Gwenaëlle Aubry | Centre National de la Recherche Scientifique / French National Centre for Scientific Research (original) (raw)
Books by Gwenaëlle Aubry
La lettre absente, 2024
« J'écris parce que dehors est trop grand, et dedans trop peuplé. » Dans cet essai, Gwenaëlle Au... more « J'écris parce que dehors est trop grand, et dedans trop peuplé. » Dans cet essai, Gwenaëlle Aubry interroge les dynamiques qui portent sa poétique romanesque. À rebours de la littérature de l'intime, elle met en lumière la dépersonnalisation qui traverse son oeuvre par le truchement d'une pluralité du sujet, qui jamais ne se réduit à un « moi » référentiel ou autobiographique. L'écrivaine cherche ainsi la source de son geste romanesque dans la tension entre des moments de cassure ou de sidération, liés à des événements tant individuels que collectifs, et une relance vitale rendue possible par le jeu entre poésie et prose. Pour tenter d'élucider ce qui fait de l'expérience de l'écriture une pratique de survie et de salut, Aubry convoque aussi Perec, Plath, Sebald ou Bolaño, dont les oeuvres tracent une cartographie littéraire de son identité romanesque.
Gwenaëlle Aubry, écrivaine et directrice de recherche en philosophie au CNRS, est l' autrice d' une quinzaine d' essais et de romans, traduits en dix langues, parmi lesquels La Folie Elisa, Perséphone 2014, Partages et Personne, qui remporte le prix Femina en 2009 et inspire à l' artiste plasticienne Annette Messager le titre de son exposition Comme si au LaM (2021). Son nouveau roman, Zone base vie, paraît en août 2024 aux éditions Gallimard.
Plotin. Traité 53 (I, 1). Introduction, traduction, commentaire et notes par Gwenaëlle Aubry. Paris, Cerf, « Les Écrits de Plotin », 395 p., 2004
Le Traité 53 a beau être l'avant-dernier que Plotin ait composé, il a été placé par Porphyre en t... more Le Traité 53 a beau être l'avant-dernier que Plotin ait composé, il a été placé par Porphyre en tête des Ennéades. Il fait ainsi figure d'introduction à l'oeuvre de Plotin en son entier. Comme le Premier Alcibiade de Platon, le Traité 53 est régi par le « Connais-toi toi-même»: mais de ce sujet offert à l'investigation et capable, par un tour réflexif, de se demander qui il est, Plotin ne propose pas tant une définition qu'une situation. « Le nous est double »: sujet non-substantiel, il est intermédiaire entre ce qui en lui souffre, aime, désire et jouit– « l'animal », auquel il tend spontanément à s'identifier–, et ce qui en lui pense, sans désir ni souffrance– l'intellect, en quoi réside son essence mais dont il n'a d'abord pas conscience. Le Traité 53 n'a d'autre objet que de provoquer une prise de conscience, une mutation de l'identité. Texte efficace, il vise, page après page, à transformer le sujet qu'il interroge. Le lire, c'est s'engager dans ce mouvement qui conduit des passions à la pensée, de la souffrance à l'impassibilté, de l'animal au divin: c'est se prêter à une initiation.
Dieu sans la puissance. Dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin. Archéologie de la puissance I, Nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Vrin, 352 p., 2020
L’enquête archéologique ouverte ici, et prolongée, dans le champ médiéval, par Genèse du Dieu sou... more L’enquête archéologique ouverte ici, et prolongée, dans le champ médiéval, par Genèse du Dieu souverain, interroge une double mutation : de l’ontologie aristotélicienne de l’en-puissance et de l’en-acte vers celle, moderne, de la puissance et de l’action; et du dieu acte pur vers le Dieu tout-puissant. Elle poursuit ce faisant un double projet : montrer comment, loin de trouver sa source ou son arkhē en la métaphysique d’Aristote, l’ontologie de la puissance se construit à l’inverse contre celle-ci ; et mettre au jour l’opposition symétrique entre la figure aristotélicienne du dieu-Bien et celle, chrétienne, du Dieu-Souverain. Le premier volet du diptyque, qui fait ici l’objet d’une nouvelle édition revue et augmentée, propose une lecture de la Métaphysique fondée sur le couple conceptuel de la dunamis et de l’energeia : irréductibles tant à la matière et à la forme qu’à la puissance et à l’action, l’en-puissance et l’en-acte sont au principe d’une ontologie unitaire, qui se dévoile aussi comme une ontologie axiologique, identifiant en l’acte le mode d’être du bien, en l’en-puissance son mode d’action. Cette ontologie porte une pensée singulière du divin: acte, et non « forme pure », sans puissance, mais non pas impuissant, le premier moteur aristotélicien échappe à l’alternative entre le Dieu tout-puissant de la tradition métaphysique et le dieu faible des inquiétudes contemporaines. Qu’en est-il, alors, du devenir de cette ontologie ? On tente de mesurer la portée du geste par lequel Plotin désigne son premier principe non plus comme acte pur, mais comme puissance de tout, dunamis pantōn. Avec lui s’inaugurent peut-être la subversion et l’oubli d’une pensée pour laquelle l’être, et le divin, ne se confondent ni avec la présence, ni avec la puissance.
Genèse du Dieu souverain. Archéologie de la puissance II, Paris, Vrin, Bibliothèque d'Histoire de la philosophie, 320 p., 2019
Cette enquête interroge une double mutation : de l'ontologie aristotélicienne de l'en-puissance e... more Cette enquête interroge une double mutation : de l'ontologie aristotélicienne de l'en-puissance et de l'acte vers celle, moderne, de la puissance et de l'action ; et du dieu acte pur vers le Dieu tout-puissant. Elle prolonge dans le champ médiéval les résultats de Dieu sans la puissance qui, lisant la Métaphysique d'Aristote à partir du couple conceptuel de la dunamis et de l'energeia, mettait en évidence une pensée oubliée pour laquelle l'être, et le divin, sont à la fois distincts de la puissance et identiques au bien. C'est un tout autre dispositif que l'on analyse ici, à travers cinq séquences qui vont d'Augustin à Duns Scot : la genèse critique de l'attribut divin de toute-puissance révèle une logique d'excès, qui conduit à poser Dieu non plus comme identique, mais comme indifférent ou incommensurable au bien. De ce mouvement procède, à terme, la figure d'un Dieu souverain, principe hors-la-loi de toute loi. Cette construction théologique va de pair avec un geste ontologique qui, l'associant à l'être, modifie radicalement le concept de puissance hérité d'Aristote. De même que la figure du Dieu-Souverain s'oppose symétriquement à celle, aristotélicienne, du dieu-Bien, de même l'ontologie de la puissance, loin de trouver en elle sa source, s'élabore contre celle de l'en-puissance. En mettant au jour cette rupture aussi souterraine que décisive, l'archéologie ici proposée vise à découpler l'arkhè aristotélicienne des effets –notamment théologico-politiques– qui lui sont d'ordinaire attribués, pour en libérer d'autres.
Les recherches presentees ici s’organisent autour de deux axes problematiques dominants. Tout d’a... more Les recherches presentees ici s’organisent autour de deux axes problematiques dominants. Tout d’abord, une archeologie de la puissance, qui prend la forme d’un diptyque constitue par Dieu sans la puissance. Dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin (Vrin, 2006), et par un livre inedit, Genese du Dieu souverain. Dieu sans la puissance proposait une lecture de la Metaphysique d’Aristote fondee sur le couple conceptuel de l’en-puissance et de l’en-acte. Il s’agissait de manifester en ce dernier le principe d’une ontologie unitaire, mais aussi d’une ontologie axiologique posant l’identite, donnee dans l’acte, differee dans l’en-puissance, de l’etre et du bien. Cette ontologie porte une pensee singuliere du divin: acte pur, le dieu d’Aristote est pose comme a la fois sans puissance et identique au bien. A partir de la, Genese du Dieu souverain cherche a identifier une double mutation: de l’ontologie aristotelicienne de l’en-puissance et de l’en-acte vers l’ontologie moderne de la ...
