Philip Whalen | Coastal Carolina University (original) (raw)
Books by Philip Whalen
The aim of this collection is to help signal the way toward a more expansive understanding of loc... more The aim of this collection is to help signal the way toward a more expansive understanding of locality and local place, and of their significance within Modern French History. It is anchored in both the great richness of local historical study in France along with the need for historical perspective on current dilemmas of local sustainability that have arisen from accelerated European and global integration. Our intention is to reconsider the peculiar French investment in the local, and in the maintenance of local place specificities, and to do so in a fashion that opens out more suggestively onto the broader contexts and concerns of the global twenty first century.
Several decades now separate scholars from a time when the local could be comfortably enclosed within master narratives of modernity and the nation-state. The de-centering of French history that has taken place in the interim began in part as a questioning of the teleological assumptions and dichotomies informing studies such as Eugen Weber’s Peasants into Frenchmen (1976). The shifting of primary scholarly attention to the transnational and colonial registers of French history in recent years has likewise helped illuminate the central role of mobility, boundary crossing, trans-cultural contact and commerce in engendering new forms of cultural and place identification. Beyond simply restoring historical agency and contingency to the so-called “periphery”, this turn in historical orientation invites more focused consideration of the relationship between broad currents of rootedness and displacement within French history. It is now possible to approach the venerable issue of French locality in ways that take fuller account of how shifting linkages at the national, international and global levels, far from merely challenging local moorings, have in fact more often been vital in enabling them; and conversely, of how local identities and associations have been intrinsic to the development of French modernity, nationhood and empire.
The Local in French History: Changing Paradigms and Possibilities. Patrick Young and Philip Whalen
1. Space
The Republic of Marseille and the Making of Imperial France. Ian Coller
Mapping Locality in Provincial France: The Cartographic Construction of Identity, Space, and Boundaries in Alsace-Lorraine. Catherine Dunlop
Gastronomic Burgundy and Regional Modernization Project, Philip Whalen
Imagining Greater France in the Provinces: The Strasbourg Colonial Exhibition, Alison Carrol
Localizing Universalism: Annales Historians in Contested Transformations of Locality, Joseph Tendler
A Local/Transnational Approach to Migration: The International Migration Service and its Marseilles Office in the First Half of the 20th Century. Linda Guerry
2. Culture
La Lorraine Artiste: Modernity, Nature, and the Nation in the Work of Émile Gallé and the École de Nancy, Jessica Dandona
The Casbah des Oudaya: The Colonial Production of a Historic District in Morocco, Stacy Holden
Facing the Nation: National Sentiment and National Belonging in the Wartime Writings of Irène Némirovsky and Léon Werth, Nathan Bracher
Remembering Oradour and Struthof: Struggles of Regional Memory and National Commemoration, Elizabeth Vlossak
Judging a Book Town by Its Cover: Advertising Strategies of France’s Villages du Livre, Audra Merfeld-Langston
Our Cousins in the New World: Celebrating Mexico in the French Alps, N. Christine Brookes
3. Politics
Local Identities and Internal Migration: Networking as a Survival Strategy in Revolutionary and Post-Revolutionary France, Denise Davidson
Soldiers of the Pays: Localism and Nationalism in the Revolutionary-Era Army, Christopher Tozzi
From mal du pays to l’amour du pays: Fatal Nostalgia and the Local in Nineteenth-Century France, Thomas Dodman
An Uncertain Icon: The Changing Significance of the Croix Occitane in the Post-War Midi, Andrew Smith
Adoption and Adaptation: The Survival French Départements, Thomas Procureur
Le Président? Georges Frêche and the Making of a Local Notable in Late Twentieth Century France, Emile Chabal
French Historians, 1900-2000: New Historical Writing in Twentieth-Century France takes a biograph... more French Historians, 1900-2000: New Historical Writing in Twentieth-Century France takes a biographical approach to historiography. The great challenge facing authors writing on historiography is to avoid producing a laundry-list of book titles and summations. By blending biography with the critical analysis of major works, French Historians, 1900-2000 avoids dryness and abstraction. It is both a reference work and a collection of readable essays possessing the comprehensiveness of the former and the depth of the latter.
Table of Contents
Introduction
Maurice Agulhon . . . . . . . . Peter McPhee
Philippe Ariès . . . . . . . . . . . Patrick Hutton
Jacques Berque . . . . . . . . . . James Whidden
Marc Bloch . . . . . . . . . . . . . . Francine Michaud
Fernand Braudel . . . . . . . . . Eric R. Dursteler
Roger Chartier . . . . . . . . . . . Laura Mason
Pierre Chaunu . . . . . . . . . . . David Stewart
Louis Chevalier . . . . . . . . . . Barrie Ratcliffe
Alain Corbin . . . . . . . . . . . . . Peter McPhee
Bernard Faÿ . . . . . . . . . . . . . . John Harvey
Michel de Certeau . . . . . . . . Willem Frijhoff
Jean Delumeau . . . . . . . . . . . Thomas Worcester
Jacques Droz . . . . . . . . . . . . . Joseph Tendler
Georges Duby . . . . . . . . . . . . Leah Shopkow
Lucien Febvre . . . . . . . . . . . . Wallace Kirsop
Marc Ferro . . . . . . . . . . . . . . Kevin Callahan
Michel Foucault . . . . . . . . . . James Winders
François Furet . . . . . . . . . . . Marvin Cox
Etienne Gilson . . . . . . . . . . . Philip Daileader
Jacques Godechot . . . . . . . . R. Emmet Kennedy
Pierre Goubert . . . . . . . . . . . James Collins
Elie Halévy . . . . . . . . . . . . . . Philip Daileader
Paul Hazard . . . . . . . . . . . . . Leonore Loft
Ernest Labrousse . . . . . . . . Mark Potter
Emmanuel Le Roy Ladurie . Jeffrey Bowman
Jacques Le Goff . . . . . . . . . . Joëlle Rollo-Koster
Georges Lefebvre . . . . . . . . . Lawrence H. Davis
Albert Mathiez . . . . . . . . . . . James Friguglietti
Roland Mousnier . . . . . . . . . Sharon Kettering
Pierre Nora . . . . . . . . . . . . . . Richard Holbrook
Mona Ozouf . . . . . . . . . . . . . Harvey Chisick
Michelle Perrot . . . . . . . . . . . Denise Z. Davidson
Henri Pirenne . . . . . . . . . . . Walter Prevenier
René Rémond. . . . . . . . . . . . Samuel Kalman
Daniel Roche. . . . . . . . . . . . . Harvey Chisick
Gaston Roupnel . . . . . . . . . . Philip Whalen
Henry Rousso . . . . . . . . . . . . H. Frey & Ch. Flood
Pierre de Saint Jacob . . . . . . . James Collins
Henri Sée . . . . . . . . . . . . . . . . Mark Potter
François Simiand . . . . . . . . . Philip Whalen
Albert Soboul . . . . . . . . . . . . Peter McPhee
Michel Vovelle . . . . . . . . . . . Peter McPhee
Dans tous les aspects de sa vie et carrière– de personnalité locale à lumière régionale– Roupnel ... more Dans tous les aspects de sa vie et carrière– de personnalité locale à lumière régionale– Roupnel joua le rôle de guide culturel et d’interprète de l’histoire du Dijonnais, la Côte-d’Or et de la Bourgogne. Ainsi sa carrière comprîtes dans son cadre régional, dois-elle être reconnue comme une importante intervention dans l’essor culturel des années 1920 et 30. De la thèse de Roupnel, La ville et la campagne au XVIIe siècle: études sur les populations du pays Dijonnais, l’historien bourguignon Henri Hauser écrit, dans la Revue historique que « [j]amais groupe de populations françaises n'a bénéficié d'une enquête aussi complète, aussi approfondie, aussi sincère, traduite de manière aussi vivante. Le hasard a bien fait des choses– le hasard, c'est-à-dire la curiosité passionnée de l'auteur pour son coin de terre où il vit» (142 (1923): 254).
