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Dialogue Shamir - Ignatiev

20 mars 2005;
traduction : "l'Omnivore Sobriquet" <omnivore.sobriquet@wanadoo.fr>

Notre bon ami No�l Ignatiev, l'un des �diteurs du magazine Race Traitor ['Le Tra�tre � sa Race', ndT], s'est rendu en visite en Palestine, et nous avons pu avoir des conversations longues et exhaustives. Par la suite No�l a r�dig� un 'compte-rendu non officiel' de son voyage, avec des pr�sentations de mes points de vue "discutables"(voir extraits � la fin.) C'est une pr�sentation fondamentalement juste et bien-intentionn�e; No�l devait justifier de ses contacts avec moi aupr�s de ses camarades et l'a bien fait.

Comme toujours, quelques malentendus ont perc�; j'ai �crit cette correction pour vous pr�senter mes vues.

Cher No�l,

Merci pour votre long expos� de nos discussions. Il fait probablement sens de mettre en valeur quelques points de malentendus :

� Vous �crivez : � Shamir est pro-Noirs. Il consid�re le peuple Noir comme constituant le pan le plus progressiste de la soci�t� U.S. � L'ayant bien compris comme un compliment venant de votre part, mon ami, je me dois cependant de le rejeter. En fait, je ne m'inqui�te pas trop pour les Noirs, une minorit� petite et particuli�re d'ex-esclaves qui ne s'est pas int�gr�e compl�tement dans la soci�t� am�ricaine moyenne. Leur probl�me vous distrait plut�t, avec vos amis am�ricains, de la plus importante bataille � mener contre vos �lites du pouvoir. Au lieu de combattre le Pouvoir (vous pouvez le d�crire par le terme Capital, bien que ma vision soit diff�rente,) vous continuez � vous battre contre 'les racistes'. C'est un probl�me de minorit�s, comme le probl�me des mariages gay ou celui des souffrants du SIDA. Vous faites une erreur (de bourgeois de gauche, en termes marxistes) en vous attachant � un probl�me de minorit�s aux d�pends de la lutte principale.

� Certainement, ces probl�mes de minorit�s varient des plus petits (comme la qualit� du service dans une station-essence), � celui bien plus vaste de la discrimination raciale, mais probl�mes de minorit�s ils demeurent pour votre pays (au contraire de Palestine/Isra�l, o� la discrimination et l'in�galit� sont un probl�me majeur). A mon sens, nous devons changer la chose principale, briser le Pouvoir, rien de moins.

� Pas une seconde je ne crois que � le peuple Noir constitue le pan le plus progressiste � ni que le Salut viendra d'eux. Je ne suis ni 'pro- ni anti-Noirs'. J'admire Cynthia McKinney, non pour sa n�gritude, mais parce qu'elle s'est dress�e avec courage pour la cause la plus juste. Je ne suis pas sensibilis� au probl�me de la couleur; Je ne suis pas m�me s�r que le probl�me d'assimilation d'ex-esclaves dans la soci�t� am�ricaine soit d� � leur couleur de peau, mais peut-�tre plut�t � leur position sociale historiquement basse. Assur�ment, des Africains noirs de haute condition m'ont dit n'avoir v�cu aucun traitement raciste aux USA. Nous avons l'exemple des Buraku au Japon, qui ont constitu� une minorit� sociale d'un statut extr�mement bas dans la soci�t� pr�-Meiji, et qui sont toujours discrimin�s au Japon - bien que racialement impossibles � distinguer des autres Japonais. Puis il y a le probl�me des Intouchables en Inde, qui ne sont pas si diff�rents racialement d'autres Indiens. De tels probl�mes doivent �tre soign�s lentement et patiemment, en prenant en compte les conditions locales. La discrimination devrait �tre interdite, mais par la suite une soci�t� tend � �voluer lentement.

� Ceci est li� avec votre plus grande m�prise : � la meilleure �tiquette pour les id�es politiques [de shamir], c'est national socialisme �. Bon, je ne suis pas horrifi� par votre suggestion. En fait, je vis dans un pays de National Socialisme triomphant. Isra�l �tait un Etat national socialiste, et poss�de encore des vestiges de ce r�gime, m�me si maintenant sa tendance socialiste a pratiquement �t� d�faite. Mais je m'oppose au national socialisme isra�lien, et � tout autre NS pour les raisons suivantes.

