D�construction de la jud�it� (original) (raw)
D�construction de la jud�it�
par Isra�l Shamir, 13.01.2002
Chers amis,
cette fois, je vous fait part d�une nouvelle r�action, d�un universitaire fran�ais, le professeur N., � un article publi� dans le quotidien La Presse, de Montr�al, au sujet d�une de mes conf�rences au Canada (Vous trouverez cet article � la fin de ce courrier).
Les citations soulign�es sont tir�es de la lettre du professeur N. (il m�a demand� de ne pas la rendre publique, sinon je l�aurais retranscrite dans son int�gralit�). Elle aborde certaines questions tr�s importantes, et j�esp�re que cela vous int�ressera.
Cher Monsieur Shamir,
j�esp�re que vous ne m�en voudrez pas pour mes propos quelque peu brutaux. Mon intention, en vous �crivant n�est ni de vous heurter, ni de vous offenser...
Cher Professeur,
j�ai eu grand plaisir � lire votre honor�e. Comme on le dit souvent, les critiques d�un honn�te homme sont pr�f�rables aux flatteries d�un sot. Mais ne dit-on pas, aussi : envoyez un homme intelligent sur les roses, si n�cessaire, il vous en saura gr�. C�est dans cet esprit que je lis vos commentaires et que j�y r�ponds.
Lorsque j�ai d�couvert, en parcourant le forum de discussion �togethernet�(sur Internet) que vous �tiez un Juif russe, les bras m�en sont tomb�s. Comment donc est-il possible qu�un Juif russe et le parent d�un officier SS puissent partager la m�me position sur l�Etat d�Isra�l ?
Quelqu�un peut �tre le descendant d�un officier SS, cela ne m�effraie pas. Les p�res ont mang� les raisins verts, etc... Mon oncle Daniel �tait le chef du NKVD (la S�curit� d�Etat) � Vilnius, apr�s la guerre et, d�apr�s les Lithuaniens, il s�est rendu responsable de beaucoup d�ex�cutions et de d�portations. Ils pronon�aient son nom avec la m�me horreur qu�un Juif prononcerait le nom d�Eichmann. Mais j�ai de lui le souvenir d�un homme gentil et tr�s cultiv� (il �tait dipl�m� en architecture de l�Universit� de Bruxelles). J�aime son fils. J�aime ses petits-enfants. Mon premier amour fut pour une jeune fille russe ; elle �tait la fille du kapo d�un camp de travail de Staline. J�ai servi, dans l�arm�e isra�lienne, sous les ordres directs d�un certain Ariel Sharon. Mon pote de r�giment a abattu des prisonniers d�sarm�s : il croyait que je ne le voyais pas. Aucun doute l�-dessus, les Nazis �taient horribles. Mais je pense qu�il ne faudrait pas les d�moniser au point d�exclure jusqu�� leurs enfants de tout commerce. Je me demande une chose : si les Nazis avaient laiss� les Juifs tranquilles, aurions-nous les m�mes sentiments � leur �gard ? S�ils avaient maltrait�, disons, (uniquement) les Bi�lorusses, les Polonais, les Lithuaniens ? Je n�en suis pas si s�r. John Sack a �crit sur un homme du NKVD, juif, accus� d�ex�cutions en masse. Les Polonais avaient demand� son extradition, mais Isra�l les envoya balader de deux mots : �des clous�. Pour moi, les Juifs et les non-Juifs sont exactement les m�mes ; nous sommes tous les fils d�Adam. C�est pourquoi je suis totalement incapable d�avoir des sentiments diff�rents vis-�-vis d�un tueur de Juifs et d�un tueur juif...
Par-dessus le march�, vous comparez la politique des gens au pouvoir, dans votre pays, avec celle des nazis... Et alors ? Vous aussi, vous vous exprimez bien � partir d�une position partag�e par des id�ologues nazis et des activistes nazis ?
Ma position est � l�oppos� de ce que vous dites. Les nazis allemands croyaient en la sup�riorit� de (l�ensemble de) leur race, alors que les supr�matistes juifs croient en leur sup�riorit� (� eux). Moi, je rejette toute sup�riorit�, qu�elle soit de race, de croyance, de nationalit�, etc. Alors que la dispute entre nazis et Juifs �tait de d�cider qui �tait l�Elu, moi, je rejette les deux pr�tentions. Si je rejette la revendication du tr�ne par les Bourbons, cela fait-il de moi un bonapartiste ?