Afin d'évaluer ce que Gaston Roupnel apporta à l’histoire régionale, il est utile de se le représenter comme un guide local nous faisant découvrir la Bourgogne historique et rurale. Son succès se base essentiellement sur son habileté à identifier et à faire articuler toute la signification de l'existence bourguignonne. Régulièrement il décrivit sa relation avec le milieu bourguignon avec des déclarations telles qu': "[i]l faut donc bien aimer ce pays et en être tout franchement, tout simplement et se laisser aller à lui, et abandonner son âme au généreux souffle qui vous porte» (Le Progrès de la Côte d'Or 14 July 1925, 3). De plus, Roupnel embrassa publiquement la cause de la Bourgogne et favorisa l’émergence d’une prise de conscience régionale. Sa carrière laisse transparaître un attachement profond à son milieu régional. Ses choix personnels et professionnels le conduisirent à un examen minutieux du Dijonnais et de ses habitants.
Les travaux de Roupnel s’adressa à la tension conventionnellement et dichotomiquement maintenue entre la ville et la campagne; le passé et le présent du monde rural français; les sphères spirituelles et matérielles de l’existence humaine; de la rigueurs des méthodologies exigées par les études érudites et le besoin d’un public qui pense pour lui-même; autant que la relation entre l’université régionale et les sociétés savantes de province. Au sommet de sa carrière de professeur d’histoire, littérature, géographie et patois bourguignon à la Faculté des lettres, le Doyen et le Recteur of the l’Université of Dijon entendaient que les talents de Roupnel « dépassent les limites de la Faculté» et qu’il était « une des forces les plus fécondes de la Faculté et de l'Université». (“Dossier Professionnel; Notice personnelle." AN 24698)
Sa réputation était telle que Georges Droux observa dans Le Miroir dijonnais et de Bourgogne 49 (1924) que,
M. Roupnel attache l'Université au pays où elle siège, à cette province si riche en souvenirs, qui est la sienne et dont, devenu l'un des animateurs, il contribue, avec une science unissant la clairvoyance au sentiment, à mettre en lumière le génie racial.
Roupnel n’était rien si’l n’était pas un indépendant et « libre-penseur». Un autre historien bourguignon, Jean Richard, se rappela de Roupnel comme « un professeur qui surmontait les cloisons artificielles que crée la spécialisation» et qui n’était ni « esclave des programmes, ni des horaires» (Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon 120 (1973): 49). Cela avait ces désavantages. Dans la « Postface» de l’édition de l’Histoire de la campagne française de 1974, Pierre Chaunu a bien remarqué que, « la classe historienne, le milieu d'existence des historiens universitaires, Sorbonne en tête, pardonne mal à Gaston Roupnel de transgresser les lois du groupe et de genre. On ne lui pardonne pas le succès de Nono, ou du Facteur Garain» (Histoire de la campagne française, 377). L’inverse de cette observation est donné par Pierre Trahard dans son compte-rendu d’une réédition du Vieux Garain de Roupnel dans Le Miroir dijonnais et de Bourgogne 20 (1940): 275-76. Se posant sur le thème de la nature et à la réputation régionaliste des travaux de Roupnel, il nota: « [j] adis on a reproché à Gaston Roupnel son provincialisme, j'entends son attachement à la province: comment consacrer un écrivain qui ne vit point à Paris» (20 (1940): 275-76). Roupnel lui-même semble avoir anticipé ces critiques quand il avoua que « [p]eut-être aurais-je fourni une plus éclatante carrière si j’avais été à Paris. Cependant je m'aime mieux ici, chez nous. La Côte est mon climat» (Gaston Roupnel, "Quelques propos," Le Bien Public 7 Janvier 1931, 6).
L’oeuvre de Roupnel concernant l’identité bourguignonne régionale raisonnait avec l’autorité conf... more L’oeuvre de Roupnel concernant l’identité bourguignonne régionale raisonnait avec l’autorité conférée à ses nombreuses publications et discours sur l’histoire, la géographie, le folklore, et la vie quotidienne du peuple bourguignon. Son style et des thématiques par le biais de perspectives privilégiant le « peuple » lui valut un certain renom au sein d’un public populaire. Cette vie, selon Henri Drouot, fut donc une vie provinciale, c’est là son trait essentiel qu’il faut bien souligner. Elle aurait pu être parisienne toute comme une autre. Roupnel pouvait, écrivain, se rapprocher des offices d’éditeurs qui fabriquaient les renommées. Il pouvait, universitaire, s’assurer chaire et auditoire à Paris. Il a préféré rester près de ses vignes et de ses vendanges, près de sa petite Université de Dijon, dont il a dit la noblesse et qui représentait pour lui l’esprit et l’âme de son pays. (Henri Drouot, « Mort de Gaston Roupnel », Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon 110 (1943-46): 99).
Le parcours professionnel de Roupnel éclaire la façon dont les intellectuels de province investissaient leur capital culturel dans des programmes régionaux contemporains.
Ardent régionaliste, il s’attacha à mettre ses principes et idées en pratique. De l’activité de producteur de vin et de la présidence du Syndicat des viticulteurs du Chambertin à la défense du système des appellations d’origine contrôlées, il n’est pas un aspect de l’industrie viticole bourguignonne qui lui échappa. Puisant dans sa propre expérience, il géra ses propres vignobles avec succès alors que les coûts et les bénéfices y étaient faibles. Roupnel démontra qu’il faisait preuve tout aussi bien d’érudition que de sagacité dans les affaires associées au négoce du vin en puisant directement sur ses connaissances personnelles. Au besoin Roupnel revenait au journalisme pour soutenir les intérêts de l’activité viticole bourguignonne traditionnelle :
Et puis il y a autre chose qui nous accable, qui nous tue : c’est la fabrique du vin. Voilà la terre et le soleil sans emploi, et le vigneron aussi. Les chimistes de malheur nous ont fait bien du tort. Voilà ces crapules partis à fabriquer le vin. Ils dressent d’abord leur chantier: des cuves vides, des bocaux de pharmacie, de petites fioles de poi¬son et de gros sacs de cassonade... Puis ils pompent 1à-dessus l’eau du puits; et après une petite comédie de cuvaison,... voici le robinet du pied de cuve qui pisse effrontément le vin!... C’est la vendange du nouveau siècle. Et pendant que ces brigands tirent leur chambertin du puits,... nous, on pioche la vigne comme des maudits; et le vin qu’on tire du gravier, après dix mois de combat avec la terre et le soleil, n’est pas bon... parait-il! Le marchand de Bercy qui goûte ça, dit : « C’est de la pistrouille…. J’aime mieux la fabrique. » ...Crois-tu que c’est juste... tout ça?... (Nono 1910, 288).
ou,
Partout alors, en effet, dans la Côte, les vignerons se désespéraient. Le phylloxéra commençait dévaster les vignes. Attaquée dans ses fines racines, la vigne dépérissait; et les taches vides allaient s’élargissant de plus en plus sur le finage. Elles menaçaient de tout gagner. Le vieux Francis annonçait les pires malheurs : « Je l’ai toujours dit. J’ai prévu la chose... Dans quatre ou cinq ans, en fait de vin, le pays ne récoltera pas seulement de quoi dire la messe... Ce que j’en dis, c’est pour avertir les jeunes, car moi j’ai affaire ailleurs... Les chacails m’aboyent après. »
En cela seulement le vieillard prédisait vrai. Les temps étaient révolus pour lui. Dès que commença l’hiver de 1884, il se prit à tousser. Il ne devait jamais revoir les arbres feuillus et la terre fleurie. (Vieux Garain, 1913 [1939] : 75).
Au cœur des années 1930, la question des appellations d’origine contrôlée en fièvre les esprits. Favorables à la marque, les Maisons de négoce-éleveur y sont pour la plupart hostiles. En revanche, l’AOC est une revendication de la propriété. Malgré ses talents, Colette rédige volontiers des publi-reportages financés par des comandataires. Ainsi sur le magazine Vu publie-t-elle, à la demande de la Maison Chauvenet à Nuits-Saint-Georges, un texte singulier vantant le vin de marque, les coupages, etc. (3 avril 1929). Gaston Roupnel réagit avec vigueur. Dans deux articles sans complaisance « La crise du vin » (1922) et « Le cru et la marque » (1930), Roupnel affirma son engagement envers les artisans et vignerons bourguignons.
