Les marxistes et le Lobby (original) (raw)
par Isra�l Shamir, 20.11.2003
Quand un des auteurs � �diteur, de surcro�t � d�une revue de gauche r�p�te mot pour mot le dernier discours d�Ashcroft devant l�AntiDefamation League de New York, cela ne peut que faire sourciller. C�est pourtant ce qui s�est pass�, avec la condamnation r�cente de l� � antis�mitisme � par un certain Nat Weinstein [1] (voir le site http://www.socialistviewpoint.org/sum\_03/sum\_03\_08.html) dans The Socialist Viewppoint, une revue de haute tenue, qui soutient la d�mocratie en Palestine et la fin de l�Etat juif d�apartheid.
Pire, le style et la rh�torique de Weinstein sont, eux aussi, les m�mes que ceux d�Ashcroft et d�Abe Foxman. Ainsi, Weinstein �crit : � Les insinuations de Buchanan quant � un complot juif au service d�Isra�l �voquent une assertion similaire, au c�ur du fascisme hitl�rien. � Toutefois, le � complot � juif, au vu et au su de tout le monde, consistant � soutenir Isra�l est un fait ind�niable, que la quasi-totalit� des journaux juifs traduisent avec leur slogan : � Les juifs sont unis comme un seul homme, derri�re Isra�l�.
Ce slogan n�est pas un vain mot : une �tude r�cente a montr� que 86 % des juifs am�ricains soutiennent Isra�l. Au cours d�une discussion, r�cemment, sur le ou�be, Jeff Blankfort, un antisioniste confirm�, tira la sobre conclusion suivante : � la distinction que nous sommes en permanence tellement attentifs � faire, entre le fait d��tre juif et le fait d��tre sioniste, est parfaitement illusoire. Si tous les juifs ne sont pas sionistes, les communaut�s juives organis�es, dans le monde entier, en d�pit des diff�rences qui peuvent exister entre elles, sont enti�rement d�vou�es � l�entreprise sioniste. Pr�tendre que ces organisations ne parlent pas au nom de la communaut� juive g�n�rale, c�est-�-dire d�une communaut� qui, sans le moindre doute, soutient Isra�l en tant qu�Etat juif, est totalement illusoire. �
Weinstein invente ainsi la � culpabilit� par association �, en qualifiant les propos explicites de Buchanan d� � insinuations �voquant Adolf Hitler �. Toutefois, la � culpabilit� par association � est une arme � double tranchant, puisque Weinstein lui-m�me ne laisse pas d��voquer Abe Foxman, Ashcroft et Bush. C�est pourquoi nous devons traiter cette question s�rieusement.
Weinstein �crit : � l�assertion que le � lobby juif � - un petit groupe de juifs pro-sionistes � puisse dicter sa politique �trang�re ou int�rieure � la classe capitaliste am�ricaine fondamentalement terre-�-terre et intrins�quement pragmatique, est absurde. En r�alit�, les gens qui portent ce genre de jugement sont soit des fous simplets, soit de pures canailles antis�mites. �
Jugement on ne peut plus arrogant, car cette opinion est partag�e par des milliards de personnes en dehors des Etats-Unis, et tout aussi bien par de tr�s nombreux Am�ricains, � ceci pr�s : le lobby juif n�est pas � un petit groupe de juifs pro-sionistes �, mais bien un groupe extr�mement puissant de milliardaires, de magnats des m�dias et de leurs soutiens tant de gauche que de droite, du New York Times � The Nation, de Wolfowitz du Pentagone au rabbin Lerner de Tikkun. (Cette question a �t� �voqu�e par Isra�l Shamir dans son article : La F�te de Saint Firmin). Les � capitalistes am�ricains fondamentalement terre-�-terre sont certes bien � intrins�quement pragmatiques �, et ils savent fort bien ce qui est b�n�fique pour eux-m�mes, personnellement. C�est la raison pour laquelle m�me un antis�mite aussi convaincu qu�Henry Ford pr�f�ra d�truire l�ouvrage qu�il avait consacr� aux juifs apr�s s��tre heurt� � la force irr�sistible du boycott juif. C�est la raison pour laquelle les parlementaires am�ricains sont unis, dans leur soutien � Isra�l, comme cela a �t� re-confirm�, r�cemment, par le vote, au S�nat, de mesures de r�torsion � l�encontre de la Syrie : 89 pour ; 4 contre. La guerre en Irak s�est av�r�e d�sastreuse du point de vue du capitalisme am�ricain : comme pr�vu, elle n�a donn� aux Am�ricains ni p�trole, ni commandes d�armement, ni de nouveaux amis. Mais les capitalistes ne sont pas les id�alistes que Weinstein croit qu�ils sont : ils savent que prendre position contre Isra�l entra�nerait leur faillite personnelle, et ils se moquent comme de leur premi�re chemise de � l�int�r�t g�n�ral de la classe capitaliste�.
