Guns of AugustFR (original) (raw)

Aout 14*

par Israël Adam Shamir

Sur la place Pouchkine, dans le centre de Moscou, le MacDo, tout un symbole de la Pax Americana, a �t� ferm� cette semaine. Il avait ouvert il y a 23 ans, quand l'URSS s'est effondr�e, et que voyait le jour le monde unipolaire avec son unique superpuissance. Le peuple sovi�tique faisait la queue pendant des heures pour entrer et go�ter � cette divine p�ture �trang�re. Ils �taient si innocents, si d�pourvus d'exp�rience, ces Russes d'hier... Pendant 23 longues ann�es, les US ont r�gi le monde seuls, tandis que McDonald servait ses burgers. Mais la Russie a bien chang� depuis lors. Le Macdo n'est plus une attraction pour les Moscovites blas�s. De l'autre c�t� de la place Pouchkine, il y a maintenant un autre restaurant � la mode, le Caf� Pouchkine, qui sert la meilleure haute cuisine russe. Et les joyeux Russes ont renvoy� la balle, ouvrant un autre Caf� Pouchkine � Paris, sur le Boulevard Saint-Germain, pour faire d�couvrir aux Fran�ais les joies de leur gastronomie.

Ce d�fi, les Am�ricains ne l'ont pas pris � la l�g�re. Les grosses t�tes US ont r�agi au quart de tour: � mort, Poutine, ont-ils vocif�r�. Ils ont propos� de lancer contre les forces russes des frappes � partir des bases de l'OTAN dans les pays baltes. Le Pentagone vantait les avantages d'�tre les premiers � ass�ner une bonne frappe nucl�aire.

Les Russes se sont pr�par�s pour le pire, constern�s. Dans une paisible datcha � l'ouest de Moscou, mes amis scientifiques russes ont �tudi� le projet d'Andr� Sakharov connu sous le nom de code "the Wave" (La Vague) visant � nettoyer toute la C�te Est des US au moyen d'un gigantesque tsunami (oui, c'est bien le m�me Sakharov). Ils ont lou� le Perimeter, syst�me l�tal apocalyptique que la Russie a h�rit� de l'URSS et qui l'assure de la destruction totale des US m�me si la Russie devait �tre ray�e de la carte.

Des armes in�dites et secr�tes �taient mentionn�es.

Ao�t 2014 ressemblait de plus en plus au mois d'ao�t 1914 ou � celui de 1939, le compte � rebours avant une tr�s Grande guerre �tait en marche. C'est alors que, le discours de Crim�e du pr�sident Poutine, � la tonalit� conciliante, indiqua que le danger d'une conflagration g�n�rale avait quelque peu recul�. La Russie remontait la pente de l'ab�me.

Il s'agit ostensiblement d'une guerre des nerfs, d'un duel entre la Russie et les US; m�me si de nombreux �tats, petits et grands, de la Chine � la Bolivie, manifestent un grand int�r�t pour le d�mant�lement de l'h�g�monie US, la Russie reste le seul qui ait la volont� politique, le poids militaire et la capacit� de r�sistance �conomique pour se permettre une embrouille avec le bison.

Afin de pr�server sa place de dernier consommateur tout en haut de la cha�ne alimentaire, les US veulent couper les ailes � la Russie, humilier publiquement Poutine et le remplacer; r�affirmer leur sup�riorit�, brutaliser les �conomies europ�ennes et resserrer leur soumission envers Washington; mettre un terme aux �vocations de leur d�clin, �liminer l'opposition, faire du traitement de la Russie un cas d'�cole pour tous les �ventuels candidats suivants � la r�volte.

Les objectifs de la Russie ne sont pas aussi grandioses: le pays veut juste vivre en paix � sa fa�on et �tre respect�. Ce d�sir, les opposants l'ont qualifi� de "menace pour l'architecture de l'ordre mondial post-guerre froide", ce qui est probablement vrai, parce que le dit "ordre" refuse aux nations le droit � la paix et � l'ind�pendance.

