Le monstre d'abus du pseudo Dagueni�re (1558) (original) (raw)
CORPUS NOSTRADAMUS 76 -- par Patrice Guinard Le monstre d'abus du pseudo Dagueni�re (1558)
Le pamphlet d'un calviniste d�guis� en courtisan aura suscit� maintes h�sitations et erreurs -- non pas toutes gomm�es car subsistent quelques d�tails laiss�s dans l'ombre � l'issue de cette �tude. Th�odore de B�ze, s'il en est l'auteur, aura �lev� le ton et l'int�r�t de sa Premiere invective, mise au compte d'un Hercule Gaulois d�m�nageant l'imaginaire culturel partag� avec ses contemporains. Le trait� au style incisif ne peut avoir �crit par je ne sais quel quidam dont il ne resterait que cette pr�sente relique, m�me si l'identification heurte la sensiblerie intellectuelle de ceux qui appr�hendent la litt�rature aff�rente � Nostradamus dans les �coles o� s'enseignent les m�thodes pour �viter de le lire.
076A Le monstre d'Abus
Compos� premierement en Latin par Maistre Iean de la dagueniere,
docteur en medecine, & Matematicien ordinaire des landes d'anniere.
Et despuis traduit & mis en nostre langue Fran�oyse par le More du Vergier, recteur extraordinaire de l'universit� de Mateflon, & protecteur des gondz de la Haioul�n.
"Paris" [Gen�ve ?], "Barbe Regnault", 1558, in-8, 20 ff.Marinus Novetus Nucensis In Nostradamum. Nondum grammaticae calles primordia, & audes Vim caeli radio suposuisse tuo.
- Du Verdier, 1585, pp.885-886 - Chavigny, Recueil, 1589, pp.79-81 - La Caille, 1689, p.141 - Bibliophile belge 5, 1848, p.104 - Buget, 1861, pp.241-259 (imprim� � Gen�ve) - Brunet 4, 1863, c.107 - Graesse 4, 1863, p.690 - Weller 2, 1864, p.2 (imprim� � Gen�ve ?) - Hoefer 38, 1864, c.305 - Delpy 2, 1911, n.1827 - Parker, 1920, p.60 - Millet, 1987, pp.107 & 115-117 - Chomarat, 1989, n.29 - Crouzet, 1990, pp.139 & 160-161 - Benazra, 1990, p.33 - Brind'Amour, 1993, pp.514-515 � BnF Paris : Rz 2905 (ex-exemplaire de la B. Royale,celui d�crit par Buget ?)� BnF Paris : Z 17206� BnF Paris : Z 1384 (sans nom d'imprimeur : exemplaire imprim� ou mis au compte de Claude Ravot ?) Composition de l'ouvrage (erreurs de foliotation en B3r ("A3r") et C2r ("A2r")f.A1r : titref.A1v : blancff.A2r-E3v : texte (36 pp.)f.E4r : fleuronf.E4v : blanc
Ruzo connaissait une autre �dition de ce texte, inconnue des bibliographes nostradamisants :
076B Le monstre d'Abus
de "Jean de La Dagueni�re"
"Paris" [Gen�ve ?], "Estienne Denyse", 1558, in-8, 20 ff.� Archives d�partementales, Laval: AW 16 (6)
� Folger Library, Washington: 234-034q
� Biblioth�que Ruzo: 788
� Bruce McKittrick Rare Books, Narberth, Pennsylvania (exemplaire vendu en 1991, d�sormais en collection priv�e)L'identit� du pamphl�taire
L'ouvrage, pr�tendument traduit du latin, aurait �t� publi� � Gen�ve, attif� du nom et de l'adresse d'une maison parisienne adverse. C'est de bonne guerre, surtout s'il s'agit de confondre l'auteur auquel on s'attaque, et de semer le trouble dans ce qui d�j� avait coutume de s'exposer avec incertitude aux yeux m�me des connaisseurs les plus avertis. Si tel est le cas, le choix de l'imprimeur parisien n'est certainement pas le fait du hasard, et il a peut-�tre circul� des almanachs, pronostications, voire d'autres opuscules, publi�s chez la veuve Regnault d�s 1556-1557, c'est-�-dire quelques ann�es avant ceux du d�but des ann�es 60, dont quelques exemplaires ont surv�cu.
Une autre possibilit� concernerait la parution chez Barbe Regnault au d�but de l'ann�e 1558 d'un document, "Le fol s'y fie de Monstradabus", annex� � La Description de la prinse de Calais et de Guynes (cf. CN 23), et dont s'inspire la rh�torique r�p�titive de cet opuscule : "Y a il au monde homme qui daigne prendre la peine de lire ses [ces] tant elegans & graves motz qui ne les juge estre issus de la teste d'un triboulet a triple marotte, ou d'un vray fol a double rebras." (f.B4v).
Triboulet �tait le c�l�bre fou du roi Ren� puis de Louis XII. Dans un acte dat� du 26 novembre 1464, r�dig� par Henry du Vergier, secr�taire de Charles, duc d'Orl�ans (1391-1465), le po�te et p�re du futur Louis XII, il est fait �tat d'un cheval donn� � Triboulet, alors fou du roi de Sicile. (Recueils Joursanvaux, nn. 213-214-215, in Louis Paris, Les manuscrits de la biblioth�que du Louvre, Paris, 1872, pi�ce 11, p.78). Et Thony, le fou en vogue � la cour de Henry II, est �voqu� en B1r : "Ce nom dis-je, qu'on donne a la cour ordinairement a thony".