Books edited by Gwenaëlle Aubry
G. Romeyer Dherbey (dir.), G. Aubry (éd.), L'Excellence de la vie. Sur l'Ethique à Nicomaque et l'Ethique à Eudème d'Aristote, Paris, Vrin, 464 p., 2002
L. Brisson (dir.), G. Aubry, et al., Porphyre. Sur la manière dont l'embryon reçoit l'âme, Paris, Vrin, 381 p., 2012
G. Aubry (dir.), L'impuissance de Dieu, Revue philosophique de la France et de l'étranger , CXCX, (3. Juillet-septembre 2010), Paris, PUF., 2010
Parler de l'impuissance de Dieu, c'est prendre le risque de se rendre inaudible tant des athées, ... more Parler de l'impuissance de Dieu, c'est prendre le risque de se rendre inaudible tant des athées, pour lesquels le nom de Dieu est celui d'une absence, d'une mort, ou d'une inexistence, que des croyants, dont la foi s'adresse en premier lieu à la toute-puissance. Ce motif est pourtant au centre d'interrogations sur ce que doit, ou peut encore être une théologie d'après la Shoah, et on le retrouve aussi associé à différentes réélaborations de la notion de puissance qui ont, ces dernières années, réactivé la conceptualité aristotélicienne comme la pensée médiévale […]. La question de l'impuissance de Dieu préside ainsi au redéploiement, dans le champ contemporain, des questions du mal et de la création, des concepts théologiques de kénôse et d'incarnation, comme des catégories aristotéliciennes de la puissance. Ce sont ces différents déplacements, théologique, philosophique, anthropologique et politique, que les textes réunis ici explorent et interrogent. Table des matières Gwenaëlle Aubry – L’impuissance de Dieu (présentation) p. 307 Daniel De Smet – L’impuissance de Dieu : un débat récurrent en théologie musulmane p. 321 Hans-Christof Askani – L’impuissance de Dieu : une solution théologique p. 339 Orietta Ombrosi.— La défaite de Dieu. Le pianissimo du Dieu biblique face à la catastrophe selon André Neher p. 357 Jean-Christophe Goddard– Absence de Dieu et anthropologie de la peur chez Georges Bataille p. 371 Saverio Ansaldi– Biopolitique, état d’exception, puissance. Notes sur une politique à venir (autour de Giorgio Agamben) p. 381.
G. Aubry et F. Ildefonse (dir.), Le moi et l'intériorité, Paris, Vrin, 384 p., 2008
Les études ici rassemblées visent à évaluer la légitimité et la pertinence de deux concepts usuel... more Les études ici rassemblées visent à évaluer la légitimité et la pertinence de deux concepts usuels, le moi et l'intériorité, dans l'Antiquité grecque principalement. De ce moi qui occupe d'abondance le champ littéraire et philosophique, on dit communément qu'il est absent de la pensée antique. On se propose d'interroger, pour éventuellement la remettre en question, cette curieuse absence. Y a-t-il place, dans le champ antique, pour autre chose que le « soi », cet impersonnel dégagé des particularités biographiques qui excède l'individu tout en recelant son identité? Dans quels concepts antiques est-on fondé à repérer, autrement distribués, les éléments du concept moderne de moi? Quels sont ceux qui, à l'inverse, lui sont abusivement ralliés? Plutôt qu'une place vide ne trouve-t-on pas, chez les Anciens, un concept alternatif du moi, délié de l'unicité comme de l'intériorité? La seconde partie de ce volume vient orienter le programme indiqué par Jean-Pierre Vernant d'une « histoire de l'intériorité et de l'unicité du moi » vers une histoire de l'intériorité, c'est-à-dire une histoire des problématisations de l'intérieur. Si l'organisation mentale et psychique des Grecs n'était pas orientée vers le dedans, mais vers le dehors, si l'introspection n'est pas une pratique de fait, comment est apparue l'alliance entre subjectivité et intérieur que nous présupposons le plus souvent? Il importait alors d'illustrer combien cette problématisation de l'intérieur n'est pas exclusive et d'identifier comment les associations qui la composent peuvent être dénouées, au profit parfois d'un tout autre paysage conceptuel.
G. Aubry, L. Brisson, Ph. Hoffmann, L. Lavaud (ed.), Relire les Éléments de théologie de Proclus. Réceptions, interprétations antiques et modernes, Paris, Hermann, 459 p., 2021
Les Éléments de théologie de Proclus constituent un monument philosophique radicalement singulier... more Les Éléments de théologie de Proclus constituent un monument philosophique radicalement singulier tant par son architecture propre que par la façon dont la tradition l'a revisité. Ordonnant, sous une forme géométrique, les principes de la métaphysique néoplatonicienne, ils ont à la fois constitué celle-ci en système et opéré comme le principal relais de sa transmission aux pensées byzantine, arabe, et occidentale. Ce sont ces effets d'héritage et d'adaptation que les textes ici réunis visent à évaluer. Du Liber de causis à Hegel en passant par Thomas d'Aquin, Dietrich de Freiberg, Giordano Bruno, les Platoniciens de Cambridge et Leibniz, se reconstitue ainsi une « grande chaîne des êtres », réarticulée par la chaîne des raisons, et à chaque fois revivifiée par celle de la transmission.
Papers and book chapters by Gwenaëlle Aubry
« La participation. De l'ontologie aux réseaux sociaux », Actes du 38ème congrès de l'ASPLF, Société française de philosophie, june 2021, D. Kambouchner et L. Jaffro (eds), forthcoming (pre-proof)
As it is thought and bequeathed by the ontological tradition, participation is seen as a hierarch... more As it is thought and bequeathed by the ontological tradition, participation is seen as a hierarchical, non-reciprocal and, from Neoplatonism onwards, strongly polarized relation between the active and the passive. We first show how the concept of epitēdeiotēs is a way to think of its passive pole to the exclusion of power as well as resistance. Through Proclus, this notion passes to Thomas Aquinas and plays a central role in his doctrine of analogy. In these two contexts, Neoplatonist and Christian, the ontological scheme of participation thus integrates the participant only as a pure receptivity, itself determined by the higher term.
Is it possible, then, to think differently about this lower term of participation, and at the same time to inflect the concept of epitēdeiotēs, in order to disrupt this scheme or to distribute its terms differently?
To answer this question, we sketch out three figures, all indexed on a re-elaboration of the concepts of aptitude, power, or capacity: that of substraction (Deleuze's Bartleby); that of deactivation or resistance (which Giorgio Agamben opposes to the Deleuzian reading of Bartleby); finally, the figure of redistribution, as it appears in Jacques Rancière, that is to say as the project of thinking capacity outside the active-passive polarity inherited from the Platonic model of participation.