Les Am�ricains n'en sont pas � une guerre pr�s. Ils ont gagn� dans chaque guerre: ils ont eu des pertes supportables, ils ont pr�serv� leur base industrielle et ils ont tir� profit de leurs victoires. Leurs guerres mondiales et leurs guerres r�centes, en Afghanistan, en Irak et en Syrie leur ont rapport� gros. Une guerre entre la Russie et l'Europe avec quelque soutien am�ricain aurait �galement, � leurs yeux, bien des c�t�s attrayants.

Les Russes veulent �viter la guerre. Ils ont eu une rude et saum�tre exp�rience des guerres mondiales: la Russie s'est effondr�e au cours de la premi�re, et a souffert intens�ment pendant la deuxi�me. Dans les deux cas, le d�veloppement a pris du retard, la mis�re et le d�sastre �conomique se sont abattus sur elle. Les Russes n'ont pas pris plaisir � leurs autres guerres de moindre envergure; d'aucune, ils n'ont tir� le moindre profit ni avantage.

Paradoxalement le d�sir russe d'�viter la guerre fait que celle-ci se rapproche. Les militaires et politiciens US ne craignent pas de jouer les gros bras avec les Russes parce qu'ils sont s�rs qu'ils vont s'aplatir tout de go. Cette fausse certitude les rend plus os�s et s�rs d'eux � chaque nouveau round.

La Russie n'est pas seule. La Chine a l'habitude de la soutenir dans ses choix, l'Inde sous Modi se rapproche, l'Am�rique latine construit son alliance avec la Russie, l'Iran cherche l'amiti� avec Moscou. Ph�nom�ne aussi important, dans chaque pays il y a des gens qui sont insatisfaits par le cadre existant de la post guerre froide qui rogne la souverainet� nationale partout. Ce sont des gens qui ne sont pas trop loin du pouvoir en France, o� Marine Le Pen GAGNE des points � chaque �lection. D'ailleurs, les Am�ricains qui pr�f�rent vivre � leur mani�re, comme les US avant la Deuxi�me Guerre mondiale, comme un pays normal, et non pas comme les sheriffs du monde entier sont aussi des alli�s potentiels des Russes.

Les US ne sont pas seuls non plus, ils ont leurs alli�s fid�les, l'Angleterre d�vou�e, l'Arabie Saoudite riche, l'Isra�l malin, et une pl�thore de politiciens importants dans tous les pays du globe qui ont �t� form�s et promus par diverses agences US. Il n'y a probablement pas de pays o� les agents US ne soient pas tout pr�s du pouvoir: Karl Bildt en Su�de, Tony Blair en Angleterre... En Russie ils occupent plusieurs positions autour du sommet, parce qu'ils y ont �t� install�s pendant les ann�es noires du gouvernement de Boris Eltsine. Tous ceux qui veulent que leur pays serve l'empire sont des alli�s des Am�ricains.

Il ne s'agit pas seulement d'un affrontement Us contre Russie, mais aussi entre la machine et l'homme. Tout � leurs complots en politique �trang�re, les US font de plus en plus confiance � la th�orie des jeux �labor�e par les ordinateurs, arm�s de leurs bases de donn�es gigantesques, alors que les Russes pr�f�rent miser sur le contr�le manuel, par l'homme. Les super ordinateurs modernes et les techniques de surveillance donnent aux US une marge d'emprise sur le processus d�cisionnaire russe. De fa�on croissante, le pr�sident Obama appara�t comme un parfait cyborg, qui pr�sente le profil adapt� pour dire ce qu'il faut au bon moment et au bon endroit, mais dont les actes n'ont pas de rapport avec les mots qu'il prononce. Je ne serais pas �tonn� si dans quelque temps nous apprenions qu'Obama a �t� le premier robot humano�de au sommet du pouvoir. Et s'il est humain, c'est vraiment un excellent acteur, dans son r�le de robot. M�me sa femme Michelle et ses filles ont l'air d'�tre le produit d'un bon casting plut�t que sa moiti� dans la vie et leurs enfants.

