Nostradamus - Pronostication pour l'an 1550 (original) (raw)
CORPUS NOSTRADAMUS 2 -- par Patrice Guinard Pronostication pour l'an 1550
002A Pronostication pour l'an 1550
Lyon, Jehan Bourthon (?), 1549 ?- Chavigny: Recueil, pp.5-6
- Chevignard: Pr�sages, pp.193-194Le premier texte publi� par Nostradamus, � supposer que sa traduction versifi�e des Hieroglyphica d�Horapollon soit rest�e manuscrite, serait sa Pronostication pour l'an 1550, vraisemblablement parue � l'automne 1549, probablement imprim�e � Lyon, et diffus�e dans cette ville lors de la traditionnelle foire de la Toussaint.
Le cur� Claude Haton, n� en 1534, dans sa chronique relative � sa ville natale de Provins, donne une version du Discours des mis�res de ce temps, quelque peu diff�rente de celle qui sera publi�e par Ronsard en 1562, et lui fait �crire, � moins qu'il ne s'agisse d'un brouillon de Ronsard lui-m�me s'adressant � Catherine : Nostradamus "en ses almanactz et predictions qu'il a faict il y a j� plus de douze ans passez, vous a predict tout ce malheur advenu et qui adviendra soubz vostre gouvernement" (�d. Bourquin, vol. 1, p.408). Ce t�moignage manuscrit, qui indiquerait l'ann�e 1550 (= 1562 - 12) comme celle de la parution des premiers pr�sages de Nostradamus, est confirm� par ceux, plus tardifs, de Du Verdier et de Chavigny, selon lesquels Nostradamus publia des pronostications et almanachs contin�ment pendant 18 ans : il "a escrit des Almanachs & Prognostications chacune annee despuis 1550 jusques a 1567." (Du Verdier, Biblioth�que, p.881)
Aucune des premi�res pronostications (pour les ann�es 1550, 1551, 1552, 1553 et 1554) ne nous est parvenue, si ce n'est par des extraits dans une compilation de Chavigny datant de 1589 : Recueil des Presages prosaiques de M. Michel de Nostradame lors qu'il vivoit, conseillier du Roy treschrestien Charles IX du nom, et medecin ordinaire de sa Magest� : "Nous avons de luy d'autres presages en prose, faits puis l'an 1550 jusques � 67 qui colligez par moy la plus part & redigez en XII livres, sont dignes d'estre recommandez � la posterit�." (Chavigny, Janus, 1594, p.6-7)
Une partie de ce pr�cieux recueil (contenant les 154 quatrains en vers et les pr�sages en prose transmis par Chavigny pour les ann�es 1550 � 1559) a r�cemment �t� publi�e par Bernard Chevignard. Restent huit ann�es de pr�sages, c'est-�-dire les livres V � XII mentionn�s par Chavigny, qui n�cessiteraient encore deux volumes, et dont la publication a �t� suspendue, peut-�tre en raison du faible int�r�t public pour cette litt�rature, et ce, paradoxalement, malgr� l'engouement du m�me public pour le sensationnel. On peut s'�tonner aussi que des maisons plus acad�miques persistent � laisser ce projet filer � vau-l'eau, alors que d'insignes prosateurs et versificateurs qui n'int�ressent m�diocrement que l'�cole et ses �tudiants enr�l�s, continuent � faire la une de leurs publications universitaires et para-universitaires.
Le texte de la Pronostication
Chavigny ne nous a transmis que dix pr�sages de cette pronostication, auxquels il a rajout� le quatrain g�n�ral de l'Almanach pour l'an 1555. On peut se demander s'il ne poss�dait pas qu'une copie partielle de ce texte ou s'il n'a pas recueilli ces passages d'une autre source.
1. Les corps superieurs menacent grande effusion de sang es deux extremitez de l'Europe, � l'occident & � l'orient, & le milieu sera en tres doubteuse crainte.
2. Et seront les mutations d'estats si grandes par la variation de fortune, que qui bien viendra � supputer, trouvera que le siecle de Sylla ou de Marius est de retour, & qu'il n'est encores � son dernier periode : & sera felice celuy qui sera loin de son sang.
3. Devers la mer Ligustique grands aprests secrets, par infidelit� rapines, esmotions intestines. Et le peuple qui sera les� n'osera rien entreprendre, metuens Poenos Gallumque ferocem.
4. Par la Gaule seront certaines esmotions qui s'apaiseront par severe conseil.
5. La prodition d'une cit�, qui s'estoit le printemps cach�e se decouvrira durant l'est� ceste ann�e 1550.
6. En l'autonne pluyes impetueuses, qui seront cause de plusieurs retraites, mesmes confondront de bien grandes entreprises.
7. En ce temps soit en guerres, soit en maladies amour, honneur & crainte seront cause que le peuple ne sera oppress�, ains vivra pacifique.