T.R. Dika and M. Shuster (eds), « Religion in Reason. Metaphysics, Ethics and Politics in Hent de Vries ». London and New York, Routledge, 2023
The thought of Hent de Vries is traversed in its entirety by the question of violence. In the pat... more The thought of Hent de Vries is traversed in its entirety by the question of violence. In the patient and disquieting formulations that are proposed in the trilogy comprising Philosophy and the Turn to Religion, Religion and Violence, and Minimal Theologies, the dialogue with Jacques Derrida occupies a privileged position. The question of violence is articulated in the first place for de Vries and Derrida in terms of foundation, or more precisely what Derrida calls the "paradox" of foundation, namely, the fact that "the foundation of law-law of the law, institution of the institution, origin of the constitution-is a 'performative' event that cannot belong to the set that it founds, inaugurates, or justifies." 1 This is what Derrida names, in a double echo of Montaigne and Pascal, "the mystical foundation of authority." 2 De Vries in turn probes and deploys this motif, notably by demonstrating its relationship with Kierkegaard's horror religiosus, Adorno's horror (Grauen), and even Levinas's "il y a." 3 Derridean deconstruction operates as the matrix which, over the long term and for multiple traditions, allows the interrogation and manifestation of this "'outside' and 'exteriority'-or, what comes down to the same, [this] deep-down 'Inside' and 'interiority'-that is [this] nondiscursive element or ferment that surrounds and pervades, enables and threatens the life of words and concepts, arguments and style" (Minimal Theologies, 545). While exploring this intimate other of reason, this collapsed foundation whose exposition is the best way to take apart its potentially catastrophic effects, de Vries accompanies Derrida's reflection on the violence within the metaphysical tradition. The key text here is the critical commentary that Derrida consecrates to Levinas in "Violence and Metaphysics," a hermeneutic gesture which de Vries extends in Philosophy and the Turn to Religion and Religion and Violence, and whose importance is even more essential in his own progression because Levinas was his first "hero." 4 As Derrida formulates it, Levinas' project consists in restoring metaphysics "in opposition to the entire tradition derived from Aristotle," and by connecting it to ethics, that is, to the "nonviolent relationship to the 1
Though “beyond the essence”, and as such radically transcendent, Plotinus’ first principle can be... more Though “beyond the essence”, and as such radically transcendent, Plotinus’ first principle can be given in an experience usually designated as “mystical”. The aim of this chapter is to show how those two apparently contradictory aspects can be reduced to the same theoretical foundation. We shall see first how the positing of the One epekeina tēs ousias obeys a rigorous logical argumentation which leads to affirm that the arkhē of all things is none of the things of which it is the arkhē. But one is then confronted to a difficulty inherent in the very concept of arkhē and in its twofold determination, as principle, and as cause: if the first principle has nothing in common with what it produces, how can it have effects ? Plotinus’ answer to this question presupposes the elaboration of the notion of “power of everything” (dunamis pantōn), as well as of a causal model that makes transcendence the very condition of causality. This model, which can be called “model of the power of the perfect”, not only governs procession as a whole, but also comes to account for conversion. Finally, we shall see how the ontological and causal structure that turns power into a mediation is also the basis of the possibility of the mystical experience.
A. Lecerf, C. Macris, L. Soares, A. Timotin (eds), « Hommages en l'honneur de Philippe Hoffmann », Brepols, forthcoming, 2024
De tous les ordres de réalité hiérarchisés par Proclus, l’Intellect est celui qui admet le plus ... more De tous les ordres de réalité hiérarchisés par Proclus, l’Intellect est celui qui admet le plus grand nombre de distinctions. La section des Éléments de théologie qui lui est consacrée (prop. 166-183= section M Dodds) pose ainsi un problème redoutable : comment énoncer des propositions universelles sur l’Intellect tout en distinguant en son sein entre différentes classes et différents niveaux d’intellects ? Au fil du texte se succèdent différentes divisions : intelligible/intellectif, hypercosmique/encomisque, mais aussi imparticipable/participé et total/partiel. On se propose ici d’identifier leur extension, mais aussi leur articulation : admettent-elles des relations d’équivalence, d’inclusion, d’intersection ? On montre ainsi, contre Dodds, que la distinction entre intellect imparticipable et intellect participé n’est pas superposable à celle entre intellect intelligible et intellects intellectifs. L’intellect imparticipable englobe en effet tant l’intellect intelligible que l’intellect intellectif et démiurgique. Plus généralement, le concept d’imparticipable, dont on souligne le caractère relatif et dynamique, admet, au fil des propositions, différentes extensions, jusqu’à finir par englober, via son équivalence au concept d’intellect total, les intellects hypercosmiques. Son élargissement progressif et dégressif organise ainsi la section M et apporte une réponse à la question qui la régit : comment hiérarchiser le même ?
Je souhaiterais interroger ici un changement de paradigme qui affecte tant la pensée de la puissa... more Je souhaiterais interroger ici un changement de paradigme qui affecte tant la pensée de la puissance que celle de l'être, et qui marque un tournant ontologique déterminant quoique souvent inaperçu. La question qui me guidera pourrait se formuler de la façon suivante : comment passe-ton de l'idée selon laquelle l'être parfait exclut la puissance à celle selon laquelle la puissance est le signe de la perfection de l'être, voire, est elle-même parfaite ? Plus précisément : quelles modifications affectent le concept de puissance pour que l'on passe d'un modèle à l'autre ? Le premier modèle est aristotélicien : le dieu d'Aristote, le premier moteur immobile, est ousia energeia et, en tant que tel, sans puissance. Substance simple et purement actuelle, il n'a pas de dunamis, et n'est pas non plus dunamei : il n'a pas de puissance, ni active, ni passive, et il n'est pas non plus en-puissance. Le second modèle se retrouve, par-delà les différences qui les séparent (et notamment celle, majeure, entre causalité processive et causalité créatrice), dans la métaphysique néoplatonicienne comme dans la métaphysique chrétienne. C'est ainsi que Plotin corrèle, au niveau du deuxième principe, ou de l'Intellect, l'ousia, l'energeia, et la dunamis, et que Thomas d'Aquin désigne Dieu comme à la fois acte pur d'être (actus purus essendi) et tout-puissant. Là où, chez Aristote, l'acte pur exclut la puissance, chez Plotin comme chez Thomas il l'admet, voire l'inclut. J'ai proposé ailleurs une enquête au long cours sur la transition entre le modèle aristotélicien de l'acte pur, celui, plotinien, de la puissance de tout, et celui, chrétien, de la toute-puissance 1. L'un des enjeux de cette enquête consistait à montrer que la position au principe de la puissance, comme son articulation à Dieu ou à l'être premier, impliquait une rupture radicale avec la dunamis aristotélicienne. Plus largement, on ne peut voir en l'ontologie aristotélicienne de l'en-puissance et de l'acte la source de l'ontologie moderne de la puissance et de l'action 2. Je me propose ici d'interroger les résultats de cette enquête à la lumière d'un nouveau jalon : la distinction, formulée par Proclus, entre dunamis teleia et dunamis atelēs, soit entre puissance parfaite et puissance imparfaite. Il s'agit là d'un point essentiel au regard de la question initialement posée, puisque Proclus, on le voit, désigne explicitement un certain type de puissance comme parfaite. À cela s'ajoute que Thomas d'Aquin, lorsqu'il élaborera le concept de « puissance d'être (potestas essendi) », le fera en référence à Proclus. Le moment proclien joue donc bien un rôle déterminant dans l'articulation de la puissance tant à la perfection qu'à l'être. Or il apparaît que cette distinction proclienne entre deux sortes de puissance (dittē dunamis) ne peut être renvoyée, comme on le fait généralement, à une source aristotélicienne. Elle met bien plutôt en jeu deux concepts distincts de la puissance, hérités, par l'intermédiaire de Plotin, l'un de Platon (plus particulièrement du Sophiste), l'autre d'Alexandre d'Aphrodise. Autrement dit, et là encore, la valorisation ontologique de la puissance, sa désignation comme parfaite autant que son association à l'être parfait, s'élaborent non à partir de, mais en rupture avec Aristote. Avant de voir en quoi le concept proclien de dittē dunamis rompt avec Aristote et hérite de Platon via Plotin, je commencerai par analyser les modes de relation, très
Recherches & travaux, 2020
« À romancer » : telle est l'injonction sous laquelle s'est écrit Personne. Ces mots impérieux et... more « À romancer » : telle est l'injonction sous laquelle s'est écrit Personne. Ces mots impérieux et opaques figuraient sur un manuscrit trouvé à la mort de mon père : des feuillets organisés en chapitres, numérotés, rangés dans une chemise bleue où se lisait, outre ces mots, un titre-« Le mouton noir mélancolique ». Un manuscrit, donc, un « livre », disait mon père quand il m'en parlait, un livre qu'il souhaitait voir publié, pas un cahier ni un journal intime. Des cahiers, des journaux, il y en avait aussi, de quoi remplir des cartons entiers. Ceux-là ne portaient ni titre ni injonction : ils n'étaient pas « à romancer », ne pouvaient ni ne devaient l'être. Personne les décrit, mais sans les citer : ils sont, de ce tiers livre, le jumeau sombre, le jumeau muet, celui où s'engouffre tout roman, tout récit. Les mots « à romancer », eux, disaient le désir, et le souci, d'autres regards, ouvraient un autre espace, où entrer sans effraction. Mais le travail restait à faire : et puisque mon père me désignait comme « romancière » (un terme que je n'utilise pas, auquel je préfère celui d'écrivain), j'ai entendu ce qui, peut-être, n'était qu'une note à lui-même destinée, comme une sorte de mandat. Ce travail, il allait falloir le mener, et en même temps que celui de deuil. L'a-t-il accompagné ou différé/occulté ? C'est l'une des questions que je me pose en essayant, ici, de me souvenir.
