res de l'Etat, de s�duire des collectivit�s locales ou n�gocier des conventions avec des entreprises nationales ou priv�es.

Seule une information � grande �chelle pourra r�duire ces influences.

Votre Commission propose donc que le Gouvernement organise une vaste campagne d'information notamment t�l�vis�e - en s'appuyant au premier chef sur les chaines publiques - mais recourant �galement aux autres m�dia.

Cette campagne pourrait �tre organis�e par le Comit� fran�ais d'�ducation pour la sant�, au m�me titre que cette institution organise des campagnes contre le SIDA ou la toxicomanie.

3. Etendre et perfectionner la formation des personnes qui, dans le cadre de leurs activit�s professionnelles, notamment les fonctionnaires, sont confront�es aux probl�mes pos�s par les sectes

Il est apparu n�cessaire � la Commission d'enqu�te au cours de ses travaux que les personnes qui sont � un titre ou � un autre confront�es aux probl�mes des sectes dans leurs activit�s professionnelles, les fonctionnaires en particulier, re�oivent une formation ad hoc dans ce domaine.

On ne saurait, en effet, trop oublier combien le ph�nom�ne est � la fois vaste, complexe et clandestin. Car, comme l'affirment plusieurs sp�cialistes de la question, " les sectes avancent souvent masqu�es " .

Les personnes concern�es sont principalement les policiers et les gendarmes, les magistrats, les enseignants, les personnels sociaux, mais aussi les m�decins et les notaires.

Il semble donc opportun de pr�voir, dans la formation initiale ainsi que dans la formation continue des agents publics, mais aussi des personnes du secteur priv� concern�es, des programmes ou , � tout le moins, des actions de sensibilisation - sous la forme de conf�rences par exemple - sur les probl�mes pos�s par les sectes et les moyens auxquels ils peuvent recourir pour y porter rem�de.

La Direction centrale des Renseignements g�n�raux (DCRG) a montr� la voie en ce domaine au cours de la p�riode r�cente. Ainsi, depuis trois ans, les �l�ves-commissaires, les �l�ves-inspecteurs et les inspecteurs nouvellement affect�s aux RG re�oivent une formation relative aux sectes. D'autre part, la DCRG organise une fois par an une ou deux journ�es de formation � l'attention des agents charg�s de suivre les sectes.

Il appara�t indispensable, � cet �gard, qu'une formation sp�cifique soit �galement prodigu�e aux �l�ve de l'Ecole nationale de la magistrature, � ceux des �coles de commissaires et d'inspecteurs de police, de gardiens de la paix, ainsi que de gendarmerie. Il est �galement important que les �l�ves-professeurs et ceux qui se pr�parent � la profession de m�decin ou de notaire en b�n�ficient.

2.- Mieux appliquer le droit existant

On ne reviendra pas sur l'arsenal juridique permettant de lutter contre les dangers des sectes, dont on a vu qu'il �tait diversifi� et suffisant pour couvrir l'ensemble des agissements des mouvements sectaires qui pr�sentent un caract�re nuisible pour les individus et/ou la soci�t�. Mais les travaux qu'a men�s la Commission l'ont tr�s vite conduite � avoir l'impression - devenue certitude au terme de sa r�flexion - que les possibilit�s offertes par les dispositions existantes ne sont pas toujours - loin s'en faut - pleinement utilis�es.

Plusieurs interlocuteurs de la Commission ont ainsi affirm� qu'il existait une disproportion sensible entre le nombre d'ill�galit�s commises par les sectes, celui des plaintes et celui des condamnations. D'autres se sont �tonn�s du petit nombre de dissolutions administratives ou judiciaires prononc�es au regard du nombre d'associations coercitives existantes.

Votre Commission est donc convaincue que le d�veloppement des sectes pourrait �tre efficacement frein� par une meilleure application du droit. Celle-ci suppose une sensibilisation accrue des professionnels concern�s � la dangerosit� du ph�nom�ne sectaire et � la n�cessit� de mobiliser tous les moyens existants pour y faire face. Tout en �tant bien conscient qu'une telle �volution des mentalit�s ne sera pas imm�diate, votre Commission est persuad�e qu'elle est un des �l�ments - pour ne pas dire l'�l�ment essentiel - du dispositif de lutte contre le ph�nom�ne sectaire. Cette prise de conscience sera bien s�r favoris�e par les actions g�n�rales d'information dont il a �t� question ci-dessus. Mais celles-ci doivent �tre compl�t�es dans certains domaines tr�s directement concern�s par les agissements des mouvements sectaires, par des instructions pr�cises de l'Etat � ses agents sur l'attention particuli�re dont ils doivent faire preuve. Une telle d�marche devrait, selon votre Commission, �tre suivie � l'�gard des magistrats du Parquet, des services de police et de gendarmerie, des administrations exer�ant des fonctions de contr�le sur certaines activit�s des associations de type sectaire, ainsi qu'en mati�re de dissolution des associations et de versement d'un certain nombre d'allocations, notamment le RMI.

1. Une instruction g�n�rale du Garde des Sceaux aux magistrats du Parquet leur demandant d'examiner avec plus d'attention les plaintes �manant des victimes des sectes et de se saisir, chaque fois que n�cessaire, des probl�mes dont ils pourraient avoir connaissance.