Votre cr�dibilit� est nulle !
�Cr�dibilit� n�est pas un terme neutre. La �cr�dibilit� est d�cern�e par les Ma�tres du Discours : les universitaires chantres des divers gouvernements, le New York Times, et ses �quivalents ailleurs dans le monde. C�est tout un syst�me qui accorde, ou non, la �cr�dibilit�. Naturellement, je ne suis pas l�heureux titulaire de cette �cr�dibilit� patent�e, et je ne la recherche aucunement. Je combats les Ma�tres du Discours, pour la libert� de parole.
Pour �tre �cr�dible�, il faut faire attention � ne pas d�passer la ligne (impos�e). J�ai cess� d��tre �cr�dible� en 1990, lorsque j��tais journaliste � Moscou. Mes coll�gues, correspondants de journaux occidentaux en poste � Moscou, �crivaient des tas d�articles sur l�antis�mitisme grandissant, sur les pogroms annonc�s et sur le parti (d�extr�me droite) Pamyat. J�ai trouv�, pour ma part, que les membres de l�effrayante conspiration Pamyat se comptaient sur les doigts de la main, qu�il n�y avait ni antis�mitisme ni, encore moins, de pogroms en Russie, mais beaucoup de vent brass� par les services secrets isra�liens. J�ai perdu ma �cr�dibilit�, parce que je n�ai pas imit� les journaux occidentaux qui faisaient leurs gros titres sur l�antis�mitisme russe et des pogroms soi-disant mena�ants. En r�alit�, il n�y avait ni pogroms ni aucune forme de pers�cution. La Russie �tait (elle l�est encore) gouvern�e par des Premiers ministres juifs, et Isra�l est sans doute devenu le mod�le � suivre pour les Russes (au pouvoir), � voir ce qu�ils font en Tch�tch�nie.
J��tais pr�t � vous accorder le b�n�fice du doute, vous n��tiez pas cens� savoir que l�un des participants � votre groupe de discussion �tait un antis�mite notoire...
Cela ne m�aurait effray� en rien, pour deux raisons. Premi�rement, on pourrait trouver � redire aux �antis�mites inv�t�r�s�, qui n�ont fait en d�finitive qu�encourager un discours juif anti-gentil particuli�rement d�testable, mais il n�y en a plus : ils ont compl�tement disparu. A l�heure actuelle, les �antis�mites� sont les gens qui ont quelque chose contre le particularisme juif ou une influence juive excessive. Ils ne ha�ssent pas les Juifs en tant que tels. Devrions-nous mettre � l�index Dosto�evsky et T.S. Elliott, Andr� Gide et Jean Genet, Toynbee et Gumilev ? Ils sont tr�s souvent qualifi�s d��antis�mites notoires�, mais leur rejet du particularisme juif (ou, si vous pr�f�rez, des �sp�cificit�s nationales juives�) n��tait pas une question de �pr�jug�. Le particularisme juif doit �tre �quilibr� par d�autres syst�mes de valeurs, car c�est bien un manque d��quilibre et de mesure qui est � l�origine de la situation tragique du monde, aujourd�hui.
La seconde raison est plus importante. Le succ�s des sionistes s�est construit sur leur collusion avec les antis�mites. Le Jacques Soustelle de l�OAS, le Lord Balfour de la D�claration, le Pat Robertson de la Majorit� chr�tienne n�aim(ai)ent pas les Juifs, ils n�en �taient/sont pas moins entich�s d�Isra�l. Des antis�mites notoires ont sympathis� avec les sionistes, et vice-versa. De cette union est issu un rejeton monstrueux : les amants �vang�liques d�Isra�l, qui aspirent � l�Armageddon (la fin du monde, ndt). Nous devons absolument briser la fascination sioniste.
Vous pensez que nous devons, nous les Juifs, cesser d�exister en tant que nation ind�pendante...
Nous devons choisir. Anciennement, les Juifs ne pr�tendaient pas �tre autre chose que des Juifs ; tandis que certains Juifs, de nos jours, veulent conserver leur dualit�. Toutefois, vous ne pouvez pas manger un g�teau et toujours avoir ce g�teau, �ternellement. A partir du moment o� l�Etat juif est bien l�, il urge de s�rier nos priorit�s. Pour moi, un Juif fran�ais est fran�ais ; un Juif russe est russe. Nous pourrions parachever l�oeuvre, interrompue, d�Emancipation, et nous int�grer dans nos soci�t�s respectives. Avoir des origines juives serait aussi respectable que d�avoir des origines irlandaises, bien que �a n�apporte pas beaucoup d�avantages, � en juger par mes amis irlandais. L�alternative est trop effroyable � envisager.