Buget estime que Th�odore de B�ze, le bras droit de Calvin, est l'auteur de la diatribe, et qu'il aura calqu� les calembours aux titre, sous-titres et au distique latin qui introduisent son ouvrage, sur ceux qu'il aura trouv�s chez Nostradamus, si bien que l'�claircissement de ces subtilit�s �quivaut au d�but d'une ex�g�se du texte m�me de Nostradamus : "Ces ruses de l'auteur pour d�guiser sa pens�e sont emprunt�es de son adversaire in�puisable en ce genre. Les d�tails dans lesquels nous allons entrer ne seront donc pas un hors-d'oeuvre, mais une �tude pr�liminaire, un pr�lude � celle de Nostradamus." Buget en donne une d�monstration �tourdissante aux pages 254-259 de son article, dont suivent quelques bribes.
- Maistre Iean : Calvin
- la dagueniere ou "daguani�re", le lieu o� l'on dague les �nes, et o� s'�laborent les diatribes (au besoin injurieuses, mais pour la bonne cause ?)
- Matematicien : lire "mate-maticus", le mate-fou (lire plut�t : celui qui mate deux fois, sous-entendu "le fou" et "l'�ne" ?)
- ordinaire : d�l�gu� (par l'ordre des ministres de Gen�ve), et extraordinaire : charg� d'une mission sp�ciale
- landes d'anniere : le pays des �nes
- traduit & mis : pl�onasme apparent, du latin missus, envoy�, distribu� (pour accomplir la mission �vang�lique)
- le More du Vergier : le Noir en charge de faire fructifier la parole �vang�lique, par identification de B�ze � son pr�cepteur Melchior Wolmar
- recteur extraordinaire de l'universit� de Mateflon : B�ze fut nomm� recteur � Gen�ve en 1559 ; Mateflon : mate-f�lonL'auteur controuv� du distique latin d�guiserait encore le pr�dicateur genevois qui a �pous� secr�tement en 1544 une roturi�re nomm�e Claudine Denosses ("Nucensis") : c'est l'ultime clin d'oeil qui v�ritablement convainc du bien-fond� de la lecture de Fran�ois Buget, lequel per�oit m�me un calembour dans le choix de l'imprimeur parisien (Barbe Regnault : "� la barbe du r�gne").
A l'appui de ses observations, on notera qu'avec le distique adress� � Nostradamus ("Tu ne t'es pas encore endurci aux principes de la grammaire et tu oses soumettre la puissance du ciel � [la mollesse de] ta baguette."), B�ze, s'il en est bien l'auteur, aura trouv� l'occasion de renouer avec la verve licencieuse de ses po�mes de jeunesse, les Poemata (1548) qui deviendront les Poemata Juvenilia dans des �ditions ult�rieures !
M�me si l'enracinement calviniste du trait� reste indubitable (en d�pit de l'opinion du calvinologue Olivier Millet, tanc� par son confr�re Denis Crouzet), les propositions de Buget concernant l'identit� de l'auteur du Monstre d'Abus ont �t� jug�es peu concluantes par Brind'Amour qui aura trouv� � son titre quelques lieux-dits en r�gion angevine et dans_La guide des chemins de France_ de Charles Estienne, mais, comme dans le cas de Claude Haton (cf. CN 11), en passant � c�t� de l'essentiel (cf. ma conclusion, infra).
On peut comprendre les r�ticences des sp�cialistes du protestantisme � reconna�tre la paternit� d'une telle oeuvre, quoique brillamment �crite, � l'un ou l'autre des ma�tres � penser de leurs habitats �pist�mologiques : c'est pourtant m�conna�tre l'influence consid�rable des �crits de Nostradamus dans la culture europ�enne � cette �poque, une influence que des g�n�rations d'obscurantistes n'auront cess� de minimiser ou d'ignorer.
En r�alit�, le trait� du pseudo-Dagueni�re pourrait prolonger la Premi�re invective du pseudo-Hercules (cf. CN 57) : ce serait donc la seconde, peut-�tre r�dig�e � plusieurs mains comme dans_Les Satyres de la cuisine Papale_ (cf. CN 23), comme semble l'indiquer cet aveu de ou des auteurs masqu�s : "ce peu que tu as deja ouy de moy & dequoy je t'ay deja adverti" (f.D2v).
Le pamphl�taire, qui aura renonc� � exhiber la panoplie du cat�chisme calvinien (d'abord en raison de la strat�gie de diversion qui est celle de l'ouvrage), ne peut s'emp�cher de faire allusion aux "execives richesses" des temples (f.D1v) et � la "seulle vive foy purement, fidelement & inviolablement gardee" (f.D4v).
