Compendium du syst�me solaire - V�nus (original) (raw)
V�nus, la d�esse de l'Amour
L'atmosph�re (II)
L'observation la plus importante se rapporte � son atmosph�re. A la diff�rence de l'atmosph�re terrestre, celle de V�nus est constamment voil�e par des nuages tr�s denses. Avec un albedo de 0.69, V�nus trahit que son atmosph�re dispose d'une couche nuageuse r�fl�chissante tr�s �paisse; les trois-quarts du rayonnement incident du Soleil sont rejet�s dans l'espace. Un bon tiers du rayonnement est absorb� par l'atmosph�re tandis que 2.5% seulement arrivent au sol, dix fois moins que sur Terre, rendant la visibilit� tr�s difficile. Depuis le sol, lorsqu'on cherche le Soleil en regardant � travers une faible �claircie dans l'�paisse couche nuageuse, on peut occasionnellement localiser un p�le disque rouge�tre voil�.
Les principales couches nuageuses s'�tendent entre environ 45 et 70 km d'altitude soit dans un volume trois fois plus �pais que sur Terre. Cela d�bute par des brumes vers 80 km au-dessus de la surface et cela s'estompe sous forme d'a�rosols vers 30 km d'altitude. En dessous, l'atmosph�re devient limpide dissipant une faible lumi�re rouge�tre. Au sol s'�tablit une sorte de cr�puscule permanent comme en t�moigne les clich�s panoramiques des sondes spatiales sovi�tiques r�alis�s en 1982. Ce n'est qu'en lumi�re infrarouge que la vision s'�claircit, portant le regard � quelques kilom�tres.
Nuages de glace et effet de serre
L'atmosph�re de V�nus est constitu�e � 96.5% de gaz carbonique tandis que l'azote, la vapeur d'eau, l'oxyg�ne, le monoxyde de carbone, les gaz rares et des compos�s � base de soufre se partagent le reste. Au niveau des p�les, vers 140 km d'altitude, la sonde Venus Express releva une temp�rature moyenne de -157�C (70� plus basse que les mod�les) et une densit� (masse volumique) 22% plus faible que pr�vu de 10-9 kg/cm3.
Vers 125 km d'altitude o� Venus Express mesura localement en 2014 une temp�rature de -175�C, � hauteur du terminateur il se forme des couches d'inversion o� peuvent se former des nuages de glace ou de la neige.
L'effet de serre est �norme sur V�nus et la temp�rature de -50�C au-dessus des brumes vers 80 km d'altitude, monte � 200�C dans les nuages pour atteindre 900�C au sol (485�C en moyenne) selon les relev�s effectu�s en 2007 par la sonde Venus Express. Les sondes Venera 4 et Mariner 5 en 1967 ont toutefois relev� des temp�ratures au sol plus "fra�ches" oscillant entre 267 et 280�C.
Non seulement la temp�rature et la pression sont intenables sur V�nus mais l'atmosph�re est irrespirable et corrosive. On d�tecta dans les nuages d'altitude de l'acide sulfurique concentr� (solution � 75% de H2SO4), de l'acide chlorhydrique et fluorhydrique, tandis que les a�rosols contiennent leurs d�riv�s dont l'anhydride sulfureux qui se d�compose sous l'effet de la chaleur. Ici les pr�cipitations sont acides en plus d'�tre bouillantes. Au-dessus des nuages, le soufre pr�domine � l'�tat libre donnant � l'atmosph�re de V�nus une odeur malodorante et une coloration jaun�tre. Ces nuages s'alignent en larges bandes qui apparaissent de fa�on fort contrast�e en lumi�re ultraviolette.
D�couverte de phosphine
Dans un article publi� dans la revue "Nature astronomy" en 2020, Jane S. Greaves de l'Universit� de Cardiff et ses coll�gues du MIT ont annonc� avoir d�tect� gr�ce au radiot�lescope submillim�trique James Clerck Maxwell (JCMT) de 15 m install� au Chili, la pr�sence d'importantes quantit�s de phosphine (PH3) dans l'atmosph�re de V�nus. Son abondance est d'environ 20 ppb (20 parties par milliard ou 2x10-8).
Bien que toxique, ce gaz constitue une biosignature potentielle (car il est � l'�tat de trace sur Terre) comme l'ont bien expliqu� Clara Sousa-Silva et ses coll�gues dans un article publi� dans la revue "Astrobiology" en 2020.
La phosphine peut �tre produite de plusieurs fa�ons. Mais les chercheurs estiment que pour �tre pr�sente en aussi grande quantit� elle doit �tre �mise par des organismes vivants. Il pourrait s'agir d'organismes ana�robies, c'est-�-dire qui ne consomment pas d'oxyg�ne comme on en trouve �galement sur Terre (cf. la facult� d'adaptation � propos du cnidaire Henneguya salminicola).
Actuellement, la pr�sence de phosphine sur V�nus reste inexpliqu�e mais est de bonne augure dans la recherche d'une vie extraterrestre. Gr�ce aux prochaines missions spatiales vers V�nus (voir plus bas), les exobiologistes esp�rent comprendre son origine. On y reviendra dans les articles consacr�s � la contamination extraterrestre et les biosignatures.
A voir : Possible signs of life on Venus
Des ondes de gravit�
Dans chaque h�misph�re des d�pressions atmosph�riques transf�rent vers les p�les la chaleur accumul�e � l'�quateur, tout comme les vents aliz�s sur Terre. En 2016, une �quipe d'astronomes dirig�e par Jean-Loup Bertaux du laboratoire LATMOS du CNRS a d�couvert des ondes de gravit� et des ondes plan�taires se propageant dans l'atmosph�re de V�nus. De quoi s'agit-il ?
Formation d'ondes de gravit� au-dessus de la "Fontaine d'Aphrodite". Document ESA. |
Comme on le voit sur le sch�ma explicatif � gauche, comme une onde se propage horizontalement dans l'eau, les ondes de gravit� se propagent verticalement dans l'air � partir des basses couches et deviennent plus intenses avec l'altitude du fait que la pression atmosph�rique (la densit�) diminue. Ces ondes interf�rent avec les conditions m�t�os en g�n�rant des turbulences dont l'importance d�pend de la topographie des reliefs.
