Philippe Entremont joue Beethoven (original) (raw)

14 décembre 2019 —— Jean-Marc Warszawski.

Philippe Entremont joue Beethoven, sonates pour piano opus 20, 27, « clair de Lune », 109, 57, « appassionata ». Solo musica 2019 (SM 311).

Philippe Entremont joue Beethoven, sonates pour piano opus 20, 27, « clair de Lune », 109, 57, « appassionata ». Solo musica 2019 (SM 311).

Enregistré à la Chaud-de-Fonds en 2018.

Même s’il n’est pas tant médiatisé en France et que bien des mélomanes ne connaissent plus son nom, Philippe Entremont est une légende vivante, comme pianiste et comme chef d’orchestre. Âgé de quatre-vingt-cinq ans depuis le 7 juin 2019, il n’a pas raccroché les gants des tournées et des enregistrements, dont il détient quantitativement des records, il est certainement le pianiste et chef d’orchestre français le plus connu hors de France.

Né à Reims dans un milieu musical, sa mère est pianiste, son père violoniste et chef d’orchestre, il est un des élèves de Jean Doyen et de Marguerite Long au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. À l’âge de 16 ans, il remporte le Concours Concours Reine Élisabeth, deux ans plus tard, le Concours Marguerite Long-Thibault et fait un triomphe au Carnegie Hall de New York dans les concertos d’André Jolivet et de Franz Liszt.

Il a écumé les grandes scènes mondiales sous la direction des chefs les plus renommés, puis à partir de 1967, il s’est lui-même emparé de la baguette avec succès.

Il devient directeur musical et chef permanent de l’Orchestre de chambre de Vienne, dirige entre autres l’Orchestre philharmonique de La Nouvelle-Orléans, l’Orchestre symphonique de Denver, et l’Orchestre Colonne à Paris, l’Orchestre Symphonique de Munich, l’Orchestre symphonique de la NHK de Tokyo.

Il comptabilise un franc parler qui ne fait pas que des amis et plus de 7 000 concerts, ce qui pourrait se continuer après sa mort, puisque qu'on vient de l'enregistrer dans un programme Bach, Beethoven, Chopin, Debussy et Mozart, pour l'hologrammer.

Pour ce 265e enregistrement, soixante ans après son premier en 1959 et à l’orée de 2020 et des 250 ans de Ludwig van Beethoven, il a gravé pour la première fois les sonates opus 49 (no 20), opus 27 (no 14), « clair de Lune), opus 109 (no 30) et opus 57 (no 23), « appassionata ».

Il nous livre un Beethoven juvénile, dont on oublie souvent qu’il est Viennois plus qu’allemand, classique plus que romantique. Un Beethoven sans pathos, l’architecture avant tout, sans les pesanteurs sentimentalistes, respect des tempos sans rubato dramatique, sinon de très légères respirations en appel avant les attaques, où le pianiste n’économise pas l’énergie quand il le faut. Peut-être aurait-on aimé un peu plus de détaché dans les traits, comme on les aime actuellement. Philippe Entremont nous fait un Beethoven plutôt clair, terrien lumineux plus que tellurique dramatique, même si la fougue est au rendez-vous, il met en avant l’espérance du révolutionnaire, contre le misérabilisme et le désespoir dont on a tendance à affubler le troisième des Viennois. Que de nuances et de délicatesse aussi qui se dévoilent peu à peu à chaque écoute.

Une bonne idée d’ouvrir avec la sonate en deux mouvements opus 49 qui a la réputation d’être une œuvre pour écoliers. Surtout, entre les deux monuments que sont l’opus 27, « clair de Lune » et l’opus 57 « appassionata », on admirera l’opus 109 en mi majeur, l’œuvre, son interprétation, se extraordinaires variations, une des premières empreintes de pas sur la neige vierge du romantisme, qui vaut pour tout le cédé.

Que de musique !

Ludwig van Beethoven, Sonate opus 109, no 30, en mi majeur, II, prestissimo (plage 7).


ISNN 2269-9910.