Il croisa la plume avec l’écrivain bourguignon Colette, également bourguignonne, en dénonçant son soutien public (et certainement rémunéré) au vin de marque mélangé, moins cher, et commercialisé par les « négociants ». Contre l’avis de Colette, Roupnel loua le vin-de-cru ou le vin-de-vigneron qui tend à préserver le lien entre le vintage et le lieu géographique spécifique où il pousse (“Le Cru et la Marque”, 1930). Il joua également un rôle-clé dans la campagne nationale lancée par Etienne Camuset en faveur de contrôles plus stricts de l’étiquetage afin de lutter contre la fraude, grâce à la mise en application de la notion de « vins d’appellation d’origine contrôlée ». Ces efforts inclurent des contacts prolongés –de 1924 à 1936 – avec le vigneron Albert Noirot de Vosne-Romanée, l’avocat Louis Fyot de Dijon, Henri Gouges du Syndicat général des Vins de la Côte d’Or, et le marquis d’Angerville de la Fédération viticole de Beaune (Louis Fyot, « Souvenirs sur Gaston Roupnel »). Ce fut Louis Fyot qui s’adressa à Roupnel en premier en 1924. Sur les recommandations de « plusieurs membres des syndicats », Fyot lui demanda « des documents et des renseignements » en vue de se préparer à représenter les Syndicats de Gevrey-Chambertin, Brochon, Morey Saint-Denis et Chambolle-Musigny dans le procès intitulé le « procès de la Côte de Nuits ».
Un lectorat plus lyrique pouvait se pencher sur sa préface au Clos de Vougeot de Camille Rodier (1931). L’histoire de ce grand cru est présentée comme l’expression d’une relation holistique entre les hommes et leur milieu écologique. Roupnel soutient que cette relation se manifeste au travers du terroir propre à la région, des genres de vie traditionnels et des produits – spécialement le vins – qui traduisent des propriétés transcendantales reflétant tous les aspects de l’existence bourguignonne. La préface de Roupnel au recueil de poèmes de Max Cappe, Les Chants du terroir, poèmes bourguignons (1932), exprime une conception identique. Ces deux préfaces devaient jouer un rôle de manifeste romantique roupnelien en faveur du régionalisme culturel bourguignon. Elles décrivent l’histoire d’une Bourgogne portée par un esprit universel et manifestant une relation intime et unifiante entre l’humanité et le monde naturel.
Roupnel contribua également au développement du régionalisme économique bourguignon en célébrant les traditions culinaires de sa région.
En 1921, dans un article attaquant la nouvelle cuisine de son temps, « La trêve du cuisinier », Roupnel tourna en dérision « l’intrusion pernicieuse des nouveaux experts » à une époque où la spécialisation dans les disciplines allait croissant. Il soutint dans « La renaissance de l’auberge » (1922) et « La somptuosité de la Bourgogne » (1925) que l’érudition est toujours indigeste. Roupnel oppose les nouvelles « sciences » aux cuisines traditionnelles régionales- bien supérieures selon lui. Affirmant que les meilleurs ingrédients et recettes étaient dans la plupart des cas à découvrir non très loin de chez soi, il conclut avec humour cette série d’articles affirmant que « les gourmets à la dernière mode ne sont guère que des gourmands qui ont perdu l’appétit » dans l’« Eloge de la cuisine familiale » (1929).
En 1929, à l’occasion de la Foire Gastronomique, Roupnel fait une conférence publique sur Jean-Anthelme Brillat-Savarin, juriste et gourmet bourguignon du dix-huitième siècle, qui écrivit un traité gastronomique et philosophique intitulé La Physiologie du Goût. Roupnel soulignait les qualités populaires et fédératrices des traditions culinaires de sa région. S’il ne faisait pas l’éloge de la gastronomie française qui s’imposa au niveau international au dix-huitième siècle, c’est parce qu’elle était le symbole de privilèges et d’une opulence démesurée dans une société profondément inégalitaire. Il visait à redéfinir les critères historiographiques de l’art culinaire afin de rendre son histoire plus attrayante et donc plus accessible pour un public de masse (« Brillat-Saverin», IX Foire gastronomique de Dijon, conférence de M. Roupnel », Le Bien Public 13 Novembre 1929). Cette nouvelle orientation conforme au désir de Roupnel de voir l’histoire “ d’en bas ” était en parfait accord avec le populisme de Gaston Gérard et de Robert Jardillier, maires de Dijon.
De même, Roupnel souligna les racines historiques et culturelles de la foire gastronomique de Dijon dans des passages significatifs de La Bourgogne, types et coutumes (1936), dans « L’affaire Jérémie », qui parut dans le guide officiel de la XIIe Foire Gastronomique de Dijon et dans « La somptuosité de la Bourgogne », évoquant la notion de « terroir ». En outre, Roupnel rappelait à ses lecteurs qu’ils pouvaient découvrir le « génie bourguignon » en dégustant ses vins. Pour ces contributions en matière de folklore appliqué, Roupnel fut nommé en 1929 président de la toute nouvelle Société de Folklore de Dijon.
Après avoir examiné l’influence de la conjoncture socioéconomique du Dijonnais au dix-septième siècle sur les activités d’une « catégorie sociale », Roupnel se lança dans l’étude des relations entre pratiques agricoles et culture paysanne dans L’Histoire de la Campagne française (1932). Cet ouvrage offre une étude de longue durée ayant pour objet les « territoires anciens » français du néolithique au XXe siècle, en établissant un lien entre la géographie physique et humaine envisagées sur le long terme. Il s’agissait d’illustrer les influences réciproques et unitaires de l’homme sur la terre et de la terre sur l’homme. En fait, seuls les lecteurs familiers des conceptions épistémologiques et métaphysiques formulées dans Siloë étaient en mesure d’apprécier pleinement la combinaison singulière qu’offraient les méthodologies empiriques et intuitives présentes dans L’Histoire de la Campagne française. Ces conceptions éclairent l’application dans l’ouvrage de catégories d’analyse socio-historique significatives comme le temps, l’espace, la mémoire et la causalité.
En concert avec les intellectuels et les comités de la région, Roupnel traversa la plus grande partie des années 1930 à façonner une identité culturelle bourguignonne aisément reconnaissable et susceptible de donner lieu à une exploitation économique. Ils historialisèrent les traditions populaires locales, firent revivre les fêtes populaires, inaugurèrent des sociétés régionales, et éditèrent des revues érudites et centrées sur les traditions qui défendaient le concept d’un terroir bourguignon authentique. Roupnel investit ses immenses talents littéraires dans la cause de l’industrie du vin de Bourgogne « traditionnel » en valorisant les traditions populaires existantes.
Roupnel publia également une histoire populaire de folklore régional du début du siècle intitulée La Bourgogne, types et coutumes (1936). Elle témoigne d’une connaissance approfondie des genres de vie traditionnels bourguignons et des pratiques liées à la viniculture et à la viticulture : Pour [Roupnel] la Bourgogne est une personne qu’il a profondément aimée, une âme dont la sienne procède et bien qu’il n’ait écrit négligemment aucun de ses ouvrages dans celui qu’il a consacré à la gloire de sa petite patrie il a prodigué plus généreusement qu’il n’a fait dans aucun autre toute la somptuosité et toute la magnificence d’ont l’art de l’écrivain décore les êtres et les choses (Marcel Bouchard, « La vie et l’œuvre de Gaston Roupnel », Mémoires de l’Académie de Dijon 120 (1973) : 38-39. L’analyse de Roupnel établit un lien entre la géographie humaine et le folklore appliqué afin de dépeindre des vignerons aux qualités rustiques et des vigneronnes romancées. Son dessein était d’associer au sein d’un paradigme populaire bourguignon « authentique », des pratiques traditionnelles de viniculture et de viticulture tournées vers des objectifs économiques modernes. Ce récit privilégie les pratiques locales, localisées et localisatrices en tant qu’elles manifestent la réciprocité « naturelle » et « intemporelle » de l’esprit et de la matière. Les vignerons décrits dans La Bourgogne, types et coutumes, offrent une alternative agréablement moderne, tout en étant d’une rusticité rassurante, aux représentations surannées de la main-d’œuvre harassée des champs ouverts. En tant que Bourguignons exemplaires, les vignerons joviaux et sociables de Roupnel évoluaient dans des villages idéalisés et hors du temps. Leur fonction était de mettre en question le rôle central de l’emblème, afin de refaçonner les dimensions de l’identité rurale française en termes de modèle régional distinct. Dans sa « Préface » au catalogue d’une exposition sur « L’art bourguignon à travers les âges » à la Galerie Jean Charpentier à Paris, reproduite dans Art bourguignon et Bourgogne (1936), Roupnel complète ce tableau populaire par un examen des traditions artistiques et littéraires de la région.