� Je partage avec les nationaux-socialistes la croyance en l'existence 'd'unit�s organiques', mais je ne consid�re pas la 'nation' comme le corps organique de base, ni la 'race' comme l'�l�ment b�tisseur, ni le 'sang' comme facteur de d�finition. De mon point de vue, l'entit� organique est une unit� territoriale bien plus petite que ne l'est la nation actuelle. Par exemple, aux USA j'envisagerais la Nouvelle Angleterre, le Dixie [ou Dixieland, les onze �tats du sud qui furent les Conf�d�r�s ndT] ou le mid-West - comme corps organiques. Je peux me tromper, peut-�tre des unit�s encore plus petites - �tats, r�gions - sont aussi organiques dans votre pays. En France, des provinces comme la Bretagne et la Provence sont des corps organiques ; en Allemagne - la Bavi�re, la Saxe et d'autres 'L�nder' ('Pays').

� Le National Socialisme �tait un mouvement quasi-Juda�que en ce qu'il pr�f�rait le 'sang' au 'sol'. Pour le NS, un Allemand est un Allemand o� qu'il vive, comme un Juif est un Juif, pour les Juifs, m�me sur Mars. C'est pourquoi le NS �tait un mouvement d'unification de tous les peuples germanophones de la Volga � l'Alsace ; je m'�l�ve et m'en tiens � la compl�te individualit� d'unit�s distinctes, contre Ein Reich, ein Volk, et j'ai pour id�al, en fait, celui de l'Etat et R�volution' [de L�nine].

Voil� pourquoi (et non pour cause de 'dilution du sang', comme c'est le cas pour les NS), je suis oppos� � la migration entre entit�s organiques : par exemple, la migration d'un Parisien vers et dans la Bretagne rurale est tout autant nuisible que la migration d'un Noir de Virginie dans le Montana. Votre probl�me racial est principalement un probl�me de migration entre unit�s organiques.

� En quoi les 'unit�s organiques' sont-elles si importantes ? Cela ne tient pas seulement � leur vari�t� de beaut�s et � la mosa�que imbriqu�e du monde. L'existence de la Normandie ou du Nantucket a une valeur intrins�que qui ne doit pas �tre abandonn�e contre la fausse monnaie du 'droit � la libre circulation'. Mais la premi�re raison est plus formidable encore. Les �tres humains ont un vrai besoin d'unit�, aussi vrai que leur besoin d'union sexuelle. Cette unit�, ou solidarit�, dans sa forme id�ale est l'unit� en Dieu, celle des gens unis en l'Eglise. Mais afin de pouvoir fonctionner ensemble, les gens devraient �tre fa�onn�s par leur territoire aussi. Le territoire n'est pas un espace vide, mais une unique unit� de terrain, avec son propre climat, son agriculture, sa flore et sa faune, apprivois�e et sauvage.

Vivant ensemble sur une longue dur�e, les gens d'une unit� territoriale en arrivent � partager les m�mes caract�ristiques/qualit�s, et de la sorte sont capables d'atteindre l'unit� plus facilement et plus rapidement que dans une soci�t� h�t�rog�ne. C'est pourquoi ils expriment de la 'x�nophobie', c'est � dire le d�sir normal dans les soci�t�s homog�nes de n'avoir aucun �tranger en leur sein qui ralentira l'�lan vers l'unit�-en-Dieu.

� Dans la tradition juive, un �tranger qui accepte de dormir dans la m�me pi�ce qu'un couple mari� est consid�r� comme 'un tueur', parce qu'� cause de sa pr�sence le couple est forc� � s'abstenir d'union sexuelle.

Pareillement, nous devrions faire attention � ne pas entraver l'union sacr�e d'une unit� organique en imposant des id�es et des paradigmes qui interf�rent avec elle. Par exemple, un Juif sensibilis� au respect des droits civils, et qui s'oppose � l'�rection d'une sc�ne de la Nativit� sur une propri�t� publique agit comme un �tranger dormant dans la chambre d'un couple mari�.

