le tombeau de Fran�ois II (original) (raw)

Emplacement du tombeau dans la Cath�drale

Fran�ois II s'�teint en 1488, � 53 ans, deux ans seulement apr�s la mort de Marguerite de Foix, sa deuxi�me �pouse et m�re de la c�l�bre Anne de Bretagne. Il sera le dernier Duc de Bretagne, puisque l'alliance avec la couronne de France sera scell�e par les mariages successifs d'Anne (avec Charles VIII puis Louis XII) : elle sera deux fois reine de France mais ne pourra finalement emp�cher la fin de l'ind�pendance du Duch�, r�uni � la couronne de France en 1532.

Anne commande en 1499 un tombeau magnifique pour recevoir dignement les restes de ses parents. Deux artistes sont associ�s � sa r�alisation : Jean Perr�al, peintre, architecte, d�corateur, � intendant artistique � du roi de France, qui con�oit le plan d'ensemble, tandis que la statuaire est confi�e au breton Michel Colombe.Michel Colombe Celui-ci est alors un sculpteur d'une immense renomm�e, mais fort �g� : il a 75 ans en 1502 lorsque d�butent ses travaux. Il travaillera au tombeau pendant 5 ans, jusqu'en 1507 donc, avec notamment l'assistance de son neveu et successeur Guillaume Regnault et de Jean de Chartres (voir biblio, Russon et Duret).

Une fois achev�, le tombeau est plac� dans la chapelle des Carmes � Nantes, conform�ment au voeu de Fran�ois II qui souhaitait y rejoindre la d�pouille de sa premi�re �pouse, Marguerite de Bretagne. D'ailleurs � Nantes, le monument est parfois appel� � tombeau des Carmes �. Les restes de Marguerite de Foix, deuxi�me �pouse donc, viendront ensuite s'y associer apr�s qu'Anne aura obtenu du pape Jules II leur transfert de la cath�drale.

Mais la qui�tude du monument fun�raire est gravement troubl�e � l'�poque de la R�volution, au point qu'il s'av�re n�cessaire de le soustraire aux marteaux des briseurs de symboles ducaux et religieux. Quelques citoyens s'emploient donc en 1792 � le d�monter et � l'enterrer pour attendre des jours meilleurs, � pr�s de la cour des noyers par le fermier exploitant l'enclos des Ursulines � (voir site du Jardin des Plantes). Une fois l'agitation r�volutionnaire retomb�e, on exhume le monument, et on le laisse expos� plusieurs ann�es au grand air pour laisser le marbre retrouver sa blancheur. Puis, en 1817, c'est la cath�drale qui accueille finalement le tombeau.

Le tombeau de Fran�ois II

D�crivons d'abord rapidement le monument avant de rentrer dans les d�tails : il est compos� d'un bloc rectangulaire sur lequel sont allong�s les deux gisants de Fran�ois et Marguerite. Leurs t�tes reposent sur des coussins maintenus par des anges, et � leurs pieds se tiennent un lion et un l�vrier.
Les flancs du socle massif sont orn�s de statues en pied dans des niches successives, ainsi que de � priants � � la base.
Aux quatre coins du sarcophage se tiennent quatre imposantes statues, repr�sentant � l'�chelle et en pied quatre figures all�goriques de femmes.

Les gisants

Les deux corps �tendus c�te-�-c�te sont parfois un peu n�glig�s par les visiteurs, tant les statues d'angle attirent l'admiration; toutefois, ces gisants sont techniquement et artistiquement admirables. Couronn�s, les mains jointes en pri�re, habill�s de tenues d'apparat sem�es d'hermine, Fran�ois II et Marguerite de Foix sont repr�sent�s dans la qui�tude, la foi et toute la dignit� de leur rang. Les moindres d�tails apparaissent dans le marbre blanc de Carrare, t�moins de l'extr�me habilet� de Michel Colombe et de son atelier.
Les trois anges et les gisantsLa dalle de marbre noir sur laquelle ils reposent nous am�ne � citer la revue de l'Inventaire G�n�ral des monuments de France (voir biblio) : � les marbres noir et rouge furent achet�s � la fabrique de la cath�drale de Florence, gr�ce � un tailleur de ma�onnerie originaire de Fiesole, J�r�me Pacherot. A Tours, celui-ci r�alisa la partie ornementale avec un autre italien, dans l'atelier de Michel Colombe (...)
De fait, l'influence italienne de la Renaissance est ici tr�s importante, tant dans le traitement technique que dans l'esprit artistique d'ensemble.

