L'Affaire Kaspé revisitée. Documents publiés et présentés par Sabine Breuillard (original) (raw)
L'AFFAIRE KASPÉ REVISITÉE
Documents publiés et présentés par SABINE BREUILLARD
Re visiter, quelque soixante-dix ans après, l'affaire Kaspé qui a ému et scandalisé non seulement toute la communauté harbinoise, mais aussi l'opinion internationale, est-ce bien sérieux, quand tout semble avoir été dit sur le sujet ? En effet, à peine débarqué de Paris, où il venait de terminer le Conservatoire, Simon Kaspé, fils d'un très riche joaillier juif-russe du centre de Harbin, jeune homme promis à une brillante carrière musicale, fut enlevé par des bandits. Si les faits — grâce à la presse de l'époque et au récit qu'en ont fait plus tard les témoins et les historiens1 — sont dans l'ensemble connus, leur interprétation varie dès lors que l'on cherche à établir les raisons de ce crime crapuleux et à préciser les responsabilités.
La découverte aux archives du Quai d'Orsay d'un dossier Kaspé2 nous invite tout naturellement à réexaminer cette affaire. En effet, Simon Kaspé était citoyen français et, à ce titre, le consulat de France à Harbin fut amené à s'intéresser de très près à son sort. Telle est l'origine de ce dossier des Affaires étrangères. Sans aucun doute incomplet, il est constitué essentiellement de dépêches envoyées par le consul de France à Harbin, L. Reynaud, au ministre des Affaires étrangères à Paris. Malheureusement, les archives du consulat de France à Harbin ont été perdues, aussi ce dossier des archives du Quai d'Orsay est-il le seul que nous ayons pu retrouver pouvant nous donner une idée sur la façon dont l'affaire a été perçue et menée du côté français. C'est dire son prix.
L'affaire Kaspé concernait à plus d'un titre le consulat de France. Ou du moins mettait-elle en cause ses compétences et son efficacité, sans parler de son rôle politique au sein du Mandchoukouo. Faire un constat d'enlèvement est une chose, mettre en œuvre une filature et des recherches appropriées en est une autre, et découvrir des compromissions au niveau des plus hautes instances du
Rev. Étud. slaves, Paris, LXXIII/2-3, 2001, p. 337-372.