Ainsi, en analysant les donn�es m�t�os recueillies par la sonde spatiale Venus Express entre 2006 et 2012, Bertraux et son �quipe ont d�couvert une zone nuageuse en particulier situ�e pr�s de l'�quateur qui accumule plus de vaeur d'eau que la r�gion avoisinante. Cette zone "humide" se trouve juste au-dessus de la cha�ne de montagnes d'Aphrodite Terra culminant � 4500 m d'altitude. L'air tr�s humide �tant forc� de s'�lever sur le versant de cette cha�ne de montagnes, les chercheurs ont appel� cet endroit la "Fontaine d'Aphrodite". Cette "fontaine" d'air humide s'�l�ve en altitude o� elle est finalement frein�e par des courants d'altitude tr�s rapides. C'est ainsi que la force des vents au-dessus d'Aphrodite Terra est toujours plus lente (18%) que partout ailleurs. Ensuite, �tant solidaire des nuages, cet air humide retombe gr�ce aux mouvements descendants et tourbillonnants de la colonne nuageuse qui se d�place en m�me temps d'est en ouest � travers toute la plan�te.
Rappelons qu'ant�rieurement, des courants verticaux avaient d�j� �t� d�couverts au-dessus des massifs montagneux d'Aphrodite Terra atteignant 11 km/h.
De plus, comme le montre les photo ci-dessous prises en UV, certains nuages sont plus sombres que d'autres ce qui signifie qu'ils absorbent les UV. Autrement dit, les colonnes nuageuses de la "Fontaine d'Aphrodite" r�fl�chissent moins d'ultraviolet que les autres r�gions. Les chercheurs ont �galement mesur� la vitesse de ces nuages sombres. Il s'av�re que cette absorption du rayonnement UV s'explique par l'existence de ces ondes de gravit� qui transportent l'air humide (la vapeur d'eau absorbe les UV) et la mati�re sombre du sommet de la couche nuageuse jusqu'en surface en cr�ant cette "fontaine" ascendante et les courants descendants associ�s formant des plumes de vapeur, l'ensemble entretenant ce qu'on appelle une pompe � air.
"V�nus sous les UV" permet de mettre en �vidence la structure de son atmosph�re qui est pratiquement imp�n�trable et peu structur�e en lumi�re blanche. Ces images ont �t� prises les 15 et 16 f�vrier 1990 par la sonde Galil�o � une distance de 2.3 et 3.3 millions de kilom�tres. A l'extr�me droite, une image UV coloris�e pour accentuer les d�tails. Cliquez ici pour agrandir l'image de droite. Documents NASA. |
Enfin, il existe des ondes plan�taires r�sultant de la rotation de la plan�te sur son axe et dont la p�riode est de quelques jours. Ces deux types d'ondes transf�rent l'�nergie et leur impulsion d'une r�gion � l'autre, influen�ant de mani�re sensible les caract�ristiques de l'atmosph�re (ce qui est �galement le cas sur Terre).
Comme la plupart des plan�tes ayant une atmosph�re, aux niveaux des p�les V�nus pr�sente un vortex, une sorte d'ouragan permanent tournant � grande vitesse autour d'une zone centrale. Sa forme est variable.
Une couche d'ozone
Les chercheurs exploitant les donn�es de la sonde Venus Express ont d�couvert en 2011 que V�nus pr�sente �galement une couche d'ozone dont l'altitude varie entre 90 et 120 km d'altitude et dont l'�paisseur varie entre 5 et 10 km (par comparaison, sur Terre la couche d'ozone se situe entre 20 et 40 km d'altitude avec une concentration maximale vers 25 km d'altitude). La d�tection de cette couche ajoute une contrainte importante sur la chimie de l'atmosph�re de V�nus qu'on peut � pr�sent ajouter aux mod�les. De plus cet ozone absorbant les UV agressifs du Soleil pr�judiciables � toute forme de vie et se formant � partir de l'oyg�ne, il permet d'�tablir d'int�ressantes comparaisons � propos des possibilit�s de vie sur les autres plan�tes. Ainsi, certains astrobiologistes sugg�rent que la pr�sence simultan�e de dioxyde de carbone, d'oxyg�ne et d'ozone dans une atmosph�re pourrait indiquer l'existence ou non d'une vie sur une plan�te. Bien entendu, il y a d'autres param�tres � consid�rer comme la temp�rature et la pression qui apportent �galement leurs contraintes. On en reparlera en bioastronomie.
Deux ph�nom�nes restent inexpliqu�s : en passant de l'h�misph�re �clair� � celui plong� dans l'obscurit�, la temp�rature d�cro�t brutalement de 100� sans qu'il soit possible d'expliquer une rupture si brutale. On a �galement d�couvert des courants chauds inexpliqu�s sur la face obscure de V�nus.
Origine des flashs atmosph�riques
Lors de l'exploration in situ de V�nus, les donn�es des sondes spatiales russes Venera 9 (1975) ainsi que Venera 11 et 12 (1978-1980) enregistr�rent jusqu'� 25 �clairs par seconde[2] au-dessus des massifs d'Aphrodite Terra, � hauteur de la couche d'a�rosols. Mais une contre-analyse montra que ces donn�es n'�taient pas concluantes. Celles de la sonde Pioneer-Venus 1 et 2 (1978) n'ont jamais �t� confirm�es en raison des interf�rences. Ces signaux �taient similaires aux craquements capt�s par une radio AM ou onde-courte provoqu�s par la foudre lors d'orages sur Terre.
Enfin, en novembre 2007 la sonde Venus Express de l'ESA (2006-2014) d�tecta ce qu'on interpr�ta � l'�poque comme des �clairs dans la haute atmosph�re, � 56 km l'altitude. Ils se manifestaient entre nuages, comme les �clairs CC ou "crawlers" qui se produisent sur Terre entre 2 et 10 km d'altitude. D'autres flashs furent d�tect�s en 2014, y compris en optique par des t�lescopes terrestres. Mais en r�alit� ils peuvent correspondre � un autre ph�nom�ne.