Et s'il a bien commis sa Premiere invective contre Monstradamus, il persiste et signe en peaufinant sa m�taphore au titre et dans le m�me registre, et en r�it�rant ses invectives contre sa victime -- le "monstre d'Abus", accus� de vouloir s'approprier un savoir qui n'appartient qu'� Dieu (f.E1r) et "ravir le ciel au seigneur Dieu tout puissant" (f.A3v) --, comme ses impr�cations mena�antes le conviant � s'amender et � renoncer � ses projets ("f.A2r" = f.C2r), auxquelles s'ajoute encore ici ou l� le ton paternaliste et moralisateur des pr�tres et id�ologues, propre � tous ceux qui s'imaginent avoir acquis ou que leur est d� un pouvoir sur les �mes et les consciences : "change (...) ta conception en termes familiers, intelligibles, bons & bien aysez : a celle fin que chascun ayt bonne ocasion de se contenter de toy, & que petit a petit on mette en oubly tes fautes passees te voiant deliber� de mieux faire a l'advenir. PRAGMA KREISSON ELPIDOS["ce qui est permis d'esp�rer", conclut l'hell�niste.]" (f.E3v).
A l'occasion, le satiriste pr�tend �tre familier de la cour, � l'instar de son opuscule pr�tendument imprim� � Paris : "Or quant � la cour ou je fais mon sejour ordinaire" (f.D3r). Aussi assure-t-il qu'il y aurait �t� t�moin du s�jour de Nostradamus durant l'�t� 1555 : "I� qui pour lors y estois s�ay fort bien qu'il n'y avoit celuy qui ne s'asseurast que tu estois la venu expressement pour recevoir a guerdon toute la mocquerie dont tous tes pouvres petitz traictez & discours fantastiques estoint dignement recompenses." (f.A4v), un �v�nement probablement galvaud� entre cette date et celle de la composition du trait�, environ trois ans apr�s, et/ou dont il aura trouv� la relation chez Videl (cf. infra).
Les invectives de La Dagueni�re
La diatribe est encore parsem�e d'injures et de d�pr�ciations, cependant plus mesur�es et ourdies que dans le pseudo-Hercules : "rapetasseur de vieux songes" (f.D1v), "tes almanachz, presages, & toute telle race d'oeuvres de semblable estoffe ne servent que d'ennyvrer de mensonges les entendementz humains" (f.A3r), les "fumees de ton vagabond & lunatique cerveau" (f.D2r), "tes ordures : sur lesquelles tu fais ton dessein de te forger une je ne s�ay quelle immortalit�" (f.D4r), "des almanachz & presages remplys de songes & d'inventions par trop cauteleuses & rusees" (f.D4v), "asneries & batteleries" (f.D4v), "asneries & sotteries" (f.E2r), etc., et d�clin�es aussi bien dans le champ ludique : on se servirait du nom de Nostradamus pour d�signer le fou aux �checs, le mat (ou bagat) au tarot, ou le valet de tr�fle ou de carreau aux cartes (f.B1r), que sur le mode plurilingue : "l'Aleman (...) t'apelle en son langaige Sonne narritlich [fils d'ignorance] und watter lidsellich [et p�re du mensonge] (...) l'Italien t'apelle & nomme _tromba di pazzia_[trompette de folie], l'Espagnol sacca muelas [il m'arrache les dents], le Basque astoa [l'�ne], le Gascon Fat [le fada], & le Proven�al Frascaire [plaisantin, bouffon]..." (ff.D3r-D3v).
Le trait� du pseudo-Dagueni�re est cependant d'un int�r�t bien sup�rieur au pr�c�dent, d'abord parce qu'il informe d'ouvrages authentiques de Nostradamus, "Almanachz, Iugemens du futur & presages" (f.A3v), en l'occurence : quelques termes du quatrain pour janvier 1557 ("indigne orn�", ou "esleu premier" en A3r = B3r) pris dans une �dition Regnault (?) de l'Almanach pour l'an 1557, certaines sentences journali�res figurant aux calendriers des almanachs : "Bataille navelle, ville assiegee, victoire gallique, retour felice ..." (f.E2r), peut-�tre prises � l'Almanach pour l'an 1556 et sur lesquelles l'auteur ironise comme le fait Couillard dans ses Contredicts(cf. CN 50), et surtout quelques passages des Pr�sages merveilleux pour l'an 1557 (f.B3r sq.) que Chavigny, qui n'en avait pu retrouver le texte, recopiera dans son _Recueil_en rectifiant quelques coquilles d'impression dont se d�lecte le "haineux" de Nostradamus (Chavigny, p.79) : par exemple "Mars & ses marteaux" (f.B4r), corrig� par Chavigny en "Martiaux" et qui devient pr�texte aux persiflages du rapporteur : "Nous ne pouvons penser de quelle race de marteaulx Mars se serve a present si ce n'est d'aventure qu'il ayt chang� ses armes � la forge du ministre des fouldres" (f.B4r), lequel a n�anmoins conscience de la possibilit� d'�ventuelles fautes d'impression : "mon opinion est que si l'imprimeur n'a failly, ce � est� l'autheur mesme" (f.C3v).
Cependant Chavigny n'aura pas r�ussi � appr�hender toutes les allusions au texte des Pr�sages : "qui sont ses [ces] pecheurs d'anguiles que tu dis tout ensuivant que commenceront a se facher" (f.B3v) questionne l'ironiste, reprenant le texte : "Les pescheurs des anguilles se commenceront a fascher." (Pr�sages merveilleux pour l'an 1557, f.A8v).