De telles interventions allèrent dans le sens des aspirations des récoltants de la Côtes bourguignonne, et confirmèrent à leurs yeux la solidarité de Roupnel envers cette région. Suite à la mauvaise conjoncture économique contemporaine, Roupnel écrit dans l’Histoire de la campagne française : « [à] l’heure où je corrige les épreuves de ce livre, la vérité m’oblige à rectifier cruellement les traits de l’herbeux tableau que je m’étais complu à représenter. Dans la Côte bourguignonne, par l’effet de la mévente des bons vins, la gêne et la misère se sont réinstallées, pires que jamais, dans ces modestes demeures vigneronnes d’où elles semblaient avoir été à jamais bannies » (268, note 6). Son autorité, ses qualités morales et intellectuelles, ainsi que son prestige furent reconnus lorsqu’il fut élu président du syndicat viticole de Gevrey-Chambertin de 1936-1938 et servit en tant que membre de la commission régionale des appellations contrôlées de 1936-1937. Ces distinctions attestent sans ambiguïté des talents de Roupnel en tant que guide hors pair et interprète intarissable des traditions culturelles et historiques de la Bourgogne jusqu’aux mécaniques régissant l’économie contemporaine et le régionalisme politique. Le soutien de Roupnel pour le développement d’un système d’appellation d’origine contrôlée ainsi que sa défense du cru des vignerons contre les vins de marque ne concourra pas seulement à aider la « Maison Roupnel père et fils » à vendre ses Chambertin. Plutôt, l’activisme de Roupnel le conforta dans le rôle public de défenseur inné des intérêts régionaux bourguignons.
Gaston Roupnel fut l’un des penseurs les plus novateurs de l’entre-deux-guerres en France. Il ass... more Gaston Roupnel fut l’un des penseurs les plus novateurs de l’entre-deux-guerres en France. Il assura la transition entre la tradition philosophique du dix-neuvième siècle et les sciences sociales et naturelles des années 1920 et 1930 et insista comme Paul Vidal de la Blache sur le concept d’unité et sur l’idée de région. Comme Henri Berr, il prôna une synthèse des sciences sociales et humaines en France et ses idées influencèrent de manière directe les travaux d’Henri Bergson et de Gaston Bachelard. Il contribua à populariser un type d’approche historique fondée sur la longue durée semblable à celle que pratiquèrent André Allix et Jules Sion. Sa méthode annonçait celles de Marc Bloch et de Lucien Febvre avec leur projet des Annales. Gaston Roupnel facilita l’émergence d’une identité culturelle bourguignonne.
Sa carrière laisse transparaître un attachement profond à son milieu régional. Ses choix personnels et professionnels le conduisirent à un examen minutieux du Dijonnais et de ses habitants. Roger Tisserand, un contemporain de Roupnel, affirma : “ La côte est son climat. Elle est la source d’où son œuvre presque tout entière est sortie. Elle est sa dilection. Elle possède son cœur ”.
Roupnel embrassa publiquement la cause de la Bourgogne et favorisa l’émergence d’une prise de conscience régionale. Il s’efforça de faire revivre les racines géographiques, historiques et culturelles de l’héritage bourguignon. Il déclarait en observateur engagé : “ quand notre investigation sera terminée, quand nous aurons reconstitué l’ancienne carte routière du pays, il nous sera loisible d’en dégager une interprétation d’ensemble, d’en faire surgir, riche de valeurs humaines, une explication totale des lieux ”. Il voulait que son travail soit reconnu comme une “ histoire totale ” du Dijonnais. Cette histoire doit en effet être intégrée à l’histoire régionale de la France de l’entre-deux-guerres. Comme le reconnaissent actuellement certains Bourguignons, la réussite de Roupnel réside dans sa capacité à identifier et à expliquer l’ensemble des spécificités de la vie bourguignonne. Roupnel résumait souvent sa relation au milieu bourguignon par des formules comme celle-ci : “ [i]l faut donc bien aimer ce pays et en être tout franchement, tout simplement et se laisser aller à lui, et abandonner son âme au généreux souffle qui vous porte ”. Henri Drouot, un autre bourguignon, souligne l’unité de l’oeuvre de Roupnel et de sa vision du monde rural :
L’âme populaire et campagnarde surtout. C’est la constante de son œuvre depuis le mémoire qu’il écrit en 1895 sur le régime féodal dans le bourg de Châtillon-sur-Seine .… jusqu’à son cours public de cet hiver.… Si l’unité des œuvres de notre écrivain bourguignon est certainement dans la recherche de l’humain, leur charme majeur, leur vertu maîtresse ne sont-ils pas de nous ramener toujours, par tous les chemins, avec une discrète fidélité et un éclatant amour, à cette source pure, primitive, de la vie des hommes : la campagne.
Dans toute son oeuvre, Roupnel vise à démontrer que les paysans bourguignons, et par extension leurs voisins européens, ne pouvaient échapper à la logique des traditions agraires. Drouot commente ainsi le projet de Roupnel : “ [d]ans sa chair comme dans ses livres, qu’il s’agisse des forces obscures qui soutiennent un Dijon naissant ou des besoins spirituels d’une race paysanne, ou des convenances éternelles de la vie rurale, c’est bien toujours à l’âme des sociétés humaines qu’il consacre son labeur ”. Un passage de l’Histoire de la campagne française de Roupnel permet d’étayer cette interprétation :
[c]e sont les institutions nées de la terre qui nous ont fait notre société d’Europe. C’est sur cette campagne au ferme dessin que se déterminèrent la condition de l’individu et les réalités sociales. C’est sur ces rustiques contours que la société moula ses formes et construisit ses groupes. Et l’éparpillement de ces formations était la conséquence de cette multiplicité des cadres.
On peut donc dire que “ [Roupnel] a été l’historien lyrique de la paysannerie française ” et qu’il s’est fait le porte-parole de ce qu’il appelait l’“ antique et éternelle détermination ” de la Bourgogne rurale. Il tenta de réconcilier les pensées humanistes héritées de l’Age des Lumières avec les notions néo-romantiques de régionalisme et d’ethnicité réactualisées par les intellectuels français au début du vingtième siècle. Alors que la plupart des études menées sur la campagne française reposaient sur des considérations moralistes, Roupnel, qui poursuivait en parallèle une carrière d’enseignant et d’écrivain à Dijon, ne prôna pas simplement un retour à la terre. Il offrit avant tout une interprétation historique des relations entre l’homme et son environnement :
[l]es Etats, les institutions, les classes sociales, les êtres sociaux, les êtres historiques, ont d’autant plus d’énergique solidité qu’ils sont davantage l’œuvre du temps qui accumule sur eux ses durées créatrices. Leur avenir est proportionné à la continuité et à la persévérance de l’effort qui les élabora. Ils ne relèvent donc pas seulement de l’espace où ils s’étendent, des nombres et des multitudes auxquels ils s’appliquent, des forces et des intérêts qu’ils dirigent ou régissent. Outre tout cela, ils ont une résistance intime faite de la cohésion de leurs éléments, lentement triés, triturés et durcis. Cette structure serrée, cette rigidité et cette densité, cette dureté forgée, sont l’œuvre du temps.