Dans une �tude publi�e dans les "Geophysical Research Letters" en 2019, l'�quipe du plan�tologue Ralph Lorenz de l'Universit� Johns Hopkins analysa les donn�es m�t�orologiques enregistr�es par la sonde spatiale japonaise Akatsuki alias Planet-C (2015-2019), un orbiter � vocation climatique, et �tait arriv�e � la conclusion que les instruments n'ont pas d�tect� d'�clairs en 3 ans d'observations ni durant les 16.8 heures (combin�es) durant lesquelles la sonde spatiale scruta la face plong�e dans l'obscurit�. Aucun �clair attribuable � la foudre n'a �t� d�tect�, alors que des observations similaires sur Terre produiraient des milliers de d�tections.
La sonde Akatsuki enregistra un faible taux de flashs d'environ 0.005 par million de km2-heure mais, selon Lorenz, il est incompatible avec les taux beaucoup plus �lev�s des "rafales" enregistr�es par les capteurs de champ magn�tique et �lectrique, ce qui indique que les d�charges �lectriques sont d�pourvues d'�mission optique ou que les d�tections �lectromagn�tiques ne sont pas d'origine lumineuse, voire les deux.
S'il s'agit d'�clairs, ils sont difficiles � expliquer car l'atmosph�re de V�nus est tr�s diff�rente de celle de la Terre, constitu�e en haute altitude de brumes et de nuages d'acide sulfurique qui ne peuvent pas contenir de charge �lectrique. Il n'est donc pas �tabli que le potentiel est suffisant pour d�clencher des �clairs d'orage. En fait, les scientifiques ne comprenaient pas comment ces �clairs seraient g�n�r�s. Mais une chose est certaine, des flashs z�brent r�guli�rement l'atmosph�re de V�nus.
Puis un �clair jaillit dans l'esprit de la plan�tologue Claire Blaske de l'Universit� de Stanford et de ses coll�gues. Dans un article publi� dans le "Journal of Geophysical Research: Planets" (JGR Planets) de l'AGU en 2023, les auteurs ont analys� ces flashs et sont arriv�s � la conclusion que les flashs statiques et optiques n'ont jamais �t� d�tect�s simultan�ment.
Blaske et ses coll�gues se sont demand�s si ces �clairs ne seraient pas en r�alit� des m�t�ores. Deux �tudes ont compt� les �clairs lumineux : une depuis la Terre gr�ce � un t�lescope install� sur le mont Bigelow en Arizona et l'autre par des instruments embarqu�s sur l'orbiter Akatsuki.
Selon les chercheurs, les r�sultats des sondages indiquent qu'il y a probablement entre 10000 et 100000 de ces �clairs chaque ann�e. Cela peut sembler trop d��clairs pour que tous soient cr��s par des m�t�ores. Apr�s tout, V�nus est une cible cosmique l�g�rement plus petite que la Terre. Mais les m�t�ores y sont beaucoup plus brillants - et donc plus visibles - car ils se d�placent plus rapidement en moyenne : les m�t�oro�des entrent dans l'atmosph�re de V�nus � environ 25 km/s, contre 20.3 km/s dans l'atmosph�re terrestre. Cela s'explique en partie par le fait que V�nus se d�place plus rapidement que la Terre sur son orbite.
Dans l'ensemble, ces facteurs et d'autres ont conduit Blaske et ses coll�gues � conclure que les m�t�ores pourraient �tre suffisamment nombreux pour expliquer la plupart, sinon la totalit�, des flashs enregistr�s dans l'atmosph�re de V�nus.
Si cette explication est plausible, de futures observations mesurant simultan�ment les flashs et l'�lectricit� statique �lectromagn�tique sur V�nus pourraient aider � r�soudre le myst�re.
Mais d'autres grandes questions demeurent. Par exemple, on ne sait pas si l'atmosph�re de V�nus pourrait d�clencher une forme d'�clair ou un autre type de d�charge �lectrique dans son atmosph�re qui ne serait pas accompagn�e d'�clairs lumineux mais pourrait n�anmoins pr�senter un risque pour les sondes spatiales.
Avec les prochaines missions spatiales pr�vues vers V�nus (voir plus bas), les scientifiques sont impatients de d�couvrir l'origine de ces flashs lumineux. Si ce sont r�ellement des �clairs, le ph�nom�ne �lectrique pourrait pr�senter des risques pour les futures sondes largu�es dans l'atmosph�re v�nusienne ou transport�es par des ballons pendant de longues p�riodes dans l'atmosph�re de la plan�te. Quant aux petits m�t�ores qui br�lent dans l'atmosph�re, ils ne pr�sentent pas beaucoup de danger.
Le myst�re de la super-rotation
Du fait que la circulation atmosph�rique de V�nus s'effectue en 4 jours terrestres alors que la surface effectue une rotation en 243 jours, on observe une rotation de l'atmosph�re dans le m�me sens mais � une vitesses angulaire plus �lev�e appel�e la "super-rotation". Cette vitesse atteint son maximum pr�s du sommet de l'atmosph�re, entre 60 et 72 km d'altitude, o� elle atteint environ 60 fois la vitesse de rotation de la plan�te, avec des vents soufflant � environ 470 km/h vers 50� de latitude.
L'origine de ce ph�nom�ne est rest�e myst�rieuse car pendant plusieurs d�cennies les mod�les ne sont pas parvenus � reproduire cette super-rotation, indiquant clairement qu'il manquait probablement quelques variables dans les �quations. Deux principales voies de recherches ont �t� explor�es, l'une s'attachant aux vents �quatoriaux l'autre � la face obscure de V�nus, deux r�gions qui avaient �t� peu explor�es jusqu'ici.
Concernants les vents �quatoriaux, les plan�tologues supposaient qu'il existait des vents horizontaux aux latitudes basses et moyennes pr�sentant apparemment tr�s peu de variations au cours du temps. Pour r�soudre cette �nigme, en 2010 la JAXA en collaboration avec l'ESA lan�a la sonde spatiale Akatsuki pr�cit�e. Toujours actif aujourd'hui, cet orbiter mesure les param�tres de l'atmosph�re de V�nus et la photographie gr�ce � une cam�ra infrarouge (� 2.26 microns) capable de percer l'atmosph�re de brume et de suivre l'�volution des nuages, en particulier dans la r�gion �quatoriale que les sondes spatiales Venus Express et Galileo n'avaient pas pu sonder en d�tail.