La principale critique du pseudo-Dagueni�re concerne l'�criture du proven�al : tes "involutions de propos & langaiges obscurs, ambigus & inusit�s" (f.B1v), "ton terme est tant contraire � l'usage familier du langaige commun, propre & usit�, qu'il est impossible a homme vivant d'y congnoistre ne fondz ne rive." (f.D1r), "si barbare & estrange fa�on d'escrire, jamais encores non veue" (f.E3r), etc. Mais c'est pr�cis�ment le style et l'ind�terminabilit� du lexique nostradamiens qui font que la lecture des Proph�ties et des Almanachs intrigue encore le lecteur moderne, alors que les �crits de B�ze ne se parcourent plus gu�re que dans les �coles sp�cialis�es et avec ennui.
Un reproche annexe, formul� par Jules-C�sar Scaliger � peu pr�s � la m�me �poque, concerne ses origines ethniques : "ces tant evidentes menteries descrites en voz petitz paquectz annuelz, qui sentent encores leur Judaisme a pleine gorge" (f.C1v). Sans commentaire.
Une autre critique a trait � son incomp�tence technique et professionnelle : "tu ne s�ais pas seulement la definition & les rudimens de l'art & science dequoy tu te mesles. Au moyen dequoy je te conseille desormais de te taire & de quitter le dire pour l'ouyr." (f.E1r). Et d'apr�s l'inquisiteur, les bergers en sauraient plus sur l'astrologie que les astrologues (f.E2v) ! Le pamphl�taire ne s'attarde pas sur le sujet, et aura peut-�tre trouv� l'argument en lisant Videl (qui publie sa diatribe sans doute quelques mois avant la sienne) : probable qu'il en sache encore beaucoup moins que celui qu'il admoneste, n'�tant en mesure de faire �tat que de d�finitions et de rudiments ! -- quand bien m�me il aurait essay� de lire l'Avertissement anti-astrologique de son ma�tre Calvin (1549).
Enfin une quatri�me objection, et plus s�rieuse, concerne son inspiration livresque : La Dagueni�re observe, avant nos ex�g�tes modernes qui s'en sont abreuv�s, que Nostradamus recycle pour le compte d'un projet futuriste des pans entiers de l'histoire Romaine : "Seroit il bien possible que depuis l'heure que les guerres civiles commencerent � desmembrer l'empire des Romains le temps pere de verit� & explorateur de toutes choses, nous eust cel� la nouvelle de luy jusques � present ?" (f.B4r ; cf. aussi f.C4v).
C'est que le pol�miste n'admet pas la conception cyclique qui ordonne le texte du proven�al, ayant bien conscience que ces noms emprunt�s � l'histoire romaine veulent cacher des ombres du futur, ce que n'entendent plus les interpr�tes modernes qui se condamnent � une lecture strictement pass�iste du texte oraculaire : "Qui est il ? ce Deucalion qui le congnoist ? (...) Mais le tien, nous ne s�avons qu'elle beste c'est." ("f.A3r" = f.B3r) ... "Ie n'oy personne qui se vante de congnoistre ce graveleux. (f.B3v) ... "ce tien Roy des Mesopotamies que tu nous as freschement enfant�" (f.C3v), etc.
Finalement les pr�tentions de Nostradamus � vouloir dresser le portrait des personnages de l'histoire future est insupportable au pr�dicateur calviniste : "tu veulx qu'on croye, que tu croys asseurement s�avoir les choses futures & a venir" (f.E1v), mais "pour le rendre & faire trouver possible, il te fauldroit forger des hommes de ton humeur" (f.E2r). En effet, cette pr�tention s�pare la pr�diction de la pr�dication, et finalement l'univers du visionnaire de celui des gestionnaires, qu'ils soient de Gen�ve ou d'ailleurs -- et l'on sait que Ronsard aura voulu se ranger aux c�t�s du premier.
Les trois calomniateurs de Nostradamus
Personne ne se sera risqu� � s'interroger sur l'identit� des trois m�disants dont il est question chez les pamphl�taires et dans les Pr�sages, moins color�s mais tout aussi ardus � d�chiffrer que les Proph�ties, m�me parmi les nu�es de candidats � "l'interpr�tation" des quatrains. Un passage du _Monstre d'Abus_reprend les propos des Pr�sages : "quand tu t'adresses a toute bride a troys de tes calumniateurs, les apellant bestes bruttes & ignorantes, pource comme tu dis qu'ilz se meslent de vouloir ensuivre ton umbre (...) les mena�ant de les voir sur l'issue de ceste annee en telle extremit�, qu'ilz n'auront pas seulement le loysir de parler" (ff.D1v-D2r). Mais l'on se demande encore qui seraient ces trois calomniateurs, d�peints par Nostradamus en ces termes : "mais sont un tas de bestes brutes ignorantes qui ce meslent de vouloir ensuivre mon umbre, & par calumnie ne cessent de mesdire sed cum talibus ingenis luctari non est animus. ["Contre de tels g�nies, lutter ne rel�ve pas de l'esprit !"] Dient ce que leur semblera : cela principal ou l'on prent la doctrine ne scauroit entrer nullement dans leurs cerveaux abestis, ebetez, & privez de toute congnoissance Mathematique, ce sont les ignorans qui occultement me font guerre. Dans ceste lune [nouvelle lune de novembre 1557] trois de ceux qui de moy contre raison & le droict devant les Monarques m'ont calumni� : a la fin de l'ann�e n'auront gueres loisir de parler. Ie prie a Dieu qu'ilz puissent avoir bonne congnoissance de moy, & changeront leur mauvais propos en bien, l'un que je congnois ne parlera jamais, je suis desplaisant de l'inconvenient qui luy adviendra avant le bout de l'ann�e. Or laissons un tas de videlas pour veaux..." (Pr�sages merveilleux pour l'an 1557, f.G2r).