Et il est de fait que Buchanan et La Rouche (censur� par Weinstein, qui, d�lib�r�ment, n�en parle pas) repr�sentent les int�r�ts v�ritables des capitalistes am�ricains (c�est-�-dire de la � classe moyenne � am�ricaine, pour reprendre l�expression consacr�e), en combattant le Lobby juif. Bien s�r, ni l�un ni l�autre ne sont des alli�s naturels pour la Gauche. Mais ils n�en sont pas des alli�s plus improbables que Foxman et Ashcroft eux-m�mes. Weinstein tente de coller l��tiquette de raciste, nazi et fasciste � La Rouche ; mais l��tiquette ne tient pas. Au lieu d�exprimer son approbation, Weinstein est visiblement ulc�r� par le non-racisme de La Rouche : � Plut�t que d�moniser les Am�ricains Afro, La Rouche revendique l�h�ritage de Martin Luther King, et il noue des liens avec Nation of Islam, le mouvement nationaliste noir. �
Ce Weinstein est un �ternel insatisfait : La Rouche � recourt � des slogans anticapitalistes et anti-imp�rialistes �, par cons�quent, il s�agit certainement d�un fasciste ! La Rouche � ne s�en prend pas aux juifs, ni aux communistes, ni aux gr�vistes �, donc, c�est un crypto-fasciste ! La Rouche � a appris son cat�chisme chez Trotsky � : c�est donc un fasciste pervers.
Cela me rappelle une pi�ce br�ve �crite par notre meilleur dramaturge, Hanoch Levine :
� Ordres en vigueur du Gouverneur Militaire aux soldats servant dans les Territoires occup�s :
Un pi�ton nerveux est un terroriste arabe potentiel.
Un pi�ton calme est un terroriste arabe potentiel qui sait garder son sang froid.
Un pi�ton qui l�ve les yeux au ciel est un terroriste arabe potentiel pieux.
Un pi�ton qui baisse les yeux est un terroriste arabe potentiel timide.
Un pi�ton qui garde les yeux ferm�s est un terroriste arabe potentiel en train de dormir.
Quelqu�un qui reste chez soi est un terroriste arabe potentiel malade.
Tous ceux-l� doivent �tre arr�t�s et, apr�s une salve d�avertissement, emmen�s � la morgue. �
De fait, Weinstein n�apporte pas la moindre preuve du � fascisme � de La Rouche, ni de ses similitudes avec Hitler et Mussolini. En r�alit�, son rejet de La Rouche et de Buchanan n�est fond� que sur une seule chose : leur rh�torique anti-juive. Il l�avoue, par la suite :
� Les fascistes diront que ce sont les juifs qui ont �t� les tireurs de ficelles de cinquante-cinq ans d�imp�rialisme am�ricain cr�ant, finan�ant et armant l�Etat sioniste d�Isra�l. C�est la raison pour laquelle ceux qui affichent leur opposition au sionisme sont soit fous, soit antis�mites, lorsqu�ils accusent le soi-disant � lobby juif � de dicter la politique �trang�re des Etats-Unis. �
Mais nous� Oui, nous, les amis de la Palestine, Jeff Blankfort, Micheal Neumann, Elias Davidsson, Stan Heller, Norman Finkelstein, David Hirst, Mazin Qumsiyeh et de tr�s nombreux autres (qui ne sommes assur�ment pas des antis�mites racistes), nous ne sommes pas plus fous que Weinstein lui-m�me. Nous sommes tout simplement honn�tes et nous disons ce que nous pensons �tre la v�rit�. Pour nous, il est plus important d�arr�ter aujourd�hui l�agression isra�lo-am�ricaine au Moyen-Orient que de s�inqui�ter pour � les juifs � et leur situation demain, car la v�rit� et la sinc�rit� repr�sentent la meilleure d�fense contre des � fascistes � annonc�s.
II.
V�ritablement, les marxistes, y compris les socialistes de Viewpoint, doivent-ils soutenir et prot�ger � les juifs � de gauche ? Le point de vue marxiste sur les juifs a �t� formul� par Karl Marx, Kautsky, L�nine, Trotsky et Abram Leon. Il est fond� sur le rejet du concept de � nation juive �. L�nine a d�clar� [2] : � cette id�e (sioniste) est absolument fallacieuse et intrins�quement r�actionnaire. � Il cita, en approuvant : � Le juif moderne est le produit d�une s�lection artificielle � laquelle ses anc�tres ont �t� soumis durant pr�s de dix-huit si�cles. � Abram Leon compl�ta cette opinion de la vision qui �tait la sienne : celle des juifs, peuple-classe. Pour L�on, les juifs �taient les capitalistes originaux de la soci�t� pr�-capitaliste ; c��tait des gens qui pr�f�raient assumer des fonctions antisociales telles que le pr�t � usure et la collecte des taxes et imp�ts. Naturellement, un tel � peuple-classe � ne m�rite pas que nous le soutenions.