� Les unit�s organiques ont des droits, comme les �tres humains - ou m�me les entreprises - en ont. Dans le paradigme n�o-lib�ral, les soci�t�s humaines n'ont aucun droit, seuls les individus et les entreprises ont des droits. Probablement la seule exception tient dans les droits collectifs des Juifs; et ceci nous oblige � porter plus d'attention sur la centralit� des Juifs dans l' Ordre Mondial N�o-Lib�ral. ['liberal' est � prendre autant au sens fran�ais que celui, typiquement am�ricain, de 'progressiste citoyen bobo' - ndT]

� Consid�rant ces unit�s 'organiques', leur 'x�nophobie' n'est en rien diff�rente d'un syst�me immunitaire biologique rejetant un corps �tranger ou un implant. Naturellement, les unit�s ont une certaine capacit� � absorber des �l�ments �trangers, mais cette capacit� est limit�e. La migration intra-unitaire sape l'immunit� et cr�e une sorte de 'syndrome d'immunod�ficience acquise' qui entra�ne la mort de l'unit� organique. Une unit� morte est une unit� qui n'a pas de solidarit� entre ses membres. Cela peut �tre constat� en termes de fracture sociale ou par l'intensit� de l'exploitation qui y r�gene. Ce n'est pas par hasard si deux soci�t�s d'immigrants, anti-indig�nes - celle des Etats-Unis et d'Isra�l - affichent le plus grand foss� social, parmi les pays d�velopp�s, et les pires conditions pour leurs travailleurs indig�nes.

� La mort n'est pas �ternelle; il y des forces en action qui essayent de ramener une entit� morte � la vie. Si le bombardement par immigration en vient � cesser, ces forces remporteront la victoire. Par exemple, Les Normands conquirent l'Angleterre; ils tu�rent la vieille unit� organique et cr�erent une chim�re � base de 'cheval et cavalier'. Mais l'approvisionnement en vint � se tarir; et les Normands en Angleterre furent en fin de compte absorb�s, comme les Espagnols en Irlande ou les Hugenots en Su�de. En l'absence de migration inter-r�gionales, les r�gions des USA auront une chance de redevenir vivantes � nouveau - ceci si elles combattent l'ali�nation et promeuvent la solidarit�.

� Economiquement, je me tiens au p�le oppos� du NS, car moi je soutiens le communisme comme la plus haute forme de solidarit�, une projection terrestre de l'Eglise. Le communisme avec l'Eglise est invincible. En URSS, le Parti essaya d'agir comme Eglise, avec quelque succ�s. Mais l'Eglise sans Dieu est comme un co�tus interruptus, cela m�ne � la frustration et la dislocation de l'union. Ainsi le communisme ath�e, priv� de Dieu, �choua, mais il n'est pas dit que le communisme soit impossible. Il reviendra apr�s s'�tre mis en prise avec l'Eglise. Le National Socialisme fut encore plus anti-Eglise et anti-Dieu que le Communisme ou le N�o-Lib�ralisme. Pour moi, Dieu et l'Eglise ne sont pas de rajouts que le rasoir d'Occam facilement d�sinstalle, mais les �l�ments les plus importants de l'existence; de telle sorte que je me dois en r�alit� de d�cliner le titre de National Socialiste. Si une �tiquette est n�cessaire, celle de "Communiste Local Chr�tien" me conviendrait mieux.

� Cependant, m�me les couples heureux ont besoin de quelque espace pour leurs individualit�s; pareillement, nous pouvons accepter certaines dissensions individualistes, dissension �conomique comprise (= libre entreprise) au-dedans des communaut�s organiques. Le peuple devrait-�tre habilit� � mener quelque activit� �conomique mineure, �tant entendu que la soci�t� retire aux plus riches l'exc�dent de leurs gains afin de d�courager la cupidit�. Ainsi, je suis en faveur d'une taxation extr�mement lourde (plus de cent pour cent) pour les opulents, z�ro taxation pour les gens ordinaires, et pour que les dettes ne puissent �tre recouvr�es par la force.