F. Leigh (ed.), Self-Knowledge in Ancient Philosophy. Oxford University Press, 2020
The aim of this chapter is, first, to analyse the specific articulation, in Plotinus, of the noti... more The aim of this chapter is, first, to analyse the specific articulation, in Plotinus, of the notions of self-knowledge, self-consciousness, and interiority. It is, more precisely, to show how the conceptual relations we have inherited from the ‘Cartesian moment’—between self-knowledge and self-consciousness, but also between self and substance, or between self and identity—are actually dissociated in Plotinus ‘philosophy. Insofar as he accepts an immediate reflexivity, Plotinus cannot be enlisted for the ancient thought of the self. But because he does not confer on self-knowledge the value of a principle, he cannot be enlisted either for the modern philosophies of consciousness and the subject. Nonetheless, Plotinus’ philosophy of the self was a direct source of inspiration for a Modern, the Cambridge Platonist Ralph Cudworth, who finds in it a basis to criticize some fundamental aspects of Descartes’ thought. The chapter therefore also evaluates this legacy.
MLN, 2017
This paper picks up some of the conclusions from an archaeology of power whose aim is to identify... more This paper picks up some of the conclusions from an archaeology of power whose aim is to identify a double substitution : that of the modern ontology of power and action for the Aristotelian ontology of in-potency and in-act ; and that of the Christian omnipotent God for Aristotle’s pure act/prime mover, i.e for a god both identical with the Good and without power.
It first describes the theology of omnipotence in the light of the triad of Dostoevsky’s Grand Inquisitor : miracle, mystery, and authority.
It then shows how the very notion of omnipotence, and the theologico-political model it grounds, is itself based on a specific ontological apparatus, that is on a determinate concept of potency as immediate, non-normed efficiency. This concept of potency is elaborated through an ontological labor, accomplished by Aquinas, that both separates it from its Aristotelian source and links it to the concept of being.
It finally confronts this analysis with Heidegger’s “Metaphysics as History of Being” as well as with Agamben’s archaeology of operativity, in order to show that the ontology of power and action is not built on the basis of the Aristotelian axiological ontology of in-potency and in-act, but against it.
This deconstruction, and this new sequenciation, lead to highlight a turn in the history of metaphysics, but also to reveal within it an alternative ontology and an alternative theology, which prompt to call into question certain equivalencies inherited from the Nietzscheo-Heideggerian tradition (such as the one between the God of the metaphysics, the omnipotent God and the moral God), as well as to reformulate the question of theodicy.
G.A. Magee ed., The Cambridge Handbook of Western Mysticism and Esotericism, Cambridge University Press, 2016
Tijdschrift Voor Filosofie, 2015
As part of a more general project which consists in identifying the process by which the modern o... more As part of a more general project which consists in identifying the process by which the modern ontology of power and action came to replace the Aristotelian ontology of in-potency and in-act, this article questions some fundamental features of Aquinas's use and reworking of the Aristotelian concepts of dunamis and energeia. First, I ask how Aquinas can characterise God as being pure act (the pure act of being or actus purus essendi) and omnipotent at the same time, given that for Aristotle pure act radically excludes all potency. It appears that the Thomistic act not only admits potency-as-power, but also signifies the full power of being (potestas/virtus essendi), so that we can detect in Aquinas the cunjunction in the first being of power with being itself. Second, I show how the symmetrical reinterpretation of the Aristotelian concept of in-potency comes to be modified by means of the concept –inherited from Neo-Platonism– of épitèdeiotès. Thus understood as receptive capacity, in-potency no longer signifies the principle within each substance of its own proper and immanent act, but rather its dependence on the first act, the primary being. In the end, the concept of potency is redistributed by Aquinas between the Creator's full power of being, and the creature mere capacity for being.
La lettre absente, 2024
« J'écris parce que dehors est trop grand, et dedans trop peuplé. » Dans cet essai, Gwenaëlle Au... more « J'écris parce que dehors est trop grand, et dedans trop peuplé. » Dans cet essai, Gwenaëlle Aubry interroge les dynamiques qui portent sa poétique romanesque. À rebours de la littérature de l'intime, elle met en lumière la dépersonnalisation qui traverse son oeuvre par le truchement d'une pluralité du sujet, qui jamais ne se réduit à un « moi » référentiel ou autobiographique. L'écrivaine cherche ainsi la source de son geste romanesque dans la tension entre des moments de cassure ou de sidération, liés à des événements tant individuels que collectifs, et une relance vitale rendue possible par le jeu entre poésie et prose. Pour tenter d'élucider ce qui fait de l'expérience de l'écriture une pratique de survie et de salut, Aubry convoque aussi Perec, Plath, Sebald ou Bolaño, dont les oeuvres tracent une cartographie littéraire de son identité romanesque.
Gwenaëlle Aubry, écrivaine et directrice de recherche en philosophie au CNRS, est l' autrice d' une quinzaine d' essais et de romans, traduits en dix langues, parmi lesquels La Folie Elisa, Perséphone 2014, Partages et Personne, qui remporte le prix Femina en 2009 et inspire à l' artiste plasticienne Annette Messager le titre de son exposition Comme si au LaM (2021). Son nouveau roman, Zone base vie, paraît en août 2024 aux éditions Gallimard.
Plotin. Traité 53 (I, 1). Introduction, traduction, commentaire et notes par Gwenaëlle Aubry. Paris, Cerf, « Les Écrits de Plotin », 395 p., 2004
Le Traité 53 a beau être l'avant-dernier que Plotin ait composé, il a été placé par Porphyre en t... more Le Traité 53 a beau être l'avant-dernier que Plotin ait composé, il a été placé par Porphyre en tête des Ennéades. Il fait ainsi figure d'introduction à l'oeuvre de Plotin en son entier. Comme le Premier Alcibiade de Platon, le Traité 53 est régi par le « Connais-toi toi-même»: mais de ce sujet offert à l'investigation et capable, par un tour réflexif, de se demander qui il est, Plotin ne propose pas tant une définition qu'une situation. « Le nous est double »: sujet non-substantiel, il est intermédiaire entre ce qui en lui souffre, aime, désire et jouit– « l'animal », auquel il tend spontanément à s'identifier–, et ce qui en lui pense, sans désir ni souffrance– l'intellect, en quoi réside son essence mais dont il n'a d'abord pas conscience. Le Traité 53 n'a d'autre objet que de provoquer une prise de conscience, une mutation de l'identité. Texte efficace, il vise, page après page, à transformer le sujet qu'il interroge. Le lire, c'est s'engager dans ce mouvement qui conduit des passions à la pensée, de la souffrance à l'impassibilté, de l'animal au divin: c'est se prêter à une initiation.
