Jeanne d'Arc - H.Wallon - Appendice : Frais divers � l'occasion du sacre (original) (raw)
Jeanne d'Arc par Henri Wallon - 5° éd. 1879 Appendice 31 : Frais divers à l'occasion du sacre |
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L'extrait des comptes de Hémon Raguier porte 243 livres tournois, forte monnaie (environ 2240 francs, valeur intrinsèque, à 9 fr. 22 cent, la livre tournois), et trente ducats d'or donnés à diverses fois pendant les mois d'août et de septembre pour les dépenses de la Pucelle au voyage de Reims; en outre une somme de 236 1. t. forte monnaie (2175 fr. 90 cent., valeur intrinsèque), qui se décompose ainsi : 38 1. 10 s. t. pour un cheval qui lui fut donné à Soissons; 137 1. 10 s. t. pour un autre qu'elle reçut à Senlis, et 60 1. t. à Reims pour son père. Indépendamment de ces renseignements, recueillis déjà par La Roque, Traité de la Noblesse (Rouen, 1710, in-4°), et par M. J. Quicherat, t. V, p. 266, l'extrait des comptes que l'on trouve dans le ms. de Gaignières, cité plus haut, note un grand nombre de payements faits aux seigneurs dans cette même campagne : Alençon, Clermont, Vendôme, le Bâtard d'Orléans, etc., et, parmi beaucoup d'autres, Guillaume de Flavy. La Trémouille y figure pour une somme de « 6594 écus d'or et 6890 livres tournois, qui, ès mois de juin, juillet, août et septembre, lui a esté payé pour aider et entretenir audit voyage mil hommes d'armes et mil
hommes de trait qu'il avoit de sa compagnie. » (Gaignières, Ms. 772, f° 559.) La Trémouille figure encore au f° 564 pour d'autres sommes reçues toujours « à cause du dit voyage » où il était allé si peu volontiers. (Voy. aussi M. Loiseleur, Compte des dépenses faites par Charles VII pour le siége d'Orléans, etc.)
Nous regrettons que Vallet de Viriville, dans la curieuse notice qu'il a publiée, entre tant d'excellents morceaux de critique, sur l'iconographie de Jeanne d'Arc, ait dit que « Jeanne, depuis le jour où elle prit possession de sa carrière, se livra au goût du luxe, qui se développa chez
elle d'une manière croissante. » — « Elle aimait, ajoutet-il, passionnément le cheval, l'exercice militaire, les armes et les vêtements de prix, » etc. (p. 3, 4). Jeanne eut des vêtements de prix. Elle en portait au sacre et dans les cérémonies qui suivirent (Chron. des Cordeliers, n° 16, f° 686, recto); Jeanne eut des chevaux: elle en avait une douzaine (tant pour elle que pour ses gens), lorsqu'elle tomba aux mains de l'ennemi (t. I, p. 295). Dans une note tirée par Blanchard du 8e compte de G. Charrier, recevour général des finances, on lit.:
A Mathelin Raoul, commis au faict de la dépense de l'hostel de la Pucelle, XVe livres, 26 juin 1429. A Jeanne la Pucelle la somme de ve escus d'or, qui luy a esté baillée à diverses fois depuis quatre mois en ça par commandement du roy, pour ses harnois et chevaux par lettres du roy du 26 septembre 1429. (L. Delisle, Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris, lre année (1874), p. 44).
Mais autre chose est de soutenir son rang, autre chose de se livrer au goût du luxe. Parmi les textes allégués, il y a bien celui de Boulainvilliers qui dit qu'elle se plaît à monter à cheval et à porter de belles armes (ce sont les armes qu'elle a reçues du roi) : « In equo et armorum pulchritudine complacet. » Mais on est à la veille du voyage de Reims, et il n'en parle que pour opposer son genre de vie à sa nature de jeune fille, et témoigner de son activité : « Inaudibilis laboris et in armorum portatione et sustentatione adeo fortis, ut per sex dies, die noctuque, indesinenter et complete armata maneat. » (T. V, p. 120.) Quant au témoignage de Jean Monnet, que, selon le bruit répandu à l'époque où elle fut visitée, elle avait été blessée pour avoir monté à cheval (t. III, p. 63), comment rapporter à la passion des chevaux ce qui était la conséquence de sa vie militaire ? Le reproche (à prendre les citations de l'auteur lui-même) ne peut donc se justifier que par des emprunts faits soit à l'accusation : « Item dicta Johanna abusa est revelationibus et prophetiis convertens eas ad lucrum temporale et questum ; nam per medium hujuscemodi revelationum sibi acquisivit magnam copiam divitiarum et magnos apparatus et status in officiariis multis, equis, ornamentis » (t. I, 294 ; cf. p. 223, 224), soit à l'extrait de la lettre rapportée à l'archevêque de Reims, Regnault de Chartres, prélat dont les sentiments pour Jeanne, au jugement de Vallet de Viriville lui-même, n'étaient pas beaucoup plus favorables que ceux de l'évêque de Beauvais (t. V, p. 159).
Le voyage du père de Jeanne à Reims a laissé trace dans l'extrait des comptes cité plus haut, et aussi dans les comptes de la ville : « Le lundi 5 septembre 1429, par Anthoine de Hollande, capitaine.... et plusieurs esleus et autres, jusques au nombre de 80 personnes, a esté délibéré de païer les despens du père de la Pucelle, et de lui bailler un cheval pour s'en aller. (Voy. t. V, p. 141 ; cf. p. 266.) Dans les comptes des octrois patrimoniaux faits sur les deniers communs de la ville de Reims, en 1428 et 1429, on trouve la mention d'une somme de « 24 livres parisis à payer à Alis, veuve de feu Raulin Moriau, hostesse de l'Asne royé, pour despens faits en son hostel par le père de Jehanne la Pucelle, qui estoit en la compaignie du roy, quand il fut sacré en ceste ville de Reims. » Cet hôtel de l'Ane rayé est aujourd'hui l'hôtel de la Maison-Rouge, rue du Parvis, devant la cathédrale. On ne voit pas sur quel fondement l'inscription moderne, gravée sur la façade, dit que la mère de Jeanne y fut logée en même temps. (Voy. M. Quicherat, Procès, t. V, p. 266.) Pasquerel a bien dit (t. III, p. 101) que la mère de Jeanne la vint rejoindre avant la levée du siége d'Orléans, mais Lebrun des Charmettes a facilement montré qu'il fallait lire son frère dans ce passage.
Source : Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879.
Illustration : "La grande histoire illustrée de Jeanne d'Arc" - Henri Debout.