� Mon attitude envers les Juifs est assez diff�rente de celle du NS.

Alors que le NS se pr�occupe de la 'race juive', acceptant de ce fait pleinement l'auto appr�ciation juive, je m'en tiens � la position Chr�tienne-Orthodoxe et nie l'existence d'une 'race juive', car personne n'est tenu d'�tre Juif. Je rejette enti�rement la 'tendance juda�que', c'est � dire, dans les termes de Marx, anti-solidariste, antisociale tendance � � tourner l'homme ali�n� et la nature ali�n�e en objets ali�nables, vendables. � Le combat contre l'ali�nation est le plus important combat, dans ma vision ; et ici je suis Simone Weil, qui �tait aussi anti-juda�que que possible. Mon attention pour les 'unit�s organiques' est ce que Simone Weil nomme 'l'enracinement', le besoin de racines.

� Disant cela, je vois dans le combat contre le privil�ge juif une importante direction dans le combat contre le Pouvoir. Pour des raisons historiques, les Juifs sont devenus un groupe dominant dans l'Ordre Mondial N�o-Lib�ral, comme en t�moignent aujourd'hui les p�lerinages massifs des dirigeants mondiaux, dont Koffi Annan, vers le Mus�e de l'Holocauste. Comme chaque Juif peut cesser d'�tre (= de se comporter en) juif, nous sommes en guerre contre ceux qui n'utilisent pas cette opportunit�. Le combat pour � lib�rer les Juifs en lib�rant le monde des Juifs �, dans le texte de Marx, �tait une part importante de l'id�ologie de la Gauche ; cela devrait prendre un nouveau d�part, et non laiss� au NS.

� Nous pouvons extraire le grain de la raison et de la v�rit� de toute mauvaise id�e. Derri�re les descriptions parano�aques, sadiques des Turner Diairies [Carnets de Turner], on peut voir le d�sir d'une soci�t� solidaire, o� le peuple est un. Mais dans l'univers sans dieu de Pierce, une telle unit� ne peut �tre r�alis�e que dans le meurtre de masse. Si Pierce avait conscience de Dieu, il conna�trait une autre voie pour atteindre l'unit�, qui est celle de la communion. Tandis que vous �tes horrifi�s par son racisme, je ressens de la compassion pour un homme solitaire qui cherche la solidarit� et ne sait pas o� la trouver. S�rement ses r�ves de 'journ�es de la potence' sont plut�t r�voltants - jusqu'� ce qu'on se rappelle les r�volutionnaires dont le r�ve �tait de 'pendre le dernier roi avec les tripes du dernier cur�'.

� Il est possible que je sois moins horrifi� par les Carnets que vous ne l'�tes, car ma lecture est celle d'une paraphrase d'un livre sioniste pour la jeunesse des ann�es 1946-48. Remettez simplement les mots 'Britannique' � la place de Syst�me, et 'Arabes' � la place de Noirs, enlevez les r�f�rences � l'arme nucl�aire et vous obtiendrez un texte juv�ni le isra�lien standard de cette �poque. Les actes de terrorisme se lisent comme les glorifications habituelles des attaques de Lehi sur les postes de polices british et les souks arabes. L'expulsion des Noirs et la joie de cet auteur � voir travaillant aux champs un collectif purement blanc se lit comme les carnets authentiques de Josef Weitz, � la t�te du D�partement de l'Agence Juive pour la colonisation : il se f�licitait de traverser les terres 'purifi�es' (des Arabes) et d'observer de purs juifs kibboutzim avec une joie similaire. De sorte qu'une personne horrifi�e par les "Carnets de Turner" et collaborant quand m�me avec les Sionistes pourra �tre accus�e de duplicit�, au mieux.