Dieu sans la puissance. Dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin. Archéologie de la puissance I, Nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Vrin, 352 p., 2020
L’enquête archéologique ouverte ici, et prolongée, dans le champ médiéval, par Genèse du Dieu sou... more L’enquête archéologique ouverte ici, et prolongée, dans le champ médiéval, par Genèse du Dieu souverain, interroge une double mutation : de l’ontologie aristotélicienne de l’en-puissance et de l’en-acte vers celle, moderne, de la puissance et de l’action; et du dieu acte pur vers le Dieu tout-puissant. Elle poursuit ce faisant un double projet : montrer comment, loin de trouver sa source ou son arkhē en la métaphysique d’Aristote, l’ontologie de la puissance se construit à l’inverse contre celle-ci ; et mettre au jour l’opposition symétrique entre la figure aristotélicienne du dieu-Bien et celle, chrétienne, du Dieu-Souverain. Le premier volet du diptyque, qui fait ici l’objet d’une nouvelle édition revue et augmentée, propose une lecture de la Métaphysique fondée sur le couple conceptuel de la dunamis et de l’energeia : irréductibles tant à la matière et à la forme qu’à la puissance et à l’action, l’en-puissance et l’en-acte sont au principe d’une ontologie unitaire, qui se dévoile aussi comme une ontologie axiologique, identifiant en l’acte le mode d’être du bien, en l’en-puissance son mode d’action. Cette ontologie porte une pensée singulière du divin: acte, et non « forme pure », sans puissance, mais non pas impuissant, le premier moteur aristotélicien échappe à l’alternative entre le Dieu tout-puissant de la tradition métaphysique et le dieu faible des inquiétudes contemporaines. Qu’en est-il, alors, du devenir de cette ontologie ? On tente de mesurer la portée du geste par lequel Plotin désigne son premier principe non plus comme acte pur, mais comme puissance de tout, dunamis pantōn. Avec lui s’inaugurent peut-être la subversion et l’oubli d’une pensée pour laquelle l’être, et le divin, ne se confondent ni avec la présence, ni avec la puissance.
Genèse du Dieu souverain. Archéologie de la puissance II, Paris, Vrin, Bibliothèque d'Histoire de la philosophie, 320 p., 2019
Cette enquête interroge une double mutation : de l'ontologie aristotélicienne de l'en-puissance e... more Cette enquête interroge une double mutation : de l'ontologie aristotélicienne de l'en-puissance et de l'acte vers celle, moderne, de la puissance et de l'action ; et du dieu acte pur vers le Dieu tout-puissant. Elle prolonge dans le champ médiéval les résultats de Dieu sans la puissance qui, lisant la Métaphysique d'Aristote à partir du couple conceptuel de la dunamis et de l'energeia, mettait en évidence une pensée oubliée pour laquelle l'être, et le divin, sont à la fois distincts de la puissance et identiques au bien. C'est un tout autre dispositif que l'on analyse ici, à travers cinq séquences qui vont d'Augustin à Duns Scot : la genèse critique de l'attribut divin de toute-puissance révèle une logique d'excès, qui conduit à poser Dieu non plus comme identique, mais comme indifférent ou incommensurable au bien. De ce mouvement procède, à terme, la figure d'un Dieu souverain, principe hors-la-loi de toute loi. Cette construction théologique va de pair avec un geste ontologique qui, l'associant à l'être, modifie radicalement le concept de puissance hérité d'Aristote. De même que la figure du Dieu-Souverain s'oppose symétriquement à celle, aristotélicienne, du dieu-Bien, de même l'ontologie de la puissance, loin de trouver en elle sa source, s'élabore contre celle de l'en-puissance. En mettant au jour cette rupture aussi souterraine que décisive, l'archéologie ici proposée vise à découpler l'arkhè aristotélicienne des effets –notamment théologico-politiques– qui lui sont d'ordinaire attribués, pour en libérer d'autres.
Les recherches presentees ici s’organisent autour de deux axes problematiques dominants. Tout d’a... more Les recherches presentees ici s’organisent autour de deux axes problematiques dominants. Tout d’abord, une archeologie de la puissance, qui prend la forme d’un diptyque constitue par Dieu sans la puissance. Dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin (Vrin, 2006), et par un livre inedit, Genese du Dieu souverain. Dieu sans la puissance proposait une lecture de la Metaphysique d’Aristote fondee sur le couple conceptuel de l’en-puissance et de l’en-acte. Il s’agissait de manifester en ce dernier le principe d’une ontologie unitaire, mais aussi d’une ontologie axiologique posant l’identite, donnee dans l’acte, differee dans l’en-puissance, de l’etre et du bien. Cette ontologie porte une pensee singuliere du divin: acte pur, le dieu d’Aristote est pose comme a la fois sans puissance et identique au bien. A partir de la, Genese du Dieu souverain cherche a identifier une double mutation: de l’ontologie aristotelicienne de l’en-puissance et de l’en-acte vers l’ontologie moderne de la ...
G. Romeyer Dherbey (dir.), G. Aubry (éd.), L'Excellence de la vie. Sur l'Ethique à Nicomaque et l'Ethique à Eudème d'Aristote, Paris, Vrin, 464 p., 2002
L. Brisson (dir.), G. Aubry, et al., Porphyre. Sur la manière dont l'embryon reçoit l'âme, Paris, Vrin, 381 p., 2012
G. Aubry (dir.), L'impuissance de Dieu, Revue philosophique de la France et de l'étranger , CXCX, (3. Juillet-septembre 2010), Paris, PUF., 2010
Parler de l'impuissance de Dieu, c'est prendre le risque de se rendre inaudible tant des athées, ... more Parler de l'impuissance de Dieu, c'est prendre le risque de se rendre inaudible tant des athées, pour lesquels le nom de Dieu est celui d'une absence, d'une mort, ou d'une inexistence, que des croyants, dont la foi s'adresse en premier lieu à la toute-puissance. Ce motif est pourtant au centre d'interrogations sur ce que doit, ou peut encore être une théologie d'après la Shoah, et on le retrouve aussi associé à différentes réélaborations de la notion de puissance qui ont, ces dernières années, réactivé la conceptualité aristotélicienne comme la pensée médiévale […]. La question de l'impuissance de Dieu préside ainsi au redéploiement, dans le champ contemporain, des questions du mal et de la création, des concepts théologiques de kénôse et d'incarnation, comme des catégories aristotéliciennes de la puissance. Ce sont ces différents déplacements, théologique, philosophique, anthropologique et politique, que les textes réunis ici explorent et interrogent. Table des matières Gwenaëlle Aubry – L’impuissance de Dieu (présentation) p. 307 Daniel De Smet – L’impuissance de Dieu : un débat récurrent en théologie musulmane p. 321 Hans-Christof Askani – L’impuissance de Dieu : une solution théologique p. 339 Orietta Ombrosi.— La défaite de Dieu. Le pianissimo du Dieu biblique face à la catastrophe selon André Neher p. 357 Jean-Christophe Goddard– Absence de Dieu et anthropologie de la peur chez Georges Bataille p. 371 Saverio Ansaldi– Biopolitique, état d’exception, puissance. Notes sur une politique à venir (autour de Giorgio Agamben) p. 381.
G. Aubry et F. Ildefonse (dir.), Le moi et l'intériorité, Paris, Vrin, 384 p., 2008
Les études ici rassemblées visent à évaluer la légitimité et la pertinence de deux concepts usuel... more Les études ici rassemblées visent à évaluer la légitimité et la pertinence de deux concepts usuels, le moi et l'intériorité, dans l'Antiquité grecque principalement. De ce moi qui occupe d'abondance le champ littéraire et philosophique, on dit communément qu'il est absent de la pensée antique. On se propose d'interroger, pour éventuellement la remettre en question, cette curieuse absence. Y a-t-il place, dans le champ antique, pour autre chose que le « soi », cet impersonnel dégagé des particularités biographiques qui excède l'individu tout en recelant son identité? Dans quels concepts antiques est-on fondé à repérer, autrement distribués, les éléments du concept moderne de moi? Quels sont ceux qui, à l'inverse, lui sont abusivement ralliés? Plutôt qu'une place vide ne trouve-t-on pas, chez les Anciens, un concept alternatif du moi, délié de l'unicité comme de l'intériorité? La seconde partie de ce volume vient orienter le programme indiqué par Jean-Pierre Vernant d'une « histoire de l'intériorité et de l'unicité du moi » vers une histoire de l'intériorité, c'est-à-dire une histoire des problématisations de l'intérieur. Si l'organisation mentale et psychique des Grecs n'était pas orientée vers le dedans, mais vers le dehors, si l'introspection n'est pas une pratique de fait, comment est apparue l'alliance entre subjectivité et intérieur que nous présupposons le plus souvent? Il importait alors d'illustrer combien cette problématisation de l'intérieur n'est pas exclusive et d'identifier comment les associations qui la composent peuvent être dénouées, au profit parfois d'un tout autre paysage conceptuel.
