Le facteur X (original) (raw)
par Isra�l Shamir
[Conf�rence dans le cadre du colloque � Dialogue entre civilisations � � Kiev (Ukraine)]
Je suis tr�s heureux que l�occasion me soit donn�e de vous rendre visite et de vous rencontrer, car nombreux sont les liens qui nous unissent. Comme vous, je suis originaire de notre pays commun, l�Union sovi�tique. Je suis n� en Sib�rie, o� � comme au Canada � beaucoup d�Ukrainiens se sont install�s. Mais mon regrett� p�re �tait natif de vos contr�es, d�Ukraine occidentale, de Stanislav, devenue aujourd�hui Ivano-Frankovska. Hier, j�ai visit� Ouman, ravissante petite ville, avec son parc somptueux, qui est un chef-d��uvre de jardin paysager de classe mondiale, avec ses jeunes habitants accueillants, ses marronniers ombreux, sa vieille �glise, et je suis all� visiter �galement le mausol�e du rabbin Nahman de Breslau, un saint juif local. Rabbi Nahman a v�cu � l��poque de Napol�on Ier ; il �tait contemporain du compte Potocki et de son �pouse Sophie, la cr�atrice du parc Sofievka d�Ouman. Et, depuis cette �poque l�, il y a, dans le monde entier, des hassidim, ces disciples du rabbin Nahman. Tous ne comprennent pas tr�s bien que le meilleur de la formation spirituelle du rabbi Nahman �tait redevable � l�influence de l�orthodoxie et aussi � celle du peuple ukrainien sur l��me rebelle des juifs. Le rabbin Nahman m�dita � la lumi�re christique, il d�fendit l�id�e de la proximit� avec l��me du Christ, il �tudia aupr�s des paysans et des citadins d�Ouman, et c�est ainsi que le ch�ne depuis longtemps dess�ch� de l��me juive s��panouit � nouveau en terre ukrainienne.
Mais, personnellement, j�ai grandi en Palestine, et c�est de Palestine que je suis venu vous voir � c�est donc du pays de l�orthodoxie que je suis venu en Ukraine, terre orthodoxe. Les habitants de la Terre sainte ont re�u la foi en Christ directement de notre Seigneur J�sus Christ, et c�est de Palestine que cette foi s�est r�pandue dans l�ensemble de l�Empire byzantin, jusqu�� Constantinople. De l�, elle est parvenue � Kiev, gr�ce au saint apostolique Oleg et au prince Vladimir. C�est pourquoi Kiev et J�rusalem sont tout naturellement proches l�une de l�autre, car l�une et l�autre sont unies par l�orthodoxie, la foi en Christ, en la Sainte Trinit� et en la M�re de Dieu. Il est tr�s important de bien le comprendre car la foi, c�est aussi une id�ologie, mais tr�s profonde, et �troitement entrelac�e avec l��me du peuple.
L�orthodoxie, l�islam, la catholicit� et les juifs authentiquement croyants vivent tr�s bien ensemble, en Palestine. Ils vivent dans les m�mes villages, ils prient dans les m�mes temples. Nos musulmans prient dans la Basilique de la Nativit�, � Bethl�em, � c�t� des orthodoxes et des catholiques. La Palestine est un mod�le pour le monde, et notre monde merveilleux et multicolore ressemble � une mosa�que somptueuse ou encore � un tapis persan. Ce mod�le de globalisation pr�serve sa diversit� dans l�harmonie de ses composantes et de son tout, la paix de l��me et la solidarit� entre les hommes, et c�est en cela que r�side la mondialisation des hommes de bonne volont�.
Mais, aujourd�hui, triomphe une autre variante de globalisation. Leur globalisation, � eux, immerge le tapis persan dans un dissolvant, et il en ressort d�une seule couleur : celle du fric. Pour ceux qui s�opposent � une telle globalisation, les ch�timents ont �t� pr�par�s, et pour eux a �t� pr�destin�e la th�orie du Conflit �ternel entre les civilisations. Toutefois, les civilisations n�ont aucune raison d�entrer en conflit. Chaque civilisation a sa niche, son territoire, et on ne voit pas pourquoi elles se battraient entre elles. Entre elles, certes, se produisent des frictions p�riph�riques, aux fronti�res, et l�Ukraine est l�une de ces zones frontali�res mondiales, mais c�est l� plut�t pr�sage d��nergie, de vitalit�, pour la civilisation, plut�t que d�agressivit�.