Mais, m�me si Weinstein consid�re que � les juifs � constituent une nation distincte, cela n�est pas, l� encore, une raison pour les prot�ger. L�nine en appela � la � guerre r�volutionnaire contre les nations contre-r�volutionnaires � [3] et, en 1919, il �crivit : � Si nous nous battons contre le pr�sident [am�ricain] Wilson, et que Wilson fasse d�une petite nation son instrument, nous devons combattre cet outil ouvertement � [4]. De la m�me mani�re, L�on Trotski d�nia tout lien avec les juifs et il rejeta les appels que ceux-ci lui adressaient.
Les marxistes sont contre l�antis�mitisme RACISTE, mais cette peste a �t� compl�tement �radiqu�e, et c�est heureux ! L�antis�mitisme raciste ne doit pas �tre confondu � non seulement avec l�anti-sionisme, comme Weinstein le rel�ve avec justesse, mais aussi avec un rejet non-raciste � des juifs �, ailleurs. La Question Juive, tant celle de Marx que celle de L�on, sont des exemples de ce rejet non-raciste.
Tout marxiste conna�t l�opinion n�gative que Marx avait des juifs. � Leur Dieu, c�est l�argent �, a-t-il �crit. Naturellement, Marx n��tait pas raciste ; il pensait qu�une personne d�origine juive (c��tait son cas) pouvait rompre les amarres avec les juifs. Habituellement, une telle rupture �tait officialis�e par le bapt�me ; l��mancipation de Spinoza prit un caract�re formel avec le nidui � la mal�diction des juifs � apr�s que le philosophe eut rejet� la vision juive du monde.
Weinstein d�fendrait-il les juifs contre Marx et Spinoza ? Mais l�idiome anti-juif de Buchanan et La Rouche est tout aussi non-raciste. Tous deux ont de nombreuses personnes d�origine juive dans leur personnel et parmi leurs relations. Mais ces gens (� l�instar de Trotski, de Marx ou de Spinoza) n�appartiennent pas � la juiverie. De plus, ils s��l�vent contre � les juifs �, encourageant ainsi d�autres personnes d�origine juive � rompre avec ce vestige d�un pass� moyen�geux.
De la m�me mani�re, le Prince d�Orl�ans prit le nom de Philippe Egalit� et rejeta ses liens avec l�aristocratie. Si Weinstein pense que Foxman, Friedman et Sulzberger ont rendue populaire l�approche anti-juive aux Etats-Unis, il devrait inciter les marxistes am�ricains � prendre leurs politiques � bras-le-corps et � les conduire dans une direction id�ologique non-raciste. Car, sans cela, ses tentatives pour les prot�ger se retourneront contre eux. Les Am�ricains diront que les juifs, de Foxman � Weinstein, parlent d�une seule voix et que, par cons�quent l�antis�mitisme racial dangereux peut revenir � sur les ruines de la gauche marxiste.
De plus, le combat de Weinstein contre l�antis�mitisme �uvre objectivement � l�encontre des objectifs �clair�s de la gauche. Les juifs am�ricains ont pass� contrat avec la classe dirigeante am�ricaine. Ils appartiennent � l��lite am�ricaine, ils sont aux WASP ce que les Brahmines sont � la caste guerri�re des Kshatris. La gauche, en particulier la gauche marxiste, lutte afin de renverser les classes gouvernantes et � cr�er une soci�t� d��galit�. Il est impossible d�atteindre cet objectif sans une action anti-juive concert�e. Ce n�est qu�en s�parant les Brahmines des Kshatris, et les juifs des WASPs, que l�aube de l��galit� se rapprochera. � Semez la discorde chez vos ennemis � - telle est la premi�re r�gle du manuel chinois L�Art de la guerre. Au lieu de proclamer l�unit� entre les juifs et le reste des classes laborieuses, la gauche doit susciter des dissensions chez les juifs. Les �v�nements dramatiques en Palestine et l�enlisement de la guerre en Irak fournissent � la gauche une opportunit�. De ce point de vue, Lyndon La Rouche, le D�mocrate, et Buchanan, le R�publicain, m�ritent d��tre soutenus dans leur lutte contre le lobby juif.
[1] : Juillet / Ao�t 2003, vol 3, n� 7. Sionisme, antis�mitisme et fascisme, par Nat Weinstein
[2] : dans sa pol�mique avec le Bund
[3] : Effondrement de la Seconde Internationale (1915)
[4] : Discours prononc� devant le Huiti�me Congr�s du Parti Communiste de Russie.