A de multiples reprises, il a �t� indiqu� � la Commission que le Minist�re public aurait refus� d'ouvrir une instruction ou de poursuivre une information ouverte sur un dossier alors que, selon ceux qui faisaient �tat de cette inaction, le cas l'aurait tout � fait justifi�.

Il convient de pr�ciser, � cet �gard, que, selon le minist�re de la justice, sur les 60 plaintes relatives aux sectes adress�es aux parquets g�n�raux des cours d'appel () entre 1990 et 1995, 27 proc�dures ont �t� cl�tur�es. Elles concernent notamment des faits d'escroquerie, de menaces sous conditions, vols et violations de s�pultures, homicides involontaires, d�tournements de mineurs, s�questration de personnes, non repr�sentation d'enfant, violences, injures, exercice ill�gal de la m�decine, violences et voies de fait. Sur ce total, 16 ont donn� lieu � un classement sans suite, 7 � un non-lieu et 3 � une condamnation.

La commission n'entend pas porter de jugement sur le fonctionnement de la Justice � cet �gard, d'autant qu'elle ne dispose pas des �l�ments pour appr�cier de fa�on pr�cise les situations en cause. Toutefois, elle ne peut totalement n�gliger ces dol�ances, dont certaines lui ont paru, il est vrai, a priori pertinentes. Au-del� m�me de leur caract�re plus ou moins exact, le fait qu'une telle opinion soit couramment v�hicul�e est en lui-m�me tr�s regrettable car susceptible de d�courager les victimes de sectes de se tourner vers les tribunaux.

Il serait souhaitable, dans ces conditions, que le Garde des Sceaux adresse une instruction g�n�rale aux magistrats du Parquet afin d'attirer leur attention sur l'�tendue du ph�nom�ne sectaire, ses formes, ses dangers, la n�cessit� de combattre plus efficacement ceux-ci et les moyens juridiques existants pour ce faire. Il leur serait demand� d'examiner avec plus de vigilance les plaintes �manant des victimes des sectes et, si besoin est, de se saisir eux-m�mes de probl�mes dont ils pourraient avoir connaissance.

2. Une instruction g�n�rale du ministre de l'Int�rieur aux services de police et du ministre de la D�fense aux services de gendarmerie les enjoignant de manifester davantage de vigilance vis-�-vis des " d�rives " sectaires

Pour que les exactions commises par les sectes puissent donner lieu � des poursuites et �tre, le cas �ch�ant, sanctionn�es, encore faut-il qu'elles puissent �tre constat�es par les services de police et de gendarmerie et que ceux-ci en saisissent le Minist�re public.

C'est la raison pour laquelle il conviendrait que les ministres de l'Int�rieur et de la D�fense attirent l'attention de leurs services concern�s sur le ph�nom�ne sectaire, la vigilance dont ils doivent faire preuve � son sujet, ainsi que les mesures qu'ils doivent prendre en cas d'infractions, notamment s'agissant de la protection des victimes et de la saisine du Minist�re public.

3. Demander � l'administration d'�tre plus rigoureuse dans ses missions de tutelle et de contr�le � l'�gard des sectes qui pr�sentent des dangers ou ne respectent pas la loi.

Il n'est pas acceptable que des administrations et entreprises publiques puissent, comme cela s'est d�j� produit, passer des contrats de fourniture ou de services avec des organismes li�s � des sectes dangereuses ou leur accorder des autorisations. Il n'est pas non plus tol�rable que certaines associations puissent en toute impunit� transgresser les r�gles du droit fiscal, du droit du travail ou de la S�curit� sociale.

Il est donc n�cessaire que les ministres, chacun dans son domaine de comp�tence, demandent � leurs services de manifester plus de rigueur dans les passations de contrats avec des organismes ext�rieurs, l'octroi d'autorisations et les missions de contr�le. Dans cette d�marche, les administrations devraient avoir recours aux informations que serait en mesure de leur d�livrer sur leur demande l'observatoire interminist�riel dont la cr�ation a �t� pr�conis�e ci-dessus.

4. Inciter les personnes publiques � �tre plus prudentes dans l'octroi de subventions � certaines associations.

Certaines sectes dangereuses, on l'a vu, ont b�n�fici� de subventions publiques.

Certes, cela ne concerne, semble-t-il, qu'un nombre de cas limit�s. Il serait tout de m�me opportun que les personnes publiques examinent de fa�on plus rigoureuse la destination des subventions qu'elles accordent aux associations. Et ce, au besoin, en liaison avec l'observatoire interminist�riel sur les sectes.

Le Premier ministre pourrait attirer l'attention du Gouvernement sur ce point et le ministre de l'Int�rieur, DE l'ensemble des collectivit�s territoriales.

5. Prononcer la dissolution des organismes mis en cause lorsque cela s'impose.

De nombreuses associations sectaires, on l'a vu, violent la loi et constituent de v�ritables dangers pour les individus et pour la soci�t�. On ne peut, d�s lors, que s'�tonner du petit nombre de celles qui se sont dissoutes. Ainsi, sur une soixantaine d'associations sectaires coercitives d�clar�es � Paris, aucune n'a fait l'objet d'une dissolution administrative ou judiciaire.

Il serait donc souhaitable que les proc�dures de dissolution existantes soient syst�matiquement appliqu�es lorsque les conditions pr�vues par la loi sont r�unies. C'est particuli�rement le cas pour la proc�dure judiciaire.