� J'esp�re avoir clarifi� les points principaux du malententendu.

en toute camaraderie,

Shamir

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Extrait du compte-rendu de No�l Ignatiev :

En d�cembre dernier j'avais envoy� � Shamir le courrier suivant (�dit� afin d'�liminer r�p�tition et r�f�rences personnelles) :

Votre proposition tenant la Russie de Staline pour paradis des travailleurs est absurde. Les simples mentions de Orwell et de Soljenitsyne devraient suffire � vous secouer vers plus de r�alit�. La plus grande preuve du caract�re du r�gime Stalinien est dans la facilit� avec laquelle les Brejn�viens puis les gangsters prirent le pouvoir. Pendant quarante ans Staline a fait la guerre aux travailleurs russes, cass� leurs organisations, tuant ou d�portant tout penseur ind�pendant en leur sein, jusqu'� les �puiser et vider et d�moraliser, les marquant simplement � l'avance pour tout 'repreneur' (par exple Vlassov) qui leur offrirait quelque espoir d'�chapp�e.

Ma deuxi�me divergence avec vous porte sur l'importance historique des Juifs. M�me en imaginant qu'aucun peuple tel que les Juifs n'ait jamais exist�, le monde serait � peu pr�s comme tel il est. La soci�t� capitaliste du 19�me si�cle a amen� avec elle la pauvret�, la maladie, et l'ignorance parmi les esclaves de la paye en Europe et Am�rique, sans parler de la famine irlandaise, l'empoisonnement du peuple chinois par l'opium, [et] la r�duction de la population du Congo de dix millions en quinze ans; mais personne n'a jamais envisag� une main-mise juive sur le capital du 19i�me si�cle ni qu'il ait eu un caract�re n�o-Juda�que. Dans � Le Capital � et les � Grundrisse �, Marx analyse et annonce le d�veloppement de la soci�t� de son temps jusqu'au notre qu'il per�oit avec grande acuit�, et s'il n'est certainement pas tendre envers les Juifs il n'emp�che qu'il s'en passe fort bien en tant qu'objet d'analyse. M�me si tout Juif �tait un capitaliste et tout capitaliste �tait un Juif, je demeurerais anti-capitaliste, et non anti-Juifs, parce que le capital est une force conduisant la plan�te � la destruction, et � le Juif � n'en st au maximum qu'une personnification.

Je me souviens de quelqu'un vous reprochant d'�tre trop mod�r� envers David Duke. Vous r�pliquiez que tr�s probablement,cette personne vous faisant ces reproches aurait ais�ment tol�r� le supr�matisme blanc de Duke, s'il n'�tait aussi dirig� contre les Juifs. Dans ce cas, il s'agirait d' une faute grave. Il serait �galement regrettable d' ignorer le supr�matisme de Duke en raison de son opposition aux Juifs. Duke, la National Alliance, et autres avocats du White Power ne sont pas de nos amis, tout anti-sionistes soient-ils...

Shamir n'a jamais r�pondu substantiellement � cette lettre. Comme je m'y attendais, j'ai visit� un h�te charmant et chaleureux, je l'ai d�couvert en guide attentionn�, compagnon de voyage et capable de discuter savamment d'un large �ventail d'activit�s humaines, comprenant l'histoire, la philosophie, la musique, le cin�ma, la peinture et la sculpture, et l'architecture et la physique et les sciences naturelles aussi. Il appr�cie la bonne ch�re et le bon vin et une bonne blague. Il aime les femmes. Il est un bon partenaire en conversation, sachant �couter comme contribuer - except� quand on en vient � certains domaines.

Je dois rapporter n�anmoins ne pas avoir avanc� sur le moindre sujet �voqu� dans ma lettre ou apparu au fil de la conversation. Je vais maintenant pr�senter nos discussions.