G. Aubry, L. Brisson, Ph. Hoffmann, L. Lavaud (ed.), Relire les Éléments de théologie de Proclus. Réceptions, interprétations antiques et modernes, Paris, Hermann, 459 p., 2021
Les Éléments de théologie de Proclus constituent un monument philosophique radicalement singulier... more Les Éléments de théologie de Proclus constituent un monument philosophique radicalement singulier tant par son architecture propre que par la façon dont la tradition l'a revisité. Ordonnant, sous une forme géométrique, les principes de la métaphysique néoplatonicienne, ils ont à la fois constitué celle-ci en système et opéré comme le principal relais de sa transmission aux pensées byzantine, arabe, et occidentale. Ce sont ces effets d'héritage et d'adaptation que les textes ici réunis visent à évaluer. Du Liber de causis à Hegel en passant par Thomas d'Aquin, Dietrich de Freiberg, Giordano Bruno, les Platoniciens de Cambridge et Leibniz, se reconstitue ainsi une « grande chaîne des êtres », réarticulée par la chaîne des raisons, et à chaque fois revivifiée par celle de la transmission.
« La participation. De l'ontologie aux réseaux sociaux », Actes du 38ème congrès de l'ASPLF, Société française de philosophie, june 2021, D. Kambouchner et L. Jaffro (eds), forthcoming (pre-proof)
As it is thought and bequeathed by the ontological tradition, participation is seen as a hierarch... more As it is thought and bequeathed by the ontological tradition, participation is seen as a hierarchical, non-reciprocal and, from Neoplatonism onwards, strongly polarized relation between the active and the passive. We first show how the concept of epitēdeiotēs is a way to think of its passive pole to the exclusion of power as well as resistance. Through Proclus, this notion passes to Thomas Aquinas and plays a central role in his doctrine of analogy. In these two contexts, Neoplatonist and Christian, the ontological scheme of participation thus integrates the participant only as a pure receptivity, itself determined by the higher term.
Is it possible, then, to think differently about this lower term of participation, and at the same time to inflect the concept of epitēdeiotēs, in order to disrupt this scheme or to distribute its terms differently?
To answer this question, we sketch out three figures, all indexed on a re-elaboration of the concepts of aptitude, power, or capacity: that of substraction (Deleuze's Bartleby); that of deactivation or resistance (which Giorgio Agamben opposes to the Deleuzian reading of Bartleby); finally, the figure of redistribution, as it appears in Jacques Rancière, that is to say as the project of thinking capacity outside the active-passive polarity inherited from the Platonic model of participation.
T.R. Dika and M. Shuster (eds), « Religion in Reason. Metaphysics, Ethics and Politics in Hent de Vries ». London and New York, Routledge, 2023
The thought of Hent de Vries is traversed in its entirety by the question of violence. In the pat... more The thought of Hent de Vries is traversed in its entirety by the question of violence. In the patient and disquieting formulations that are proposed in the trilogy comprising Philosophy and the Turn to Religion, Religion and Violence, and Minimal Theologies, the dialogue with Jacques Derrida occupies a privileged position. The question of violence is articulated in the first place for de Vries and Derrida in terms of foundation, or more precisely what Derrida calls the "paradox" of foundation, namely, the fact that "the foundation of law-law of the law, institution of the institution, origin of the constitution-is a 'performative' event that cannot belong to the set that it founds, inaugurates, or justifies." 1 This is what Derrida names, in a double echo of Montaigne and Pascal, "the mystical foundation of authority." 2 De Vries in turn probes and deploys this motif, notably by demonstrating its relationship with Kierkegaard's horror religiosus, Adorno's horror (Grauen), and even Levinas's "il y a." 3 Derridean deconstruction operates as the matrix which, over the long term and for multiple traditions, allows the interrogation and manifestation of this "'outside' and 'exteriority'-or, what comes down to the same, [this] deep-down 'Inside' and 'interiority'-that is [this] nondiscursive element or ferment that surrounds and pervades, enables and threatens the life of words and concepts, arguments and style" (Minimal Theologies, 545). While exploring this intimate other of reason, this collapsed foundation whose exposition is the best way to take apart its potentially catastrophic effects, de Vries accompanies Derrida's reflection on the violence within the metaphysical tradition. The key text here is the critical commentary that Derrida consecrates to Levinas in "Violence and Metaphysics," a hermeneutic gesture which de Vries extends in Philosophy and the Turn to Religion and Religion and Violence, and whose importance is even more essential in his own progression because Levinas was his first "hero." 4 As Derrida formulates it, Levinas' project consists in restoring metaphysics "in opposition to the entire tradition derived from Aristotle," and by connecting it to ethics, that is, to the "nonviolent relationship to the 1
Though “beyond the essence”, and as such radically transcendent, Plotinus’ first principle can be... more Though “beyond the essence”, and as such radically transcendent, Plotinus’ first principle can be given in an experience usually designated as “mystical”. The aim of this chapter is to show how those two apparently contradictory aspects can be reduced to the same theoretical foundation. We shall see first how the positing of the One epekeina tēs ousias obeys a rigorous logical argumentation which leads to affirm that the arkhē of all things is none of the things of which it is the arkhē. But one is then confronted to a difficulty inherent in the very concept of arkhē and in its twofold determination, as principle, and as cause: if the first principle has nothing in common with what it produces, how can it have effects ? Plotinus’ answer to this question presupposes the elaboration of the notion of “power of everything” (dunamis pantōn), as well as of a causal model that makes transcendence the very condition of causality. This model, which can be called “model of the power of the perfect”, not only governs procession as a whole, but also comes to account for conversion. Finally, we shall see how the ontological and causal structure that turns power into a mediation is also the basis of the possibility of the mystical experience.
A. Lecerf, C. Macris, L. Soares, A. Timotin (eds), « Hommages en l'honneur de Philippe Hoffmann », Brepols, forthcoming, 2024
De tous les ordres de réalité hiérarchisés par Proclus, l’Intellect est celui qui admet le plus ... more De tous les ordres de réalité hiérarchisés par Proclus, l’Intellect est celui qui admet le plus grand nombre de distinctions. La section des Éléments de théologie qui lui est consacrée (prop. 166-183= section M Dodds) pose ainsi un problème redoutable : comment énoncer des propositions universelles sur l’Intellect tout en distinguant en son sein entre différentes classes et différents niveaux d’intellects ? Au fil du texte se succèdent différentes divisions : intelligible/intellectif, hypercosmique/encomisque, mais aussi imparticipable/participé et total/partiel. On se propose ici d’identifier leur extension, mais aussi leur articulation : admettent-elles des relations d’équivalence, d’inclusion, d’intersection ? On montre ainsi, contre Dodds, que la distinction entre intellect imparticipable et intellect participé n’est pas superposable à celle entre intellect intelligible et intellects intellectifs. L’intellect imparticipable englobe en effet tant l’intellect intelligible que l’intellect intellectif et démiurgique. Plus généralement, le concept d’imparticipable, dont on souligne le caractère relatif et dynamique, admet, au fil des propositions, différentes extensions, jusqu’à finir par englober, via son équivalence au concept d’intellect total, les intellects hypercosmiques. Son élargissement progressif et dégressif organise ainsi la section M et apporte une réponse à la question qui la régit : comment hiérarchiser le même ?
