Derrière les frères Kouachi, un mentor et des "liens belges" (original) (raw)
Derrière les deux frères, il y a un mentor : Farid Benyettou, un ancien prédicateur salafiste radical du XIXe arrondissement à Paris. Il a joué un rôle crucial dans la radicalisation du plus jeune frère, Chérif Kouachi (à gauche sur la photo, avec son frère Said à droite). Benyettou a été condamné en 2005 pour avoir mis sur pied une modeste filière de jihadistes pour l'Irak, où il jouait le rôle de gourou. Chérif Kouachi n'a alors que 22 ans, mais se fait pincer par la DST française avant de s'envoler pour Damas. Lors du procès qui eut lieu en 2005, le personnage de Farid Benyettou apparut central, malgré son jeune âge.
Au contact d'un membre du GIA
Né à Paris le 10 mai 1981, le jour de l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, ce Français d'origine algérienne grandit dans le quartier des Buttes-Chaumont, mais déménage en 1997 dans le F5 de sa sœur aînée. Or celle-ci, voilée de la tête aux pieds, est mariée à une figure bien connue du salafisme radical, Youssef Zemmouri, un ancien du GIA algérien. Ce dernier fut arrêté un an plus tard, avec quinze autres suspects, pour un projet d'attentat contre la Coupe du monde de football qui devait avoir lieu en France.
Dans cet entourage, le jeune Farid va progressivement se rapprocher de l'islamisme radical. Il plonge dans les écrits des savants salafistes, surfe sur les sites islamistes, tout en continuant à travailler dans une firme de nettoyage comme son père. A 22 ans, il commence à changer son aspect extérieur. Il se laisse pousser la barbe, adopte le khamis, cette longue tunique qui descend jusqu'aux genoux, porte le keffieh et indispose les vieux imams du quartier.
Expulsé des mosquées
Ceux-ci l'expulsent de la mosquée du Pré-Saint-Gervais en Seine-Saint-Denis, ensuite de celle de l'Adda'Wa de la rue de Tanger à Paris. Qu'à cela ne tienne, le jeune salafiste a sa cour en marge des mosquées officielles, fait valoir sa connaissance du Coran et se fait appeler "Abou Abdallah" par ses admirateurs. Il échoue finalement avec son groupe dans un foyer Sonacotra de l'arrondissement.
L'engagement de Benyettou se situe dans le contexte de la seconde Intifada et de l'intervention américaine en Irak. A l'époque, des images sur les violences faites par les GI's américains, notamment à la prison d'Abou Ghraib, circulent intensément sur le Net. Le prédicateur n'a donc aucune peine à enrôler des candidats au jihad qui vont s'entraîner au jogging dans le parc des Buttes-Chaumont.
Benyettou épargne toutefois la France, à cette époque. " La France est une nation d'incroyants, dit-il, je n'aime pas ce pays. Il ne respecte pas les musulmans, à travers la discrimination et l'islamophobie. Nous devons nous battre en France par des moyens légaux, utiliser la démocratie contre elle. Mais nous ne devrions pas utiliser des armes ou jeter des bombes. La France n'a pas déclaré la guerre contre nous."
Les candidats s'entraînent en France, clandestinement (ce que contesteront les avocats de la défense), sur le modèle des Tigres noirs tamouls. Et trois jeunes du XIXe arrondissement partent pour l'Irak. Mais pas Chérif Kouachi.
Le monde de l'islamisme semble parfois petit. Nombreux sont les acteurs qui apparaissent de dossier en dossier. Chérif Kouachi a eu, selon "Le Monde", Djamel Beghal, comme mentor, comparé à Trabelsi. Toujours selon "Le Monde", Chérif Kouachi a rencontré Farid Melouk. Ce Français avait été arrêté et condamné en Belgique pour terrorisme.
Le double de Trabelsi
Djamel Beghal est une pointure du terrorisme. Il est devenu le mentor de Chérif Kouachi, alors que ce dernier purgeait, en 2005 et 2006, une peine à la prison. Djamel Beghal était incarcéré pour une peine de 10 ans de prison. Il avait été arrêté à Dubai en juillet 2001. Il avoue qu'il projetait un attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Paris. Il se rétracte après son extradition en France. Dans un premier temps, le nom de Nizar Trabelsi, arrêté à Uccle deux jours après les attentats du 11 septembre 2001, est cité pour cet attentat à Paris.
On établira que Nizar Trabelsi visait la base militaire de Kleine-Brogel. Les instructions belges et françaises montreront que les deux hommes ont séjourné concomitamment en Afghanistan où ils ont été formés par al Qaïda. Ils avaient été envoyés pour commettre des attentats à Bruxelles et Paris au même moment.
Un long siège policier à Ixelles
C'est avec Beghal que Chérif Kouachi fera la connaissance de Farid Melouk. Les trois hommes se sont vus en 2010 dans le Cantal.
Farid Melouk, 34 ans, Français d'origine algérienne, était recherché suite à sa condamnation à 7 ans de prison par le tribunal de grande instance de Paris, le 18 février 1998. Absent lors des débats, le tribunal l'avait déclaré coupable d'avoir apporté un soutien logistique aux attentats perpétrés par le GIA en France en 1995. Il se serait livré à un trafic de faux documents et à la collecte de fonds pour le compte du réseau.
Farid Melouk est repéré en Belgique en mars 1998. Le 5 mars 1998, une vaste opération policière est menée. Après treize heures de siège, il est maîtrisé, non sans mal, dans l'appartement qu'il occupe rue Wéry à Ixelles. Melouk fait feu. Cela lui a valu une condamnation à neuf ans. De faux papiers sont découverts dans sa tanière à Bruxelles, ainsi que des documents fondateurs du GICM, le Groupe islamique combattant marocain responsable des sanglants attentats de Madrid.
Après avoir purgé quelques années de prison en Belgique, Melouk est remis à la France. Son avocat belge, Me Vincent Lurquin, n'a pas gardé de contact avec lui. Melouk avait expliqué qu'il était tombé, dans sa banlieue, sous la coupe d'un imam après des problèmes personnels.
Il avait ainsi gagné Peshawar, ce qui était rare à l'époque. "Ce n'était pas un idéologue. A l'époque - il a évidemment pu évoluer - c'était quelqu'un qui était parti un peu par hasard au Pakistan, où il a suivi un entraînement. Il n'était pas parti faire le jihad. C'était plutôt une personne un peu perdue", explique-t-il.
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