  1. Shamir sait son Marx, Les Manuscrits de 1844 inclus. Il pr�tendit avoir �t� influenc� par les mouvements de 1968, et avoir travaill� en Russie avec des groupes comparables au Praxis de Yougoslavie, Cahiers du communisme en France, ou tout bien consid�r� nous-m�mes aux USA. Il m'a dit qu'il tenait l' Etat et R�volution de L�nine comme son apport majeur. Lui demandant comment il conciliait l'appr�ciation de tels �crits avec son attitude positive envers Staline, il r�pondait que les temps �taient diff�rents alors, que Staline se trouvait face � une situation difficile, qu'il avait consciencieusement essay� d'�lever le niveau culturel des travailleurs et paysans, ce qui inclut l'accroissement de la part des personnes d'origines paysannes ou prol�taires dans les institutions d'�tudes sup�rieures et tout sp�cialement au sein du Parti, que les purges des ann�es mi-trente �taient destin�es � l'�limination d'une couche de vieux bolcheviques (d'origine juive pour beaucoup) qui en �taient arriv�s � consid�rer l'Etat comme un bien priv�-propri�t� personnelle, et que la diffusion de la brochure � L'Etat et R�volution � � des dizaines de millions d'exemplaires �tait une marque de son d�vouement � l'id�al d'une d�mocratie prol�tarienne. En r�ponse � mes remarques que Staline avait surtout eu pour fonction historique d'industrialiser la Russie, de venir � bout de l'illettrisme, d'�manciper les femmes formellement, et en g�n�ral d'amener les conditions n�cessaires finalement � l'accumulation capitaliste, et que les gangsters d'aujourd'hui sont la prog�niture aboutie [de l'oeuvre de Staline], il m'accusa (sur le mode de l'humour) de lui rappeler les Protocoles des Sages de Sion. A mes commentaires que je n'avais pas lu ces Protocoles ni ne parlais de conspiration des Juifs mais de la logique du d�veloppement capitaliste, pas de r�ponse.

  2. Shamir est d'une fermet� sans �quivoque dans ses �crits comme en conversation priv�e dans son opposition � ce qu'il appelle l'id�ologie juda�que et les int�r�ts juifs, et non aux personnes d'origine juive. Il admire sinc�rement Marx, Trotsky, Rosa Luxemburg, Simone Weil, et autres d'origine juive ayant refus� d'�tre identifi� comme Juifs, et �galement Isaac Deutscher, Chomsky et autres qui n'ont pas pouss� si loin. Il n'y a rien de raciste ou racial dans son attitude. Je sugg�rais que les Juifs �taient au maximum un vecteur en Europe et Nord-Am�rique d'une id�ologie qui aurait exist� sans eux, et j' amenais sur le tapis les cas de la Chine et du Japon, au capitalisme sans Juifs. Et je lui disais que de s'en prendre � aux Juifs � plut�t qu'au capital �tait dangereux en ce que cela permettait de favoriser un secteur du capital (� productif �) sur un autre (� sp�culatif �.) Il admit que les Juifs ne pouvaient �tre tenus pour responsables en Chine et au Japon. Et il admit qu'il trouvait le capital d'industrie pr�f�rable � la phase financi�re actuelle, qu'il identifie comme �n�o-Juda�que. � En consid�rant la r�alit� du global parasitisme actuel, la tendance � pr�f�rer la pr�c�dente est compr�hensible; dans le cas de Shamir cela peut expliquer son �valuation positive du r�gime de Staline, qui �tait tout � fait du type �productif. �...

  3. Nous avons eu nos discussions les plus difficiles et acrimonieuses sur la blanchitude en Am�rique. Shamir est pro-Noir. Il consid�re le peuple Noir comme constituant le pan le plus progressiste de la soci�t� U.S. Il a publi� des odes � Cynthia McKinney (la membre du Congr�s Afro-Am�ricaine d'Atlanta ayant �t� d�faite [un temps! ndT] par L'AIPAC and co pour son opposition � la politique US au Moyen-Orient.) Dans le m�me temps il estime que l'oppression raciale n'est plus la politique de la classe dominante, et qu'elle n'existe qu'en temps qu'h�ritage, incapable de faire grand mal.

Il pense que nous donnons trop d'importance � la couleur, et que nous devrions d�velopper des programmes repr�sentant � la majorit� �, et non � les dix pour cent.� J'ai avanc� les arguments que vous pouvez imaginer, sans effet. Il semble autant sourd sur le sujet que les gauchistes blancs qu'il nous a fallu affronter pendant trente-cinq ans. M�me apr�s lui avoir expliqu� que notre but n'est pas dans un combat pour � les dix pour cent �, mais dans la confrontation avec la barri�re emp�chant les travailleurs blancs de prendre conscience de leur unit� de classe, et qu'avec joie nous oublierions la couleur d�s que les travailleurs blancs l'auront de m�me fait, il m'accusa avec le RT [Race Traitor, le Tra�tre � sa Race] de ne nous battre toujours que pour � une minorit�.�

  1. Quelques pr�cisions : il voit la grande gr�ve des professeurs de 1968 comme une r�ponse � la tentative de restructuration de la part de la classe dirigeante (� juive �) utilisant l'exigence d'une � community control �, la reconnaissance des demandes communautaires, et �nonce qu'au lieu de soutenir ce 'community control 'des gens comme nous auraient d� t�cher de trouver un point qui puisse unir Blancs et Noirs. Il souligna que les Juifs ne mettent pas leurs enfants dans les coll�ges publics urbains. Il ne fit pas plus r�f�rence au fait, qu'il conna�t pourtant, je le sais, que les Juifs constituaient une majorit� dans les syndicats des professeurs et la totalit� de leurs dirigeants. Malheureusement je l'ai laiss� s'en tirer sans avoir � s'expliquer sur ce paradoxe que le principal ennemi des efforts � juifs � pour d�truire les coll�ges publics �tait la tr�s � juive � Teachers' Union. Sont point de vue sur la crise des bus d'�coles de Boston 73 �tait coh�rente avec son interpr�tation de la gr�ve de New York, c'est � dire que la classe dirigeante utilisa la revendication du transport scolaire comme moyen de d�truire les coll�ges et �coles publics, et qu'au lieu de soutenir cela nous aurions d� rechercher un moyen d'unir Noirs et Blancs.

  2. Comme quiconque prenant l'histoire s�rieusement, Shamir la lit � l'envers: il a sa propre interpr�tation de � Naissance d'une Nation, � caract�risant les abolitionnistes am�ricains comme pr�curseurs de l'imp�rialisme US. J'ai essay� de lui donner une le�on d'histoire (il conna�t quelques travaux de DuBois, mais pas Black Reconstruction [Reconstruction Noire]), d�crivant les efforts des anciens esclaves visant � r�aliser une r�volution � l'int�rieur de la r�volution. J'ai conc�d� que les activit�s des esclaves et de leurs alli�savaient d�bouch� sur la victoire du capital industriel, mais je lui disais que la responsabilit� ne leur en incombait pas mais qu'elle incombait � l'�chec du prol�tariat blanc � reconna�tre un mouvement ouvrier d�s lors qu'il a la peau noire.

Il �couta et dit, � Les temps ont chang� depuis lors, et la lutte pour l'�galit� raciale n'a pas le m�me potentiel que jadis. � Une position raisonnable, me disais-je, et je me f�licitais d'une petite perc�e, jusqu'au lendemain o� il d�crivit Wendell Phillips comme l' � un de ceux toujours pr�ts � partir d�fendre les esclaves par-del� les mers plut�t que les prol�taires sous leurs nez � comme s'il n'avait pas entendu un mot de ce que je lui avais dit.

  1. Shamir s'oppose � l'immigration massive, sur la base qu'elle est dommageable tant pour l'immigrant que pour la soci�t� d'accueil. Son opposition n'est pas motiv�e par des sentiments raciaux, et il n'est pas absolu : il croit qu'un petit nombre de gens p�n�trant une soci�t� de l'ext�rieur peut �tre b�n�fique. Pour pr�venir des transferts de populations massifs, il pr�conise une combinaison de transformations �conomiques dans les pays du Sud et de restrictions en Europe et Am�rique du Nord. Lorsque j'exprimai mon opposition � son id�e, bas�e sur le fait que si les travailleurs d'Europe et d'Am�rique du Nord acceptaient de restreindre l'immigration alors ils ne pourraient plus se constituer comme membres d'une classe globale, et qu'ainsi il n'y aurait pas de transformation du Sud, il m'accusa de n'attacher aucune importance aux cultures traditionnelles. Je rejetai ce reproche, disant qu'avec lui j'acqui��ais que les changements se produisent mieux quand ils sont graduels, mais j'ajoutai que le mal cr�� par l'installation de murs �tait bien sup�rieur � celui provoqu� par leur destruction... Tout comme Isra�l a fait plus que Hitler pour d�truire ce qu'il pouvait y avoir de quelque valeur dans la culture Yiddish, l'exclusion des immigrants contribuerait plus que leur admission sans entraves � la destruction de ce qu'il pourrait y avoir de valeur dans la tradition am�ricaine, dont l'ouverture envers les nouveaux arrivants. Il �couta poliment mais rajouta: � Non, vous n'attachez aucune valeur � la culture traditionnelle �.