Poutine au contraire est un humain incontestable, et aussi un homme. On peut ne pas l'aimer, beaucoup de gens ne l'aiment pas, mais ils n'y a pas de doute sur son appartenance � la race humaine. Cela rend le match bien moins pr�visible que ne le consid�re la direction US. Apr�s les ex�cutions horribles de Kadhafi et de Saddam Hussein, on peut avoir de bonnes raisons de pr�f�rer une guerre nucl�aire totale � la d�faite et � la reddition. Et la jeune g�n�ration russe ne partage pas la peur de la guerre de ses p�res, et ils n'ont rien contre des exp�riences avec quelques uns des meilleurs joujoux de leur pays. Pour tester "Satan", qui est candidat?

Surtout, la th�orie des jeux (partiellement d�classifi�e durant la derni�re d�cennie) n'est pas encore au point pour ce qui est des conflits interculturels, o� les antagonistes peuvent JOUER � DES JEUX diff�rents. Ainsi par exemple, vous jouez aux �checs, mais votre adversaire, lui, pr�f�re le kickboxing. Et on a bien l'impression que c'est ce qui se passe ici. Les US jouent au plus fort avec la Russie, alors que la Russie esquive en douceur les cornes du bison am�ricain qui charge.

Les US se voient comme la citadelle d'exception en haut de sa colline, les �lus pr�destin�s par Dieu pour commander sur le monde maintenant et � jamais. L'histoire est finie. Ils veulent donner des le�ons et imposer leurs lois sur le monde entier. Ce qui est amusant, c'est que les Sovi�tiques avaient des id�es assez semblables, posant que le communisme �tait pr�destin� pour achever l'histoire, de sorte que la guerre froide entre deux �tats pr�destin�s �tait chose naturelle. De nos jours les Russes ne veulent pas croire � la pr�destination. Les nations grandissent et faiblissent, et nouent des alliances, et il n'y a pas de fin de l'histoire en vue. Le monde unipolaire est un accident, et il revient maintenant � son �tat normal, multipolaire. La meilleure base d' accord, la plus confortable, c'est de laisser chaque pays vivre � sa guise: "Leben und leben lassen".

Ca faisait longtemps que �a les d�mangeait, les US: il fallait donner une le�on aux Russes; La Russie n'�tait pas en franche r�bellion: elle vendait son p�trole et son gaz contre des billets verts, elle d�posait ses b�n�fices sous forme de bons du Tr�sor US, observait les sanctions contre l'Iran, et n'avait pas interf�r� dans le d�pe�age de la Libye. Mais elle n'�tait pas encore assez ob�issante. La Russie a bloqu� la destruction de la Syrie, elle a jou� avec la d�-dollarisation du commerce p�trolier; elle est pour le Christ et contre le mariage entre gays; astucieusement, elle a tent� de miner l'unit� occidentale en construisant des ol�oducs et des ponts et en offrant des pots de vin aux Europ�ens. Pour faire court: les Russes ont oubli� leur effondrement de 1991.

L'Ukraine a �t� choisie par les US comme un endroit pratique pour d�clencher une guerre, ou au moins pour rabaisser la Russie de quelques crans et se d�barrasser de ce Poutine qui devenait beaucoup trop ind�pendant.

L'Ukraine

Les US gagnent du terrain tandis que la Russie en perd, en Ukraine. Poutine refuse obstin�ment d'envoyer ses troupes � la rescousse. Il s'�chine � trouver une entente avec les US et l'Occident sur l'avenir de l'Ukraine. La Russie a �t� humili�e lorsqu'elle a propos� une aide humanitaire aux villes assi�g�es du Donbass: ses lourds camions sont encore retenus � la fronti�re, dans l'attente de la permission de Kiev pour avancer. Un demi million de r�fugi�s ont franchi la fronti�re russe, quelques milliers de civils, de miliciens et de personnel militaires ont �t� tu�s dans la confrontation.

La guerre pour le Donbass n'a pas �t� particuli�rement r�ussie pour les Russes. Les rapports militaires sont excessivement obscurs et conflictuels, mais il semble bien que les rebelles sont en train de perdre la bataille contre l'arm�e ukrainienne, parce qu'ils n'ont pas de soutien ext�rieur. Tandis que les US pr�tendaient que le conflit �tait caus� par l'intervention russe, la Russie essayait de se tenir en marge de ce conflit. La Russie n'a pas interf�r� � Kiev, alors que tous les ambassadeurs occidentaux et ministres encourageaient la r�volte contre le pr�sident l�gitime. Quand le Donbass a relev� la t�te, la Russie ne l'a pas soutenu.