Pour Roupnel, le monde rural était sans aucun doute le centre de gravité spirituel de la France et représentait l’avenir du pays. Avec sa production modeste mais constante la France était en mesure, selon lui, de concurrencer sur les marché mondiaux des nations plus puissantes : “ Avec sa vieille campagne composée de toutes choses, il pourra tenir tête aux pays qui n’ont que l’immensité de leur sol et leur massive fortune d’un produit et d’un jour ”. L’érudition de Roupnel, certes teintée de nostalgie et de sentimentalisme, ne peut en aucun cas se confondre avec les notions, populaires à l’époque, de renouveau du folklore paysan et de ruralisme.
Bien qu’il connût très tôt un succès auprès de la critique, Gaston Roupnel a depuis été négligé par les historiens français, sans doute à cause de l’éclectisme de cet “ homme de lettres ” provincial. Ses études touchaient à trop de domaines pour correspondre aux goûts et aux préjugés de ses contemporains. Son style apparaissait trop provincial pour plaire aux intellectuels parisiens. La carrière universitaire de Roupnel coïncida avec une professionnalisation accrue des spécialistes des sciences sociales et humaines. C’est à cette époque qu’une nouvelle génération d’historiens émergea autour d’Henri Berr et de sa Revue de Synthèse. Ces chercheurs visaient à d’élargir le champ des études et à élaborer des méthodes qui puissent profiter des avancées des sciences sociales et leur faire concurrence : ils s’inspiraient des principes sociologiques de Durkheim abondamment développés dans la Revue française de sociologie ainsi que du “ possibilisme ” d’une nouvelle génération de géographes humains réunis sous la houlette de Vidal de la Blache. Le projet des Annales qui émergea en 1929 avait pour but de remplacer les domaines de spécialisation traditionnels par une nouvelle école d’études historiques qui devait s’inspirer des techniques et des thèmes propres aux sciences sociales afin de développer des liens entre les disciplines.
Tout ceci n’empêcha pourtant pas Roupnel de jouer un rôle important sur le plan local, en tant que notable, négociant en vins et littérateur. Il fut un excellent interprète de la culture dijonnaise et un grand spécialiste de son histoire. Sa carrière tout entière s’inscrit dans les projets culturels mis en place par la municipalité de Dijon dans les années 1920 et 1930. Voici ce que l’historien bourguignon Henri Hauser écrivait à propos de la thèse de doctorat de Roupnel intitulée La Ville et la campagne au XVIIe siècle: étude sur les populations du pays dijonnais : “ [j]amais groupe de populations françaises n’a bénéficié d’une enquête aussi complète, aussi approfondie, aussi sincère, traduite de manière aussi vivante. Le hasard a bien fait les choses – le hasard, c’est-à-dire la curiosité passionnée de l’auteur pour son coin de terre où il vit ”.
Roupnel mit en évidence les caractéristiques sociales et économiques du passé bourguignon. Il souligna les aspects positifs de ses traditions culturelles et de façon générale démontra les vertus spirituelles d’un style de vie rural. Son attachement à cette région était à la fois viscéral et intellectuel. Dans un entretien accordé en 1934, il exprima son attachement à la “ terre profonde ”, traduisant ainsi un sentiment répandu :
la France reste une société de formation rurale qui a le goût de la vie simple et qui ne rougit généralement point de ses origines. Il suffit d’une partie de chasse pour que le Bourguignon dijonnais renie son quartier Saint-Michel, se remette à l’omelette au lard et au parler lent ; qu’il se ré-intéresse aux récoltes et aux rendements, au prix de la viande sur pied. Et faut-il rappeler que la plupart des petits fonctionnaires et employés n’aspirent à la retraite que pour retourner vivre dans leur pays natal et y planter littéralement leur choux.
En tant qu’historien et géographe, Roupnel était convaincu que le régime agraire de la Bourgogne représentait un état “ naturel ”. Pour lui les classes sociales constituaient l’unité élémentaire de toute analyse. Son œuvre majeure, La Ville et la campagne au XVIIe siècle: étude sur les populations du pays dijonnais publiée en 1922 associe un relativisme géographique vidalien à des synthèses sociologiques. Elle offre ainsi une histoire économique et sociale sans précédent du Dijonnais après la guerre de Trente Ans. Poursuivant son étude de l’histoire de la France rurale, il publia une Histoire de la campagne française (1932) et La Bourgogne, types et coutumes (1936), anticipant ainsi sur les recherches et les méthodes que l’on associe désormais à l’école des Annales. Notons que cette dernière n’a toujours pas reconnu pleinement sa dette envers les historiens de province, malgré l’hommage privé rendu par Lucien Fevbre à Gaston Roupnel pour ses “ études “ vivantes ” de l’histoire ”. Febvre écrivit dans sa lettre :
[a]près le très beau livre de mon collègue [Histoire de la campagne française], ami et co-directeur des Annales, Marc Bloch, si solidement assis sur des bases d’histoire comparée – le vôtre, si sensible, si vivant, si plein d’une expérience incomparable des réalités campagnardes – après le livre d’un homme qui a su lire remarquablement les textes, ce livre d’un homme qui a su lire la terre elle-même.… Votre livre est plein de choses neuves, vivantes et fortes.
Roupnel élabora intuitivement, mais avec une grande logique interne, un modèle holistique des relations entre l’humanité et les mondes naturel et spirituel. Il eut recours, pour expliquer la mentalité paysanne, à l’idée d’une conscience collective innée, primitive et panthéiste qu’il appela “ l’âme paysanne ”. Selon René Barbier,
Il existe une solution qui n’est pas pour autant une méthode et encore moins une technique : observer sans effort, avec une attention vigilante en fonction de l’ici et du maintenant. Observer sans analyser, sans expliquer. Observer pour comprendre. Comprendre se fait toujours dans ce que Gaston Bachelard, à la suite de M. Roupnel, l’auteur de Siloë, nommait l’intuition de l’instant.
Dans son analyse de la société rurale, Roupnel prit en compte cette dimension spirituelle au même titre que d’autres facteurs déterminants plus conventionnels.
Les concepts métaphysiques sur lesquels repose la vision du monde “ naturel ” de Roupnel sont d’ordre écologique et spirituel. Dépassant la notion d’idéalisme subjectif si populaire parmi les philosophes du dix-neuvième siècle, Roupnel concevait la nature comme une manifestation de l’ “ Absolu ” et de l’ “ Esprit ”. Ses croyances spirituelles le rattachaient à une tradition ésotérique qui avait survécu aux sciences modernes, à l’idéologie politique, et aux dogmes religieux. Les idées de Roupnel annonçaient celles de Pierre Teilhard de Chardin, dont l’influence sur le mouvement “ New Age ” est souvent mise en évidence. Cette ressemblance n’a pas échappé à André Parinaud :
On trouvera entre Siloë et la thèse spiritualiste de Teilhard de Chardin publiée plus tard, et son “ point omega ”, de remarquables convergences. Chacun considérant que l’apport scientifique forme une synthèse prospective qui unit la croyance et la connaissance.
Suivant en cela les idées de la tradition monistique, Roupnel décrivit la relation entre l’homme et son environnement spirituel et naturel comme une relation symbiotique permettant une connaissance de soi instantanée.
Cet être qui se suffit, ne doit rien à personne. Il ne doit rien au village, au canton, au département. Nul syndicat ne l’accapare ; nul système collectif ne l’encadre ; nul esprit corporatif ne l’anime. Mais de toutes les farouches rudesses de ces contraintes, cette terre, cette glèbe qui fixa l’homme par ses liens de glaise, lui communiqua son isolement et lui impose son indépendance.
L’épistémologie originale de Roupnel repose sur ce que l’on pourrait appeler une forme de perception mystique ou non-discursive. Lorsqu’on lui demandait de préciser ce que signifiait pour lui la vérité scientifique il reconnaissait que
[s]trictement humaine, [la vérité scientifique] participe de nous et elle est aussi bien notre servitude et notre misère que notre grandeur et notre privilège. Elle trouve son unique expression dans les mathématiques et je crois d’ailleurs que ces lois des nombres, loin d’être un vain jeu de l’esprit sont fonction du réel… [p]eut-être même entrent-elles en connexion avec ce que nous appelons la mémoire, le souvenir peut composer la nature même du réel, tout au moins du réel tel qu’il restera accessible au seul droit de notre intelligence. Car il est d’autres vérités qui relèvent celles là de notre intuition intime. La voix qui les dicte et parle en nous vient des origines et des fondations morales de notre être.