Trois angelots sont agenouill�s � la t�te des gisants, et tiennent � deux mains les �pais coussins sur lesquels ils reposent. Les drap�s de leurs robes sont particuli�rement soign�s. Leur expression n'est pas de douleur mais plut�t de respect, d'humilit� face aux personnages dont ils ont la charge.
Aux pieds des gisants, les animaux sont empreints de dignit� et de fiert� : le lion, symbole de force, maintient les armoiries � l'hermine du Duch� de Bretagne, tandis que du c�t� de Marguerite, c'est le l�vrier, symbole de la fid�lit�, qui tient entre ses pattes les armoiries du Comt� de Foix ainsi que le cordon de l'Ordre de la Cordeli�re.

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Les flancs du tombeau

Charlemagne et St Louis

Les niches r�hauss�es de marbre rose, encadr�es de tr�s fines sculptures de motifs v�g�taux, abritent sur chaque longueur six statues des ap�tres; � la t�te des gisants, Charlemagne et le roi de France St Louis pour le pouvoir temporel, et pour le spirituel on trouve � leurs pieds St Fran�ois d'Assise et Ste Marguerite (saints patrons du Duc et de sa femme).

St Jean

Sur les c�t�s, les ap�tres se reconnaissent � leurs attributs, mais il est parfois difficile de les distinguer : heureusement, Duret et Russon (voir biblio) ont fait le travail pour nous... Les voici donc dans l'ordre : St Pierre (clefs), St Paul (�p�e), St Andr� (croix en X), St Jacques le Mineur (foulon et livre), St Jean (calice), St Philippe (croix), et de l'autre c�t� du tombeau St Matthieu (massue), St Barth�l�my (coutelas), St Thomas (�querre), St Jacques le Majeur (pique), St Simon (scie), et St Jude (hache).
On notera toutefois que la liste de Duret et Russon inclut St Paul, qui n'�tait pas un ap�tre (ce qui n'est pas exceptionnel en soi), mais comme ils sont toujours douze, l'un d'eux a �t� �vinc�. Ce serait donc, par �limination, Matthias, le � rempla�ant � de Judas.

Les priants

Aux pieds du bloc de marbre, sous les niches des ap�tres, une rang�e de priants fait tout le tour de la base du tombeau. Ces priants sont de petits personnages, � l'aspect � la fois religieux et fun�bre, drap�s et encapuchonn�s de noir. Ils sont assis ou agenouill�s dans diff�rentes postures de pri�re, et leur corps s'inscrit dans le cercle d'une coquille marine qui tient lieu de fond.

Les statues d'angle

Ces quatre statues sont particuli�rement int�ressantes; on peut m�me consid�rer qu'elles t�moignent le mieux du g�nie de Michel Colombe. Il s'agit de quatre femmes, en pied, chacune post�e � un coin du tombeau. Certains sp�cialistes tendent � dire qu'elles sont assez maladroitement int�gr�es � l'ensemble, mais ce n'est pas le plus important � notre avis.
Ces quatre femmes repr�sentent les quatre vertus cardinales. Notons au passage qu'il n'y a probablement pas dans l'esprit des concepteurs l'id�e d'associer ces vertus aux deux d�funts (ce qui ne les emp�che pas d'avoir �t� vertueux sans doute !), mais plut�t celle de transmettre un message moral par le biais artistique. Ces vertus concernent tout un chacun, elles indiquent un chemin que tous devraient suivre. Le parall�le avec le C�notaphe de La Morici�re, autre monument important de la Cath�drale, est int�ressant � ce titre.

Examinons donc ces quatre vertus, et partons de la t�te de Marguerite de Foix. La statue qui se dresse l� est celle de la Prudence.