Premi�rement Poutine n'a pas voulu s'emparer du Donbass, ni de l'Ukraine, deuxi�mement, ni, troisi�mement, ressusciter l'Union sovi�tique. Il a �t� forc� de prendre la Crim�e, base principale de la flotte russe, ancien morceau de la Russie, peupl�e de Russes, et d�sireuse de rejoindre la Russie, parce qu'autrement la Crim�e deviendrait une base navale pour l'Otan, mais il ne voulait pas poursuivre plus loin. Cela ne lui a servi � rien: � l'�chelle internationale, on l'accuse d'�tre responsable du conflit, et � l'int�rieur, on lui reproche sa non-intervention et la d�faite qui s'en est suivie.

La r�volte en Nouvelle-Russie (la moiti� russophone de l'Ukraine) �tait une r�ponse populaire au coup d'�tat inspir� par l'Occident � Kiev, parce qu'il avait de forts relents nationalistes et anti-russes. Les habitants de Novorussie n'auraient pas tent� de faire s�cession si leur langue et leur culture ne s'�taient retrouv�es pers�cut�es, et si leurs liens avec la Russie limitrophe n'avaient pas �t� mis en p�ril. Mais ils n'auraient pas �t� capables d'aller bien loin, tant que leur r�volte n'attirait pas quelques rebelles en mal d'une cause � d�fendre, et le premier de tous a �t� le g�nie militaire et personnage hautement romantique, le colonel Igor Strelkov, le "Lawrence de Russie".

Igor Strelkov donnait des cours d'histoire � l'universit� de Moscou, mais il a d�cid� (tout comme Lawrence d'Arabie) qu'il �tait plus int�ressant de la faire, l'histoire. Il s'est battu en Transnitrie, petite langue de terre entre Moldavie et Ukraine, d�fendant la population locale du carnage pr�vu par les nationalistes moldaves. Il avait �t� volontaire pour constituer une milice serbe en Yougoslavie; il a forc� le commandement de l'arm�e russe indiff�rent � le prendre comme officier pour la premi�re guerre de Tch�tch�nie; il a servi lors de la seconde guerre de Tch�tch�nie, puis, comme volontaire, en Syrie et au Daghestan. Il �crit merveilleusement, c'est un tacticien remarquable, capable de mener ses soldats par la force de son charisme. Ses connaissances le d�crivent comme un casse-cou qui n'a cure de l'argent, du confort, de la vie de famille ou des plaisirs.

Pour Strelkov, la campagne en Novorussie avait un parfum de destin�e. Comme bien des Russes de sa g�n�ration, il r�vait de ressusciter la Russie comme elle �tait jadis, soit en tant qu'Union sovi�tique soit en tant qu'empire russe pr�-r�volutionnaire (ce qu'il pr�f�re). Comme beaucoup de Russes de sa g�n�ration, il consid�rait l'Ukraine comme une partie naturelle de la Russie, et un �tat ukrainien ind�pendant une erreur de d�nomination. En d�pit de son rang, Strelkov est un agent libre; il est arriv� en Novorussie sans la b�n�diction de Poutine et il y serait arriv� et rest� aussi contre la volont� de Poutine. Nous allons probablement entendre parler encore de cet homme remarquable.

Strelkov n'�tait pas seul: un nombre certain de combattants d'Ukraine et de Russie sont venus rejoindre les rebelles. Leur succ�s initial a �t� une surprise pour l'administration Poutine. Mais la r�bellion n'a pas r�ussi � GAGNER les autres provinces. A Odessa, l'arm�e priv�e de Kolomoysky l'oligarque sauvage a fait br�ler vifs quelques cinquante sympathisants des rebelles, sans armes, dans un autodaf� macabre, et cette cruaut� a �pouvant� les joviaux et timides habitants d'Odessa. A Kharkov, le gouverneur a pass� un accord avec le r�gime de Kiev et les �gar�s qui se manifestaient. Il semble que Strelkov, qui est un prodige militaire, soit loin d'�tre un d�magogue brillant. Son r�ve de Grande Russie n'avait pas de sens pour les gens de Novorussie. Ils parlent russe, certes, ils d�testent les gangs n�o-nazis de Kiev et de Lvov, mais ils ne comprenaient pas le nationalisme russe de Strelkov.