Cette pratique intuitive des sciences, qui resta un mystère pour nombre des contemporains universitaires de Roupnel, le place dans une tradition philosophique de l’intuition et de la connaissance subjective que l’on retrouve dans les travaux d’Henri Bergson, de Carl Jung, d’Ernest Cassirer, de Lucien Lévy-Bruhl, de Maurice Halbwachs et de Gaston Bachelard. Selon le philosophe Maurice Blondel, les travaux de Roupnel démontrent la pertinence des avancées spirituelles de Bergson et contribuèrent aux recherches existentielles de Louis Lavelle. De plus, pour Roupnel, cette philosophie était à la fois universelle et accessible au commun des mortels.
Dans son œuvre, Roupnel vise un large public. Ses articles journalistiques portent sur des sujets extrêmement variés. L’auteur se garde cependant de réduire la richesse et la complexité des expériences humaines à leur plus petit commun dénominateur. Prenant son rôle d’éducateur très au sérieux, il cherchait à prouver que les activités humaines les plus nobles restaient à la portée de ses lecteurs, quels qu’ils soient. Pour lui, l’art devait profiter à tous également tant il puisait ses sources dans l’expression populaire :
l’Art n’est pas un apanage spirituel des privilégiés de la fortune et de la société. Par sa nature et par ses origines, sinon par ses résultats, il est même plus près de l’âme populaire que de l’esprit lettré… L’Art, en effet, est tout près du peuple ignorant; et il y a en lui quelque chose qui le ramène vers la simplicité populaire comme vers son origine.
Roupnel donnait la priorité à l’expérience du “ Peuple ”. Il condamnait l’intrusion pernicieuse de nouveaux “ experts ” dans un article où il attaquait la “ nouvelle cuisine ” de son temps : “L’érudition a toujours été indigeste ... la bonne cuisine, la vraie cuisine, ce n’est pas tant cela que la simple cuisine du pot-au-feu ”. Il concluait avec humour que les gourmets à la dernière mode n’étaient ni plus ni moins que des gourmands qui avaient perdu l’appétit. Il élargit ces réflexions pour inclure l’histoire et la géographie dans un article intitulé “ La Géographie au village ”. L’orientation populiste de Roupnel se confirma par la suite lorsque, ignorant les pratiques académiques en vigueur, il innova en utilisant la forme du roman populaire pour décrire les caractéristiques de “ l’âme paysanne ”. Nono, Le Vieux Garain et Hé ! Vivant ! racontent sur un ton lyrique la vie de personnages campagnards dont le sort doit prendre valeur exemplaire alors que la France rurale connaissait une crise profonde.
L’œuvre de Roupnel qui touche aux rapports entre les pratiques agricoles traditionnelles et l’identité culturelle de “ la France des vieux terroirs ” témoigne d’une époque qui s’interrogeait sur l’identité française. Roupnel y aborde dans une perspective régionaliste la répartition des rôles entre hommes et femmes ainsi que l’action politique, l’ordre social et le développement économique raisonné. On peut taxer de conservatrices les idées de Roupnel concernant l’identité de “ la vraie France ”. Pourtant elles diffèrent largement des conceptions réactionnaires prônées par Frédéric Mistral, Maurice Barrès, Charles Maurras, ainsi que des idées de Vichy ou des théoriciens fascistes. Sa foi inébranlable dans les valeurs libérales, dans une économie de marché ouverte à la concurrence et dans la politique parlementaire l’éloignaient naturellement des idées socialistes, communistes ou des programmes syndicaux. Roupnel ne se sentit jamais totalement chez lui au sein du Parti Radical. Malgré ses huit ans de collaboration régulière au journal radical La Dépêche de Toulouse il ne fut jamais vraiment à l’aise dans ce mariage de raison. Ses prises de position passionnées en faveur d’une politique égalitaire, ses préoccupations écologiques, son pacifisme, son goût des mélanges de races et sa spiritualité ne correspondaient pas vraiment à l’idéologie de la Troisième République.
A la différence de nombre d’intellectuels français de son époque, Roupnel considérait qu’on ne devait pas négliger un objet d’étude qui ne relevait pas forcément des hautes sphères de l’intellectualisme. Ses œuvres portent sur les tensions entre ville et campagne, sur le passé et le présent de l’univers rural en France, sur les aspects matériels et spirituels de la condition humaine, sur les rigidités du monde universitaire, sur les préoccupations d’un public bien informé, sur les relations entre universités de province et “ sociétés savantes ”. A l’époque, la réputation de Roupnel était telle qu’un journaliste écrivit : “ Roupnel rattache l’Université au pays où elle siège, à cette province si riche en souvenirs, qui est la sienne et dont, devenu l’un des animateurs, il contribue, avec une science, unissant la clairvoyance au sentiment, à mettre en lumière le génie racial ”.
Roupnel était avant tout un “ libre-penseur ”. Pour l’historien bourguignon Jean Richard, c’était “ un professeur qui surmontait les cloisons artificielles que crée la spécialisation ” et qui n’était ni “ esclave des programmes, ni des horaires ”. Cela avait aussi des inconvénients que Pierre Trahard évoque en ces mots : “ [j]adis on a reproché à Gaston Roupnel son provincialisme, j’entends son attachement à la province. Comment consacrer un écrivain qui ne vit point à Paris ”. Roupnel en avait d’ailleurs conscience lorsqu’il faisait remarquer : “ [p]eut-être aurais-je fourni une plus éclatante carrière si j’avais été à Paris…. Cependant je m’aime mieux ici, chez nous.”
Papers by Philip Whalen
The political elite in inter-war France sought innovative ways to reconcile modernization agendas... more The political elite in inter-war France sought innovative ways to reconcile modernization agendas with existing regional cultural traditions. Regional folkloric traditions and ludic festivals provided refuge from maligned national narratives. Burgundians, notably, drew upon carnival practices and motifs to solicit broad participation in a state-sanctioned project of regional modernization. Although organized by ostensibly opposed political, social, commercial, and cultural interests, Dijon’s Mère-Folle carnival and subsequent carnaval parades accomplished the same goals. These included creating a new spirit of civic pride and unity along, providing a time and space for overlapping and converging transformations to coexist and stabilize traditional cultural practices while limiting possibilities for women’s émancipation.
The modernization of late nineteenth and early twentieth century Burgundy drew on the coordinated... more The modernization of late nineteenth and early twentieth century Burgundy drew on the coordinated efforts of various industries to provide novel opportunities for the consumption of local products. This entailed the redefinition of existing conceptions of Burgundian “place” to co-structure desired degrees of authenticity, verisimilitude, and/or originality by the collaboration of various cultural intermediaries ranging from local boosters and politicians to merchants and academics. Geographers also participated by incorporating symbolic, subjective, and performative practices into the concepts of terroir and genres-de-vie in order to script new roles for tourists and locals in gastronomic activities. This resulted altered experiences of time, space and themselves as participants were prompted to creatively explore the contemporalities of imagined pasts and desired presents. These might range from a conscious and playful awareness of tourist venues as spaces for creative complicity to a more willful reordering of the hierarchies of received opinion, prescribed judgments, and aesthetic conventions.
Cistercian monks began to make wine in the Clos de Vougeot region of Burgundy, France in the late... more Cistercian monks began to make wine in the Clos de Vougeot region of Burgundy, France in the late Middle Ages. Their traditions created the notion, described as terroir, that aspects of climate, geology and human culture create a unique characteristic in food and beverages, especially wine. The idea was advocated most strongly by the Burgundian cultural historian Gaston Roupnel1 and cannot be defined in quantitative manner. Nevertheless, terroir — as a cultural, place-based entity springing from centuries of connection between culture (epitomised by the Cistercians) and the cultivation of wine grapes — was ideologically elevated to the level of an analytic explanation for the quality of certain wines by the mid-twentieth century. This Burgundian concept was so successful that in 1935 it led to the appellation d’origine contrôlée (AOC) — a French system that is still used to legally delineate geographical regions and regulate agricultural products (produits du terroir), and has been adapted for much of the food-obsessed world.