A gauche, illustration de la sonde spatiale Akatsuki au moment de l'insertion orbitale. A droite, mesure de la radiance de la couche nuageuse de V�nus � 2.26 microns par Akatsuki le 11 juillet 2016. Documents Akihiro Ikeshita/JAXA et Planet-C project team. |
En juillet 2016, gr�ce � Akatsuki une �quipe de chercheurs dirig�e par Takeshi Horinouchi de l'Universit� d'Hokkaido d�couvrit un courant jet �quatorial. Contrairement � ce qu'on pensait, la vitesse des vents varie plus que pr�vu temporellement et spatialement. Ce courant jet souffle � plus de 288 km/h (80 m/s) dans une zone large d'� peine 10� autour de l'�quateur. La vitesse des vents diminue avec la latitude pour atteindre environ 216 km/h (60 m/s) vers 40� de latitude.
On ne comprend toutefois pas encore pourquoi ce courant jet se d�veloppe mais il semble li� � la super-rotation (alors que sur Terre les courants jets subtropicaux et polaires sont li�s non seulement � la rotation de la Terre mais aussi � la formations des fronts). Les r�sultats de cette d�couverte furent publi�s dans la revue "Nature Geoscience" en 2017.
Concernant la face obscure de V�nus, les plan�tologues ont exploit� le spectrom�tre visible et infrarouge VIRTIS de Venus Express. Bien que ce capteur infrarouge thermique permette d'identifier les couches nuageuses sup�rieures, le manque de contraste des images ne permettait pas de d�tailler leur structure. Pour augmenter le contraste, les chercheurs ont proc�d� � l'empilement de centaines d'images enregistr�es simultan�ment � diff�rentes longueurs d'onde. Cette m�thode a tr�s bien fonctionn� et a permis d'obtenir une visibilit� et une d�finition sans pr�c�dant des nuages de la face obscure.
Selon les Mod�les de la Circulation Globale (GCM), la super-rotation doit exister de la m�me mani�re sur la face �clair�e et sur la face obscure. Or les r�sulats des travaux entrepris par Javier Peralta de la JAXA et ses coll�gues publi�s en 2017 dans la revue "Nature Astronomy" contredisent ces mod�les. La super-rotation est plus irr�guli�re et chaotique sur la face obscure. Mais pourquoi ?
Deux image prises par l'instrument VIRTIS de Venus Express le 29 avril 2008 � 13h35:23 TU r�v�lant les ondes stationnaires dans les nuages situ�s sur la face obscure de V�nus. Passez la souris sur l'image pour charger la 2e photo. Document J.Peralta et al. |
L'analyse des images montre que les nuages sup�rieurs de la face obscure pr�sentent des formes diff�rentes de ceux qu'on trouve ailleurs sur V�nus : ils sont plus larges, ondul�s, morcell�s, irr�guliers et filamenteux et sont domin�s par des ondes stationnaires, des structures et des ph�nom�nes qui n'apparaissent pas sur les images prises sur sa face �clair�e.
Une �tude publi�e en 2016 avait d�j� montr� que les motifs nuageux et l'apparition d'ondes sur la face �clair�e de V�nus d�pendaient de la topographie en surface. Et justement, dans les images prises par VIRTIS dont deux exemples sont pr�sent�s � gauche, on constate que les motifs nuageux ne se d�placent pas avec l'atmosph�re. Apr�s avoir discut� longtemps de la r�alit� ou non de ces nuages stationnaires, Toru Kouyama, l'un des coauteurs de cette �tude d�couvrit ind�pendamment des nuages stationnaires gr�ce au t�lescope infrarouge IRTF de la NASA install� � Hawaii. Cette d�couverte fut confirm�e quand la sonde japonaise Akatsuki orienta ses capteurs vers cette formation nuageuse qui repr�sente la plus grande onde stationnaire observ�e dans le syst�me solaire.
Mais cette d�couverte soul�ve un nouveau d�fi. En principe de telles ondes se forment au-dessus de surface o� le vent interagit avec des obstacles, par exemple une montagne. Or les missions russes impliquant des atterriseurs ont relev� des vents en surface trop faibles pour former de telles nuages. De plus, l'h�misph�re sud qu'observa VIRTIS pr�sente des reliefs peu �lev�s et, plus �trange encore, il ne semble pas y avoir d'ondes stationnaires dans les basses couches et les couches interm�diaires (jusqu'� environ 50 km au-dessus du sol). Mais s'il existe des ondes stationnaires en haute altitude, cela signifie en th�orie qu'elles se sont �lev�es � travers les nuages depuis des ondes g�n�r�es en surface.
Devant ces paradoxes, selon Ricardo Hueso de l'Universit� de Bilbao en Espagne et �galement coauteur de cette �tude, les chercheurs vont devoir r�viser leurs mod�les de V�nus pour expliquer ce ph�nom�ne. Selon qu'on ajoute ou pas la topographie de V�nus, cela a un effet dans son atmosph�re, mais cela n'engendre pas de motifs nuageux sp�cifiquement li�s � la topographie. Bref, un nouveau d�fi se pr�sente aux climatologues qui mod�lisent le climat de V�nus. Affaire � suivre.
Mod�lisation de l'atmosph�re de V�nus
Pour comprendre la m�t�orologie et la structure des nuages de V�nus ainsi que sa climatologie, � partir de d�cembre 2015 la sonde spatiale Akatsuki pris des photos en infrarouge des nuages bas situ�s � environ 50 km au-dessus de la surface. Peu avant, des chercheurs japonais avaient d�velopp� un programme de simulation appel� AFES-Venus permettant de pr�dire l'�volution de l'atmosph�re de V�nus de la m�me mani�re que les programmes de pr�visions m�t�orologiques pr�disent l'�volution de la m�t�o et la couverture nuageuse sur Terre. Pour V�nus, la difficult� est qu'� partir d'un nombre r�duit d'observations il fallait essayer de simuler de mani�re pr�cise la super-rotation et les structures dans les r�gions polaires de son atmosph�re.