Certaines civilisations sont si �loign�es de nous, qu�on les croirait sur une autre plan�te, mais d�autres sont proches. C�est pourquoi l�on peut utiliser le mot d�O�koum�n� � pour d�crire les groupes de civilisations proches parentes entre elles. Notre Oikoum�n� se compose de trois grandes civilisations � orthodoxe, chr�tienne occidentale et islamique. Imaginons-nous les comme une fleur � trois p�tales, au centre de laquelle se trouverait la figure unificatrice de J�sus Christ.
Chaque civilisation a sa propre vision du monde. Pour les catholiques, c�est J�sus Homme qui est le plus important, c�est pourquoi, chez eux, on repr�sente souvent la Crucifixion ; pour les orthodoxes, c�est le Christ � Dieu qui est le plus important, et c�est pourquoi dans l�orthodoxie on trouve le plus souvent la repr�sentation du Pantocrator. Les musulmans, quant � eux, v�n�rent l�Esprit Saint. Cela, au total, forme la Sainte Trinit�, autrement dit : la globalisation de l��me. Nous faire la guerre entre nous ? Nous n�avons aucun motif � cela, bien entendu. M�me si, jusqu�� une �poque pas tr�s �loign�e, les id�ologies pr�f�raient expliquer les conflits en termes id�ologiques.
Par exemple, le lib�ralisme contre le totalitarisme, ou, comme l�a dit un contemporain, ayant � l�esprit la bataille de Stalingrad, c��tait les h�g�liens de droite et les h�g�liens de gauche qui se faisaient la guerre� Toutefois, m�me la chute de l�Union sovi�tique n�a pas apport� la paix � l�humanit�. Bien au contraire, le pr�sident am�ricain nous a promis une guerre �ternelle, dont nous ne verrons pas la fin de notre vivant. Quant au sort du malheureux Irak, avec ses mus�es incendi�s et pill�s et ses minist�res occup�s, il nous apprend � prendre les menaces du pr�sident Bush au s�rieux.
Les politologues am�ricains ont impos� l�id�e du conflit entre civilisations afin de justifier leur guerre contre le monde musulman. Mais nous savons bien que les musulmans r�v�rent, eux aussi, J�sus, qu�ils le respectent comme le Christ � Sauveur et qu�ils croient que c�est seulement gr�ce � sa puissance qu�il sera possible de vaincre l�Ant�christ. Il nous est bien difficile d�admettre l�existence d�un Axe du Mal.
Il n�y a pas tr�s longtemps, nous autres, habitants de l�Union sovi�tique, �tions les citoyens de l�Empire du Mal, aux yeux des Am�ricains. Aujourd�hui, l�Axe du Mal semble concerner d�autres galaxies et d�autres plan�tes, mais nous n�avons certainement pas oubli� qu�il n�y a pas si longtemps, l�axe du mal, c��tait nous. C�est la raison pour laquelle nous devons apprendre avec beaucoup d�attention � nous orienter dans les constellations. En effet, le communisme lui-m�me, dans lequel nous vivions il n�y a encore pas si longtemps, �tait une forme particuli�re d�orthodoxie ; c��tait une religion sans dieu, mais qui soulignait la profondeur des id�es chr�tiennes d�amour fraternel et de solidarit�.
Quelles sont donc ces forces am�ricaines qui veulent nous entra�ner dans une nouvelle guerre mondiale ? Quelle civilisation proposent-elles dans le sch�ma des civilisations ? Il serait difficile de les assimiler � l�Europe occidentale, dans la mesure o� les Europ�ens de l�Ouest regardent l�Am�rique avec horreur et inqui�tude. C�est pourquoi, afin de comprendre et d�expliquer les �v�nements pass�s, nous introduisons dans notre sch�ma des civilisations un facteur compl�mentaire � le facteur X. Nous l�appellerons la Quatri�me civilisation, facteur invisible, mais influent.
� Le facteur X est extraterritorial, et en cela, il est susceptible d�agresser une aire d�influence pratiquement illimit�e : son aire d�expansion est mondiale. En m�me temps, comme les autres civilisations satisfaites d�elles-m�mes, le facteur X ne conna�t pas la retenue.
� Parmi ses caract�ristiques, le caract�re vindicatif. En effet, la guerre contre l�Afghanistan d�sarm� s�est d�roul�e sous la devise � venger le 11 septembre �.