But the idea of terroir is not easily reconciled with mechanized wine production, New World winemaking (focused on wine variety rather than location) and the rise of precision agriculture, which makes use of non-traditional devices such as computer modelling and remote sensing
that fall outside the classic idea of terroir. In addition, terroir is less obviously meaningful in a rapidly changing climate: if regional characteristics, including temperature and precipitation patterns, lead to a unique quality of its produce, then rapid and severe change in these circumstances — as expected from global warming in many regions worldwide — must affect the outcome.
Not all facets of terroir that comprise the modern notion of the term are supported by scientific analysis, and those that are, such as rainfall and temperature, will probably change in the next decades. In the face of the challenges from both technology and climate change, the most successful winemakers — either Old World or New World — will be those who achieve two goals simultaneously: the use of modern technology to optimize the making and marketing of wines, and the development and advertising of their location and production processes that are unique to their product. To make terroir useful as a classification system and marketing tool in a sustainable twenty-first century wine market, it needs to be defined more flexibly, allowing changes in location or in the varieties of grapes produced at a certain site.
[…]
The vectors of globalization have made coerced labor more prevalent, profitable, and practical th... more The vectors of globalization have made coerced labor more prevalent, profitable, and practical than ever before. In contrast to 'old slavery,' a 'new slavery' has emerged to take advantage of economic opportunities, ongoing enmiseration, and corrupt governments. The significant difference between “old” and “new” slavery from the slaveholder’s point of view lies in the capital outlay and risk. Kevin Bales argues that “[b]uying a slave is no longer a major investment…. Slaves are now so cheap that they have become cost-effective…. Slaveholders get all the work they can get out of their slaves, and then throw them away. They cost relatively little, generate high profits, are temporarily exploited, are no longer determined by race, require no legal documentation, and are easily disposed. Indeed, it is safe to say that Slavery has increased since the nineteenth-century. Today, an unknown number reside in France.
The purpose of this collection will be to consider how locality has been differently constituted ... more The purpose of this collection will be to consider how locality has been differently constituted across modern and contemporary French history. It will aim both at taking stock of existing scholarly work (with synthetic overviews by established authors), and at stimulating new thinking about the changing formations of local place and identity that have accompanied processes of national and European/trans-regional/global integration. Historical study of the complex interplay since 1789 of what the French identify as pays and nation (or alternately, as the petite and the grande patrie) has by this point substantially revised an older conceptualization of essentially antagonistic local and national moorings, in which the latter mainly prevailed over the former in making “peasants into Frenchmen”. What has emerged in its place is a less linear and deterministic understanding of French nation building, one more keenly attuned both to the dynamic ways in which locality and nation have interrelated in specific contexts, and to the key role local actors and cultures have played in enabling new forms of French identification, however provisional or enduring. European, trans-regional and global frameworks of more recent provenance have likewise introduced challenges and opportunities for the promotion of ostensibly local interests, identities and products. This volume will marshal historical understanding to anticipate the ways in which the local will continue to be reinvented in the twenty first century in France as elsewhere.
The period between the two world wars (1919–1939) saw a flowering of French regional culture. Hel... more The period between the two world wars (1919–1939) saw a flowering of French regional culture. Held up as a more authentic complement (and sometimes alternate) to national French culture, Burgundian regionalism was anchored in the concept of terroir, the belief that local geography played a role in contributing specific qualities to local culture and products such as wine. Gaston Roupnel, a Burgundian folklorist, was especially important in efforts to link terroir and Burgundian regional culture through the figure of modern rustic vignerons and vigneronnes.
Depuis les débats relatifs aux origines de la viniculture jusqu’aux élaborations concernant l’imp... more Depuis les débats relatifs aux origines de la viniculture jusqu’aux élaborations concernant l’importance du terroir viticole bourguignon dans un contexte géohistorique, les œuvres de Roger Dion et de Gaston Roupnel se distinguent par leur solide ancrage au sein des préoccupations de la géographie humaine française portant sur l’histoire et la morphologie de la France rurale. Leur érudition respective couvrait toute la gamme du réseau régional production-consommation relatif à l’activité viticole. Tous deux s’intéressaient aux origines, à la nature et à la localisation des habitats propres aux vignobles, aux facteurs en jeu dans la création de réputations de vignobles de renom, au rôle de l’homme dans la production du vin et sa consommation, ainsi qu’à la portée des marchés et à la concurrence. Ces thèmes demeurent au centre des préoccupations actuelles concernant la production viticole qui traverse une période de changement climatique accéléré et de mondialisation, qu’aucun des deux auteurs ne pressentit. En dépit de centres d’intérêts croisés et d’une analogie séduisante, les œuvres de Dion et Roupnel étaient substantiellement différentes par leur champ d’application et leur public potentiel. Si l’un et l’autre soulignèrent le rôle de l’homme au sein de la viticulture, qui transcendait le cadre géographique, Dion s’attacha plus particulièrement aux conditions du marché tandis que Roupnel se pencha sur sa portée quant au régionalisme culturel bourguignon. Dion était meilleur géographe, mais je ferai apparaître que Roupnel anticipa nombre de thèmes et questions identiques.
The Digital Paris Project is a collaborative and trans-disciplinary research project designed to ... more The Digital Paris Project is a collaborative and trans-disciplinary research project designed to explore the history, literature, and architectural landscapes of Paris through the social biographies of real individuals and fictional characters. Hosted by Coastal Carolina University and UCLA’s Hypercities Project <http://hypercities.com/Paris>, The Digital Paris Project combines digital technologies (Dreamweaver, Sketchup 2, 2nd Life, BuildingMaker, Flash, etc.) with multiple disciplines to produce an interactive, hypermedia environment designed for exploring the historical layers of bygone city-scapes and their inhabitants.
Tout indiquait que Dijon pouvait accueillir une Foire destinée à rétablir un art plaisant et préc... more Tout indiquait que Dijon pouvait accueillir une Foire destinée à rétablir un art plaisant et précieux : l’occasion de plaisirs individuels et de richesses qui bénéficieraient à l’économie nationale.
- Gaston Roupnel, « A la louange des Gastronomes », Presse (1928)
This article discusses how early twentieth-century France developed rustic modernization projects... more This article discusses how early twentieth-century France developed rustic modernization projects anchored in traditional regional practices. This entailed overcoming political and cultural fears associated with regional allegiances as well as developing regional cultural agendas susceptible to economic exploitation. The case study of how Burgundians marketed artisan workmanship, gastronomical traditions, vernacular architecture, and folkloric traditions at the 1937 Paris International Exposition illustrates how a commercial paradigm of French
national identity was rooted in provincial productivity.
The life and works of Gaston Roupnel shed light on the rich cultural setting and professional env... more The life and works of Gaston Roupnel shed light on the rich cultural setting and professional environment from which the modern French historical profession slowly and unevenly emerged during the early twentieth century. His career also serves to recall how uneven and heterogeneous were historical dispositions and outlooks during this transitional period. With one foot in nineteenth-century philosophical traditions and the other in the social sciences of the 1920s and 1930s, Roupnel practiced historical geography a time when the French were preoccupied, in turn, by economic and demographic resilience following World War I, rural depression and depopulation during the 1920s, “return to the soil” themes throughout the 1930s, and a renewed search for cultural roots immediately after World War II. Well received by contemporary popular audiences and academic audiences, Roupnel’s scholarship– which included contributions in philosophy, history, fiction, journalism, geography and current affairs– focused primarily on Burgundy’s Dijonnais region from the early sixteenth to the early twentieth centuries. He employed his historical training, ethnographic expertise and empathetic imagination to investigate the ecological and structural links between evolving agrarian patterns and the daily lives of local elites and ordinary people. These fields of interest were tied together through his chaired position in Burgundian history, literature and patois at the University of Dijon.