En 2019, Hiroki Kashimura de l'Universit� de Kob� et ses coll�gues ont publi� dans la revue "Nature Communications" les r�sultats de ces simulations � grande �chelle r�alis�es sur le simulateur Earth, un superordinateur NEC SX-ACE de 5120 noeuds de calculs capable d'atteindre 1.3 PFLOPS (performance pic) appartenant � l'Agence Japonaise pour les Sciences et Technologies Marines et Terrestres (JAMSTEC).
Avant la mission d'Akatsuki, en raison du manque de donn�es il �tait difficile de prouver que ces simulations refl�taient r�ellement l'atmosph�re de V�nus. Mais comme on le voit ci-dessous � gauche, en comparant les images infrarouge prises par la cam�ra IR2 d'Akatsuki avec les simulations en haute r�solution du programme AFES-Venus, le doute n'est plus permis. L'image pr�sent�e dans la partie gauche montre des structures stri�es g�antes presque sym�triques dans les h�misph�res Nord et Sud de V�nus. Chaque structure s'�tend sur des centaines de kilom�tres de large et sur pr�s de 10000 km en diagonale. Le mod�le japonais pr�sent� � droite r�v�la pour la premi�re fois que la structure stri�e observ�e sur V�nus est unique et n'a pas d'�quivalent sur Terre.
L'analyse des r�sultats de la simulation AFES-Venus a permis de comprendre l'origine de cette structure stri�e � grande �chelle. Elle est �troitement li� aux conditions m�t�orologiques de la plan�te : les jets treams qui se d�veloppent dans les r�gions polaires. Pour rappel, sur Terre aux latitudes moyennes et �lev�es s'installe une dynamique des vents � grande �chelle appel�e l'instabilit� barocline � l'origine des cyclones extratropicaux, des syst�mes migratoires de haute pression et des jets streams.
A gauche, la couche de nuages bas (~50 km d'altitude) de V�nus observ�e avec la cam�ra IR2 de la sonde spatiale Akatsuki. Les parties claires indiquent les endroits o� la couverture nuageuse est mince. On distingue une structure oblique stri�e � l'�chelle plan�taire (en pointill�s jaunes). A droite, la m�me structure reconstruite par les simulations AFES-Venus. Les parties claires indiquent un fort courant descendant. A droite, le m�canisme de formation de la structure stri�e � grande �chelle. Les vortex g�ants g�n�r�s par les ondes de Rossby (� gauche) sont inclin�s par les jetstreams circulant aux latitudes �lev�es (� droite). V�nus tournant vers l'ouest, les courants jets soufflent �galement vers l'ouest. Dans les vortex �tir�s, lorsque la zone de convergence de la structure stri�e est form�e, un courant descendant appara�t, provoquant une r�duction ou un amincissement de la couche de nuages bas. Documents H.Kashimura et al. (2019). |
Comme on le voit sur le sch�ma pr�sent� ci-dessus � droite, les r�sultats des simulations montrent que le m�me m�canisme est � l��uvre dans l'atmosph�re de V�nus, sugg�rant que des courants jets pourraient se former aux hautes latitudes. Aux basses latitudes, une onde atmosph�rique due � la r�partition des flux � grande �chelle et � l'effet de la rotation plan�taire (cf. les ondes de Rossby) g�n�re de grands vortex � travers l'�quateur jusqu'� 60� de latitude dans chacune des h�misph�res. Lorsque les courants jets s'ajoutent � ce ph�nom�ne, les vortex s'inclinent et s'�tirent tandis que la zone de convergence entre les vents du nord et du sud prennent la forme d'une tra�n�e, donnant ce motif stri� particulier. Le vent nord-sud qui est pouss� vers l'ext�rieur par la zone de convergence se transforme en un puissant courant descendant entra�nant la structure stri�e � grande �chelle. L'onde de Rossby se combine �galement � une importante fluctuation atmosph�rique situ�e au-dessus de l'�quateur (c'est l'onde �quatoriale de Kelvin) dans les couches nuageuses les plus basses, pr�servant la sym�trie entre les h�misph�res.
Jusqu'� pr�sent, les �tudes sur la m�t�ologie de V�nus �taient principalement ax�es sur des calculs moyennement pr�cis tenant compte des courants d'est en ouest. Cette nouvelle mod�lisation a permis d'�lever le niveau de pr�cision et de r�alisme et de pr�dire le comportement de l'atmosph�re de V�nus en trois dimensions. La prochaine �tape consistera � r�soudre le casse-t�te du climat de V�nus en tenant compte des propri�t�s physico-chimiques et notamment des nuages compos�s d'acide sulfurique.
Pas d 'oc�ans primordiaux
La surface de V�nus connut-elle autrefois des conditions semblables � celles de la Terre � la m�me �poque ? La sonde spatiale am�ricaine Pioneer-Venus r�v�la en 1978 que l'atmosph�re s'�tait enrichie en deut�rium (un isotope lourd de l'hydrog�ne contenant un neutron de plus) d'une quantit� 100 fois plus �lev� par rapport � la quantit� originelle pr�sente dans son atmosph�re. Cet �l�ment est plus lourd que l'hydrog�ne de l'eau.
Cette abondance signifierait que par le pass� V�nus fut couverte d'un oc�an, tout comme la Terre il y a quatre milliards d'ann�es, eau qui s'est ensuite �vapor�e dans l'atmosph�re. Plusieurs m�canismes peuvent expliquer la disparition des mol�cules d'eau dont une dissociation par le rayonnement UV ou sa liaison avec le CO pour former le gaz carbonique. Comme sur les autres plan�tes o� le champ magn�tique est faible ou absent, c'est ensuite le vent solaire qui arracha les atomes de l'atmosph�re. A terme, seul le deut�rium resta dans l'atmosph�re car trop lourd pour s'�chapper dans l'espace.
