Le geste augmenté de la violoncelliste Marie Ythier (original) (raw)

15 février 2015, par Jean-Marc Warszawski ——

Marie Ythier

Marie Ythier, Le geste augmenté, œuvres pour violoncelle et électronique (Fahrang, Juan-Marcos, Maestracci, Montalti, Gimenez-Comas, Ducher). Label evidence 2015 (EVCD 016).

Parmi la production discographique actuelle, ce disque est assez original par son programme qui rassemble des œuvres composées entre 2012 et 2015, et dont la soliste est commanditaire, dédicataire ou créatrice, donc active dans le processus de composition.

Dans le livret de présentation, la virtuose évoque la poésie et l'imaginaire. Il s'agit bien plus de cela que d'une improbable histoire de la musique ou qu'une classification de ses esthétiques. Les préventions qu'on peut ressentir au contact des inventions et nouveautés esthétiques, ou à ce dont on n'est pas habitué, relèvent peut-être de l'angoisse que nous pouvons avoir à ne pas maîtriser le monde déformé nos rêves.

Mais ni le violoncelle, ni l'électronique ne sont des nouveautés, le mariage des deux, tel qu'on l'entend sur ce cédé, s'inscrit dans une tradition bien rôdé, mais tout de même rare tant au disque qu'à la scène, au moins sur la scène dite savante. Paradoxalement, si ce violoncelle augmenté d'électronique peut encore sonner étrangement aux oreilles des amateurs de musiques anciennes, les amateurs de rock alternatif (qui apprécieront la courte citation du son saturé des guitar héros dans la pièce d'Aurélien Maestracci), voire d'électronique depuis Pierre Henri, y sont totalement familiarisés.

Ce cédé nous offre un très agréable moment onirique, tant pour sa formidable interprétation que pour la qualité des compositions raffinées, depuis les effets de gongs et cloches de Zämyäd, évoquant tout autant la Chine, Bali ou le Japon que l'Iran natal de son compositeur, comme l'effet de souffle dans le roseau peut évoquer autant la flûte de pan que le ney, la faconde du violoncelle dans Machina Crudele de Vittorio Montalti, ou le babil du nourrisson réinventé par Nuria Gimenez-Comas dans sons Naissance des mots,ou le caractère bagarreur (mais aussi à l'âme lyrique) si bien rendu dans Narada fils de Brahma de Jean François Ducher.

On notera que l'électronique est à la fois (et selon les pièces) fixée (préenregistrée) et en temps réel, retraitant le son du violoncelle. Selon le livret, l'enregistrement aurait bénéficié de l'innovation du procédé Traspan, mis au point à l'IRCAM, permettant une écoute binaurale et transaurale, au casque ou par enceintes conventionnelles. Mes enceintes et mon casque me parlent plus prosaïquement d'une excellente stéréophonie, qui apporte une spatialisation vivante très appréciable.

Antonio Juan-Marcos, El Afilador (extrait). Plage 2.


Jean-Marc Warszawski 15 février 2016

1. Alireza Farhang, Zämyäd (2015), 2. Antonio Juan-Marcos, El Afilador (2013), 3. Aurélien Maestracci, Je t'attendrai là où je sais que tu ne seras pas (et m'effondrerai de ne pas t'y voir venir) (2012), 4. Vittorio Montalti, Macchina Crudele (2012), 5. Núria Giménez-Comas, Naissance des mots (2015), 6. Jean-François Ducher, Narada (2013).


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Vendredi 30 Août, 2024