Vous dites que ce que nous faisons (subir) aux Palestiniens confirme que c�est nous, les m�chants...
Je dis cela, en effet, mais pas seulement. J�affirme aussi que ceux qui nous soutiennent sont des salauds, eux aussi.
Vous dites que notre seul salut est d��tre asservis, domin�s, tyrannis�s, dispers�s...
Non, non et encore non ! Notre seul salut est dans l��galit�. Abandonnez cette approche manich�enne : il est possible de vivre �gaux et non pas, n�cessairement, oppos�s entre dominants et domin�s.
Votre flirt avec le Coran et l�Islam �quivaut � l�adulation des potentats arabes Il faut �tre v�ritablement d�connect� de la r�alit� pour consid�rer que les Arabes sont une race de seigneurs. Ils sont la victime pers�cut�e du discours raciste, seul autoris� par les Ma�tres. Les Arabes, je les aime bien, aussi, parce que ce sont de bons voisins.
La Bible (Ancien Testament) est un h�ritage humain produit par diff�rents auteurs. Comment pouvez vous avoir aussi peu d��gards pour ces gens qui ont m�dit�, se sont collet�s � toutes sortes de probl�mes existentiels, et qui ont transmis le fruit de leur m�ditation � la post�rit� ?
Le fait que les Juifs aient surv�cu, � travers tous ces si�cles de pers�cution agissante et virulente en Europe et dans le monde musulman devrait vous donner une indication sur la capacit� de notre tradition � assurer la survie et � surmonter les vicissitudes.
Vous faites de quatre questions une seule, mais je vais d�m�ler l��cheveau. J�aime la Bible, comme sans doute toute personne parlant l�h�breu. C�est un livre complexe, et ce n�est pas un sujet dont on puisse parler l�g�rement. Il renferme aussi bien une merveilleuse po�sie qu�un poison dangereux. Ce poison a trouv� son contre-poison dans le Nouveau Testament et dans le Coran, etc. Quiconque boirait ce poison pur serait susceptible de commettre de nombreux crimes, y compris le g�nocide. Au 2�me si�cle, Markion rejetait ce poison avec horreur et il d�clarait que le dieu des Juifs �tait Satan. Au 20�me si�cle, les marxistes firent � peu pr�s la m�me chose. Pour ma part, je dirai ceci : l�Ancien Testament devrait �tre consid�r� comme un magnifique sabre effil�, et trait� avec des pr�cautions infinies.
Aujourd�hui, notre religion juive est autre chose. Elle n�est pas bas�e sur la Bible h�bra�que, mais sur la Mishna et le Talmud. Ce sont l� deux ouvrages litt�raires passionnants, eux aussi. Personnellement, j�en suis friand. Mais j�ai conscience de leurs failles morales. Ils ont �t� �crits en r�action au Christianisme, � partir de la fin du premier si�cle apr�s J�sus-Christ. Ils ont fait leur office, et ils ont pratiquement perdu toute validit�, aujourd�hui. Cela n�a pas beaucoup de sens de disputer de ce sujet.
La pers�v�rance des Juifs, c�est encore autre chose. Votre approche se fonde sur une mauvaise interpr�tation du pass� juif. Bien s�r, nous aimons � r�p�ter que nous avons �t� pers�cut�s et humili�s. Mais ne prenez pas ces propos pour argent comptant. N�oubliez pas ceci : les Juifs appartenaient - et appartiennent toujours - aux classes privil�gi�es. Abram Leon, un jeune marxiste juif, mort � Auschwitz (vous connaissez sans doute le livre qu�il a �crit, puisqu�il a �t� traduit en fran�ais, avec une pr�face de Maxime Rodinson), a �tabli qu�un noble polonais qui aurait voulu devenir usurier, aurait �t� oblig� de se convertir au juda�sme, tandis qu�un Juif d�sireux d�int�grer l�aristocratie terrienne aurait absolument d� se convertir, au pr�alable, au christianisme. Le choix n��tait pas �vident, beaucoup plus pour des raisons pratiques qu�en raison de consid�rations religieuses.