Sans engagement russe direct, un mouvement s�paratiste en Novorussie �tait condamn� � �chouer. Il y avait bien un moyen de gagner: conqu�rir toute l'Ukraine, sauf peut-�tre l'extr�mit� occidentale, pour ensuite n�gocier une f�d�ralisation ou m�me une rupture. Cela pouvait se faire en maniant une id�ologie inclusive, acceptable pour Donetsk, pour Odessa, pour Kiev, pour Poltava. Peut-�tre que certaines id�es n�o-sovi�tiques pouvaient resservir; l'insatisfaction envers les oligarques, par exemple. Mais Strelkov et d'autres rebelles avec leur ferme rejet de l'Ukraine per se ne pouvait entra�ner les masses, et ils n'ont m�me pas essay� d'avancer vers Kiev ou Kharkov.

Poutine a r�duit au minimum l'engagement russe dans la guerre du Donbass. Il l'a bien moins soutenu que les US n'avaient soutenu la r�volution du Texas en 1835.Son gouvernement a essay� de pactiser avec le r�gime de Kiev, mais son "pr�sident" a obstin�ment refus� de conclure, sur ordre des Am�ricains. A Kiev, les radicaux de l'extr�me-droite ont attaqu� l'ambassade russe, et les forces arm�es du r�gime ont commenc� � bombarder � l'aveuglette les villes rebelles et � lancer des obus. Cela a constitu� une grande humiliation pour Poutine, qui avait promis de d�fendre les Russes dans l'Ukraine d�faillante. Ses conseillers, en particulier Serguei Glazyev, sp�cialiste de l'Ukraine, a appel� � tirer les le�ons du raid occidental en Libye et � imposer une zone d'exclusion a�rienne au-dessus du Donbass. (En mars 2011, lorsqu'une r�bellion a �clat� � Benghazi, les US et leurs alli�s ont impos� une zone no fly sur certaines parties de la Libye en proclamant qu'ils �taient horrifi�s par les bombardements de Kadhafi le barbare contre les rebelles. La Russie et la Chine s'�taient abstenues, lors du vote au Conseil de s�curit�, et le sch�ma Anglo-fran�ais devint la r�solution qui autorisait une zone d'exclusion a�rienne mais aussi "toutes les mesures n�cessaires" pour prot�ger les civils. Le r�gime de Kiev a certainement tu� plus de civils que Kadhafi; mais Poutine n'a d�clar� aucune zone d'exclusion a�rienne, et n'a pas utilis� sa puissance de feu pour emp�cher l'artillerie de Kiev de bombarder les civils.

La Russie a fait bien peu pour le Donbass. En ce moment les Russes tentent de n�gocier une conclusion pour la guerre du Donbass. Ce qu'on en sait laisse augurer une certaine autonomie pour le Donbass � l'int�rieur de l'Ukraine.

Bien des Russes ont tendance � �tre tr�s d�sappoint�s. Mais certaines entreprises, justifi�es ou non, sont vou�es � l'�chec. La vie est pleine de d�ceptions. Je me souviens des s�paratistes Ibo du Biafra, qui avaient �t� vaincus par le gouvernement central. Les s�paratistes de l'Azerba�djan iranien ont �t� vaincus, malgr� le fait qu'ils avaient le soutien de Joseph Staline. Les US n'ont pas r�ussi � reconqu�rir Cuba. Les Argentins n'ont pas r�ussi � lib�rer les Malouines. La liste est sans fin. Peut-�tre que les Russes doivent attendre un occasion plus propice.

Est-ce que Poutine a baiss� culotte?

Pourquoi est-ce qu'il a flanch�, sur la Novorussie? Aucun doute, la Novorussie est extr�mement importante pour la Russie. Les troupes de l'Otan et les missiles US � Donetsk et � Lugansk mettraient en danger la Russie. Leur perte serait une menace pour l'industrie de la d�fense russe dans la mesure o� cette partie de l'Ukraine �tait pleinement int�gr�e � la Russie depuis le temps du tsar. �tait-ce la peur d'un engrenage fatal? Le pr�sident Poutine a-t-il consid�r� l'intervention sur le mode humanitaire comme un pas en avant trop dangereux pour son pays?