Je souhaiterais interroger ici un changement de paradigme qui affecte tant la pensée de la puissa... more Je souhaiterais interroger ici un changement de paradigme qui affecte tant la pensée de la puissance que celle de l'être, et qui marque un tournant ontologique déterminant quoique souvent inaperçu. La question qui me guidera pourrait se formuler de la façon suivante : comment passe-ton de l'idée selon laquelle l'être parfait exclut la puissance à celle selon laquelle la puissance est le signe de la perfection de l'être, voire, est elle-même parfaite ? Plus précisément : quelles modifications affectent le concept de puissance pour que l'on passe d'un modèle à l'autre ? Le premier modèle est aristotélicien : le dieu d'Aristote, le premier moteur immobile, est ousia energeia et, en tant que tel, sans puissance. Substance simple et purement actuelle, il n'a pas de dunamis, et n'est pas non plus dunamei : il n'a pas de puissance, ni active, ni passive, et il n'est pas non plus en-puissance. Le second modèle se retrouve, par-delà les différences qui les séparent (et notamment celle, majeure, entre causalité processive et causalité créatrice), dans la métaphysique néoplatonicienne comme dans la métaphysique chrétienne. C'est ainsi que Plotin corrèle, au niveau du deuxième principe, ou de l'Intellect, l'ousia, l'energeia, et la dunamis, et que Thomas d'Aquin désigne Dieu comme à la fois acte pur d'être (actus purus essendi) et tout-puissant. Là où, chez Aristote, l'acte pur exclut la puissance, chez Plotin comme chez Thomas il l'admet, voire l'inclut. J'ai proposé ailleurs une enquête au long cours sur la transition entre le modèle aristotélicien de l'acte pur, celui, plotinien, de la puissance de tout, et celui, chrétien, de la toute-puissance 1. L'un des enjeux de cette enquête consistait à montrer que la position au principe de la puissance, comme son articulation à Dieu ou à l'être premier, impliquait une rupture radicale avec la dunamis aristotélicienne. Plus largement, on ne peut voir en l'ontologie aristotélicienne de l'en-puissance et de l'acte la source de l'ontologie moderne de la puissance et de l'action 2. Je me propose ici d'interroger les résultats de cette enquête à la lumière d'un nouveau jalon : la distinction, formulée par Proclus, entre dunamis teleia et dunamis atelēs, soit entre puissance parfaite et puissance imparfaite. Il s'agit là d'un point essentiel au regard de la question initialement posée, puisque Proclus, on le voit, désigne explicitement un certain type de puissance comme parfaite. À cela s'ajoute que Thomas d'Aquin, lorsqu'il élaborera le concept de « puissance d'être (potestas essendi) », le fera en référence à Proclus. Le moment proclien joue donc bien un rôle déterminant dans l'articulation de la puissance tant à la perfection qu'à l'être. Or il apparaît que cette distinction proclienne entre deux sortes de puissance (dittē dunamis) ne peut être renvoyée, comme on le fait généralement, à une source aristotélicienne. Elle met bien plutôt en jeu deux concepts distincts de la puissance, hérités, par l'intermédiaire de Plotin, l'un de Platon (plus particulièrement du Sophiste), l'autre d'Alexandre d'Aphrodise. Autrement dit, et là encore, la valorisation ontologique de la puissance, sa désignation comme parfaite autant que son association à l'être parfait, s'élaborent non à partir de, mais en rupture avec Aristote. Avant de voir en quoi le concept proclien de dittē dunamis rompt avec Aristote et hérite de Platon via Plotin, je commencerai par analyser les modes de relation, très
Recherches & travaux, 2020
« À romancer » : telle est l'injonction sous laquelle s'est écrit Personne. Ces mots impérieux et... more « À romancer » : telle est l'injonction sous laquelle s'est écrit Personne. Ces mots impérieux et opaques figuraient sur un manuscrit trouvé à la mort de mon père : des feuillets organisés en chapitres, numérotés, rangés dans une chemise bleue où se lisait, outre ces mots, un titre-« Le mouton noir mélancolique ». Un manuscrit, donc, un « livre », disait mon père quand il m'en parlait, un livre qu'il souhaitait voir publié, pas un cahier ni un journal intime. Des cahiers, des journaux, il y en avait aussi, de quoi remplir des cartons entiers. Ceux-là ne portaient ni titre ni injonction : ils n'étaient pas « à romancer », ne pouvaient ni ne devaient l'être. Personne les décrit, mais sans les citer : ils sont, de ce tiers livre, le jumeau sombre, le jumeau muet, celui où s'engouffre tout roman, tout récit. Les mots « à romancer », eux, disaient le désir, et le souci, d'autres regards, ouvraient un autre espace, où entrer sans effraction. Mais le travail restait à faire : et puisque mon père me désignait comme « romancière » (un terme que je n'utilise pas, auquel je préfère celui d'écrivain), j'ai entendu ce qui, peut-être, n'était qu'une note à lui-même destinée, comme une sorte de mandat. Ce travail, il allait falloir le mener, et en même temps que celui de deuil. L'a-t-il accompagné ou différé/occulté ? C'est l'une des questions que je me pose en essayant, ici, de me souvenir.
F. Leigh (ed.), Self-Knowledge in Ancient Philosophy. Oxford University Press, 2020
The aim of this chapter is, first, to analyse the specific articulation, in Plotinus, of the noti... more The aim of this chapter is, first, to analyse the specific articulation, in Plotinus, of the notions of self-knowledge, self-consciousness, and interiority. It is, more precisely, to show how the conceptual relations we have inherited from the ‘Cartesian moment’—between self-knowledge and self-consciousness, but also between self and substance, or between self and identity—are actually dissociated in Plotinus ‘philosophy. Insofar as he accepts an immediate reflexivity, Plotinus cannot be enlisted for the ancient thought of the self. But because he does not confer on self-knowledge the value of a principle, he cannot be enlisted either for the modern philosophies of consciousness and the subject. Nonetheless, Plotinus’ philosophy of the self was a direct source of inspiration for a Modern, the Cambridge Platonist Ralph Cudworth, who finds in it a basis to criticize some fundamental aspects of Descartes’ thought. The chapter therefore also evaluates this legacy.
MLN, 2017
This paper picks up some of the conclusions from an archaeology of power whose aim is to identify... more This paper picks up some of the conclusions from an archaeology of power whose aim is to identify a double substitution : that of the modern ontology of power and action for the Aristotelian ontology of in-potency and in-act ; and that of the Christian omnipotent God for Aristotle’s pure act/prime mover, i.e for a god both identical with the Good and without power.
It first describes the theology of omnipotence in the light of the triad of Dostoevsky’s Grand Inquisitor : miracle, mystery, and authority.
It then shows how the very notion of omnipotence, and the theologico-political model it grounds, is itself based on a specific ontological apparatus, that is on a determinate concept of potency as immediate, non-normed efficiency. This concept of potency is elaborated through an ontological labor, accomplished by Aquinas, that both separates it from its Aristotelian source and links it to the concept of being.
It finally confronts this analysis with Heidegger’s “Metaphysics as History of Being” as well as with Agamben’s archaeology of operativity, in order to show that the ontology of power and action is not built on the basis of the Aristotelian axiological ontology of in-potency and in-act, but against it.
This deconstruction, and this new sequenciation, lead to highlight a turn in the history of metaphysics, but also to reveal within it an alternative ontology and an alternative theology, which prompt to call into question certain equivalencies inherited from the Nietzscheo-Heideggerian tradition (such as the one between the God of the metaphysics, the omnipotent God and the moral God), as well as to reformulate the question of theodicy.