La jud�it� n�est pas un ph�nom�ne bas� sur la religion. En Espagne, des crypto-juifs ont v�cu comme des chr�tiens (ext�rieurement) pendant quatre si�cles, mais en conservant leur particularisme et leurs domaines r�serv�s corporatistes. Aujourd�hui, la majorit� des Juifs, en Isra�l autant qu�ailleurs, ne sont absolument pas religieux. La jud�it�, c�est affaire de exclusivisme et de privil�ges.
On pourrait tout aussi bien pr�senter l�histoire de l�aristocratie fran�aise comme une histoire faite de �pers�cutions virulentes et en actes�. Il y a tellement d�aristocrates qui ont �t� guillotin�s, � partir de 1793. (Plusieurs si�cles avant cela, ) beaucoup d�entre eux sont morts sur les champs de bataille, � Cr�cy ou � Poitiers... Il n�en reste pas moins que l�histoire des nobles n�est pas faite que de souffrances. En effet, ils jouissaient de beaucoup de privil�ges, aussi. Mais, si les nobles ont perdu leurs privil�ges, les Juifs ne renoncent pas aux leurs.
Votre conf�rence � McGill m�a confirm� dans mon intuition qu�en d�pit de votre faconde vous �tes un Juif �gar�, qui a perdu de vue sa propre tradition, et qui avance � t�tons dans le noir. Votre intervention m�a finalement pouss� � r�agir et � vous �crire. Vous �tes en train de d�truire, de d�chirer en morceaux ce que les dirigeants isra�liens de la pr�c�dente g�n�ration ont essay� d��difier. Votre conf�rence � McGill �tait symptomatique de votre oeuvre de d�construction. Le grand historien anglais Arnold Toynbee, dont j�admire la profondeur des vues sur maints sujets, n��tait pas indemne, malheureusement, de traces d�antis�mitisme et d�antisionisme. Il voyait dans le juda�sme une �fossilisation� et remettait en cause l�existence m�me de l�Etat d�Isra�l. Le 31 janvier 1961, cette m�me universit�, McGill, avait organis� un d�bat public entre Toynbee et Yaacov Herzog, ambassadeur d�Isra�l au Canada, sur l�essence de l�histoire juive et �l�identit� morale� de l�Etat d�Isra�l. Aujourd�hui, Toynbee incarne ce � quoi vous aspirez : amener les Anglo-am�ricains � abandonner leur engagement envers Isra�l, � cesser de le soutenir �conomiquement et militairement. J�ai bien peur que vous ne r�ussissiez. Les vents du changement semblent, en effet, en train de se lever. Si cela advient, tous les Saddams du monde �limineront tant d�Isra�l que l�Europe et l�Occident �chr�tien� (bien que nous ne soyons plus chr�tiens depuis le dix-neuvi�me si�cle) de la surface du globe. Vous pouvez en �tre certain. Je ne suis pas surpris que vous soyez venu � McGill, pr�cis�ment. Vous �tes bien trop avis� pour ne pas profiter de ce pr�c�dent historique.
Cher professeur, vous �tes trop gentil. Le personnage central des R�cits d�Ise, grande fresque po�tique japonaise du neuvi�me si�cle, compare sa dulcin�e - une paysanne - � un pin. Il veut dire, ce faisant, d�une mani�re allusive, qu�elle est frustre comme un arbre. Mais il se trouve qu�elle, elle adore les pins et la comparaison la flatte. Au risque de sembler, comme cette paysanne nippone, me m�prendre, je suis tellement admiratif pour Toynbee que je ne peux que r�p�ter : merci, Professeur, vous me flattez...
Oui, en effet : l�entente entre les Anglo-am�ricains et les Juifs doit cesser. Ces deux exclusivismes sont entr�s dans une r�sonance qui pourrait bien mettre � notre univers un terme pr�matur�. Un chat est adorable, tant qu�il n�a pas atteint la taille d�un tigre. Les Anglo-am�ricains ont conclu un pacte qui leur a apport� la prosp�rit�. Mais aujourd�hui, ils doivent le payer tr�s cher. Cette prosp�rit� a �t� acquise gr�ce � une pyramide de sur�valuation du dollar et de sp�culation financi�re. En effet, 90 % des transactions financi�res, aux Etats-Unis, sont de nature sp�culative. Pour couvrir ce montage financier pyramidal, les Anglo-am�ricains intimident le monde entier avec leurs armes de destruction massive. Les gens comme vous et moi, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, n�en retirent aucun avantage, loin de l�. En Angleterre, les enfants vivant au-dessous du seuil de pauvret� sont trois fois plus nombreux qu�au jour o� Margaret Tchatcher a acc�d� au pouvoir. Aux Etats-Unis, il y a des millions d�enfants mal nourris et sans abri. De nombreux Juifs am�ricains poussent � la roue pour la destruction de la patrie d�Abraham, l�Iraq. Voil� quels sont, entre autres, les r�sultats de cette alliance.
