Jeanne d'Arc - H.Wallon - Appendice : Entr�e du second convoi dans Orl�ans le 4 mai 1429 (original) (raw)

Jeanne d'Arc par Henri Wallon - 5° éd. 1879 Appendice 20 : Entrée du second convoi dans Orléans le 4 mai 1429

Parmi les mandats de payement en date du 14 octobre 1429, d'où est résultée la preuve que le convoi, amené par la Pucelle en face de Chécy, près de l'île aux Bourdons, a été directement transporté de là par eau à Orléans, M. Boucher de Molandon en a trouvé un qui porte cette mention :
"Item, payé à Jehan de la Rue pour dépense faite en son hôtel par les nottoniers (bateliers), qui amenèrent les blés qui furent amenés de Blois le 4° jour de may, xiii livres xii s. p."

Et il en a conclu que le 4 mai, comme le 29, le convoi est entré par eau dans Orléans.
Ceci passe toute vraisemblance. Autant il était naturel d'admettre, les textes n'y faisant pas obstacle, que les bateaux envoyés vers Chécy, pour y charger les blés amenés sous l'escorte de la Pucelle, revinssent par la voie qu'ils avaient suivie en venant, autant il est impossible de croire que le convoi du 4 ait pris la même route. Tous les textes nous disent qu'il est venu par la Beauce et que Jeanne vint à sa rencontre. C'est ce que dit Pasquerel qui y était : "Et deinde paucis diebus transactis, ipse loquens cum multis armalis venit ad civitatem aurelianensem per latus cum dicto vexillo et presbyteris, sine quocunque impedimento ; et dura ipsa Johanna scivit eorum adventum ipsa ivit eis obviam et insimul intraverunt villam Aurelianensem sine impedimento et introduxerunt victualia, videntibus anglicis" (t.III, p.105). C'est ce que confirme d'Aulon qui y était aussi (ibid., p.211). Les récits du temps ne différent que sur la désignation de la bastille devant laquelle on passa. Le Journal du siège se borne à dire : "par devant la bastille des Anglais" (t.IV, p.156) ; Jean Chartier dit "devant la grande bastille des Anglais nommée Londres" (ibid., p.56), c'est à dire à travers les lignes des assiégeants ; la Chronique de la Fête du 8 mai, que Jeanne alla à la rencontre du convoi jusqu'à la forêt d'Orléans et qu'elle le ramena le long de la bastille appelée Paris (celle du Nord) (t.V, p.191), ce qui est plus probable. La Chronique de la Pucelle (ibid., p.222) suppose à tort que Dunois n'avait pas quitté Jeanne d'Arc et qu'ils sortirent ensemble le matin de la ville au-devant des vivres qu'ils y ramenèrent, les Anglais n'osant pas sortir de leurs bastilles. Tous sont donc d'accord sur l'entrée du second convoi par la Beauce et par terre. Et l'on voudrait séparer le convoi de l'escorte ! on voudrait que tandis que l'escorte venait par une rive, le convoi fût allé par une autre ! Pourquoi ? Pour donner raison à cette mention des nautoniers "qui amenèrent les blés de Blois le quatrième jour de mai." Mais cette mention est secondaire dans la pièce : la chose essentielle est le payement fait aux nautoniers ; qu'ils soient venus le 29 avril ou le 4 mai, peu importe. C'est évidemment par une confusion des deux événements que le comptable, cinq à six mois plus tard, a pris l'une des deux dates pour l'autre : toutes les vraisemblances sont d'accord avec les textes pour exiger cette rectification ; et M. Boucher de Molandon n'aurait, sans doute, pas hésité à en convenir, s'il n'y avait cru trouver la confirmation d'une idée qui le préoccupait surtout dans cet ouvrage, à savoir le complet investissement d'Orléans : "Ce fait curieux, dit-il, et jusqu'à présent inconnu, fournirait au besoin une preuve nouvelle du complet investissement de la ville, puisque le 4 mai au matin (l'attaque et la prise de la bastille Saint-Loup n'ayant eu lieu que le soir) Dunois lui-même, marchant à la tête d'un corps de troupes considérables, accompagné du maréchal de Raiz, du maréchal de Sainte-Sévère, etc..., et secondé par une sortie de cinq cents hommes de la garnison commandés par La Hire, Villars, Florent d'Illiers et la Pucelle, n'aurait pas osé faire passer à travers les redoutes ennemis le convoi de blé qu'il amenait de Blois et l'aurait expédié par le fleuve (p.59)."

Mais comment l'aurait-il expédié par le fleuve ?
M. Boucher de Molandon ne prétend pas que ce soit en remontant le fleuve sous le feu des bastilles de Saint-Laurent, de l'Ile Charlemagne et du Champ Saint-Privé, qui l'eussent pris comme dans un filet. C'est donc en descendant le fleuve, et par conséquent, ainsi que je le disais, le convoi serait allé par une rive et l'escorte par une autre : car on ne peut nier que Dunois et la Pucelle ne se soient rencontrés ce jour là et n'aient passé processionnellement devant les Anglais de Saint-Pouair qui ne bougèrent pas. Cela n'ébranle pas la confiance de M. Boucher de Molandon dans ce billet de payement. Il se rejette sur son blocus : "S'il était vrai comme le veulent quelques historiens, continue-t-il, qu'au nord-est de la place et à l'entrée de la forêt, précisément au point par où Dunois arrivait avec ses capitaines et ses hommes d'armes, une large trouée de près de quatre kilomètres fût demeurée ouverte et inoccupée par l'ennemi, il faut reconnaître que le Bâtard si bien accompagné de généraux et de soldats et si bien soutenu par la Pucelle, n'osant faire entrer son convoi de blé par cette béante ouverture et préférant le confier aux hasards du fleuve, aurait fait preuve d'une timidité qu'on n'est pas accoutumé de rencontrer en lui. C'était au contraire une sage et prudente prévoyance si, comme tout l'indique, le blocus était devenu complet par la construction de la bastille de Fleury (p.59, 60)." En vérité c'est attacher trop de terreur à cette prétendue bastille de Fleury-aux-Choux !


Source : Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879