Macon, Genève, Aix-la-Chapelle, Marina Viotti (original) (raw)
Aachen (Aix-la-Chapelle), 7 avril 2017, par Jean-Marc Warszawski ——
Les Meisterkonzerte de Aachen (Aix-la-Chapelle) en Allemagne, ont invité la jeune mezzo-soprano Marina Viotti, pour une soirée de Lieder dans la grande salle de l'Eurogress, le palais des expositions local.
Descendante du grand violoniste Giovanni Battista Viotti (1755-1824), fille du chef d'orchestre Marcello Viotti (1954-2005) qui a dirigé d'importants orchestres et d'importantes institutions de la radio bavaroise à la Fenice de Venise, Marina Viotti est née avec une clef de sol argentée dans la bouche, a fait un cycle complet de flûte traversière au Conservatoire de Luxembourg, s'est essayée à la vocalise jazz et opté un temps, du côté de Forbach, pour le métal symphonique très rock progressif, avec le groupe Lost Legacy (magnifiques parties vocales), puis plutôt gothique cette fois seulement tendance progressive, avec le groupe Soulmaker (un nom pour ensemble gospel) à la musicalité exigeante, mais au jeu de scène assez factice.
Elle disparait des radars metalleux pour travailler sa voix à Vienne avec Heidi Brunner, intègre les chœurs Singverein, Gustav Mahler, et celui de l'Opéra de Vienne, entre à la Haute école de musique de Lausanne, fait ses débuts de soliste sous la direction de Bertrand de Billy, cette fois dans ce qu'on appelle le répertoire.
En 2014, la rédaction de musicologie.org a particulièrement apprécié sa prestation, tant pour ses qualités vocales que pour son engagement, au concours de chant lyrique de Mâcon, où elle a remporté le premier prix avec l'air « Cruda sorte » de L'Italienne à Alger de Rossini et l'air « Amour, viens aider ma faiblesse » extrait de Samson et Dalila, de Saint-Saëns. Depuis, les scènes lyriques lui offrent des rôles, parfois des rôles-titres, notamment l'Opéra de Lausanne. En 2016, elle est lauréate du Concours international Genève. C'est dans ce cadre qu'elle était invitée par les Meisterkonzerte à Aachen, où elle a chanté un programme basé sur celui présenté au Concours.
Un très beau programme, intelligemment construit, répondant aux exigences du concours, quant aux langues, aux époques, aux genres, mais aussi, c'est évident, à son sens du spectacle et un rapport décomplexé quant au décloisonnement des genres (bannissons cette idée de Crossover), et peut-être la volonté d'une certaine originalité, ou celle de ne pas diluer sa personnalité.
Malgré la configuration de la grande salle, à la bonne acoustique sans plus, plutôt prévue pour les festivités de carnaval, les bals de Saint-Sylvestre, et autres festivités populaires, que pour un « Liederabend », Marina Viotti a enchanté le public, magistralement accompagnée au piano par Todd Cambrun, accompagnateur et chef de chant recherché, qui avait déjà travaillé à l'Opéra de Aachen il y a une vingtaine d'années.
Marina Viotti est parfaitement à l'aise et convaincante, très musicienne, dans la diversité des pièces qu'elle présente sous le titre générique de « Love has no borders », récital qu'elle tourne en Europe : mélodies de Tchaïkovski, Duparc, Schubert, plus vocalisantes dans des extraits d'opéras ou d'opérettes de Bizet, Rossini ou d'Offenbach. La seconde partie, plus contemporaine avec « je ne t'aime pas » extrait des chansons composées par Kurt Weil de passage à Paris sur la route de l'exil, pour la chanteuse pour Lys Gauty, et des mélodies de toute beauté de Samuel barber, Schönberg, le Théatral Black Max de William Bolcom, et pour finir La chanson des vieux amants de Jacques Brel avec la magnifique partie de piano de Gérard Jouannest. Paradoxalement elle ne semble pas toujours à l'aise dans cette chanson sans exigence vocalique particulière. Entonnée comme une berceuse élégiaque introvertie (tenir compte de la salle), quand on à la projection angoissée et extravertie de Jacques Brel dans l'oreille, la chanson semble un moment terne, puis finit par être terriblement touchante. Respect, comme on dit ici.
Enfin pour ne pas rester sur une note de tristesse, en bis, « What a Movie » jazzy et bien enlevé, de l'opéra Trouble in Tahiti. de Leonard Bernstein.
On ne doute pas qu'elle fera une belle carrière à l'opéra, elle y développera peut-être la projection du bas de tessiture, surtout sans en perdre la musicalité actuelle, mais espérons qu'elle n'y laissera pas son âme de récitaliste, son sens du tour de chant, son plaisir de contact au public. C'est une fausse perspective de penser que ce genre est réservé aux divas prenant de l'âge.
Marina Viotti est également bavarde, elle adore présenter ses chansons, philosopher, plaisanter, avec simplicité et spontanéité, cela casse un peu la magie du spectacle. À mon sens, ce n'est pas assez préparé, d'autant qu'ici en Allemagne, elle s'est exprimée en anglais, comme si tous les Allemands comprenaient l'anglais, surtout dans une salle qui porte mal la parole non amplifiée. Pour une personne amenée à chanter dans différentes langues, il aurait peut-être fallu prévoir une présentation en allemand et la scénariser. Mais il est vrai que les Anglo-saxons aiment ça. Même dans les cafés rock où la pompe à bière pompe à flots, les artistes qui se produisent ne peuvent se retenir de faire des discours, tant sur la planète, que sur leurs motivations, sans oublier le merveilleux public.
Jean-Marc Warszawski
9 avril 2017
Le programme
Tchaïkovski, Romanzen, opus 6, no 6, Niet Tolka ; Henri Duparc, Chanson Triste ; Franz Schubert, Der Zwerg, opus 22, no 1 ; Georges Bizet « Séguedilles » de Carmen ; Gioachino Rossini « Una voce poco fa », de ll Barbiere Di Siviglia ; Jacques Offenbach « Je t'adore brigand », de La Périchole — Pause — Kurt Weill, Je ne t'aime pas ; Samuel Barber, Despite and Stili, opus 41, no 4, « Solitary Hotel » ; Francis Poulenc, Banalités, Hôtel ; Arnold Schönberg, Brettl-Lieder, « Mahnung » ; William Bolcom, Song black Max ; Jaques Brel, La chanson des vieux amants — en bis — Leonard Bernstein, « What a movie », de l'opéra Trouble in Tahiti.
La demi-finale du Concours de Genève 2016
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Lundi 16 Septembre, 2024