Hugo Boris nous plonge dans le quotidien des gardiens de la paix (original) (raw)
En 2010, dans Je n'ai pas dansé depuis longtemps, Hugo Boris étais cosmonaute et s'apprêtait à tourner autour de la terrepour quatre cents jours, à bord de la station Mir. De ce huis clos a priori répétitif, il construisait une épopée et, du quotidien solitaire de son héros, il tirait un thriller plein de peurs et de vibrations.
NOTRE DOSSIER >> Rentrée littéraire
En dix ans et six romans, Hugo Boris ne cesse de changer d'univers. Un jour, il accompagne Trois Grands Fauves, des monstres sacrés nommés Danton, Hugo et Churchill, dont il dispense le souffle guerrier et animal. Ce soir, il s'installe à l'arrière d'une voiture de service avec des policiers en tenue, ces gardiens de la paix qu'on appelle en composant le 17.
De l'autre côté du rétroviseur
Hugo Boris aime se plonger dans la réalité avant d'écrire, mais il ne sera jamais le bon élève qui étale sa science et obtiendra 20 sur 20 en documentation. De ce travail en amont, il extrait le meilleur et ne tartine pas, offrant une nouvelle fois dans Police un voyage de l'autre côté du miroir - ou du rétroviseur -, un théâtre des opérations, une tragédie entre Paris et Roissy.
Dès la première page, la puissance de l'évocation est en place, dans cette façon qu'a Virginie, jeune recrue, de mettre son gilet pare-balles, reconstituer son chignon en cinq ou six épingles et se redresser avant de sortir du vestiaire pour rejoindre les autres. La fliquette existe immédiatement à travers ses gestes professionnels, presque automatiques, qui cachent la fatigue des longues veilles, des tâches ingrates et des visions effroyables.
Hier, elle forçait la porte d'une maison où un père de famille avait enfermé son fils dans le frigo pour le punir et l'oublier. Aujourd'hui, elle vient de partir pour une mission qui débordera une fois de plus de l'horaire officiel. Elle fait équipe avec Erik et Aristide. Erik n'a ni malice ni fantaisie. C'est un garçon pratique, sérieux, un type sûr. Le contraire d'Aristide et sa belle humeur: un troisième dan de judo, blagueur et primitif, gros bras avec un sourire à éclairer la rue.
Elle devrait être à l'aise avec ces deux hommes complémentaires, mais il y a la vie, le désir, et la canicule qui fausse tout. Cette nuit, dans leur bagnole de flic qui ne sent pas la rose, ils vont devoir faire un choix: reconduire un étranger, réfugié tadjik et militant des droits de l'homme, aux portes de l'avion, en direction d'un pays où on l'attend pour le tuer. Ou décider d'enfreindre les ordres.
La gourmandise de la narration
Un mauvais cinéaste en ferait un téléfilm gluant de pathos tant le sujet est une boîte à clichés. Hugo Boris évite les écueils, ne cherche pas les grandes phrases. Il dit la débrouille, les nuits qui n'en finissent pas du côté du centre de rétention et ce manque de sommeil chronique qui vous empêche de penser normalement. On sent chez cet écrivain de 36 ans la gourmandise de la narration, le plaisir de raconter des fictions ancrées dans la vie. Il transmet cet enthousiasme au lecteur qui ne lâche plus le livre, emporté par un souffle de marathonien.
Police ne dénonce pas, n'impose rien, mais se place à hauteur de ces hommes et de cette femme qui s'agrippent comme ils peuvent au quotidien pour tenir et avancer. Virginie, avec son pantalon d'homme, son ceinturon et son gilet trop lourd finira par rentrer chez elle embrasser mari et enfant. Mais, à l'instant de se débarrasser de l'attirail officiel, elle sait qu'elle va mettre un long moment avant de fermer les yeux et que la nuit ne porte pas conseil.
Police, par Hugo Boris, 198p., Grasset, 17,50¤. En librairie le 24 août.
Police, par Hugo Boris, 198p., Grasset, 17,50€.
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