"Videlas", ou esp�ce d'animal � la Videl, i.e. � cervelle, cervelet ou cervelas de veau. Le premier calomniateur semble d�sign�. Laurent Videl, qui cite aussi le passage des trois calomniateurs sans sa_Declaration des abus ignorances et seditions de Michel Nostradamus_ (1558, ff.B2r-B3r), se sent vis� � juste titre par les propos puisqu'il date sa diatribe calomnieuse d'Avignon "ce jour que tu me menassoys de beaucoup de maux, qu'est le xxi novembre 1557." (f.F2v), c'est-�-dire au jour pr�cis de la nouvelle lune de novembre 1557. Admettons qu'il soit bien notre premier calomniateur, h�raut des "videlas" mentionn�s par Nostradamus, mais l'histoire ne dit pas s'il aura loisir d'ex�cuter ses r�v�rences et acrobaties verbales encore longtemps � la cour.
�liminons Antoine Couillard du Pavillon : Nostradamus a d� parcourir sa parodie de 1556 avec amusement et indulgence. Et l'invective du pseudo Hercules est parue apr�s la r�daction des Pr�sages. Le deuxi�me calomniateur n'est pas plus Mellin de Saint-Gelais (1491-1558), po�te courtisan et organisateur de spectacles pour la cour, auquel j'avais pens� lors de la r�daction de cet article en 2007 puis 2008, mais bien Joachim Du Bellay (1522-1560), probable auteur du fameux distique latin contre Nostradamus (cf. CN 43). Ici encore une formule � double sens, comme Nostradamus en est coutumier, "a la fin de l'ann�e n'auront gueres loisir de parler", attestant une fois encore de son don visionnaire. Et plus pr�cis encore en D7r des Presages merveilleux pour l'an 1557 : "Celuy qui se moquoit du vaticinateur, Soluet hoc anno extremum diem." [Il dispara�tra cette ann�e au dernier jour]. Du Bellay d�c�de encore jeune rue Massillon � Paris le 1er janvier 1560 !
Quant au dernier calomniateur, pour qui Nostradamus semble �prouver malgr� tout quelque sympathie, on peut penser � Jules C�sar Scaliger, d�c�d� le 21 octobre 1558, et auteur de quatre m�chantes �pigrammes contre son ancien confr�re et ami. (Et Nostradamus n'�crit pas � la cour de France, mais "devant les Monarques").
L'attestation de la parution des �ditions des Proph�ties en 1557 et 1558
C'est peut-�tre aujourd'hui le principal int�r�t de l'ouvrage, alors que la parution du second livre des Proph�ties en 1558 continue � �tre mise en doute par certains ex�g�tes, au seul pr�texte qu'aucun exemplaire n'en a pu �tre retrouv�. Le pol�miste �crit : "ce ne sont que petitz traictez, lesquelz encores que soi[e]nt dediez (eux indignes touteffois) � la magest� du Roy" (f.B2v). La marque du pluriel fait �videmment allusion aux_Pr�sages merveilleux pour l'an 1557_ (d�dicace � Henry II dat�e du 13 janvier 1556) mais aussi au second livre des Proph�ties(d�dicace au m�me dat�e du 27 juin 1558). L'allusion � ces deux trait�s d�di�s au roi de France r�appara�t en fin de discours : "tu deliberas luy adresser & offrir tes povres petis traictez & discours du futur" (f.E3r).
La Dagueni�re se d�fend "d'adjouter foy a aucun de tes songes, ne a pas un seul de tes presages (...) & encores moins a tes prasies qui aiant est� donnees & mises en vante sur la derniere saison ont de nouveau encores grandement acreu la maigre & petite estime & reputation en quoy tout le peuple te tient, de sorte qu'on ne les appelle point autrement que les propheties des lanternes." (f.E2v)
Les "propheties des lanternes", c'est-�-dire ces balivernes et chim�res qui d�signent explicitement les quatrains de l'une des deux �ditions des Proph�ties parues � la fin de l'ann�e 1557 chez Antoine du Rosne, mais probablement la seconde parue en novembre ("sur la derniere saison"). Se demandant pourquoi Nostradamus n'a pas aussi adress� ce premier livre des Proph�ties au roi comme il l'a fait pour le second et pour les Pr�sages de 1557, le pol�miste ajoute : "Je m'estonne que tu ne les as aussi bien adressee [sic] � la magest� du Roy, que tu as faict je ne s�ay quelles autres lanterneries, cuidant par ce seul moyen (se croys je) accroistre leur authorit�. Vrayement je ne me puis tenir de rire, quand je pense au peu d'occasion que tu avois de luy offrir l'annee passee, je ne s�ay quel petit loppin de tes presages ou prononstications. [sic]" (ff.E2v-E3r).
