Les amis très particuliers du centre Zahra (original) (raw)

[Les forces de l'ordre ont mené une opération antiterroriste de grande envergure, ce mardi matin, au sein du Centre Zahra France, à Grande Synthe dans le Nord. Trois personnes ont été placées en garde à vue. Une association musulmane chiite à laquelle L'Express s'était déjà intéressé en 2009 pour montrer le "vrai visage" du mouvement, relevant sa propagande antisioniste très virulente.]

C'est un ancien corps de ferme entièrement rénové, dans la banlieue de Dunkerque. Les bâtiments de brique rouge, donnant sur une cour intérieure, abritent le siège du centre Zahra France, une association musulmane chiite fondée en 2005. Son objet? Faire "connaître le message de l'islam". Ses membres, parmi lesquels de nombreux convertis, viennent ici célébrer la prière, profiter "d'une structure d'accueil à caractère social, familial et religieux". Ils assistent aussi à "des colloques, des journées d'étude" ou peuvent animer le site Web de l'organisation.

La consultation de ce site révèle rapidement une autre activité récurrente du centre: la diffusion d'images et de déclarations "antisionistes" très virulentes. A la date du 20 février, on pouvait ainsi visionner, sous la rubrique Galerie photos, des images terrifiantes, comparant le sort réservé aux juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale à celui des Palestiniens face à l'armée israélienne actuelle. Le tout sous ce titre: "Le nazisme d'hier et le sionisme d'aujourd'hui". Un amalgame souvent utilisé pour propager la haine contre les juifs, et qui va bien au-delà de la seule critique du sionisme, parfaitement recevable.

Dieudonné invité

Ce site permet aussi d'avoir un aperçu d'une conférence organisée au centre Zahra en juillet 2008. Lors de ces journées consacrées à un improbable "appel à l'initiation d'une alliance stratégique amicale entre judaïsme et islam contre le sionisme", on a pu voir défiler des personnages coutumiers de déclarations incendiaires. L'inévitable Dieudonné était présent. Certes, à l'époque, l'humoriste ne s'était pas encore affiché avec le négationniste Robert Faurisson, mais il avait déjà été condamné pour diffamation publique à caractère racial, notamment pour avoir qualifié le souvenir de la Shoah de "pornographie mémorielle".

Autre participant à la conférence de juillet 2008: Mohamed Latrèche. Interviewé à cette occasion, le président du Parti des musulmans de France (PMF) -qui regroupe quelques centaines d'adhérents - y allait de son couplet sur la "nébuleuse sioniste en France". Antisémite, Mohamed Latrèche? Il s'en défend vigoureusement, même si, en 2004, il s'était déclaré "fier et content de connaître Serge Thion", un chercheur révoqué du CNRS pour négationnisme.

Le centre Zahra a également accueilli, en août 2008, Kémi Séba, un extrémiste noir dont le premier mouvement -la Tribu Ka- avait été dissous en 2006 pour "incitation à la haine raciale" et "antisémitisme". Kémi Séba, qui s'est converti depuis à l'islam, dirige aujourd'hui le Mouvement des damnés de l'impérialisme (MDI). Il multiplie les provocations et les déclarations de sympathie pour le Hezbollah, parti chiite libanais qui ne reconnaît pas l'existence de l'Etat d'Israël.

Le message adapté selon l'auditoire

L'Express a demandé au président du centre Zahra des précisions sur ses visiteurs et ses différentes activités. "En voyage à l'étranger et injoignable par téléphone", Yahia Gouasmi, 59 ans, de nationalité française, a répondu par mail. Dans le même temps, son argumentation, assortie de quelques formules d'intimidation, a été mise en ligne sur le site Web du centre chiite. Curieusement, alors qu'aucune question adressée ne comportait le mot "antisémitisme", Yahia Gouasmi recommande de "ne pas faire d'amalgame entre nos activités et une quelconque activité antisémite".

Le leader du centre Zahra, par ailleurs président de la Fédération chiite de France, détaille ensuite les objectifs de son Parti Anti Sioniste (PAS). Créé en janvier, pendant l'offensive israélienne sur Gaza, ce groupuscule entend notamment "éradiquer toutes les formes de sionisme dans la nation", "libérer l'Etat, le gouvernement et les médias de la mainmise sioniste" et "redonner le pouvoir à la France et aux Français". Un programme inquiétant qu'il cherche à diffuser sur la voie publique. Les 17 et 24 janvier, une quarantaine de militants du centre Zahra et du PAS s'agrégeaient au cortège des deux grandes manifestations propalestiniennes, à Paris. Sur fond de slogans appelant au djihad, ils défilaient accompagnés de drapeaux du Hezbollah et de drapeaux israéliens marqués de croix gammées. Parmi les orateurs qui dénonçaient alors la "bête immonde du sionisme parisien et israélien" se trouvait, Jamel Tahiri, un "théologien" du centre Zahra, un homme qui sait adapter son message en fonction de son auditoire.

En décembre 2008, il était invité à représenter le culte musulman lors d'une journée consacrée au dialogue entre les religions, organisée par un collège catholique de la région dunkerquoise. Ce jour-là, assis aux côtés d'un prêtre et d'un représentant de la communauté juive, il délivrait un discours apaisé devant des élèves de quatrième. Pour obtenir un brevet de respectabilité? Son intervention était filmée par le centre Zahra, afin d'être ensuite diffusée sur son site Internet. Le principal de ce collège réalise aujourd'hui qu'il a été piégé: "Ce double discours n'a rien à voir avec les valeurs de tolérance et de fraternité que nous inculquons à nos élèves."

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