Fernando Sor sort sous les doigts du guitariste Philippe Mouratoglou (original) (raw)

Paris, Athénée Louis Jouvet, 16 mai 2019 —— Jean-Marc Warszawski.

Philippe Mouratoglou, Athénée théâtre Louis Jouvet, 16 mai 2019. Photographie © musicologie.org.Philippe Mouratoglou, Athénée théâtre Louis Jouvet, 16 mai 2019. Photographie © musicologie.org.

Sympa cette salle Christian Bérard (célèbre costumier-décorateur des années 1930), perchée tout là-haut sous les combles du Théâtre Louis-Jouvet, au bout de quelques escaliers et couloirs tout peinturlurés en trompe-l’œil, comme la salle elle-même où sont alignés treize sièges fois sept rangs égalent quatre-vingt-onze places, toutes occupées. Petit espace, mais une scène d’ouverture et de profondeur appréciables. Un de ces lieux assez rares qu’on recherche, parfaits pour la musique de chambre.

Si dans Il cavaliere inesistente, roman d’Italo Calvino, le personnage Gourdoulou est tout soupe, Mouratoglou est quant à lui toutes guitares acoustiques, du baroque au jazz, voire improvisation libre. Après des études auprès du hollandais Wim Hoogewerf, au Conservatoire national supérieur de Paris avec Roland Dyens, décédé prématurément voici peu, et avec l’Argentin Pablo Márquez, il mène une carrière internationale, alternant parmi une cinquantaine de concerts annuels, récitals classiques ou de créations contemporaines, de Lieder avec la soprano Ariane Wohlhuter, de musiques improvisées avec ses acolytes Jean-Marc Foltz (clarinette basse) ou Bruno Chevillon (contrebasse) et Ramon Lopez (percussions) et ou autres. Une activité scénique phonographiée par une quinzaine de cédés.

Ce soir, Philippe Mouratoglou présentait le programme d’un cédé consacré aux œuvres de Fernando Sor, guitariste-compositeur, né à Barcelone en 1778. Son père le destinant à la carrière militaire, Sor passe de la maîtrise du monastère de Montserrat à l’académie militaire, mais ne cesse de composer. Un de ses opéras est créé à Barcelone en 1796. Il occupe des postes administratifs à Madrid, Barcelone, Málaga, intègre en 1810 l’administration de l’occupant français et doit plier bagage avec eux en 1813. Des français qu’il a combattu en 1808 lors de l’invasion, y compris avec des chants patriotiques. Il s’installe à Londres deux ans plus tard, il y a un immense succès comme guitariste, mais aussi comme compositeur. Son ballet Cendrillon, qui triomphe à Londres et à Paris, est choisi pour l’ouverture du Bolchoï à Moscou en 1723. Après un séjour dans cette ville, il se fixe à Paris en 1726, où il meurt 13 ans plus tard. Il laisse soixante-cinq œuvres pour la guitare, une méthode, des études.

Il n’y a pas chez Sor la recherche du « chant profond », l’enracinement dans le terroir, surtout andalou, marquée par ses successeurs. Si on sent parfois une influence populaire, pas nécessairement espagnole, dans sa virtuosité mélodique, voire belcantiste, le classicisme viennois infléchit la signature d’une harmonie ambrosiaque, chantante et concertante dans ses parties internes, ce que Charles Rosen (Le style classique, « tel », Gallimard, Paris 1978), définit comme nouvelle polyphonie.

La bonne acoustique et silence tombal du public aidant, Philippe Mouratoglou est à son aise pour faire valoir la délicatesse de cette musique, ses respirations silencieuses, souvent soulignées par des cadences flotantes inachevées, ses nuances finesses et délicatesses. Il est précis et régulier dans les traits, évite les glissés sur le manche, même dans l’étude sur les accords, les staccatos sont nets, comme les attaques sur les harmoniques. Ça chante dans les cordes et ça enchante.

Le récital a été ouvert par Murailles, une œuvre du guitariste qui n’a rien de son titre, enfin rien de massif, suivie d’un ricercare polyphonique de Francesco de Milano (1497-1543). En bis, une pièce d’Agustín Barrios Mangoré (1885-1944).

Quant au cédé, tout y est avec en prime une magnifique pochette signée Emmanuel Guibert, et un très beau livret illustré de 32 pages.

Philippe Mouratoglou, Œuvres pour guitare de Fernando Sor, variations sur « O cara armonia » de Mozart, Études, Grand solo opus 14, Andante largo, opus 5, Le calme, opus 50. Vision Fugitive 2019 (VF 313017).Philippe Mouratoglou, Œuvres pour guitare de Fernando Sor, variations sur « O cara armonia » de Mozart, Études, Grand solo opus 14, Andante largo, opus 5, Le calme, opus 50. Vision Fugitive 2019 (VF 313017).

Enregistré en juin 2017, Studio La Buissonne à Pernes-les-Fontaines.

1. Variations sur « O Cara Armonia » de La flûte enchantée de W. A. Mozart, 2. Étude opus 29 no 21, 3. Étude opus 6 no 9, 4. Étude opus 6 no 7, 5. Le calme opus 50, 6. Étude opus 35 no 17, 7. Grand solo opus 14, 8. Étude opus 29 no 16, 9 . Étude opus 31 no 20, 10. Étude opus 6 no 10. 11. Andante Largo opus 51.

plume 4 Jean-Marc Warszawski 16 mai 2019


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Mercredi 9 Décembre, 2020

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