Il est temps de reprendre la question de l'identit� du pamphl�taire avec Brind'Amour qui a relev� dans les jeux de mots au titre quelques noms figurant dans La guide des chemins de France de Charles Estienne. La Dagueniere, ainsi que La Touche aux asnes, pr�s de certaines landes ("les landes d'anniere") figurent en page 130 de l'ouvrage, de part et d'autre d'Angers. Les "anges" de Gen�ve, pour reprendre les m�taphores dans l'esprit de Buget, sont bien plac�s pour s'occuper de "l'�ne" auquel le pasticheur croit �tre en mesure de faire la le�on. Au nord-est d'Angers, au-dessus de Seiches, on trouve aussi Matheflon, Le Verger et Huill� (Haioul�n ?). Brind'Amour d'en conclure que les auteurs -- car il croit aussi que l'ouvrage a vraiment �t� traduit du latin -- seraient originaires de la r�gion.
Outre la na�vet� d'imaginer que "les auteurs" eussent d�voil� leur identit� et d�pos� l'ouvrage chez l'imprimeur parisien, lors d'une pr�tendue venue � la cour par exemple -- selon les affirmations du texte prises pour argent comptant ! --, Brind'Amour ne remarque pas que figurent aussi dans les pages pr�c�dentes (aux pages 128-129 de l'�dition de 1552) les lieux de Varennes, Renes, Vaultorte et Hervee, c'est-�-dire les principaux homophones du d�cor plant� dans le fameux quatrain IX 20 :
De nuit viendra par la forest de Reines,
Deux pars vaultorte Herne la pierre blanche,
Le moine noir en gris dedans Varennes
Esleu cap. cause tempeste feu, sang tranche.Autrement dit, l'auteur du pastiche, qui ne serait autre que le pseudo-Hercules, c'est-�-dire Th�odore de B�ze ou Besze en accordant � Fran�ois Buget la primeur de l'identification, avait sous les yeux l'une des �ditions de _La guide_ainsi que l'�dition des Proph�ties de 1558. Il en aura d�nich� l'emprunt, plus de quatre si�cles avant l'article de Chantal Liaroutzos (1986), et en tournant la page, aura rencontr� des lieux convenant parfaitement � l'esprit de ses propos venimeux. Mais contrairement aux interpr�tes modernes, s-c-eptiques aux longues oreilles mais bouch�es, B�ze savait parfaitement que l'objet du quatrain de Nostradamus ne saurait �tre ce Varennes saumurois, mais bien un Varennes du futur dont il aura fait le th��tre de visions dont le r�form� conteste la l�gitimit�.
Annexe : Le texte de Buget (Bulletin du Bibliophile, 1861, pp.254-259)
[p.254] (...) Passons maintenant au_Monstre d'abus_. L'anagramme est jolie, parce que, de l�gers changements de lettres op�rant la m�tamorphose, on d�couvre ais�ment la premi�re forme sous la nouvelle. Monstre d'abus est aussi la clef principale de tout le titre. Nous expliquerons en effet les mots obscurs, en y changeant une ou deux lettres, et en les traduisant en latin, comme on le fait pour trouver Nostradamus sous Monstre d'abus. Ces ruses de l'auteur pour d�guiser sa pens�e sont emprunt�es de son adversaire in�puisable en ce genre. Les d�tails dans lesquels nous allons entrer ne seront donc pas un hors-d'oeuvre, mais une �tude pr�liminaire, un pr�lude � celle de Nostradamus.
Compos� premi�rement en latin est une formule de ce temps-l�. Ecrire en cette langue �tant plus facile, c'est par l� que l'on commen�oit, puis on se traduisoit en fran�ois ; quelquefois m�me on feignoit de s'y �tre pris de la sorte. Mais je n'admets rien de banal dans ce titre ; et le latin, le grec ou l'h�breu, doivent me rendre compte de tout. - Je proc�de comme si j'expliquois Nostradamus. J'ai mon id�e, mon but : compos� ne me convient nullement. J'examine donc les divers sens de compositum, et, laissant ce qui ne me va pas, je m'arr�te � combin�, imagin�. Voil� mon affaire. - Latin, vient de Latium, qui vient de lateo, qui vient de lhqw, qui vient de la caverne de Loth. Donc, en latin, veut dire ici latenter, en secret ; car il ne faut pas �bruiter � Gen�ve nos plans de guerre contre la France.
Par maistre Iean de la dagueniere. Jean est le disciple fid�le qui suit son ma�tre jusqu'� la mort, tandis que Pierre le renie et l'abandonne. Ma�tre Jean, c'est Jean Calvin, le chef des saints, des �lus, dont B�ze et les autres acceptent les dogmes, font les volont�s et justifient les actes : t�moin Servet. - La dagueniere, c'est Gen�ve. Tel qu'il est, ce[p.255] mot n'offre aucun sens. Mais la _Daguani�re_est l'habitation de celui qui dague les �nes ; et tag, radical latin, passant, dans ses modifications, de l'id�e du contact � celles de frapper, piquer, m�me foudroyer, duper, railler, la Tagani�re est l'asile, la forteresse, d'o� l'on frappe, perce, foudroie, couvre de ridicule ces malheureux. Les �nes sont les papistes, et avant tout Henri II, sans compter Nostradamus, qualifi�, dans le pamphlet, de docteur � longues oreilles, de roussin d'Arcadie, de po�te � couronner de chardons.