Certes, cela ne constituerait pas une r�ponse radicale. On constate, en effet, que les sectes poursuivies en justice ou menac�es de dissolution manifestent une �tonnante capacit� � s'auto-dissoudre et � se reconstituer sous la forme d'un autre organisme. Ainsi, l'association des Pionniers du Nouvel Age a �t� dissoute en janvier 1981, mais ses responsables se retrouvent aujourd'hui dans l'Eglise de l'Unification, l'Association pour l'Unification du Christianisme mondial et la Croisade internationale pour un monde uni. De m�me, les responsables de l'Association Dian�tique, dissoute en 1982, poursuivent leurs activit�s au sein de l'Association de D�fense des Scientologistes Fran�ais et ceux de la M�ditation transcendantale Paris Est, dans la F�d�ration fran�aise de M�ditation.

Il n'emp�che que des dissolutions syst�matiques et rapides pourraient avoir un fort effet dissuasif. On peut penser que si, parall�lement, les responsables sont poursuivis, voire condamn�s, la recr�ation de ces associations sera beaucoup plus difficile.

Il est, en tout �tat de cause, important que les services de police essaient d'identifier les associations qui sont en fait identiques � celles qui auraient �t� dissoutes, et de v�rifier avec une attention particuli�re qu'elles se conforment � la loi.

6. S'assurer que les b�n�ficiaires de certaines allocations, membres d'une secte ne reversent pas tout ou partie du montant de ces prestations � la secte dont ils font partie.

D'apr�s les informations fournies � la Commission, il semblerait que les membres de certaines sectes, b�n�ficiaires du revenu minimum d'insertion, reversent int�gralement ou en partie le montant de cette allocation � la secte dont ils font partie. Une telle pratique constitue � l'�vidence un d�tournement de l'objet du RMI. Votre Commission est bien consciente de la difficult� pour les services comp�tents de rep�rer l'existence de tels faits. N�anmois, ce type de d�voiement ne peut qu'�tre extr�mement pr�judiciable � l'�gard de la tr�s grande majorit� des personnes qui b�n�ficient de cette prestation conform�ment � la loi. Aussi, conviendrait-il, lorsqu'il aura pu �tre constat� qu'un membre de la secte reverse � celle-ci tout ou partie du RMI qu'il per�oit, de rappeler � la personne concern�e ses obligations et, au besoin, suspendre le versement de l'allocation tant que celles-ci ne sont pas respect�es.

La m�me vigilance doit s'exercer pour l'attribution d'autres allocations ayant une affectation pr�cise, par exemple les bourses.

7. Accro�tre la coop�ration internationale, communautaire notamment.

Un renforcement de la coop�ration internationale se r�v�le indispensable aujourd'hui.

En effet, beaucoup de sectes dangereuses ont, comme on l'a vu, une dimension internationale. Elles pourront donc d'autant plus facilement �tre d�mantel�es que les Etats seront en mesure de mettre en place une action commune.

En outre, les sectes poursuivies en France d�cident souvent de transf�rer leurs activit�s � l'�tranger. Comme l'�crit un groupe de sp�cialistes dans un rapport confidentiel transmis � la Commission : " ...l'exercice ill�gal de la m�decine, le non respect des r�gles �l�mentaires contenues dans le code du travail fran�ais les obligent � fuir vers des cieux plus favorables leur garantissant une �vasion fiscale ou leur permettant d'�chapper au r�glement de leurs cotisations sociales obligatoires " . Et de conclure : " une approche nationale ne permettant pas � elle seule une compr�hension correcte et une action efficace, une coordination internationale s'impose. "

Cette coop�ration est, comme on le verra, �galement n�cessaire pour mieux secourir les Fran�ais expatri�s en proie � des difficult�s avec les sectes.

Si cette coop�ration n'est pas facile � mettre en oeuvre � l'�chelle internationale, elle devrait au moins exister au sein de l'Union europ�enne. Or, aucune action particuli�re ne semble exister dans ce domaine.

Il convient d'�voquer, � cet �gard, la cr�ation � Paris en 1994 de la F�d�ration europ�enne des centres de recherche et d'information sur le sectarisme (FECRIS) dont l'objet est, selon ses statuts, de " rechercher et informer quant aux pratiques et aux effets du sectarisme destructeur sur les individus, sur les familles et sur les soci�t�s d�mocratiques ; de secourir les victimes ; de les repr�senter en ces mati�res aupr�s des autorit�s civiles et morales responsables, pour attirer leur attention et seconder leur action " . Toutefois, cette association est trop r�cente pour que l'on puisse tirer des conclusions de son action. En toute hypoth�se, il s'agit d'une initiative purement priv�e et non une action concert�e des Etats membres de l'Union europ�enne.

Il serait donc souhaitable d'instaurer une coop�ration intergouvernementale. Celle-ci commencerait au moins entre les Quinze dans un premier temps. Elle reposerait d'abord sur un �change d'informations et l'�laboration de propositions.

Ce processus pourrait d�boucher ensuite sur des accords internationaux sur un certain nombre de points cl�s.

C'est d'ailleurs ainsi que M. De Puig concevait les choses dans son avis sur les sectes et les nouveaux mouvements religieux, r�dig� dans le cadre du Conseil de l'Europe : " On peut faire beaucoup dans le domaine de la coop�ration internationale pour augmenter l'efficacit� du contr�le des sectes et pour obtenir des informations et les divulguer. Il serait donc d�sirable de conclure les accords internationaux n�cessaires � cet effet. " .