La Prudence

La Prudence tient dans sa main droite un compas, pour r�gler sa conduite et mesurer la port�e de ses actes. La jeune femme se regarde dans un miroir � main qu'elle �l�ve de sa main gauche, ce miroir symbolisant la mesure et non la vanit� : on peut consid�rer qu'elle observe ses propres pens�es pour mieux les contr�ler et mieux se conna�tre, mais aussi qu'elle garde toujours un regard vers l'arri�re pour ne pas se pr�cipiter en avant.

Portons d'ailleurs, nous aussi, notre regard de visiteur vers l'arri�re : cela nous permettra de constater que l'arri�re de la t�te de la Prudence est constitu� d'un autre visage, celui d'un vieillard � la longue barbe et aux rides marqu�es. Ce visage est porteur de tout le poids du pass�, mais aussi de son exp�rience et de sa sagesse, qui doivent guider les pas de la Prudence. Outre la r�alisation d�licate de cette curieuse t�te � deux faces, on s'int�resse d'autant plus � ce vieillard qu'il est tr�s probable que Michel Colombe, son auteur, s'y soit repr�sent� lui-m�me (cliquez sur l'illustration ci-dessous pour l'agrandir).
Aux pieds de la statue s'enroule un serpent : comme lui, la Prudence s'efforce d'avancer avec souplesse, m�fiance et circonspection.

Le double visage de la Prudence

Notons enfin la fa�on dont la jeune femme est habill�e : elle porte une robe recouverte d'une longue cape, dont elle tient un pan � la main en m�me temps que son miroir. Elle est coiff�e d'un chaperon, lui-m�me recouvert d'un voile tr�s simplement nou� sur sa poitrine. De fait, c'est une impression de simplicit� qui s'exprime avant tout, on ne ressent aucun effet vestimentaire pour impressionner ni se mettre en valeur. La ceinture de simple corde accentue encore ce trait.

Aux pieds de Marguerite de Foix s'�l�ve la seconde statue, celle de la Temp�rance. C'est l� une vertu relativement proche de la pr�c�dente, du moins de notre point de vue du XXI� si�cle, mais le traitement en est diff�rent.

La Temp�rance

La Temp�rance est elle aussi habill�e de mani�re assez simple, une cape lui recouvre les �paules et se ferme sur la poitrine par une grande broche. Son attitude et les traits de son visage sont toutefois d�cid�s, moins r�serv�s que pour la Prudence. Ses attributs sont d'une part un mors, qu'elle tient de la main droite et qui symbolise le frein � apporter � ses pulsions, et d'autre part une horloge, une curieuse horloge presque cubique, sorte de bo�te qui peut s'ouvrir sur le c�t� (de petites charni�res apparaissent), et cette horloge repr�sente bien s�r le temps qu'il faut savoir respecter, et qui att�nue les passions.

En continuant � tourner autour du tombeau, nous parvenons aux pieds du gisant de Fran�ois II, o� se dresse la statue de la Force Morale. Celle-ci se distingue nettement des deux pr�c�dentes, avant tout par sa tenue : elle est en effet rev�tue d'une armure qui lui recouvre enti�rement le buste, une armure au m�tal finement ouvrag� et qui se compl�te d'un imposant casque guerrier se prolongeant sur la nuque. Contrairement aux autres statues, elle n'a pas le dos couvert d'une cape, mais � ses �pauli�res sont fix�s deux longs pans de drap, qui lui recouvrent les �paules, s'enroulent autour de ses bras et viennent se nouer gracieusement � l'avant de sa robe.
La Force MoraleLa jeune femme maintient d'une main une petite tour ronde en pierre, au toit pointu, semblable � une tour d'angle de ch�teau. De l'autre main, elle tient fermement par le cou un horrible dragon qu'elle s'emploie � extirper de la tour dans laquelle celui-ci s'�tait install�. L'armure ne lui couvrant pas les bras, ils se laissent voir �-demi d�nud�s et font sentir une musculature puissante. Le geste ne semble d'ailleurs demander aucun effort � la jeune femme. Toutefois, l'expression de son visage nous touche particuli�rement : ce n'est pas le regard du soldat victorieux, ni l'arrogance du guerrier qui apparaissent, en d�pit de l'armure. C'est presqu'une expression de peine, de douleur rentr�e, comme si l'effort d'arracher le dragon de la tour, de distinguer ainsi le Bien du Mal en quelque sorte, ne se faisait pas sans combat int�rieur.