G.A. Magee ed., The Cambridge Handbook of Western Mysticism and Esotericism, Cambridge University Press, 2016
Tijdschrift Voor Filosofie, 2015
As part of a more general project which consists in identifying the process by which the modern o... more As part of a more general project which consists in identifying the process by which the modern ontology of power and action came to replace the Aristotelian ontology of in-potency and in-act, this article questions some fundamental features of Aquinas's use and reworking of the Aristotelian concepts of dunamis and energeia. First, I ask how Aquinas can characterise God as being pure act (the pure act of being or actus purus essendi) and omnipotent at the same time, given that for Aristotle pure act radically excludes all potency. It appears that the Thomistic act not only admits potency-as-power, but also signifies the full power of being (potestas/virtus essendi), so that we can detect in Aquinas the cunjunction in the first being of power with being itself. Second, I show how the symmetrical reinterpretation of the Aristotelian concept of in-potency comes to be modified by means of the concept –inherited from Neo-Platonism– of épitèdeiotès. Thus understood as receptive capacity, in-potency no longer signifies the principle within each substance of its own proper and immanent act, but rather its dependence on the first act, the primary being. In the end, the concept of potency is redistributed by Aquinas between the Creator's full power of being, and the creature mere capacity for being.
A. Jdey (ed.), Gilles Deleuze. Politiques de la philosophie, MetisPresses, 2015, pp. 85-102, 2015
L. Boulègue, P. Caye, F. Malhomme, S. Perceau (ed.), Silence et sagesse. De la musique à la métaphysique: les anciens Grecs et leur héritage, Paris, Classiques Garnier, 2014
On lit chez Plotin plusieurs discours sur, et même du silence, qui ne se réduisent pas à la ques... more On lit chez Plotin plusieurs discours sur, et même du silence, qui ne se réduisent pas à la question de l'indicible. Le silence plotinien opère moins contre le langage que contre ce qui fait de celui-ci un simple instrument de l'action. Aussi est-il le corrélat d'un nouveau modèle causal, et préside-t-il à l'invention d'une nouvelle parole, poétique plus que pratique, dont on peut encore retrouver les échos chez Goethe ou Novalis.
P. Remes, S. Slaveva-Griffin (ed.), The Routledge Handbook of Neoplatonism. , 2014
J.-J. Duhot (ed.), L'Archaïque, le réel et la littérature. Quelques chemins en hommage à Gilbert Romeyer Dherbey, Lyon, 2013., 2013
J. Casteigt (ed.), Maître Eckhart, Paris, Cerf, 2012, p. 185-208, 2012
On se propose ici de dégager des motifs communs à Plotin et Eckhart en même temps que d’identifie... more On se propose ici de dégager des motifs communs à Plotin et Eckhart en même temps que d’identifier des différences dans leur orchestration. L'impératif de retranchement apparaît chez tous deux comme solidaire de ce qu'on peut appeler le «paradoxe mystique»: c’est quand nous avons le moins conscience de nous-même que nous sommes le plus nous-mêmes. Cet impératif et ce paradoxe se résolvent dans la position d'un excès intérieur (l’âme séparée/ le fond de l’âme) qui est le lieu d'une double identité à la fois à soi-même et au divin/à Dieu. Il n’y a donc de connaissance de soi que dans l’au-delà de soi. Cependant, cette thèse repose, chez Plotin et chez Eckhart, sur des fondements ontologiques distincts et particulièrement sur deux concepts distincts de la puissance. On cherche à voir à partir de là comment Maître Eckhart radicalise tant l’impératif mystique que la conception du sujet qui en est solidaire, et comment la "déverticalisation" de l'Un et de l'être va de pair avec cette double radicalisation.
Philosophia 42, p. 270-278, 2012
L.Brisson, G. Aubry et al., Porphyre. Sur la manière dont l'embryon reçoit l'âme, Paris, Vrin, p. 47-67 , 2012
La doctrine aristotélicienne de l'embryon et sa réinterprétation par Porphyre Une lecture superfi... more La doctrine aristotélicienne de l'embryon et sa réinterprétation par Porphyre Une lecture superficielle des premières lignes de l'Ad Gaurum pourrait donner à croire que c'est la conception aristotélicienne de l'embryon qui va y être défendue: de fait, le vocabulaire, les concepts mobilisés sont ceux qu'elle met en oeuvre. Ainsi, la question est formulée d'emblée de savoir «s'il faut tenir les embryons pour des animaux aussi en acte, ou seulement en puissance et non en acte» (1 (2), 16-18). A la suite de cela, deux sens de l'en-puissance sont distingués, en des termes et à l'aide d'exemples qui font écho à la formulation, dans le De Anima d'Aristote, du triple schème de la dunamis: L'«en puissance» se dit soit au sens de ce qui, n'ayant pas encore reçu la puissance, est cependant en mesure de la recevoir (par exemple l'enfant à l'égard de la lecture et de l'écriture) soit de ce qui a reçu la puissance, mais n'est pas en train d'agir en vertu de celle-ci (par exemple l'enfant qui sait lire et écrire, mais qui n'est pas en train de lire ou d'écrire, parce qu'il est occupé à d'autres choses ou qu'il dort) 1 (9 (2), 18-22). Pourtant, si on les lit de près, ces lignes d'allure si aristotélicienne portent toute la rupture entre la théorie de Porphyre et celle d'Aristote. Certes, tous deux définissent l'embryon comme un animal en-puissance: mais ce dernier terme, Porphyre l'entend dans le premier des deux sens par lui distingués-comme «ce qui, n'ayant pas encore reçu la puissance, est cependant en mesure de la recevoir». Autrement dit, caractériser l'embryon comme un animal en-puissance, cela signifie pour lui non pas que l'embryon va, au cours de son développement, actualiser les capacités distinctives de l'animal (la sensation et la motricité), mais, simplement, qu'il va devenir apte à recevoir celles-ci. Et l'on découvre bien vite, en poursuivant la lecture de l'Ad Gaurum, que cette aptitude n'est acquise qu'au terme de son développement: en d'autres mots, et c'est le point de rupture fondamental, là où, pour Aristote, l'embryon devient animal au cours de sa formation, il n'est, pour Porphyre, qu'un végétal et ce n'est qu'au moment de la naissance qu'il reçoit, de l'extérieur, l'âme animale 2. On voit toutefois que cette rupture passe par la reprise de la terminologie aristotélicienne. Plus précisément, elle passe par la réinterprétation du concept d'en-puissance comme pure 1 Cf. Aristote, De Anima II, 5, 417a 22-417b 1. 2 Cette thèse est formulée à plusieurs reprises dans le cours de l'Ad Gaurum : voir par exemple 2 (5), 65 ; 3 (5), 50-51 ; 10, 64-66.
M. Chase, S.R.L. Clark, M. McGhee, Philosophy as a Way of Life. Ancients and Moderns. Essays in Honor of Pierre Hadot, Wiley Blackwell, pp. 210-223, 2013
Les études philosophiques. Plotin et son platonisme., 2009
On cherche ici à lever le reproche d'incohérence souvent adressé à la théorie plotinienne de l'In... more On cherche ici à lever le reproche d'incohérence souvent adressé à la théorie plotinienne de l'Intellect en montrant comment l'attribution à celui-ci de déterminations apparemment contradictoires obéit en fait à une logique rigoureuse. Appliqué au rapport de l'Intellect naissant à l'Un-Bien, le modèle aristotélicien de l'empreinte et du noūs pathētikos est refusé pour l'Intellect achevé. La notion d'energeia se trouve ainsi, contre Aristote, dissociée de celle de bien, pour dire la structure fondamentale du deuxième principe. Mais celle de dunamis intervient, en écho au Sophiste de Platon, pour dire sa structuration en genres premiers. Enfin, le processus de spécification peut être pensé à la lumière du rapport de l'en-puissance et de l'acte. C'est finalement en la notion de vie que se résout la tension entre ce double héritage platonicien et aristotélicien.