Pour �tre efficaces, ces accords devraient concerner : l'�tude du ph�nom�ne et l'�change d'informations gr�ce, notamment, � une banque de donn�es ; la coordination des dispositifs de contr�le, compte tenu de la disparit� des syst�mes juridiques ; la recherche des personnes poursuivies en justice ou par l'administration ; la recherche des personnes disparues.

3.- Am�liorer le dispositif juridique

Si l'arsenal juridique permettant de lutter contre les dangers que font courir les sectes aux individus et � la soci�t� para�t globalement adapt�, il pourrait n�anmoins �tre compl�t� ou modifi� sur quelques points de fa�on � rendre plus efficace la riposte contre les d�rives sectaires.

1. Entreprendre une �tude sur l'effet dissuasif des sanctions encourues par les sectes et sur l'opportunit� de les aggraver

Selon plusieurs avis recueillis par la Commission, les peines et les indemnit�s pour dommages-int�r�ts qu'encourent les sectes ne seraient pas suffisamment dissuasives.

Ainsi, par exemple, une personne qui s'est exprim�e devant commission, qui a eu plusieurs proc�s avec des sectes, qu'elle a tous gagn�s, a calcul� que le montant du pr�judice qu'elle avait subi directement du fait des sectes et qui n'a pas �t� r�par� s'�levait � environ 120.000 francs.

Il est difficile de se prononcer a priori sur l'effet dissuasif des sanctions encourues par les sectes et sur l'opportunit� de les aggraver.

Malgr� les travaux qu'elle a men�s, votre Commission ne s'estime pas en mesure de se prononcer sur le caract�re suffisamment dissuasif ou non des sanctions encourues par les sectes, et, moins encore, sur l'opportunit� de les aggraver. Elle n'en est pas moins encline � penser que la question m�rite s�rieusement d'�tre pos�e.

Aussi, estime-t-elle qu'il serait int�ressant que l'observatoire dont la cr�ation est pr�conis�e fasse une �tude approfondie de cette question, suivie, le cas �ch�ant de propositions.

2. Revoir le r�gime de la diffamation

Certaines sectes sont, on le sait, coutumi�res de la diffamation. Mais elle ne peuvent pas toujours �tre poursuivies, donc moins encore condamn�es.

En effet, comme la Commission l'a constat�, certaines sectes ont trouv� un moyen de contourner la loi concernant les r�gles relatives � la prescription de cette infraction. L'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la libert� de la presse dispose, rappelons-le, que " l'action publique et l'action civile r�sultant des crimes, d�lits et contraventions pr�vus par la pr�sente loi se prescriront apr�s trois mois r�volus � compter du jour o� ils auront �t� commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a �t� fait. " Or, ces sectes publient parfois des revues contenant des articles diffamatoires, pour lesquelles elles satisfont aux obligations de d�p�t l�gal, mais sans les distribuer, sauf �ventuellement � un public restreint; puis elles attendent trois mois pour proc�der � leur diffusion, ce qui leur �vite d'�tre attaqu�es.

Il parait souhaitable � votre Commission de rem�dier � cet �tat de fait.

Une premi�re possibilit� serait d'allonger le d�lai pr�cit� de trois � six mois. Toutefois, cette solution pr�senterait plusieurs inconv�nients. D'abord, elle ne r�soudrait pas d�finitivement le probl�me : les organismes en question attendraient alors six mois avant de proc�der � la diffusion. Toutefois, distribuer une revue six mois apr�s la date de publication qu'elle mentionne constituerait sans doute une g�ne. L'obstacle le plus s�rieux r�side plut�t dans les difficult�s � la fois politiques et pratiques que soul�verait la modification de la loi de 1881 sur la presse sur ce point. Serait-il opportun, en effet, de toucher � une l�gislation importante, qui traduit un certain �quilibre, et � laquelle la presse est tr�s attach�e ? Il ne semble pas.

Une deuxi�me solution consisterait � pr�voir que la date � laquelle a �t� commise la diffamation correspond � celle de la premi�re mise en distribution au public - au sens de grand public, par opposition � un cercle restreint, sauf si celle-ci n'a vocation qu'� �tre diffus�e � un tel cercle - de la publication qui la contient.

C'est d'ailleurs en ce sens que semble �voluer la jurisprudence. En effet, il a �t� jug� que l'accomplissement des formalit�s du d�p�t l�gal n'�tablit aucune pr�somption que la publication ait eu lieu � cette date et ne doit �tre tenu que comme un �l�ment d'appr�ciation (Cass. Crim. 1er juillet 1953, Bull. crim. n\xfb 228) ; que, d'autre part, le point de d�part du d�lai de prescription de trois mois n'est pas la date port�e sur la couverture des exemplaires du num�ro d'un hebdomadaire, mais celle de sa publication effective r�sultant de sa mise en vente, ind�pendamment de la date fictive port�e sur la couverture � des fins purement commerciales (Paris, 28 janvier 1977, D. 1978.IR.80).

Encore reste-t-il cependant � pr�ciser que cette distribution effective est bien celle destin�e au public. Votre Commission est encline � penser que la meilleure solution est sans doute de laisser la jurisprudence apporter cette pr�cision.