Terminons notre tour du tombeau : voici la quatri�me et derni�re statue. Sa symbolique est plus facile � deviner, ayant travers� les �ges plus que les autres sans doute. Elle tient un glaive imposant en sa main droite, et dans sa main gauche un livre illustr� d'une balance : il s'agit bien s�r de la personnification de la Justice.
Loin de l'humilit� des deux premi�res statues, la Justice est richement et noblement habill�e. Elle porte une couronne fleurdelys�e (arborant la fleur de lys, l'embl�me royal), ses bras sont recouverts d'une armure, et elle porte un surcot ouvert sem� d'hermines. Les drap�s sont tr�s travaill�s, tant pour les plis du manteau qui revient largement vers l'avant et que la jeune femme tient avec le livre de la Loi, que pour la curieuse �charpe nou�e sur l'arri�re de la couronne et dont un des pans vient recouvrir la pointe de l'�p�e.
La JusticeIl est difficile de ne pas remarquer l'accumulation de symboles politiques, et de repr�sentations du Duch� de Bretagne, d'autant que si l'on observe les gisants, on s'aper�oit qu'eux aussi sont couronn�s et arborent leurs tenues d'apparat, sem�es d'hermines noires... En fait, la tenue de Marguerite de Foix est presqu'identique � celle que porte la noble et digne Justice. On peut � ce sujet remarquer deux choses : d'une part (et cela contredit un peu ce que nous �crivions en introduction !), qu'il y aurait l� une volont� de rapprocher l'id�e de Justice et le pouvoir ducal, les sujets du Duc attendant de lui la Justice avant tout. Ce serait une sorte de message politique. D'autre part, on pense que la femme repr�sent�e ici aurait tr�s vraisemblablement emprunt� ses traits � ceux d'Anne de Bretagne, commanditaire du tombeau ne l'oublions pas, et personnage politique tr�s important du d�but de ce XV� si�cle. La mise en sc�ne de sa propre personne, sous des traits aussi vigoureux et repr�sentant une vertu aussi importante politiquement parlant, ne pouvait que servir ses int�r�ts.
Il est touchant, quoi qu'il en soit, de penser que ces deux statues, la Prudence et la Justice, dress�es c�te-�-c�te � la t�te des gisants, arborent les visages du sculpteur d'une part, et de la commanditaire d'autre part. Cela personnalise l'ensemble, qui par ailleurs est empreint d'humanit�, de sentiment et de noblesse, et qui constitue � ce titre le plus bel ornement de la cath�drale, et sans doute un des plus beaux chefs-d'oeuvre de l'�poque.

Erratum

Il convient de rectifier une petite erreur qui appara�t sur le panonceau attach� aux grilles entourant le tombeau. En effet, celui-ci annonce la pr�sence des restes du duc Arthur III, en plus de Fran�ois et ses deux femmes successives; or Arthur ne se trouve pas dans le tombeau.

Les ap�tres

Voici l'explication : Arthur III (grand-oncle d'Anne de Bretagne), dit le Justicier, comte de Richemond puis duc de Bretagne, avait �t� initialement enterr� au couvent des Chartreux. Aujourd'hui d'ailleurs, le couvent n'existe plus mais a �t� remplac� par celui des Ursulines, dans le quartier St Cl�ment, rue du Mal Joffre. Mais � l'�poque r�volutionnaire, dans les ann�es 1790, lorsque les effets de la Terreur commenc�rent � se faire sentir � Nantes, on jugea plus prudent de faire d�placer les restes d'Arthur dans la crypte des �v�ques de la Cath�drale. Cela n'emp�cha pas, d'ailleurs, la profanation de sa d�pouille, mais l'important est que la nouvelle de ce transfert ne fut pas connue de tous : ce qui fait que lorsqu'on trouva des ossements anonymes aux Chartreux, on crut avoir retrouv� le corps d'Arthur III, et l'Abb� G�ly le fit donc dignement enterrer au cimeti�re St Jean. Ce sont ces restes qui finiront transf�r�s dans le tombeau de la Cath�drale, en compagnie du Duc et de ses femmes, bien qu'ils soient probablement ceux d'un moine chartreux anonyme...

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