Deux mod�lisations de l'atmosph�re de V�nus, permettant ou non la formation d'oc�ans. Voir le texte pour les explications. DocumentM.Turbet et al. (2021) adapt� par l'auteur. |
Selon l'astrophysicien solaire et astrobiologiste Vladimir Airapetian du centre Goddard de la NASA, V�nus �tait autrefois recouverte d�eau et pouvait �tre habitable. Mais en raison de nombreux facteurs, notamment l'activit� plus intense du jeune Soleil qui effectuait alors une rotation en � peine 10 jours (contre ~27 jours aujourd'hui) et l�absence de champ magn�tique g�n�r� en interne, V�nus a perdu son hydrog�ne, un composant essentiel de l'eau. Son atmosph�re s'est ensuite �paissie.
On a longtemps suppos� qu'il �tait possible que V�nus fut autrefois recouverte d'oc�ans. Mais une nouvelle �tude sugg�re que V�nus n'a jamais eu d'oc�ans.
Une �quipe de chercheurs dirig�e par Martin Turbet de l'Observatoire astronomique de l'Universit� de Gen�ve, en Suisse, publia dans la revue "Nature" en 2021 les r�sultats d'une �tude th�orique sur la formation des oc�ans sur V�nus.
Des �tudes pr�c�dentes avaient montr� que lors de la formation du syst�me solaire, lorsque le Soleil �tait 30% moins lumineux qu'aujourd'hui, si on posait des oc�ans sur V�nus, ils resteraient sur la plan�te (cf. J.Yang et al., 2013 M.J. Way et al., 2016), �tendant d'autant la zone habitable.
Ce genre d'�tude �quivaut � dire que dans un environnement thermodynamique aussi instable qu'une atmosph�re plan�taire chauff�e, si on pla�ait une pi�ce de monnaie sur la tranche, elle avait toutes les chances de rester dans cette position. Mais en r�alit�, quelle est la probabilit� qu'une instabilit� se cr�e et se maintienne � long terme, qu'en jettant une pi�ce de monnaie, elle tombe sur sa tranche ? La probabilit� est tr�s faible (< 1%).
Donc avant m�me de poser des oc�ans sur V�nus, Turbet et ses coll�gues se sont demand�s si des oc�ans pouvaient se former sur la jeune V�nus.
Pour r�pondre � cette question, les chercheurs ont mod�lis� en trois dimensions l'atmosph�re de la jeune V�nus juste apr�s sa formation il y a 4.6 milliards d'ann�es. Pour mieux comprendre l'�volution climatique de la plan�te, ils ont utilis� le mod�le atmosph�rique LMDZ de la circulation g�n�rale utilis� par les m�t�orologistes pour la Terre. En partant d'une atmosph�re chaude et d'une concentration �lev�e en dioxyde de carbone et en vapeur d'eau, les chercheurs ont tent� de savoir si la vapeur d'eau se condensait, formant des nuages, des pluies et si de l'eau s'accumulait � la surface de V�nus.
Les r�sultats montrent que dans cette atmosph�re primitive, "les nuages se forment pr�f�rentiellement du c�t� nocturne de la plan�te, en raison de la forte absorption de vapeur d'eau subsolaire. Ils ont un fort effet de r�chauffement net qui inhibe la condensation de l'eau de surface m�me � des insolations modestes (jusqu'� 325 W/m 2 soit 0.95 fois la constante solaire de la Terre)". Les nuages absent du c�t� jour ne r�fl�chissent donc pas la lumi�re du Soleil et ne prot�gent donc pas l'atmosph�re du chauffage solaire. Au contraire, ils forment un bouclier ou pont thermique c�t� nuit emp�chant l'atmosph�re de se refroidir et la formation d'oc�ans.
De plus, cette mod�lisation montre que la Terre n'a pas r�agi de la m�me mani�re. La formation des oc�ans sur la Terre n�cessita une insolation beaucoup plus faible qu'aujourd'hui, ce qui fut possible en raison de la plus faible luminosit� du jeune Soleil. Cela implique �galement l'existence d'un autre �tat de stabilit� pour la Terre actuelle, ce que les chercheurs appellent la "Terre-vapeur", o� toute l'eau des oc�ans s'est �vapor�e dans l'atmosph�re.
Notons que dans le m�me num�ro de la revue "Nature", les g�oscientifiques James F. Kasting et Chester E. Harman mirent en avant les r�sultats de cette �tude, montrant clairement leur support envers cette th�orie.
Les champs �lectrique et magn�tique
L'activit� magn�tique de V�nus est la plus faible de toutes les plan�tes (inf�rieur � 3x10-4 gauss). V�nus ne dispose pas de champ magn�tique global et de ce fait, la vapeur d'eau se dissocie sous l'effet des UV et du vent solaire. Les ions d'hydrog�ne (hydrons) et d'oxyg�ne s'�chappent dans l'espace, ass�chant progressivement son atmosph�re. Cette photodissociation se produit principalement sur la face expos�e au Soleil (cf. H.Lammer et al., 2011; A.J.Coates et al., 2015).
A ce sujet, l'instrument ASPERA-4, un spectrom�tre � �lectrons a permis de mesurer avec pr�cision la valeur du champ �lectrique vertical dans l'atmosph�re de V�nus. Glyn A. Collinson du centre Goddard de la NASA et son �quipe ont d�couvert en 2016 que le champ �lectrique vertical �tait d'au moins 10 volts (contre < 2 volts sur Terre) soit cinq fois plus �lev� que le pr�voyait les mod�les.
Illustration du champ �lectrique d�couvert dans l'atmosph�re de V�nus gr�ce � l'instrument ASPERA-4 de la mission Venus Express. |
Notons que c'est la premi�re fois que les astronomes parvenaient � mesurer un champ �lectrique dans une atmosph�re plan�taire autre que celle de la Terre.
Selon les analyses de Collinson et son �quipe, lorsque le champ magn�tique transport� par le vent solaire rencontre V�nus, comme illustr� � gauche, il se drape autour de l'ionosph�re de la plan�te (repr�sent�e ici en orange), entra�nant ses particules. Le champ �lectrique vertical de V�nus est suffisamment fort pour acc�l�rer les ions d'oxyg�ne en altitude jusqu'� ce qu'ils �chappent � l'attraction de V�nus et s'�vadent dans l'espace.
