Quatre et cinq têtes de Dvořák par les sans noms (original) (raw)

7 novembre 2020 —— Jean-Marc Warszawski.

Dvořák, Quintette opus 81, quintette opus 77, Quatuor Sine nomine, Philippe Dinkel (piano), Vincent Pasquier (Contrebasse). « Re Issue », Cascavelle 2020 (1988) (VEL 1517).

Enregistré en juin 1988, à Corseaux-sur-Vevey, Suisse.

Le quatuor Sine domine (sans nom) a été formé à Lausanne en 1975 par des étudiants, Patrick Genet, Olivier Bertholet, Jean-Christophe Jaermann, et Marc Jaermann. L’ensemble affirme ses visées professionnelles en 1982, avec l’arrivée de François Gottraux second violon et Nicolas Pache à l’alto, qui sera remplacé par Hans Egidi en 2002. En 1985, les quatre font une très forte impression au Concours d’Évian, raflent pratiquement tous les Prix et lancent la carrière de leur ensemble sans nom comme nom. On admire, sur quarante-cinq ans, la stabilité du personnel, qui outre des tournées mondiales, a enregistré une trentaine de cédés, « grand » répertoire (Mozart, Beethoven, Brahms, Mendelsohn…), moins connus (Goldmark, d’Alessandro) et créations (Olivier Greif et autres).

Alors qu’ils publient chez Claves les quatuors opus 18 de Ludwig van Beethoven, l’éditeur Vde Gallo remet en circuit commercial deux de leurs albums d’œuvres d’Antonín Dvořák, édités dans les décennies précédentes par Cascavelle, dont il a racheté le fond : les quintettes opus 81 et 77, avec Philippe Dinkel (piano) et Vincent Pasquier (contrebasse), enregistrés en 1988, et les quatuors opus 61, no 11 et opus 106, no 13, enregistrés en 1991.

Antonín Dvořák n’a certainement jamais été garçon boucher sous la pression de ses parents. Une légende urbaine. Tout montre qu’il a été soutenu par sa famille dans ses études musicales. Tout au plus peut-on croire qu’ils auraient visé pour lui une carrière administrative, par l’insistance à lui faire suivre des cours allemands, langue officielle de l’administration.

Les deux quintettes et les deux quatuors couvrent de manière assez équidistante une période de vingt années, entre ses trente-quatre et cinquante-quatre ans.

Dvořák, Quatuors à cordes opus 61 no 11 et opus 106, no 13, Quatuor Sine nomine. « Re Issue » Cascavelle 2020 (1991) (VEL 1518).

Le quatuor opus 77, de 1875, n’est pas vraiment une œuvre de jeunesse. Comme le numéro d’opus l’indique, Dvořák a déjà composé un bon nombre d’œuvres dont un opéra. Il connaît une notoriété naissante qui lui vaut plusieurs années de suite une bourse de l’État autrichien, par un, jury qui comprend selon les années Édouard Hanslick et Johannes Brahms. Il a joué de l’alto, tenu le poste de premier violon au théâtre de Prague, a joué des musiques populaires dans les cafés et les bals.

Les années 1890, au cours desquelles il compose les quatuors nos 11 et 13, sont pour Antonín Dvořák celles de la consécration. Il refuse un poste de professeur au Conservatoire de Prague, reçoit la Croix de fer autrichienne, est nommé docteur honoris causa de la jeune université tchèque de Prague, est élu à l’Académie des sciences et des arts, sa musique fait un tabac en Angleterre.

En 1892, il est nommé directeur du Conservatoire national de musique de New York, avec un salaire 25 fois supérieur à celui de Prague. Il pense que les Américains attendent qu’il leur montre « le chemin de la terre promise et du règne d’un art nouveau et indépendant… qu’il fonde une musique nationale ». On en dit peut-être beaucoup, certainement plus que l’oreille n’en perçoit, sur l’influence des musiques noires et indiennes dans la musique « américaine » de Dvořák. Mais on polémique. Le compositeur Edward MacDowell (1860-1908) se demande quel rapport pourrait bien entretenir la musique de nègres avec l’américanisme, il pense qu’une musique faite de recettes comme celle de Dvořák n’est pas une musique, mais un habit sur mesure. La symphonie « Du Nouveau Monde », créée le 16 décembre 1893 au Carnegie Hall est toutefois un succès délirant… Mais après le beau-temps la pluie, des revers financiers privent Jeannette Thurber, présidente du Conservatoire de New York et généreuse mécène, des revenus de son mari sur lesquels Dvořák était rémunéré. Retour à Prague. Quelques souvenirs d’Amérique se mêlent peut-être au quatuor opus 106, de 1895.

Cette symphonie, envoyée du Nouveau Monde, est presque synonyme d’Antonín Dvořák, on en oublie la prolifique production de musique de chambre, où le symphoniste de génie porte sa marque, et celle du style praguois). Ses nombreux quatuors et ses deux quintettes sont de facture orchestrale, l’ajout de la contrebasse dans l’opus 77, renforçant ce caractère par le soutien harmonique que l’instrument apporte. Voir un caractère de concerto, dans le quintette avec piano opus 81.

Comme chez Tchaïkovski ou Brahms, les nombreuses évocations populaires sont disciplinées par l’harmonie tonale, certes rutilante, et une structure classique.

Ces deux enregistrements méritent la réédition, mais il faudrait aussi penser à mettre en avant les jeunes instrumentistes dont la grande valeur et les apports renouvelés risquent de manquer à notre patrimoine.

Antonín Dvořák, Quatuor no 13, adagio ma non troppo (plage 6), extrait.

Antonín Dvořák, Quintette avec piano opus 81, Dumka (plage 2), extrait.

plume 7 Jean-Marc Warszawski 7 novembre 2020


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