Du point de vue de Poutine, l'Europe est plus importante que l'Ukraine. Il a envie de sacrifier le Donbass dans l'espoir de gagner Berlin. Pendant des ann�es il a courtis� la vieille Europe. M�me ses JO avec ses spectacles co�teux �taient destin�s � l'Europe: il voulait faire comprendre aux Europ�ens que la Russie fait partie int�grante de l'Europe. Poutine parle allemand, il a servi en Allemagne comme officier du KGB dans les derni�res ann�es de l'URSS, et il a un faible pour l'Allemagne.

La machine de propagande US a appel� les Europ�ens � d�fendre l'Ukraine de l'ours russe, en assurant que les Russes ne s'arr�teraient pas en Ukraine mais continuerait sur leur lanc�e jusqu'� l'Atlantique. Cette annonce a eu quelque succ�s, d'autant plus qu'elle tombait � point apr�s la tr�s longue campagne m�diatique anti-russe (les gays, les orphelins, les toilettes � Sotchi etc). Poutine avait peur qu'en prenant le contr�le de l'Ukraine il puisse s'ali�ner l'opinion publique europ�enne. Il a donc temporis�, jusqu'au choc de la catastrophe de l'avion malais.

Le VOL malais

Le crash de l'avion malais a �t� une catastrophe majeure � plusieurs �gards. En soi, pas tant que cela: trois cent personnes par jour se font descendre � Gaza, en Irak, au Donbass. Les Europ�ens et les Am�ricains ont oubli� le vol cubain 455 ou le vol 655 iranien, ou le vol 114 libyen, parce qu'ils ont �t� abattus par "les n�tres". Mais cela a �t� l'occasion pour la machine m�diatique occidentale pour se l�cher avec toute sa sinistre puissance. Cette machinerie est aussi puissante que les armes nucl�aires; elle paralyse dirigeants et nations, quand elle donne toute sa voix. Des milliers de cha�nes de TV, de journaux, de programmes de radio, de blogueurs, de sites internet, d'experts, de ministres, de pr�sidents ont entonn� d'une seule voix un message unique, terrifiant comme une Vox Dei, alors que ce n'�tait m�me pas une vox populi, mais un simple gadget des Ma�tres du Discours**, semblable aux grandes trompettes que les Romains utilisaient pour effrayer les Barbares.

Tous les journaux britanniques ont sorti des photos d'enfants morts avec des l�gendes du style "assassin� par Poutine". Les Russes �taient outr�s par cette furieuse explosion de propagande. Les gens pleuraient; certaines personnalit�s faibles et faciles � �mouvoir ont admis leur culpabilit� et ont allum� des bougies devant l'ambassade hollandaise � Moscou. Pourquoi la Hollande, alors que l'avion �tait malais? (Parce que la Hollande est un pays europ�en blanc, alors que les Malais ne le sont pas?)

Pourquoi cette culpabilit�, alors qu'on ne savait rien encore? Pourquoi ne voyons-nous pas d'images des enfants massacr�s � Gaza avec la l�gende "�gorg�s par Netanyahu", ou d'enfants irakiens tu�s avec la mention "assassin�s par Tony Blair", ou de b�b�s afghans "massacr�s par Obama"? Tel est l'incroyable pouvoir des Ma�tres du Discours: quand ils se d�cha�nent, les gens perdent la t�te et paniquent.

J'ai accueilli favorablement tous les sch�mas conspirationnistes sur cette affaire, comme dans le cas du 11 septembre. Non que je croie ou que je pr�f�re tel ou tel sch�ma. Je vois cela comme un moyen utile pour nous soulager de l'hyst�rie de masse induite par les m�dias. Il est n�cessaire de semer le doute pour retrouver la sant� mentale et �vacuer la pression.