Arnold Toynbee ne pouvait pr�voir, en 1961, que seulement quelques ann�es plus tard, le �fossile� reprendrait vie, trop de vie. Il ne vit jamais le film de science-fiction Alien, dans lequel un fossile congel� devient une source de danger apocalyptique. Les penseurs juifs qui �taient ses contemporains pensaient, eux aussi, que la juiverie �tait engag�e sur la voie de sa disparition. Il ne s�agissait que de la pr�-condition de (leur) �mancipation, apr�s tout. Mais ce n�est pas du tout ce qui s�est pass�.
Pour moi, il faut que cela advienne. Cela ne pourra �tre que b�n�fique pour les descendants des Juifs, et pour l�ensemble de l�humanit�. Jacques Derrida, un descendant des crypto-juifs espagnols (les Marranes, ndt), a introduit en France le concept de d�construction. Aujourd�hui, il est grand temps d�amener la d�construction chez nous et de d�construire la jud�it�.
Voici maintenant l�article publi� dans La Presse, important quotidien de Qu�bec :
Isra�l Shamir, qui pr�conise la cr�ation d�un Etat unique, pour les Palestiniens et les Isra�liens, affirme : �On dirait que les sionistes veulent absolument d�montrer que ce que les antis�mites ont pu dire au sujet des Juifs est vrai. Tout un chacun peut constater, quotidiennement, le d�sir qui est le leur de continuer � dominer et � spolier le monde.�
par Jooneed Khan
�Je suis n� en Isra�l, et je suis partisan du parti au pouvoir, contrairement � vous. Pensez-vous que le peuple juif a droit � sa terre ancestrale ?� demande le premier participant � avoir r�ussi � s�emparer du micro baladeur, inaugurant le d�bat, apr�s l�expos� de M. Shamir.
�Habitez-vous � Montr�al ?�, lui demande, � br�le-pourpoint, le conf�rencier.
�Oui...�
�Abandonneriez-vous votre maison, si les indig�nes (indiens) vous demandaient de leur rendre leur territoire ?�, lui r�torque Isra�l Shamir, suscitant une ovation debout.
Atypique, cet Isra�l Shamir : la cinquantaine, math�maticien et juriste, journaliste et �crivain, ce Juif venu des glaces de la Sib�rie irrite m�me le pacifiste isra�lien pur-sucre, avec son leit-motif �un homme, une voix : fin de l�apartheid�, alors que les pacifistes, eux, se font les h�rauts d�une solution �� deux Etats�...
Il est m�me parvenu � d�ranger les Arabes des Etats-Unis, tout du moins ceux qui militent pour la paix avec des pacifistes juifs. Ils craignent que sa critique impitoyable du sionisme ne finisse par verser dans l�antis�mitisme, et ils se m�fient de lui...
Devant une assistance de plus de deux cents personnes, qui remplissait l�amphith��tre de l�Universit� McGill, ce p�re de famille devenu une c�l�brit� d�Internet (www.israelshamir.net) a expos� son �valuation de l�incontr�lable conflit isra�lo-palestinien.
�Je n�ai pas de r�ponse � toutes les questions (� ce sujet) ; cela serait pr�somptueux de ma part. J�ai ma propre opinion, et c�est la seule chose que je puisse vous apporter�, avait-il averti, en introduction, dans un anglais agr�ment� d�expressions �voquant sa Russie natale, avec une �locution toujours assur�e, toute de phrases denses �maill�es de mots d�esprit.
Pour Isra�l Shamir, qui vit � Jaffa, ce conflit d�coule de l��exceptionnalisme juif�, de l�id�e (qu�ont les Juifs) d��tre �le peuple �lu�, un peuple diff�rent de tous les autres. Cette id�e a �t� d�velopp�e apr�s la fin du juda�sme biblique, a-t-il expliqu�, en se r�f�rant � Yosef Yoval, un professeur de l�Universit� H�bra�que (de J�rusalem).