3. Renforcer la protection des experts mandat�s aupr�s des tribunaux

Les experts mandat�s aupr�s des tribunaux ne sont sans doute pas aujourd'hui suffisamment prot�g�s.

Certes, l'article 434.8 du nouveau code p�nal pr�voit-il que " toute menace ou tout acte d'intimidation commis envers un magistrat, un jur� ou toute autre personne si�geant dans une formation juridictionnelle, un arbitre, un interpr�te, un expert ou l'avocat d'une partie en vue d'influencer son comportement dans l'exercice de ses fonctions est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 francs d'amende. " . D'autre part, l'article 222.12 du m�me code dispose que les violences commises sur, entre autres, un magistrat, un jur�, un avocat, un officier public ou minist�riel ou toute autre personne d�positaire de l'autorit� publique ou charg�e d'une mission de service public, dans l'exercice ou � l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, ayant entra�n� une incapacit� totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 francs d'amende.

Toutefois, il n'est pas �vident, en premier lieu, que l'article 222.12 s'applique aux experts judiciaires. M�me si c'�tait le cas, cet article pr�sente deux limites principales : il faut qu'il y ait eu des violences ayant entra�n� une incapacit� de travail pendant plus de huit jours ; ces violences doivent avoir �t� commises dans l'exercice ou � l'occasion des fonctions. Ce qui signifie, dans le cas de violences graves n'ayant pas provoqu� cette incapacit� et de celles - quelle que soit leur gravit� --commises lorsque les fonctions sont d�finitivement termin�es, � titre, par exemple, de revanche, que l'expert ne b�n�ficie d'aucune protection particuli�re.

S'agissant de l'article 434.8, il ne couvre pas non plus l'hypoth�se des mesures de r�torsion � l'encontre de l'expert apr�s l'avis ou le proc�s.

Selon les informations recueillies par la Commission, l'absence d'une protection suffisante pour les experts aurait au moins trois cons�quences dommageables :

- soit les experts en question renoncent simplement � se prononcer sur des affaires susceptibles de leur attirer ce type d'ennuis ;

- soit ils continuent de remplir ces fonctions, mais ils prennent le risque d'en subir un pr�judice dont il n'est pas certain qu'ils pourront obtenir r�paration car il n'est pas toujours facile dans ce genre de situation d'identifier le coupable et de prouver sa culpabilit� ;

- enfin, on ne peut exclure qu'ils puissent �tre amen�s � �dulcorer leur compte-rendu ou � s'auto-censurer , ce qui serait un grave obstacle au bon d�roulement de la justice.

Votre Commission estime donc souhaitable de renforcer la protection juridique dont b�n�ficient les experts afin de les mettre autant que possible � l'abri de toute pression ou de toute mesure de r�torsion.

On pourrait, pour ce faire, s'inspirer des diverses dispositions prot�geant actuellement les magistrats. Il s'agit notamment des articles 222 et 223 (outrages � magistrat), 227 (tentatives de pressions), 228 (violences et voies de fait), 306 (menaces), 310 et 311 (coups et blessures) et 434 (destructions, d�gradations et dommages) du code p�nal.

4. Permettre aux associations de d�fense des victimes de se porter partie civile.

Aucune disposition ne permet actuellement aux associations de d�fense des victimes des sectes de se porter partie civile dans des affaires concernant ces personnes.

Certes, ces associations ont parfois r�ussi � se porter partie civile en s'appuyant, lorsque l'objet de l'affaire le leur permettait, sur certaines dispositions existantes. Ainsi, par exemple, l'article 2.2 du code de proc�dure p�nale pr�voit-il que " toute association r�guli�rement d�clar�e depuis au moins cinq ans [...] dont l'objet statutaire comporte la lutte contre les violences sexuelles [...] peut exercer les droits reconnus par la partie civile [...] " l'article 2.3 quant � lui, institue une possibilit� similaire pour les associations se proposant de d�fendre ou d'assister l'enfance martyris�e.

Ce n'est donc que dans la mesure o� le cas d'esp�ce autorise les associations de d�fense des victimes des sectes � se " glisser " dans des dispositifs dont la finalit� principale ne correspond pas � leur objet sp�cifique qu'elles peuvent se porter partie civile. D'ailleurs, deux associations ont fait savoir � la Commission qu'il leur avait �t� plusieurs fois refus� de se constituer partie civile dans des affaires concernant des victimes de sectes.

Il serait pourtant utile de leur accorder syst�matiquement ce droit. Et ce pour trois raisons principales :

- ces associations pourraient mieux s'associer aux victimes et les aider dans leurs d�marches aupr�s de la justice, notamment celles qui sont les plus fragiles ;

- elles pourraient les suppl�er lorsque, pour des raisons diverses tenant notamment � la crainte que leur inspirent les responsables de la secte elles n'osent pas agir elles-m�mes ;

- elles pourraient enrichir l'information des magistrats et les d�bats judiciaires par leurs interventions.

Accorder � ces associations la possibilit� de se porter partie civile dans les affaires concernant les victimes des sectes pourrait se faire, soit en ajoutant une disposition sp�cifique � la liste des associations mentionn�es aux articles 2.1 � 2.14 du code de proc�dure p�nale, soit en pr�voyant � l'article 3 du code de la famille que les associations de d�fense des familles b�n�ficient, au m�me titre que l'Union nationale et que les unions d�partementales des associations familiales, de ce droit.