Docteur en medecine et matematicien ordinaire des landes d'anniere. La vraie m�decine �tant celle de l'�me, l'inspir� qui d�montre le secret de la vie �ternelle, m�connu depuis douze si�cles, est certes le docteur en m�decine par excellence. - Matematicien, sans h, ne vient pas de mathemat-icus, mais de mate-maticus, mate-fou. En effet, mater, humilier, abattre, et, aux �checs, faire le roi mat, le r�duire � l'impuissance, vient du radical mat, qui signifie, comme verbe, rendre vain, faire �chouer ; comme nom, vanit�, folie, fanfaronnade ; et, avec la d�sinence adjective, un insens�, un fou. -Ordinaire a ici, outre le sens que nous y attachons, celui d'ordinarius, conforme � l'ordre, c'est-�-dire � l'ordre v�ritable, comme l'�lection des "ministres du saint �vangile" � Gen�ve ; tandis que l'ordination romaine, et les effets qu'on lui attribue, sont une momerie scandaleuse et un mensonge diabolique. - Les_landes d'anni�re_ sont le pays des �nes. Le nom d'Asni�res, pr�s Paris, et de quelques autres villages, vient de ce que leurs habitants, pour tirer parti d'un sol infertile, multiplioient l'animal patient et robuste, mod�le de sobri�t�. Mais ce seroit trop g�n�ral. Aussi n'y a-t-il pas Asni�res, mais_anni�re_. Pourquoi ces deux n ? Pour fl�trir du m�me coup le tyran et sa Babylonienne. C'est une allusion palpable au [p.256] nom de celle-ci. Les deux _n_repr�sentent deux �nes. Or di signifie double : diaule, double fl�te ; diphtongue, double son. Ainsi, comme le roi et sa ma�tresse, double �ne et Diane ne font qu'un. Ce n'est pas galant ; mais s'ils l'avoient tenue, ils l'auroient pendue ou br�l�e vive.
Et despuis traduit et mis en nostre langue Fran�oise par le More du Vergier. Despuis est un mot si grave et si myst�rieux que je recule devant ses profondeurs. Chacun sait que la v�rit� est au fond du puits. Mais l'auteur, parlant au pluriel, veut d�signer les diff�rentes sources o� il a puis� les v�rit�s admirables contenues dans sa brochure. C'est d'abord ce puits de science nomm� Calvin ; puis sans doute les conseils de Viret, Farel et autres �lus ; puis enfin la verve satirique et bouffonne d'o� jaillira bient�t la Com�die du pape malade. Je ne dis rien d'une foule d'autres sens - Traduit me prouve de nouveau que ce libelle n'a pas �t� compos� d'abord en latin, mais en fran�ois. En effet traducere, faire changer de lieu, signifie aussi faire passer d'un �tat � un autre. C'est pr�cis�ment ce que B�ze a fait en donnant � l'id�e, au projet ou au plan de Calvin sa forme actuelle. - Traduit et mis en nostre langue. Rien n'est plus nostradamique que ce pl�onasme apparent. C'est une sottise en fran�ois : preuve qu'il faut demander au latin le secret de ces deux mots. Mis venant de missum, envoy�, l�ch�, lanc�, veut dire introduit, colport�, distribu�, sem� � pleines mains en France, par les innombrables �missaires de la propagande calviniste. - En _nostre_langue fran�oise, parce que les novateurs pr�f�roient le fran�ois au latin, afin de mieux r�pandre leurs opinions dans les masses - Par le More du Vergier. Le More, de morus, noir, c'est Wolmar, parce que, des trois mages, Gaspard, Balthazar et Melchior, c'est le dernier qu'on repr�sente comme un n�gre. Le Vergier ou verger, c'est B�ze, que Wolmar s'est plus � cultiver, � enrichir de connoissances pr�cieuses, qui portent maintenant des fruits d�licieux, comme ce titre. Mais ce n'est pas Wolmar, c'est [p.257] B�ze qui a ex�cut� le plan de Calvin ; il faut donc lire le Vergier du More. Si l'auteur ne l'a pas �crit, c'est que More va mieux comme nom de personne, et verger comme nom de propri�t�. C'est dire aussi plus �nergiquement que ce qu'il a de meilleur et ce qu'il fait de mieux, on le doit � Wolmar.
Recteur extraordinaire de l'universit� de Mateflon. Il nargue, par ces m�taphores, Fran�ois de Guise, lieutenant g�n�ral du royaume, et l'universit� de Paris, ennemie d�clar�e des novateurs. _L'universit� de Mateflon_est la ligue des pr�destin�s, dont le g�n�ral en chef va diriger les efforts contre les infid�les. F�lon_signifioit non-seulement tra�tre, mais cruel, inhumain. Le f�lon que les saints veulent mater, an�antir, c'est le Domitien, le Phalaris, Henri II. L'e de f�lon est supprim� pour rappeler_phlox, flamme, et phl�ge�n, br�ler. Messieurs les �lus br�loient volontiers les m�cr�ants : le fer et le feu devoient en purger la terre. Mais le tyran appliquant ce principe aux �lus eux-m�mes, Calvin d�puta B�ze, Farel et Bud� vers les cantons protestants, pour r�clamer leur intercession en faveur des victimes. B�ze, chef de l'ambassade, dirigeant l'attaque aussi bien que la d�fense, est lieutenant g�n�ral du pape de Gen�ve, ou recteur extraordinaire des Matef�lon.