� Il �prouve une v�ritable haine pour la solidarit� humaine, en laquelle il voit le � totalitarisme �.
� Les narcotiques � l�Afghanistan a �t� conquis apr�s que les Talibans eurent d�truit les plantations de pavots � opium, et apr�s la conqu�te de l�Afghanistan, la production d�opium retrouva des niveaux encore jamais atteints. Depuis la prise de Bagdad, l�Irak est submerg�e par les narcotiques, qui ne p�n�traient pas dans ce pays du temps de l�horrible Saddam Hussein.
� Une terreur parano�de devant les citoyens, et la volont� de tous les d�sarmer. L�Irak en est un exemple.
� L�amour des tr�s riches et la haine et le m�pris pour les travailleurs.
� Les Banques � les usuriers, la cr�ation de syst�mes de pr�ts qui asservissent des pays entiers.
Vous autres, Ukrainiens, vous devez avoir quelque souvenir de cette description. Oui, il s�agit du tableau grotesque agrandi de votre ancien voisin, qui fut aussi parfois votre ennemi : le cabaretier � usurier juif. Certes, aujourd�hui, il fait le trafic de l�h�ro�ne au lieu de la vodka gorilka, il pr�te des milliards, et non pas des petites sommes, et il utilise des armes strat�giques, et non pas des haches, mais son principe d�action est toujours le m�me. Le facteur X, c�est la mutation extr�mement dangereuse et particuli�rement agressive de l��me juive, acclimat�e en terrain anglo-saxon.
Quelle id�e �trange et monstrueuse, dites-vous. Mais non, cette id�e vient � l�esprit de beaucoup de gens, juifs et non-juifs. Ainsi, par exemple, l�un des plus influents id�ologues du juda�sme, le rabbin Shmuel Botejach �crit dans un �ditorial programmatique publi� le 19 mars dernier dans le Jerusalem Post : � L�antiam�ricanisme, c�est l�antis�mitisme �, � L�Am�rique, c�est les juifs d�aujourd�hui �. [Vous vous souvenez sans doute de ce slogan : � Staline, c�est le L�nine d�aujourd�hui ? �] Il poursuit : � Autrefois, on accusait les juifs de comploter afin de prendre le contr�le du monde, et maintenant, c�est ce dont on accuse l�Am�rique ! �
Mais le rabbin Botejach reconna�t la v�ridicit� de cette accusation. Il �crit : � L�Am�rique et les juifs sont en train de s�associer afin de prendre le contr�le du monde. Mais il s�agit d�une conqu�te plut�t id�ologique que militaire, et vous pouvez �tre certains que lorsqu�ils rendront ce monde, il sera en bien meilleur �tat que lorsqu�ils l�auront pris. �
Ce sont des id�es, mais elle sont ass�n�es au moyen des missiles ail�s � Tomahawk � ! Ils se targuent d�am�liorer le monde � mais cette pr�tention �voque cette c�l�bre affiche d�un vieux th��tre juif : � Ce soir, Shakespeare � traduit et am�lior� par Rabinovitch �. Quant � la coop�ration entre l�Am�rique et les juifs, elle r�pond au principe � La voix, c�est la voix de Nakov, quant aux mains, ce sont celles d�Isav �, c�est-�-dire : les id�es sont juives, mais les armes sont am�ricaines.
Ces id�es, quelles sont-elles ? Je vous citerai un article r�cent de Pfaff dans le New York Times, dans lequel il d�crit le groupe des hommes politiques les plus influents dans l�ex�cutif am�ricain :
� Parmi eux, on trouve le vice-secr�taire � la D�fense Paul Wolfowitz ; Abram Shulsky du bureau des plans sp�ciaux au Pentagone ; Richard Perle du bureau des experts au Pentagone ; Elliott Abrams du Conseil de la S�curit� Nationale, et les �crivains Robert Kagan et William Kristol. On pourrait ajouter � ces noms juifs des dizaines d�autres, au D�partement d�Etat, dans les Universit�s, au Congr�s, � la Chambre des Repr�sentants� - et tous ont le m�me petit d�faut : ce sont les disciples du politologue allemand, juif et nationaliste, L�o Strauss.