Charitablement, il ajouta qu'il devrait y avoir de la place dans le monde pour mon opinion et celle de ceux qui valorisaient la tradition par-dessus tout.

  1. Shamir dit que puisque l'�galit� raciale a largement �t� atteinte, nous n'avons pas besoin de nous embarrasser du pass� de personnages comme David Duke, qui parle plus � pr�sent contre le sionisme et la guerre en Irak que contre les Noirs comme par le pass�. Il nous conseilla de trouver un moyen de faire cause commune avec lui contre le gouvernement f�d�ral. Je r�pondis que m�me s'il avait abandonn� explicitement son id�e de supr�matie blanche, et m�me si c'�tait sinc�re de sa part, l'on devait n�cessairement garder � l'esprit que la solidarit� blanche avait le potentiel, �tant donn� la tradition am�ricaine, d'une base de ralliement pour un mouvement. Tant que l'�conomie se maintiendrait plus ou moins, aucun mouvement supr�matiste blanc explicite ne pouvait constituer une menace bien consistante, mais que si le dollar s'effondrait et entra�nait avec lui la vie quotidienne des Blancs ordinaires, il �tait probable que beaucoup chercheraient � r�soudre leurs probl�mes sur le dos des Noirs, comme d�j� par le pass�, g�nocide non exclu, et qu'il �tait envisageable qu'un tel mouvement puisse arriver au pouvoir aux USA, seul ou avec la collaboration d'un secteur du capital. Il appela ceci � pens�e Juda�que, � une prolongation de l'habitude des Juifs � se voir en cible de pers�cutions. Ce fut l'autre occasion qui me porta � la col�re envers lui - m'accuser, moi, d'une � pens�e Juda�que � !

Je quittai Shamir en lui laissant des exemplaires de '"apitalisme d'Etat et R�volution Mondiale", "Race Traitor", et des discours de Wendell Phillips, et lui enjoignis de lire les Carnets de Turner [Turner diaries], mais ne suis pas optimiste. Sur la base de nos conversations et de ses travaux publi�s, je dirais que la meilleure �tiquette � ses id�es politiques pourrait �tre le socialisme national[iste]. Pour les Am�ricains �duqu�s par les films de Spielberg et les images hollywoodiennes de nazis en monocles disant � Nouzafvonlesmoyensdevfousfeereparleere �, j'ajoute empress� que le socialisme national d'aujourd'hui n'est pas le National-Socialisme de 1933.

(de plus, les sympathies russes de Shamir l'emp�chent de s'identifier sans r�serve � Hitler.) Les id�es politiques de Shamir ne sont pas les n�tres (si tant est que ces 'n�tres' puissent encore �tre tenues pour existantes), mais ne sont pas non plus celles de la social-d�mocratie, du localisme vert, du nationalisme tiers-mondiste, de l'anarchisme individualiste, ou libertarisme, et je ne per�ois pas en quoi le socialisme national d'aujourd'hui serait plus dangereux qu'aucune des �tiquettes pr�c�dentes.

Dans une allocution r�cente devant la chambre des Lords britannique, Shamir d�clarait que celui qui soutient Isra�l devrait s'excuser aupr�s de la Rhod�sie et de l'Afrique du Sud. Je suis d'accord avec lui, et de mani�re similaire je dis qu'aucune personne maintenant des relations avec les 'Two Staters' (tenants de la solution � deux Etats) ou bien avec les protectionnistes s'opposant � l'ALENA (ou NAFTA: l'accord de libre �change et de circulation des biens en Am�rique du Nord) ne peut alors trouver d'assise morale dans l'attaque qui est port�e contre moi lorsque je m'oppose � l'exclusion de Shamir d'une organisation anti-sioniste.