L'aurore boréale de la violoncelliste Hermine Horiot (original) (raw)

23 décembre 2018 —— Jean-Marc Warszawski.

Boréales, Hermine Horiot (violoncelle), Jean Sibelius, Ingvar Lidholm, Pēteris Vasks, Nicklas Schmidt, Arne Nordheim, Arvo Pärt. 1001 notes 2018 (1001 notes 13).

Boréales, Hermine Horiot (violoncelle), Jean Sibelius, Ingvar Lidholm, Pēteris Vasks, Nicklas Schmidt, Arne Nordheim, Arvo Pärt. 1001 notes 2018 (1001 notes 13).

Enregistré à l'église luthérienne Saint-Pierre à Paris et à l'Auditorium de Vincennes.

Née sur les bords du lac Kir, Hermine Horiot n’a jamais vu d’aurore boréale, mais comme beaucoup d’entre nous, elle imagine fort bien le silence enneigé de Scandinavie, symbole de tous les silences enneigés du monde, et inspiration pour le programme de ce nouveau cédé. Une manière de roder son violoncelle, fabriqué à Norberg en Suède par le luthier Peter Westerlund.

Elle a étudié le violoncelle avec Laurent Lagarde au Conservatoire de Dijon, puis au Conservatoire national supérieur de Paris dans la classe de Philippe Muller. Surtout musicienne chambriste, elle se produit un peu partout, particulièrement au sein du quintette Josephine Smoking hors des sentiers battus par les classiqueux, et de l’ensemble symphonique Les Dissonances, créé par David Grimal, fameux pour jouer sans chef, peut-être un des événements musicaux les plus importants du moment.

Après un premier cédé de romances en compagnie du pianiste Ferenc Vizi, en voici un second pour violoncelle seul, d’œuvres de compositeurs scandinaves et baltes, l’ancêtre Jean Sibelius en tête, Arvo Pärt, Pēteris Vasks que nous avons rencontré il y a peu à Musique de chambre à Giverny, personnage aussi truculent que sa musique est ciselée et sophistiquée, et pour les moins connus dans notre grand Sud, Ingvar Lidholm, Arne Nordheim et Nicklas Schmidt, dont Fluctuations 13 (plage 5), de 2017 est une commande de la violoncelliste.

Bien sûr, la musique est un théâtre d’impressions, la manière de la jouer, sa mise en scène est en soi expressive au-delà des notes de la partition. Un orchestre c’est collectif, un instrument seul, c’est solitaire. Plus ou moins. Le piano présent partout jusqu’aux halls de gares, ayant la réputation de pouvoir remplacer un orchestre tout entier, est un solitaire terriblement collectivisé, le symbole de la réussite individualiste. La flûte, le violon, le violoncelle, moins bien nantis, au regard de l’idéologie musicale dominante, pour l’exercice autonome, font moins souvent bande à part. Quand ils le font, libérés des obligations collectives, on découvre les trésors de leurs possibilités sonores. Ce qui est en général le but de l’opération. Il leur est presque naturel de jouer de leur solitude, de leur humanité, au point ici et là d’en imiter la vocalise.

La solitude, rapport aux autres et l’introspection, rapport à soi-même, ne sont pas la même chose. L’enregistrement au plus proche de l’instrument, parfois beaucoup de réverbération, flattent le son, mais desservent un peu, me semble-t-il, le sentiment de solitude, et la résonance mate des paysages enneigés. Si je n’étais pas au coin de mon radiateur, mais par moins vingt degrés au milieu d’un champ de neige, peut-être apprécierais-je cet apport de chaleur.

Hermine Horiot nous offre une totale, dans les étendues enneigées désertiques, certainement immaculées, vierges de tout doigt de cervidé ou de pattes et bec de corbeau. Un véritable voyage d’hiver qui ne va pas, comme celui de Schubert, inexorablement vers la mort. On est plutôt ici dans le chant des rhapsodes, l’élégie, la plainte et la protestation, l’espoir, l’incantation. Parfois âpre, parfois implorant, un voyage d’hiver plutôt positif, car sa dernière étape est une énième version de Fratres d’Arvo Pärt, laquelle n’est pas cette fois de la main du maître, mais de Julien Podolak, pour violoncelle, piano, quintette à cordes et électronique. Hermine Horiot n’a jamais vu d’aurore boréale, mais la fin de son voyage de neige, approuvée par le compositeur estonien, permet de l’imaginer.

plume 6 Jean-Marc Warszawski 23 décembre 2018

1. Jean Sibelius (1865-1957), Finlande, Thème & variations (1887), 2. Ingvar Lidholm (1921-2017), Suède, Fantasia Sopra Laudi (1977), 3. Peteris Vasks (1946-....), Lettonie, Grāmata Čellam-The Book (1978), . Nicklas Schmidt (1976-....), Danemark, Fluctuation 13 (2017), Commande d’Hermine Horiot, 5. Arne Nordheim (1931-2010), Norvège, Clamavi (1980), 6. Arvo Pärt (1935-....) Estonie, Fratres (1977), Adaptation pour violoncelle, quintette à cordes, piano & électronique réalisée par Julien Podolak, avec l’accord d’Arvo Pärt et des éditions Universal (2017). Avec la participation de Gaspard Dehaene (piano), Quatuor Lumos (Yaoré Talibart, Yeroen Suys, Anna Sypniewski, Jérémy Garbarg), Gauthier Broutin (violoncelle).


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