8. Au mesme temps aura une bien grande mutation d'estats, presques de haut en bas, & � l'opposite de bas en haut.
9. L'efren�e turbation caus�e par l'entr�e d'Orion donnera � la guerre certaine tranquillit� es parties occidentales : mais en celles de midy & orient pour cela ne cessera elle point.
10. En la revolution de l'hiver se traitera quelque appointement non gueres durable entre aucuns Princes : combien que par aucuns sera valable : les autres enseigneront de corrompre la confederation observ�e.
Commentaires sur la transcription de Chevignard
Dans l'ensemble, elle est satisfaisante. Dans le d�tail, Chevignard a tendance � accentuer des termes qui ne le sont pas chez Chavigny : "tr�s" en 1, "�s" en 1 et 9. Il rajoute une virgule apr�s "cach�e" en 5, apr�s "temps" et "maladies" en 7. En revanche il l'omet apr�s "supputer" en 2. Je vois mal l'int�r�t qu'on peut trouver � moderniser et standardiser la ponctuation d'un tel texte, qui se lit mot � mot, et non comme un roman, au risque de faire dispara�tre des contigu�t�s de termes � l'occasion voulues par l'auteur. En outre je saisis tout aussi mal que Paul Val�ry les techniques de cette op�ration, d'autant plus que la ponctuation -- m�me si l'�diteur et l'imprimeur en sont souvent les responsables auxiliaires, fait partie du style et de l'�criture d'un auteur.
Chevignard ne reporte pas toutes les notes marginales de Chavigny (qui rel�vent le plus souvent de la paraphrase, et que je ne mentionnerai qu'exceptionnellement par la suite), mais seulement celles se rapportant aux pr�sages 3, 6 et 9:
1. Effusion de sang.
2. Mutations d'estats. / Siecle de Sylla & Marius de retour.
3. Grands aprests des Liguriens.
4. Esmotions apais�es.
5. Prodition decouverte.
6. Grandes entreprises par les pluyes empeschees.
7. Peuple pacifique.
8. Mutation d'estats.
9. Turbation en l'air pour l'entr�e d'Orion.
10. Appointement non durable.Index nominum
prodition : trahison
turbation : perturbationCommentaires sur le texte de Nostradamus
Chavigny, en 1603, commente le premier pr�sage qu'il a conserv� de celui qui a �t� son ma�tre, du temps o� il signait Chevigny : "D�s l'an 1550 Michel de Nostredame, comme parlant de bien loin, mena�oit ainsi l'Europe & Chrestient� de la part des Infidelles & Barbares." (Pl�iades, p.75)
Chavigny a tendance, ici comme ailleurs, � ramener les probl�matiques g�n�rales de Nostradamus � ses pr�occupations religieuses : il n'est ni question de Chr�tient� ni d'infid�les dans le texte nostradamien, mais d'une situation sanglante aux extr�mit�s de l'Europe (en France et dans l'empire Ottoman ?), paralysant l'ensemble du continent.
Le pr�sage 9 semble se rapporter assez pr�cis�ment au th�me d'ingr�s automnal et � la position astrologique suivante : le 14 septembre 1550, � l'�quinoxe d'automne, Mars et Jupiter sont conjoints fin G�meaux - d�but Cancer (et donc en carr� du Soleil) et � la verticale de la constellation d'Orion.
Au pr�sage 2, Nostradamus fait allusion � la guerre civile � Rome opposant les partisans de Marius et ceux de Sylla, pr�sageant les diff�rents �pisodes de la guerre civile en France � partir de 1562.
L'expression "metuens Poenos Gallumque ferocem" [craignant les Carthaginois et le farouche Gaulois] du pr�sage 3 pourrait se rapporter � la description qu'en donne Lucius Florus dans son Histoire romaine : "Qu'on ne dise pas que les Gaulois sont seulement farouches ; ils pratiquent aussi la ruse." (III.11) et "La citadelle du Capitole qui avait �chapp� aux Carthaginois et m�me aux Gaulois S�nons tombe entre les mains de Sylla qui s'y �tablit en vainqueur." (III.22). Nostradamus a pu avoir en mains l'�dition qu'en donne Chrestien Wechel, De gestis romanorum, parue � Paris en 1542. L'expression se retrouve aussi partiellement dans Virgile qui �crit, en VI 859 de l'�n�ide,Poenos Gallumque rebellem, "les Carthaginois et le Gaulois rebelle".
Cette conception cyclique de l'histoire et la mise en parall�le des �v�nements relatifs � l'histoire romaine avec ceux qui ensanglantent et ensanglanteront l'Europe durant des si�cles est une constante de la pens�e nostradamienne.
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Bibliographie
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01-02-2006, last updated : 31-01-2018
� 2006-2018 Patrice Guinard