Et protecteur des gondz de la Haioul�n. Ce dernier mot n'a aucun sens. Mais Hagioul� se compose de hagios, saint, et d'oul�, cicatrice. La papelardise et l'id�latrie ont fait de ce monde un ulc�re immense, une plaie hideuse, qui n'est bien cicatris�e que dans la partie de la Suisse fran�oise o� r�gne le calvinisme le plus pur. Cardo, gond, veut dire aussi ligne tir�e vers le nord, et limite. C'est Lausanne, dont le territoire, inond� de lumi�re, touche le canton de Fribourg et le Valais, plong�s dans les ombres de la mort ; Lausanne, o� B�ze veille � la puret� de la foi, � l'int�grit� de la cicatrice sainte. Il en est le dieu_protecteur_, comme Carda �tait la d�esse tut�laire des gonds, consid�r�s comme un embl�me de l'union conjugale et de la vie de famille, dont le monachisme est le tombeau. Il est naturel que ce protecteur �crive [p.258]oul�n au lieu d'oul�, parce qu'_oul�n_�tant comme le pluriel d'oul�, salut ! _hagioul�n_doit signifier Vivent les saints ! Cette mani�re curieuse de modifier un mot pour lui donner un second sens, ind�pendant de celui de la phrase, mais fortifiant ou compl�tant l'id�e principale, est famili�re � Nostradamus.
Marinus Novetus Nucensis in Nostradamum. Marinus, c'est Ph�nice. Comment cela ? En cherchant le sens de ce mot, je rencontre Marin de Tyr, ancien g�ographe, qui me rappelle que Tyr �toit surnomm�e la Reine des mers, et que les marins par excellence �toient les Ph�niciens et les Carthaginois. J'y vois en outre maritus, allusion au fait capital de la vie de B�ze, sa d�mission de ses b�n�fices, pour tenir sa promesse de mariage � sa ma�tresse, et le changement de patrie et de religion qui en fut la suite. Marianus, partisan de Marius, de Calvin, de Wolmar. - Novetus ne m'offrant aucun sens, j'essaye non vetus, qui va fort bien � maritus : il est amoureux comme le premier jour. Mais c'est une �p�e � deux tranchants, c'est un reproche amer au papisme, dont les abus l'emp�ch�rent si longtemps d'�pouser la colombe, la Sulamite, la parfaite, qui adore en lui le plus beau des hommes. Novetus m'indique aussi Novatus, diacre de Carthage, qui se rendit � Rome, o� il s'unit, en 251, avec Novatien, premier antipape, d'une grande aust�rit� de moeurs et de principes : B�ze et Calvin. - Nucensis. De m�me que l'u de nuptiae s'est chang� en _o_dans nopces, on traduiroit Nucensis par de Noce, s'il y avoit une ville de ce nom. Mais comme il n'y en a point, et que madame B�ze se nommoit Denosse, c'est dans ses bras qu'est la vraie patrie du bienheureux pr�destin�. Enfin, si nous lisons Lucensis, nous avons un citoyen de Luce-Nouvelle, de la cit� radieuse o� Frangidelphe Escorche-messes publiera, dans quelques ann�es, son Histoire de la mappemonde papistique. [p.259]Lucensis veut dire encore �p�e de lumi�re. C'est l'ardente pol�mique de ce bon Th�odore, et le r�le qu'il veut jouer en France.
Nondum grammaticae calles primordia, et audes
Vim coeli radio suposuisse tuo.Ici le pamphl�taire dit tout bas au proph�te : "Je sais fort bien que l'inspiration n'est pas fille du rudiment, et je comprends assez ta langue pour admirer ton habilit� sous ton masque de folie. Mais nous sommes ennemis, et je te mets des oreilles d'�ne devant la foule."
A Paris, Pour Barbe Regnault, demourant � la rue S. Iaques, devant les Mathurins. Avec privilege. - A pari his, par un gaillard qui ne les craint pas. Toujours les �nes. His est le cri d�chirant de ce pauvre animal, lorsqu'il veut chanter. - _Pour faire la barbe au r�gn_e, � ce gouvernement qui demeure attach� au culte des idoles, et s'obstine � pers�cuter les �lus. Les premiers inquisiteurs en titre, les dominicains, prirent le nom de jacobins, parce que la premi�re maison qu'ils eurent en France �toit situ�e rue Saint-Jacques. - Le _mal saint Mathurin_�tant la folie, devant les Mathurins est un sarcasme de huguenot contre des pr�tres attach�s au coll�ge du Plessis, qui d�couvrirent et signal�rent au peuple la r�union du 4 septembre, rue Saint-Jacques, en face de ce coll�ge. - Avec privil�ge est une derni�re moquerie : "Nos brochures inondent la France � ta barbe, tyran. Notre privil�ge, � nous, c'est l'inspiration ; c'est la loi vivante, la loi priv�e."
Si je n'ai pas devin�, lecteur, faites-le vous-m�me : je suis au bout de mon latin. Si Marinus Novetus Nucensis ne dit pas, de neuf mani�res, B�ze, je jette ma langue aux chiens.
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Bibliographie
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Accueil CURAPatrice Guinard: Le monstre d'abus du pseudo Dagueni�re (1558)
http://cura.free.fr/dico6advpl/711Adag.html
04-11-2007 ; last updated 31-05-2018
� 2007-2018 Patrice Guinard