Apr�s le vent solaire, ce gradient �lectrique vertical est la seconde composante ayant contribu� � la tr�s faible abondance de l'eau dans l'atmosph�re de V�nus (estim�e � ~44 ppm pr�s de la surface par B.B�zard et al., 2009 et � ~90 ppm aux altitudes moyennes selon M.E.Koukouli et al,, 2005 contre 70000 ppm ou 7% dans l'atmosph�re terrestre).
Plusieurs chercheurs pensent que la Terre et V�nus sont n�es � peu de distance l'une de l'autre. Mais V�nus �tant plus proche du Soleil, elle re�oit deux fois plus d'�nergie que la Terre. La temp�rature aidant, le d�gazage qui s'ensuivit provoqua en quelque 600 millions d'ann�es la disparition de l'eau de sa surface. Le gaz carbonique s'accumula dans l'atmosph�re et d�clencha l'effet de serre qui n'eut de cesse de s'accentuer depuis. Sur Terre, le gaz carbonique s'est dissout dans les oc�ans et se fixa dans les roches s�dimentaires. Le mouvement des plaques tectoniques forma les continents. Aussi, il est indispensable que les futures missions spatiales trouvent les traces d'un quelconque ruissellement d'eau ou d'une tectonique des plaques pour confirmer cette hypoth�se. Le site d'Ishtar Terra semble tout indiqu� pour cette recherche, d�j� soup�onn� d'avoir une activit� tectonique importante.
Le manque d�eau et les vents violents font que V�nus a �t� pr�serv�e de l��rosion entre les p�riodes volcaniques. Alors que sur Terre la pluie, les variations de temp�ratures et les glaciers participent � la d�gradation des sols, l��volution de V�nus a �t� pratiquement fig�e. C'est un site d�observation id�al pour les g�ologues qui peuvent observer l��volution d�une plan�te fort similaire � la Terre en l�absence d��rosion, comme si le temps s��tait arr�t�.
V�nus int�resse �galement les m�t�orologistes et les climatologues qui peuvent �tudier les cons�quences de l'effet de serre sur une plan�te o� il a atteint un seuil catastrophique.
Avec toutes ces donn�es, Carl Sagan comparait V�nus � l'enfer mais n'excluait pas la pr�sence de la vie. Il est vrai que sur Terre, la vie subsiste en bien des endroits inhospitaliers tels que la haute atmosph�re riche en microbes ou pr�s de sources gaz toxiques, des conditions jug�es intol�rables qui rappellent celles de V�nus.
L'ionosph�re
Comme la Terre, V�nus poss�de une couche ionosph�rique charg�e �lectriquement qui s'�tend entre 120 et 300 km d'altitude, au niveau de la thermosph�re. La couche la plus �lev�e n'est ionis�e et donc active que sur la face �clair�e, sa densit� sur la face obscure �tant pratiquement nulle (cf.P.P�tzold et al., 2007).
L'ionosph�re de V�nus se compose de trois couches : v1 entre 120 et 130 km d'altitude, v2 entre 140 et 160 km et v3 entre 200 et 250 km. Il peut y avoir une couche suppl�mentaire vers 180 km d'altitude.
Dans de rares cas, du c�t� obscur de la plan�te, l'ionosph�re peut s'�tendre dans l'espace comme une queue. Cette d�formation exceptionnelle se produit lorsque le vent solaire est tr�s faible. Un tel ph�nom�ne s'est produit les 3 et 4 ao�t 2010 o� le Soleil a pour ainsi dire "retenu son souffle" : apr�s plusieurs CME suivies d'aurores (cf. Earth Observatory), le vent solaire est devenu tr�s faible pendant environ 18 heures, y compris � hauteur de l'orbite terrestre (cf. C-C.Wu et al., 2010; B.Delport et al., 2012). Durant cette p�riode, seulement 0.2 particule par centim�tre carr� atteignit V�nus, soit environ 25 � 50 fois moins qu'en temps normal (cf. Y.Wei et al., 2012).
Des trous dans la couche ionosph�rique
En 1978, au cours de la mission Pioneer Venus Orbiter, le physicien Larry H. Brace (1929-2005) du centre Goddard de la NASA d�couvrit des "trous" d'environ 1000 km de large dans l'ionosph�re de V�nus (cf. L.H. Brace et al., 1980). Ces trous se situaient sur la face obscure, dans une r�gion de faible densit�. Le ph�nom�ne n'a plus �t� observ� pendant 30 ans.
A gauche, le changement de forme de l''ionosph�re de V�nus dans des conditions normales de vent solaire (en haut) et lorsque le vent solaire est faible (en bas), observ� par la sonde spatiale Venus Express en ao�t 2010 du c�t� obscur de la plan�te alors que la sonde �tait � moins de 250 km au-dessus du p�le nord. A droite, la structure de l'ionosph�re de V�nus montrant l'emplacement des "trous". Documents Y.Wei et al. (2012) et L.H. Brace et A.J. Kliore (1991). |
Puis, au cours de la mission Venus Express de l'ESA, Glyn A. Collinson pr�cit�e observa plusieurs trous similaires dans l'ionosph�re. Les donn�es sugg�rent que les trous sont plus courants que pr�vu. Pioneer Venus Orbiter n'a d�tect� les trous qu'� l'�poque de forte activit� solaire (pr�s du maximum solaire survenu en 1980), mais Venus Express les d�tecta �galement pendant le minimum solaire qui se produit en moyenne tous les 11 ans (les derniers minima eurent lieu en 1996, 2006 et 2020).
A ce jour, on ignore pr�cis�ment quel m�canisme g�n�re ces trous, mais ils sont probablement provoqu�s par un effet du champ magn�tique solaire sur les charges �lectriques pr�sentes dans l'ionosph�re.