Strauss professait une vision du monde antid�mocratique et totalitaire, selon laquelle c�est une �lite qui doit d�tenir le pouvoir � de pr�f�rence, une �lite juive� � avec un certain nombre de goyim (pas trop, tout de m�me�) pour donner le change. Strauss pr�conisait de mentir au pays, tant il m�prisait les gens ordinaires. C�est cette id�e juive, qui s�est impos�e en Am�rique, et qu�aujourd�hui l��lite am�ricaine s�efforce d�imposer au monde entier. Vous autres, Ukrainiens, vous connaissez cette id�e, et pas seulement par ou�-dire, car vos anc�tres l�ont combattue jadis, � l��poque de la r�volte de Bogdan Chmielnitski. A ce propos, je dois vous dire que durant des si�cles, de fausses accusations ont �t� port�es contre les Ukrainiens, selon lesquelles ils auraient massacr� les juifs durant les guerres de Chmielnitski. Aujourd�hui, cette calomnie est lev�e � un ouvrage de J. Isra�l, publi� en 1985 � Oxford, � La juiverie europ�enne � l��ge du mercantilisme � [European Jewry in the age of Mercantilism], d�montre que les juifs ont souffert, durant cette terrible guerre civile, ni plus ni moins que les Ukrainiens et les Polonais. Je mentionne ceci, parce que les Ukrainiens ont pu venir � bout de cette id�e agressive, et cent cinquante ans apr�s ces �v�nements, le talent admirable du rabbin Nahman s��panouissait � Ouman. Autrement dit, on le voit, la d�faite de cette id�e a �t� tr�s utile aux juifs eux-m�mes.
Le plein �panouissement de l�id�ologie juive s�est produit, � notre �poque, dans l�Etat juif. Nous voyons h�las ce qui se passe l� o� cette id�ologie s�impose. En Palestine, des centaines d�habitants d�origine se donnent la mort. Certains d�entre eux se font sauter avec leurs ennemis, car ils veulent vendre cher leur vie, tandis que d�autres meurent de la fa�on suivante : ils sortent � la lisi�re de leur village, o� les mitrailleuses juives les attendent.
A ce sujet, il ne faut pas faire retomber la faute sur les Russes, les Am�ricains, les Ukrainiens. Nous avons cr�� un r�gime monstrueux, nous avons transform� la moiti� de la population en r�fugi�s et nous les avons enferm�s dans des camps de concentration, nous avons amen� des Palestiniens heureux de vivre � se suicider en masse. Que n�a-t-on pas fait � ces hommes, pour qu�ils en viennent � se supprimer par dizaines ? Et voici qu�aujourd�hui l�id�e en question se r�pand dans le monde entier�
Malheureusement, aujourd�hui, l�id�ologie juive dominante, ce n�est pas l�enseignement du rabbin Nahman, ce sont les id�es de L�o Strauss. A ce sujet, l�Ukraine a un r�le particulier � jouer � ce pays, qui a r�ussi en son temps � se d�barrasser de cette id�e juive, au cours de l�Intifada de 1648, et qui a su, par la suite, assimiler de nombreux juifs. Beaucoup d�Ukrainiens ont �migr� vers Isra�l, et beaucoup d�entre eux se consid�raient juifs. Mais ils sont venus, ils ont vu et ils ont compris qu�ils s��taient tromp�s, et que leur vrai pays, c�est l�Ukraine. Je pense que c�est tr�s bien comme cela. Que ceux qui le d�sirent retournent vivre en Ukraine et qu�ils y fassent conna�tre l�am�re v�rit� sur la v�ritable nature de l�Etat juif.
Mais ce sont aussi des immigrants ukrainiens qui ont fond�, en Isra�l, l�Union Orthodoxe et l�Union Chr�tienne-D�mocrate. Ces deux mouvements se battent pour l��galit� et la d�mocratie � non seulement pour les juifs, mais aussi pour les Palestiniens et pour les ouvriers immigr�s. Ils m�nent la lutte contre l�id�ologie juive dans la t�te de l�ennemi, ils aspirent � ce jour de joie, o� dans toute la Palestine � de la Mer au Jourdain � sera instaur�, en lieu et place de l�Etat raciste, un Etat d�mocratique pour tous ses citoyens. L�Ukraine doit soutenir ces forces. Si les juifs peuvent exercer leur ascendant sur les Ukrainiens, en Ukraine, alors, nul doute, les Ukrainiens ont le droit d�exercer une influence sur les juifs dans l�Etat juif. Et cela sera un pas vers la victoire de la mondialisation des hommes de bonne volont�.
[Traduit du russe par Marcel Charbonnier]