L'Énéide sous l'Énéide d'après une étude du dixième livre (première partie) (original) (raw)
L'Énéide sous l'Enéide d'après une étude du dixième livre
(à suivre)
J.-Y. Maleuvre
«II me semble que toutes les œuvres de ce genre causent la ruine de l'âme de ceux qui les entendent, s'ils n'ont pas l'antidote, c'est-à-dire la connaissance de ce qu'elles sont réellement». Platon, République, livre x.
L'accusation de cacozelia latens portée par Vipsanius Agrippa à rencontre de Virgile {Vit. Don. 185-8) n'a peut-être pas été suffisamment prise en compte par la critique au cours des siècles. C'est ce que nous nous sommes proposé ici de vérifier à propos du dixième livre de YÉnéide comme nous le faisons à propos du huitième dans Euphrosyne 20 (1992).
I. — Les Mortels
Lorsque, après une absence de près de mille vers qui a mis le camp troyen à deux doigts de sa perte, Énée refait enfin surface dans l'action, le poète ne manque pas de souligner la coupable insouciance de ce chef :
Uli inter sese duri certamina belli
Contulerant : media Aeneas fréta node secabat, 146-7.
Discret, certes, le trait n'en est pas moins perceptible, s'il est vrai qu'une asyndète a pour effet ordinaire de marquer une opposition ou un contraste — ici entre la fureur des combats (duri) et la tranquillité du voyage. Toutefois, si Énée arrive après la bataille (jeu entre l'imparfait et le plus-que-parfait), il faut reconnaître qu'il n'a pas perdu son temps.
Un rapide retour en arrière nous le montre en ambassade auprès de Tarchon, chef de la puissante confédération étrusque (148 sqq). On savait déjà depuis VIII, 496 sqq que cette mission serait pour le Troyen une simple formalité et que Tarchon n'attendait qu'une occasion pour entrer en guerre. Aussi les choses ne traînent-elles pas et Virgile, pour faire ressortir cette célérité, semble s'être plu à parodier le style césarien dans une phrase où les verbes, rapportés au présent, déferlent comme une vague d'assaut (adit, memorat, petat, ferai,