Le mammouth d’Étiolles garde ses secrets (original) (raw)

« Je ne suis pas gros, c'est ma fourrure qui fait ça! » La réplique culte de Manny, le mammouth du dessin animé « l'Age de glace », résonnera certainement ce dimanche dans les murs du musée départemental de Préhistoire d'Ile-de-France de Nemours (Seine-et-Marne). A partir de demain s'y tient l'exposition « Au temps des mammouths » (lire encadré). Aux côtés des moulages et squelettes des mammifères devenus célèbres, comme Lyakhov (Russie), offert à la France en 1912, ou plus récemment Helmut sorti de terre en 2012 à Changis (Seine-et-Marne) sera présenté le bassin d'un autre cousin de l'éléphant, révélé au grand jour en Essonne, à Etiolles. Peu connu, ce fragment, conservé habituellement dans les réserves du site essonnien, est une pièce de plus dans le puzzle préhistorique.

Le site d'Etiolles, un des plus importants sites magdaléniens d'Europe, a été exploité dès les années 1970 lorsque des amateurs tombent par hasard sur un gisement de silex dans un champ labouré. La terre livre ses premiers secrets : ici, en bordure de la Seine, vivaient il y a environ 15000 ans nos ancêtres, les Magdaléniens, des homo sapiens. À l'époque, il règne le climat de l'actuelle Sibérie. Pour se nourrir, ces nomades chassent cerfs, chevaux, rennes dont subsistent de nombreux ossements. Mais rapidement, les chercheurs font deux belles trouvailles : en 1972, ils tombent sur un morceau d'omoplate de mammouth et au début des années 1980 dans une unité d'habitations sur un fragment de bassin de 56 cm. « C'était impressionnant, se souvient Monique Olive, chercheuse au CNRS, en charge de ces fouilles. C'est très gros et le mammouth éveille davantage le rêve que le cheval. Il est le symbole d'une époque révolue. C'est aussi une découverte exceptionnelle car en quarante ans, nous avons déterré que deux os de mammouths. »

Et la conservatrice adjointe du musée de Nemours, Anne-Sophie Leclerc, d'ajouter : « Le contexte est intéressant car dans la plupart des cas où nous avons cet animal, nous n'avons pas de présence humaine, contrairement à Etiolles. » Un fait d'autant plus rare que lorsque les Magdaléniens s'installent, « nous sommes sur une période où le climat se réchauffe et ces mammifères quittent la région pour le Nord, vers la Scandinavie ou la Sibérie », souligne Emmanuelle Brunet, archéologue au conseil général de l'Essonne.

D'où l'hypothèse soulevée que ces bêtes n'ont pas forcément été chassées. « Comme nous avons que deux fragments isolés, nous ne pouvons pas imaginer un but alimentaire », continue Monique Olive. « Les hommes l'ont probablement trouvé au sol ou l'ont récupéré sur une carcasse et l'ont ramené chez eux. Notre hypothèse, c'est qu'il aurait servi de dalle car il a été découvert à côté de dalles de calcaire », suppose Anne-Sophie Leclerc. « Il est difficile de dire sa finalité car la surface de l'os a été attaquée chimiquement. La seule certitude est sa datation et que les Magdaléniens ont donc croisé des mammouths à Etiolles », nuance Monique Olive. Autres mystères : l'âge et le sexe.

Quant à son nom, il n'en a pas. « Appelons-le Monique », sourit-on au musée en l'honneur de Monique Olive.