5. Pr�voir la transmission � la pr�fecture du budget annuel et des comptes-rendus d'assembl�e g�n�rale des associations dont le budget annuel est sup�rieur � 500.000 F.

Comme on l'a vu, certaines sectes, non seulement exploitent financi�rement leurs adeptes, mais recourent � des moyens frauduleux tels que, par exemple, la dissimulation de certaines ressources, l'utilisation de soci�t�s ou d'associations �crans ou la poursuite d'activit�s lucratives dans le cadre d'associations d�clar�es.

Il conviendrait donc de soumettre ces sectes � des obligations de transparence en mati�re financi�re. Mais �tant donn� qu'il serait difficile, pour des raisons d�j� �voqu�es, de r�server un sort particulier aux sectes, ces obligations devraient �tre impos�es � toutes les associations � partir d'un certain niveau de budget.

Il para�t raisonnable � votre Commission de pr�voir que toutes les associations dont le budget annuel est �gal ou sup�rieur � 500.000 francs devront transmettre chaque ann�e � la pr�fecture de leur d�partement une copie de celui-ci ainsi que les comptes-rendus de leur assembl�e g�n�rale. Ce choix d'un seuil de 500.000 francs constitue, semble-t-il, un bon �quilibre entre le souci de transparence financi�re et le souhait de ne pas engorger les pr�fectures. Cette mesure ne concernerait de fait qu'environ 16.900 associations sur un total estim� � 187.600, soit 9 % d'entre elles.

Les services fiscaux pourraient ensuite exercer un contr�le sur ces documents de leur propre initiative ou � la demande du pr�fet.

6. Cr�er un Haut conseil des cultes compos� de repr�sentants des autorit�s religieuses, scientifiques et administratives, charg� de donner un avis conforme sur les demandes relatives � la reconnaissance d'association cultuelle, voire celles concernant l'obtention du statut de congr�gation.

Plusieurs organismes consid�r�s commun�ment comme des sectes demandent aujourd'hui � b�n�ficier du statut d'association cultuelle pr�vu par la loi du 9 d�cembre 1905.

La question se pose aujourd'hui de savoir si le dispositif juridique existant est satisfaisant pour faire face � ce type de demande.

On comprend bien qu'il serait dangereux de reconna�tre ce statut � des mouvements pseudo-religieux, qui ne se pr�sentent sous forme d'une religion que pour mieux s�duire, mais qui, en r�alit�, poursuivent d'autres objectifs tels que l'enrichissement, le pouvoir ou un quelconque int�r�t personnel. La commission a, sur ce point, �t� plusieurs fois alert�e. Ainsi, un des sp�cialistes qu'elle a entendus, au demeurant l'un des plus mesur�s, lui a d�clar� : " sur quoi prolif�rent les sectes ? Sur le silence, sur leur c�t� dissimul� ; par le langage, qui est celui du langage religieux. Il faut commencer par leur refuser ce qu'elles demandent, � savoir un statut religieux, ce qui serait le pi�ge des pi�ges. L'argument all�gu� serait un meilleur contr�le. Mais pour le peu de contr�le que cela permettrait et que l'on peut obtenir par d'autres moyens ! Rendez-vous compte du prestige qui leur serait offert si on leur accordait un statut confessionnel. Ce serait une v�ritable catastrophe. "

En revanche, rien n'est plus normal que les mouvements religieux authentiques qui souhaitent �tre reconnus comme association cultuelle et sont pr�ts � se conformer � leur r�gime puissent en b�n�ficier.

Il convient donc que le bureau des cultes du minist�re de l'Int�rieur puisse, sur demande de l'organisme int�ress� et apr�s examen de son dossier, d�livrer directement ce statut. Actuellement, la qualit� d'association cultuelle n'est, en effet, reconnue qu'indirectement aujourd'hui par le bureau des cultes du minist�re de l'int�rieur ou les pr�fectures � l'occasion d'une requ�te visant � faire b�n�ficier une association des lib�ralit�s pr�vues � l'article 19 alin�a 4 de la loi du 9 d�cembre 1905, ou des articles 200 et 238 bis du code g�n�ral de imp�ts, qui permettent � leurs bienfaiteurs d'obtenir des d�ductions d'imp�t sur le revenu. Il semblerait nettement pr�f�rable � votre Commission que la reconnaissance de cette qualit� fasse l'objet d'une proc�dure sp�cifique, sur demande des organismes int�ress�s. C'est bien entendu au bureau des cultes que devrait incomber le soin d'accorder le statut d'association cultuelle. Mais compte tenu de la difficult� qu'il y a souvent aujourd'hui � appr�cier la nature cultuelle d'une association, notamment lorsque celle-ci poursuit des buts multiples, votre Commission estime qu'il serait n�cessaire que le bureau des cultes se prononce sur l'avis d'un conseil de personnes comp�tentes pour en juger.

Elle propose donc de cr�er un Haut conseil des cultes, qui serait compos� d'une trentaine de personnes nomm�es par le Premier ministre. Il comprendrait un tiers de repr�sentants des diff�rentes religions reconnues, un tiers de personnalit�s t�moignant d'une comp�tence incontestable dans le domaine des religions et d'un tiers de repr�sentants des diff�rentes administrations int�ress�es (bureau des cultes et bureau des libert�s publiques du minist�re de l'Int�rieur, Direction centrale des Renseignements g�n�raux, Direction de l'action sociale, minist�re de l'Education nationale, etc...). Son avis s'imposerait au bureau des cultes.