Comme illustr� ci-dessous � gauche, dans les ann�es 2010 deux th�ories ont �t� propos�es. A. Un empilement du plasma ionosph�rique du flux de jour vers le c�t� obscur avec le plasma de queue. B. L'empilement du champ magn�tique interplan�taire � la limite noyau/manteau de V�nus entra�nerait la formation de tubes � flux magn�tique am�lior�s, qui, dans des conditions nocturnes favorables, entra�nent un �puisement localis� du plasma (cf. G.A. Collison et al., 2014; S.H. Brecht et S.A. Ledvina, 2021).
A voir : The Mysterious Holes in the Atmosphere on Venus, NASA
V�nus re�ut ensuite la visite d'autres sondes spatiales dont Parker Solar Probe de la NASA lanc�e en 2018 pour une mission d'�tude du Soleil. Au cours de ses 24 orbites pr�vues autour du Soleil, la sonde Parker devrait survoler V�nus � 7 reprises.
Le 11 juillet 2020, profitant d'un survol � faible vitesse � 833 km d'altitude � travers la haute atmosph�re de V�nus, la sonde Parker enregistra pendant 7 minutes les ondes radio�lectriques de basse fr�quence �mises par l'ionosph�re de V�nus dont un extrait est pr�sent� ci-dessous. Selon Glyn A. Collinson du centre Goddard de la NASA, les signaux sont similaires � ceux enregistr�s par la sonde Galileo lors de sa mission autour de Jupiter et de ses lunes entre 1996 et 2003. La signature de l'ionosph�re est caract�ristique.
A �couter : Parker Solar Probe Discovers Natural Radio Emission in Venus' Atmosphere, NASA
L'ionosph�re s'amincit
Selon une �tude publi�e dans les "Geophysical Research Letters" en 2021 par Collinson et ses coll�gues, pendant les 7 minutes durant lesquelles la sonde Parker traversa l'atmosph�re de V�nus, les chercheurs ont utilis� ces signaux radios pour calculer la densit� de l'ionosph�re autour de la sonde Parker, les derni�res mesures remontant � la mission Pioneer Venus Orbiter en 1992.
Dans les ann�es qui suivirent, les donn�es enregistr�es par les t�lescopes au sol sugg�raient que la densit� de l'ionosph�re de V�nus subissait de grands changements lors du minimum du cycle solaire. Alors que la majeure partie de l'atmosph�re de V�nus changea peu, sa partie sup�rieure o� les ions peuvent s'�chapper dans l'espace �tait beaucoup plus mince pendant le minimum solaire.
Les mesures faites par la sonde Parker furent enregistr�es six mois apr�s le dernier minimum solaire et v�rifient cet �trange ph�nom�ne. En effet, l'ionosph�re de V�nus est beaucoup moins dense et plus fine que lors des mesures pr�c�dentes prises pendant le maximum solaire.
Comprendre pourquoi l'ionosph�re de V�nus s'amincit pr�s du minimum solaire est l'un des m�canismes par lequel V�nus r�pond au Soleil. Il aidera les chercheurs � comprendre comment V�nus, autrefois similaire � la jeune Terre, est devenue le monde br�lant et toxique qu'il est aujourd'hui. Le fait que l'ionosph�re de V�nus est sujette � des fuites d'ions est un fait significatif qui explique comment l'atmosph�re de V�nus a �volu�. Mais il faut encore recueillir et analyser d'autres donn�es pour �laborer un mod�le �volutif pr�cis de V�nus.
Missions spatiales
Aux 41 missions spatiales consacr�es � V�nus jusqu'au tournant du si�cle dernier, certaines comprenant un orbiter et un lander, depuis l'an 2000 il faut ajouter 6 missions spatiales, certains orbiters n'effectuant qu'un survol et se servant de la plan�te comme assistance gravitationnelle : Messenger (2004), Venus Express (2005), Akatsuki (2010), Parker Solar Probe (2018), BepiColombo (2018) et Solar Orbiter (2020).
Suite � la d�tection de phosphine en 2020, Peter Beck, fondateur et CEO du Rocket Lab bas� en Nouvelle-Z�lande a d�clar� qu'il allait lancer un satellite appel� Photon vers V�nus en 2023 � la recherche de vie extraterrestre. Ce projet n'est toujours pas finalis�.
Comme �voqu� pr�c�demment, en 2021 la NASA proposa de lancer une mission nomm�e VERITAS (Venus Emissivity, Radio science, InSAR, Topography, And Spectroscopy) vers V�nus vers 2030 (avec 4 ou 5 ans de retard sur le planning). La sonde embarquera un radar � synth�se d'ouverture pour p�n�trer les �pais nuages et renvoyer des images en haute r�solution de la surface afin de cr�er des cartes globales 3D. Elle disposera d' un spectrom�tre proche infrarouge pour analyser la nature de la surface de V�nus tout en suivant �galement l'activit� volcanique. Enfin, la sonde spatiale mesurera le champ gravitationnel de V�nus pour d�terminer sa structure interne.
Selon Suzanne Smrekar, scientifique principale au JPL et chercheuse principale de VERITAS, "Ces nouvelles d�couvertes de l'activit� volcanique r�cente sur V�nus par nos coll�gues internationaux fournissent des preuves irr�futables du type de r�gions que nous devrions cibler avec VERITAS lorsqu'elle arrivera sur V�nus. Notre sonde spatiale dispose des moyens pour identifier les changements de surface qui sont bien plus complets et avec une r�solution plus �lev�e que les images de Magellan. Les preuves d'activit�, m�me dans les donn�es Magellan � plus faible r�solution, renforcent potentiellement nos chances de r�volutionner notre compr�hension de ce monde �nigmatique."
Durant la m�me d�cennie, une mission appel�e DaVinci+ de la NASA plongera dans l'atmosph�re de V�nus, �chantillonnant l'air durant la descente, peut-�tre m�me la phosphine r�cemment d�cect�e. Enfin, une mission nomm�e EnVision de l'ESA est pr�vu en 2032. Au total, cela fera 51 missions envoy�es vers V�nus.
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[2] J.Luhmann et A.Nagy,Nature, 319, 1986, p266 (et en PDF) - Un num�ro sp�cial de la revue Nature, 450, p606-662 (2007) est consacr� aux premiers r�sultats de la mission Venus Express. |