Le serbo-croate (bosniaque, croate, monténégrin, serbe) : de l'étude d'une langue à l'identité des langues (original) (raw)
LE SERBO-CROATE
(BOSNIAQUE, CROATE, MONTÉNÉGRIN, SERBE) : DE L'ÉTUDE D'UNE LANGUE À L'IDENTITÉ DES LANGUES
PAR PAUL-LOUIS THOMAS
Plus de dix ans après l'éclatement de la Yougoslavie, le serbo-croate, langue officielle et principale de quatre des républiques qui constituaient cet État fédéral (Serbie, Monténégro, Croatie et Bosnie-Herzégovine) et les langues officielles de ces mêmes Républiques désormais séparées (serbe en Serbie- Monténégro, croate en Croatie, bosniaque, serbe et croate en Bosnie-Herzégovine) continuent de susciter polémiques et débats, avec comme questions récurrentes « à combien de langues a-t-on affaire ? » et « comment s'appelle(nt)- elle(s) ? » C'est sur ces questions que nous allons revenir, en les abordant comme enseignant et usager de cet (ces) idiome(s) à titre de langue(s) étrangère^), et en envisageant des critères qui permettent d'y répondre.
1. Structure des standards
On peut tout d'abord examiner et comparer la structure des standards serbo-croate, serbe, croate, bosniaque et monténégrin, à travers les descriptions qui en sont faites dans les grammaires (des années 1950-1980 pour le serbo- croate, des années 1990 à nos jours pour les « autres1 »). Celles-ci permettent de constater qu'il s'agit bien d'un système linguistique unique, tant en morphologie (avec notamment des déclinaisons et conjugaisons identiques) qu'en syntaxe ou en phonologie2. Les quelques différences consistent principalement en variantes, parfois acceptées par un standard et ne figurant pas dans un autre. Il est vrai que les processus de standardisation se sont déroulés différemment d'un cas à l'autre, mais pour finalement converger, de façon consciente et voulue, dans la
Rev. Étud. slaves, Paris, LXXTW2-3, 2002-2003, p. 311-325.