Il conviendrait, en cons�quence, d'amender l�g�rement la loi du 9 d�cembre 1905 en indiquant que la qualit� d'association cultuelle est reconnue par le minist�re de l'Int�rieur sur avis conforme du Haut conseil des cultes compos� selon les modalit�s d�finies ci-dessus.

Le m�me probl�me pouvant se poser pour les demandes relatives � l'obtention du statut de congr�gation, il est propos�, afin d'assurer un parall�lisme des proc�dures, que la reconnaissance l�gale de ce statut soit accord�e, non pas par d�cret sur avis conforme du Conseil d'Etat, comme le pr�voit aujourd'hui l'article 13 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, mais par d�cret sur avis conforme du Haut Conseil des cultes.

5.- Aider les anciens adeptes

Il est, certes, important de pr�venir les dangers que font courir les sectes et de mieux les combattre. Mais il faut aussi aider les anciens adeptes, dont certains ont v�cu, parfois pendant plusieurs ann�es, quasiment voire totalement coup�s de la soci�t�, que cet isolement soit physique ou seulement mental. Aussi, apr�s leur sortie de la secte, rencontrent-ils g�n�ralement de grandes difficult�s de r�insertion dans la soci�t�. En m�me temps, ils ignorent le plus souvent � qui s'adresser pour se faire aider dans cette entreprise. Votre Commission pense qu'il serait donc n�cessaire qu'ils puissent disposer d'un interlocuteur privil�gi� au sein de l'administration. Par ailleurs, une attention particuli�re doit �tre port�e � la situation des anciens adeptes � l'�tranger.

1. Instituer dans chaque d�partement un responsable pour l'aide aux anciens adeptes.

De fa�on � ce que les personnes venant de quitter une secte puissent se renseigner facilement sur les services publics, qu'ils ne connaissent g�n�ralement, pas, votre Commission propose qu'un responsable pour l'aide aux anciens adeptes soit nomm� dans chaque d�partement, soit par le Pr�fet, soit par le Pr�sident du Conseil g�n�ral - le choix de l'autorit� de nomination ne change pas fondamentalement la r�ponse apport�e au probl�me. Il convient que cette personne, que cette fonction n'occuperait pas n�cessairement � plein temps, ait une bonne connaissance du ph�nom�ne sectaire et de l'administration publique. Elle aurait pour mission d'�tudier l'�volution des mouvements sectaires dans son d�partement ainsi que les probl�mes pos�s aux victimes, d'accueillir celles-ci et de les orienter vers les services administratifs et les associations susceptibles de r�soudre leurs difficult�s. Elle rendrait compte de ses �tudes et de ses activit�s � son autorit� de nomination ainsi qu'� l'observatoire des sectes dont la cr�ation est propos�e par ailleurs. Elle pourrait d'ailleurs se tourner vers cet organisme pour obtenir des informations, voire des conseils.

2. Secourir plus efficacement les adeptes expatri�s qui le souhaitent.

Selon diverses sources, le nombre de Fran�ais appartenant � une secte et vivant � l'�tranger serait assez important, sans que l'on ait le moyen de le chiffrer avec une pr�cision m�me approximative. Mais c'est un fait av�r� que plusieurs sectes ont une dimension internationale et n'h�sitent pas, comme, par exemple, Moon ou l'Eglise de la scientologie, � envoyer � l'�tranger des adeptes recrut�s en France. De plus, on ne peut oublier que certaines organisation poursuivies par la justice ou l'administration ont quitt� le territoire national.

Or, ces personnes sont souvent dans une situation encore plus pr�caire que les adeptes r�sidant sur le territoire fran�ais, se trouvant dans un environnement qui leur est peu familier, et isol�s de leur famille et de leurs anciennes relations.

Les services diplomatiques et consulaires apportent aujourd'hui une aide substantielle pour retrouver des personnes disparues et pour les rapatrier.

La Direction des Fran�ais � l'�tranger du minist�re des Affaires �trang�res tente chaque ann�e de r�pondre � plusieurs centaines de demandes de renseignements de familles au sujet de personnes disparues. Cependant, les postes diplomatiques et consulaires d�pendent souvent �troitement de la bonne volont� et de l'efficacit� des autorit�s locales pour obtenir une r�ponse. De plus, quand bien m�me la personne disparue serait retrouv�e, si celle-ci ne souhaite pas qu'on divulgue son adresse, le minist�re des Affaires �trang�res est oblig� de se conformer � ce voeu en application du principe de respect de la vie priv�e. La moiti� des personnes retrouv�es expriment d'ailleurs ce souhait.

D'autre part, le minist�re dispose d'une ligne de cr�dit de l'ordre de 5 millions de francs pour assurer des rapatriements sanitaires et d'urgence ainsi que pour des personnes indigentes. Le minist�re demande aux familles de financer les autres formes de rapatriement.

Deux mesures seraient susceptibles d'am�liorer l'action des pouvoirs publics dans ce domaine.

En premier lieu, il conviendrait, dans le cadre du renforcement de la coop�ration internationale �voqu�e plus haut, que la France obtienne d'un nombre de pays aussi important que possible la garantie d'une collaboration soutenue pour ce genre de probl�mes. Aucun pays, il est vrai, n'a int�r�t � voir se d�velopper sur son territoire une organisation ill�gale et dangereuse.