Si une th�orie conspirationniste sur le 11 septembre avait triomph�, cela aurait sauv� la vie � des milliers de musulmans tu�s en Afghanistan, en Irak et ailleurs. R�cemment, les juifs isra�liens ont �t� plong�s dans l'hyst�rie de masse lorsque trois jeunes colons ont disparu. Cette hyst�rie de masse a d�bouch� sur un demi-million de r�fugi�s et les deux mille morts de Gaza. La tentative pour semer le doute au sujet du r�cit officiel (ils auraient �t� enlev�s par le Mossad etc) visait � sauver des vies. De la m�me fa�on, tout ce qui pouvait amener le doute autour de l'affaire de l'avion malais contribuait � sauver des vies.

Maintenant, un mois plus tard, nous savons qu'il n'y avait pas la moindre preuve d'une implication russe dans le drame. Il y a des �l�ments de preuve solides qui sugg�rent que Kiev et les US y sont m�l�s, le meilleur �tant de type n�gatif: si Kiev et Washington avaient eu une preuve de la responsabilit� russe et/ou rebelle, ils nous auraient bassin� avec cela nuit et jour. Si une analyse d�taill�e de la question vous int�resse, voir ici MH17 Analysishttps://docs.google.com/file/d/0ByibNV3SiUoobnpCVDduaHVORHM/edit, une lecture recommand�e par nos amis. J'avoue que les d�tails ne m'int�ressent pas, pour des raisons semblables � celles de Noam Chomsky quant au 11 septembre. Toute explication qui diff�re de celle que proposent les Ma�tres du Discours est bonne � prendre parce qu'elle brise leur emprise sur nos cervelles, mais l'importance de semblables �v�nements est largement exag�r�e par les m�dias. Quoi qu'il en soit, plus personne ne parle de l'avion malais � pr�sent, et cela signifie que c'�tait un accident ou une provocation rat�e de Kiev ou de Washington, car autrement on nous en rebattrait encore les oreilles.

Cependant, en temps r�el, la catastrophe a�rienne a eu un impact �norme sur les Russes. Pendant un moment, j'ai craint que Poutine d�missionne ou soit chass� du pouvoir, et que la Russie s'�croule. Les US voulaient se d�barrasser de Poutine pour installer une figure plus mall�able sur le tr�ne russe, de pr�f�rence un oligarque comme Porotchenko.

Leur id�e a �t� r�sum�e par Herbert E. Meyer, un espion ("ex assistant sp�cial du Directeur de services centraux de renseignement et vice pr�sident du conseil national de la CIA"), qui �crit: "dans la mesure o� la subtilit� ne marche pas avec les Russes, le pr�sident et sa contrepartie europ�enne devraient se mettre dans la t�te que �a nous est compl�tement �gal, la fa�on dont ces gens peuvent r�gler leur probl�me avec Poutine. Si [les oligarques] peuvent convaincre ce bon vieux Vlady de quitter le Kremlin avec les honneurs militaires et une salve de 21 coups de canon, �a nous conviendrait tout � fait. Si Poutine est trop t�tu pour comprendre que sa carri�re est finie, et que la seule fa�on pour lui de quitter le Kremlin c'est les pieds devant, avec un trou dans la nuque, �a nous irait parfaitement aussi."

La tension a �t� � son comble la nuit du dimanche 20 juillet au lundi 21 juillet, quand Poutine a adress� un court message � la nation, � 1h 40 du matin. A une heure aussi inhabituelle, c'�tait un message ma�tris�. Poutine n'a rien dit d'important. Le lendemain, il �tait cens� faire un discours important pour son propre cabinet de s�curit�. L� encore, il n'a rien dit d'important. A mon avis, le pr�sident Poutine voulait juste signifier qu'il est toujours en vie, en forme, et aux commandes. Apparemment, ce n'�tait pas �vident, pour certaines personnes, en Russie ou � l'�tranger, cette nuit l�.

(A suivre)

* "Aout 14", titre de l'essai historique de Barbara W.Tuchman, sur le prologue de la premi�re guerre mondiale, publi� en 1962 aux Presses de la Cit�, prix Pulitzer en 1963.

** Voir La Bataille du Discours, par Isra�l Adam Shamir, volume d'essais consacr� au d�veloppement de ce concept, disponible surhttp://www.plumenclume.org

contact: adam@israelshamir.net

Traduction: Maria Poumier

http://www.plumenclume.net/articles.php?pg=art1622