Schubert-Ellington : une seule solution le programme commun (original) (raw)
6 octobre 2019 —— Jean-Marc Warszawski.
Schubert-Ellington, Karen Vourc’h (soprano), Louis Rodde (violoncelle), Thomas Savy (clarinettes), Guillaume de Chassy (piano). B Records 2019 (LBM 019).
Enregistré en public à l'abbaye de Noirlac, 30 novembre 2018.
Dans le fond, voici un cédé au programme assez singulier que nous ont concocté Karen Vourc’h (soprano), Thomas Savy (clarinettes), Louis Rodde (violoncelle), Guillaume de Chassy (piano). Il n’est pas rare aujourd’hui que les musiciens passent de la musique académique, ancienne et nouvelle, au jazz, à la variété au blues et inversement dans tous les sens. La relation entre différentes formes de jazz et le classique au sens large est depuis longtemps exploré, que ce soit par George Gershwin, Maurice Ravel, Claude Debussy, Nicolaï Kapustin, André Hodeir, ou que l’on passe du jazz au classique, comme a pu le faire Keith Jarrett, ou les mises en jazz de Jacques Loussier.
Il y a des marges frontalières, des hybridations modales, des pulsions rythmiques opportunes, des citations mélodiques, aussi un jeu ambigu entre ce qui est noté et écrit, comme les faux semblants de Nicolaï Kapustin ou l’art des improvisations écrites, voir l’attitude humaine et sonore on ne peut plus académique du Modern Jazz Quartet, les improvisations jazz-blues au cornet à bouquin, et vocalement par Philippe Jaroussky, dans Monteverdi, avec l’Arpeggiata de Christina Pluhar, les concertos (jazz) pour piano et orchestre de Martial Solal. Mais il n’y a pas de quoi faire monde commun, sinon dans l’effondrement des genres, par exemple quand free jazz, musique contemporaine et improvisation libre peuvent avoir un vrai cheminement commun, ou encore dans le melting pot que furent les années du rock progressif. Sinon classique et jazz sont deux mondes harmoniques et mélodiques différents.
Les œuvres programmées de ce cédé sont peu motivés par ces hybridations possibles, ce qui est une manière, pour ces quatre musiciens projetant de jouer à la Schubert-Ellington, de mettre assez haut les contraintes. La confrontation concertante de ces deux mondes ramifiés, celui de Schubert, du Duke, en passant par ceux de Chostakovitch ou Dussapin, demande donc une certaine souplesse et bon jugement esthétiques, pour que ça passe en beauté. On est donc plutôt dans la citation, le dérapage, notamment de l’harmonie dans l’impromptu opus 90 de Schubert, la digression. C’est un concert salade, comme Jean Wiener en organisa en son temps, de ceux qu’il n’a peut-être pas osé imaginer.
ISNN 2269-9910.