Deuxi�mement, nos services diplomatiques et consulaires pourraient, dans ce cadre, accro�tre leurs contacts et leurs liens avec les autorit�s locales susceptibles de les aider dans la recherche de personnes disparues.

CONCLUSION

Difficile � d�finir, peu ais� � mesurer, impossible � saisir dans sa globalit�, le ph�nom�ne sectaire n'en constitue pas moins une r�alit� tangible du monde contemporain : l'expression de multiples mouvements spirituels distincts des religions traditionnelles et caract�ris�s par des croyances et des pratiques sp�cifiques.

De fait, il est �troitement li� aux grands probl�mes qui se posent aux soci�t�s actuelles, qu'il s'agisse du d�clin des religions traditionnelles, de la mutation des structures familiales, de la remise en cause des valeurs morales, de la place du politique ou de la crise �conomique et sociale. Il en est m�me, d'une certaine fa�on, le reflet.

Si sa diversit� et sa complexit� emp�chent de rendre compte avec pr�cision de son �volution quantitative et qualitative, les recherches effectu�es montrent qu'il s'est amplifi� au cours de la derni�re d�cennie en France et � l'�tranger. Et ce, tant en nombre d'organismes que d'adeptes et de sympathisants. En m�me temps, il pr�sente des formes plus vari�es, il met en oeuvre des techniques plus sophistiqu�es et dispose de moyens financiers accrus.

Les adeptes, en nombre croissant, s'engagent souvent totalement, jusqu'� perdre une partie de leur identit�. Et c'est l� que le risque de d�viation devient grave, quand l'engagement et la confiance absolue conduisent � ne pas se soigner, � couper les liens avec la famille, � donner tout l'argent dont on dispose. L'intervention des pouvoirs publics s'impose quand l'engagement conduit � une d�pendance psychologique qu'exploitent des dirigeants � leur propre profit.

Les d�cisions judiciaires rendues ces derni�res ann�es montrent bien que nombre d'entre eux se rendent coupables de d�lits, pouvant aller de la tromperie ou de la fraude aux mauvais traitements, aux coups et blessures et � la s�questration. De surcro�t, les informations fournies � la Commission et les t�moignages qu'elle a re�us ne laissent pas de doute sur le fait que les affaires r�v�l�es par la justice ne rendent compte que d'une partie des dangers que font courir les sectes, qui sont en fait � la fois plus nombreux, plus �tendus et plus graves.

L'Etat ne peut, � l'�vidence, laisser se d�velopper en son sein ce qui, � beaucoup d'�gards, s'apparente � un v�ritable fl�au. Rester passif serait, en effet, non seulement irresponsable � l'�gard des personnes touch�es ou susceptibles de l'�tre, mais dangereux pour les principes d�mocratiques sur lesquels est fond�e notre R�publique.

Votre Commission estime donc indispensable de r�agir. Cela �tant, il lui est apparu que la meilleure fa�on de riposter au d�veloppement des sectes dangereuses n'est s�rement pas la plus spectaculaire, sous la forme d'une l�gislation anti-sectes que l'ampleur de notre arsenal juridique ne rend pas n�cessaire et qui risquerait d'�tre utilis�e un jour dans un esprit de restriction de la libert� de pens�e. L'essentiel, selon elle, est bien d'utiliser pleinement les dispositions existantes, leur application syst�matique et rigoureuse devant permettre de lutter efficacement contre les d�rives sectaires. Pour y parvenir, il est d'abord n�cessaire de mieux conna�tre- ce que permettrait la cr�ation d'un observatoire ad hoc - et, surtout, de mieux faire conna�tre le ph�nom�ne et les dangers qu'il peut rec�ler. D'autre part, il faut s'attacher � ce que les institutions charg�es d'appliquer le droit dans ce domaine y soient sensibilis�es. En outre, certains am�nagements � la l�gislation existante paraissent souhaitables pour mieux tenir compte de l'�volution des associations sectaires. Enfin, il est important que les anciens adeptes puissent �tre aid�s � se r�ins�rer dans la soci�t�. Toutes mesures qui, selon votre Commission, devraient �tre mises en oeuvre dans les meilleurs d�lais . Nous ne nous sentons pas en France menac�s par une trag�die de type Waco, voire un attentat du genre de celui perp�tr� par la secte Aoum dans le m�tro de Tokyo au printemps dernier. Mais les germes de tels drames existent sur notre territoire, et la pr�vention s'impose.

Cela dit, il faut �tre lucide : les mesures propos�es ici ne suffiront probablement pas � elles seules � faire dispara�tre ces dangers. Reflet des difficult�s du monde actuel, sympt�me d'un profond malaise social, image d'une crise morale autant que civique, le ph�nom�ne sectaire appelle aussi, en effet, une r�ponse globale � l'ensemble des grands probl�mes de l'�poque contemporaine.

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La Commission a examin� le pr�sent rapport au cours de sa s�ance du 20 d�cembre 1995 et l'a adopt� � l'unanimit�.

Elle a ensuite d�cid� qu'il serait remis � M. le Pr�sident de l'Assembl�e nationale afin d'�tre imprim� et distribu�, conform�ment aux dispositions de l'article 143 du R�glement de l'Assembl�e nationale.

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