La division de l�humanit� entre Juifs et Gentils est devenue obsol�te, de son point de vue, au moment o� l�organisation sioniste a vu le jour, � la fin du dix-neuvi�me si�cle, afin de cr�er un Etat juif en Palestine.
Iconoclaste, semeur de trouble, malgr� son look � la Charlie Chaplin, son sourire (en apparence seulement) timide, sa moustache � la gauloise et son teint basan�, cet Isra�l Shamir, lorsqu�il affirme : �On dirait que les sionistes veulent apporter la preuve que tout ce que les antis�mites ont toujours dit sur les Juifs est vrai. On peut le constater tous les jours en Isra�l : le d�sir de dominer les habitants d�origine, de les spolier... A Novossibirsk, mes grand-parents avaient d�cider d�abandonner d�finitivement cette attitude et de vivre � l��gal des autres.�
Pour le journaliste, v�t�ran de la radio isra�lienne, de la BBC, des journaux isra�liens HaAretz, Ma�ariv et Al-Hamishmar, correspondant de la Pravda et de Zavtra, les Palestiniens sont les habitants originels du pays, attach�s tant � la terre qu�� la nature (de Palestine), et d�poss�d�s par l�entreprise sioniste.
�J�ai �t� le porte-parole du parti socialiste Mapam � la Knesset. Cela me laissait beaucoup de temps libre, que j�ai employ� � visiter les villages de Palestine, en me d�pla�ant gr�ce � mon �nesse, que j�avais nomm�e Linda�, explique-t-il.
�Dans le d�sert, au sud d�Al-Khalil / H�bron, j�ai vu des grottes habit�es depuis plus de trois mille ans. Et l�arm�e isra�lienne est venue les d�truire, elle a dynamit� les puits et expuls� tous les habitants troglodytes pour �faire de la place� � des colons juifs. Ce genre de comportement est d�plorable. On dirait des enfants g�t�s volant les jouets d�enfants pauvres pour le plaisir de leur faire du mal.�
Nouvelliste, traducteur d�Hom�re, de James Joyce et d�Agnon (�crivain isra�lien), Shamir aspire � l��galit�, comme ses grands-parents. �Un seul Etat, c�est ce que nous avons (d�j�), avec l�occupation. Ce dont nous avons besoin, c�est du droit de vote pour tous. On reconna�t aux Juifs d��tre de bons citoyens am�ricains ou canadiens. Ils sont tout aussi capables d��tre de bons citoyens palestiniens�, lance-t-il � son interlocutrice qui s�inqui�te de la mise en minorit� des Juifs dans une Palestine unifi�e.
Cela est tout simplement inenvisageable pour une vaste majorit� d�Isra�liens. La plupart des pacifistes isra�liens n��voquent que la solution �� deux Etats�. Certains, peu nombreux, osent pr�ner une �f�d�ration bi-nationale�, conscients que les Palestiniens aimeraient, en toute logique, avoir d�abord un pays � eux, avant d�envisager la nature de leurs relations avec l�Etat h�breu. A une question pos�e par un �tudiant, sur le terrorisme, Shamir r�pond par une autre question :
�Si quelqu�un p�n�tre dans un kibboutz, dynamite les maisons et tue quelque soixante personnes, hommes, femmes et enfants, vous dites que c�est un terroriste ?
�Bien s�r�, r�pond l��tudiant.
�Nous, en Isra�l, nous l�appelons �premier ministre�, dit Isra�l Shamir, faisant allusion au massacre commis par Ariel Sharon � Qibya, en Cisjordanie, en 1953.
Un fan de Sharon prit alors le micro pour chanter les louanges d�Isra�l et vouer aux g�monies les Palestiniens, les Arabes, et Shamir. Des appariteurs de l�universit� McGill le conduisirent gentiment vers la sortie. Ayant quitt� la salle, il prit le temps de tirer le signal d�alarme. Les gardiens ferm�rent la porte et le meeting se termina dans le calme.
Cette rencontre �tait organis�e par le SDHP (Solidarit� pour les Droits de l�Homme en Palestine), auquel adh�re des �tudiants de six universit�s de la r�gion de Montr�al-Ottawa.