In a field frequently dominated by the pronouncements of gurus, oenologists, vintners, pundits, w... more In a field frequently dominated by the pronouncements of gurus, oenologists, vintners, pundits, wine experts and self-styled amateurs of radically diverging opinion and expertise, Jean-Robert Pitte’s treatment of the history of Bordeaux’ and Burgundy’s wine industries comes across as retrained and diplomatic. His book is not calculated “to provoke or settle scores” but is designed instead, the author signals early on, “to sharpen the critical spirit” (xii). To that end, the English language edition of Bordeaux Bourgogne: Les passions rivales (2005) begins with a tale of “two brothers” who represent “opposite civilizations” (xii) and “show little more than disdain for each other” (xiv). Professor Pitte, of course, has a rather more ambitious agenda and messier terrain to cover. His historical overview of the geography, culture and economy of French winemaking along with the evolution of consumers' tastes is calculated to make the brothers Bordeaux and Burgundy, their extended family of enthusiasts, and the French wine industry realize that this rivalry is really a “shared passion for excellence” (xiii) that entails analogous practices and shared challenges in the present era of international competition, blind tastings, climate change, and technological development: “It would be a shame if French viticulturalists were not to profit from all the wonderful contributions of new technologies, which do not in the least prevent them from expressing their own personality in the wines they make. It would be a still greater shame, however, if these modern methods were used to standardize their wines with a view to imitating certain styles currently popular in North America and the southern hemisphere. In that unfortunate event, the whole of French viticulture would soon disappear” (174).
Using Maurice Eisenchteter’s collection of wine-related documents and newspaper clippings from th... more Using Maurice Eisenchteter’s collection of wine-related documents and newspaper clippings from the 1920s and 1930s (“Fonds Geisweiler & Fils”) and synthesizing the latest research on the marketing of Burgundian wines during the first half of the twentieth century (from Marion Demossier, Jean-François Bazin, Olivier Jacquet and Gilles Laferté) for English audiences, I show that Burgundians both developed and applied the concept of terroir to market their wines during the Interwar Years. The result united natural resources, historical memory, marketing strategies, and cultural performance into an imaginative and enduring form of commercial regionalism. This aggressive marketing was so successful that it became a model for French agricultural products promoted through the Appelation d’Origine Controlée.
Three-quarters of a century since implementing the AOC system, Burgundy’s wine industry is presen... more Three-quarters of a century since implementing the AOC system, Burgundy’s wine industry is presently redefining itself. While—and perhaps because—a great many people and organizations apply the concept of terroir to diverse micro-, meso- and macro-habitats and/or regions around the world, Burgundians are reinventing their terroirs as climats. Although the word climats sounds as if it was selected to (re)position Burgundy’s vineyards within the ecology of ‘climate change’, the provenance is local and has been used for 300 to 2000 years, depending on the source. A climat, denoted by a place-name (lieu-dit) such as Aloxe-Corton for example, is a vineyard or collection of vineyards (measured in parcels) that have acquired a precise and recognized identity resulting from an idiosyncratic combination of natural and human factors—regardless of climatic, geological, hydrological or other variations—over a considerable period of time (typically measured in centuries).
The aim of this collection is to help signal the way toward a more expansive understanding of loc... more The aim of this collection is to help signal the way toward a more expansive understanding of locality and local place, and of their significance within Modern French History. It is anchored in both the great richness of local historical study in France along with the need for historical perspective on current dilemmas of local sustainability that have arisen from accelerated European and global integration. Our intention is to reconsider the peculiar French investment in the local, and in the maintenance of local place specificities, and to do so in a fashion that opens out more suggestively onto the broader contexts and concerns of the global twenty first century.
Several decades now separate scholars from a time when the local could be comfortably enclosed within master narratives of modernity and the nation-state. The de-centering of French history that has taken place in the interim began in part as a questioning of the teleological assumptions and dichotomies informing studies such as Eugen Weber’s Peasants into Frenchmen (1976). The shifting of primary scholarly attention to the transnational and colonial registers of French history in recent years has likewise helped illuminate the central role of mobility, boundary crossing, trans-cultural contact and commerce in engendering new forms of cultural and place identification. Beyond simply restoring historical agency and contingency to the so-called “periphery”, this turn in historical orientation invites more focused consideration of the relationship between broad currents of rootedness and displacement within French history. It is now possible to approach the venerable issue of French locality in ways that take fuller account of how shifting linkages at the national, international and global levels, far from merely challenging local moorings, have in fact more often been vital in enabling them; and conversely, of how local identities and associations have been intrinsic to the development of French modernity, nationhood and empire.
The Local in French History: Changing Paradigms and Possibilities. Patrick Young and Philip Whalen
1. Space
The Republic of Marseille and the Making of Imperial France. Ian Coller
Mapping Locality in Provincial France: The Cartographic Construction of Identity, Space, and Boundaries in Alsace-Lorraine. Catherine Dunlop
Gastronomic Burgundy and Regional Modernization Project, Philip Whalen
Imagining Greater France in the Provinces: The Strasbourg Colonial Exhibition, Alison Carrol
Localizing Universalism: Annales Historians in Contested Transformations of Locality, Joseph Tendler
A Local/Transnational Approach to Migration: The International Migration Service and its Marseilles Office in the First Half of the 20th Century. Linda Guerry
2. Culture
La Lorraine Artiste: Modernity, Nature, and the Nation in the Work of Émile Gallé and the École de Nancy, Jessica Dandona
The Casbah des Oudaya: The Colonial Production of a Historic District in Morocco, Stacy Holden
Facing the Nation: National Sentiment and National Belonging in the Wartime Writings of Irène Némirovsky and Léon Werth, Nathan Bracher
Remembering Oradour and Struthof: Struggles of Regional Memory and National Commemoration, Elizabeth Vlossak
Judging a Book Town by Its Cover: Advertising Strategies of France’s Villages du Livre, Audra Merfeld-Langston
Our Cousins in the New World: Celebrating Mexico in the French Alps, N. Christine Brookes
3. Politics
Local Identities and Internal Migration: Networking as a Survival Strategy in Revolutionary and Post-Revolutionary France, Denise Davidson
Soldiers of the Pays: Localism and Nationalism in the Revolutionary-Era Army, Christopher Tozzi
From mal du pays to l’amour du pays: Fatal Nostalgia and the Local in Nineteenth-Century France, Thomas Dodman
An Uncertain Icon: The Changing Significance of the Croix Occitane in the Post-War Midi, Andrew Smith
Adoption and Adaptation: The Survival French Départements, Thomas Procureur
Le Président? Georges Frêche and the Making of a Local Notable in Late Twentieth Century France, Emile Chabal
French Historians, 1900-2000: New Historical Writing in Twentieth-Century France takes a biograph... more French Historians, 1900-2000: New Historical Writing in Twentieth-Century France takes a biographical approach to historiography. The great challenge facing authors writing on historiography is to avoid producing a laundry-list of book titles and summations. By blending biography with the critical analysis of major works, French Historians, 1900-2000 avoids dryness and abstraction. It is both a reference work and a collection of readable essays possessing the comprehensiveness of the former and the depth of the latter.
Table of Contents
Introduction
Maurice Agulhon . . . . . . . . Peter McPhee
Philippe Ariès . . . . . . . . . . . Patrick Hutton
Jacques Berque . . . . . . . . . . James Whidden
Marc Bloch . . . . . . . . . . . . . . Francine Michaud
Fernand Braudel . . . . . . . . . Eric R. Dursteler
Roger Chartier . . . . . . . . . . . Laura Mason
Pierre Chaunu . . . . . . . . . . . David Stewart
Louis Chevalier . . . . . . . . . . Barrie Ratcliffe
Alain Corbin . . . . . . . . . . . . . Peter McPhee
Bernard Faÿ . . . . . . . . . . . . . . John Harvey
Michel de Certeau . . . . . . . . Willem Frijhoff
Jean Delumeau . . . . . . . . . . . Thomas Worcester
Jacques Droz . . . . . . . . . . . . . Joseph Tendler
Georges Duby . . . . . . . . . . . . Leah Shopkow
Lucien Febvre . . . . . . . . . . . . Wallace Kirsop
Marc Ferro . . . . . . . . . . . . . . Kevin Callahan
Michel Foucault . . . . . . . . . . James Winders
François Furet . . . . . . . . . . . Marvin Cox
Etienne Gilson . . . . . . . . . . . Philip Daileader
Jacques Godechot . . . . . . . . R. Emmet Kennedy
Pierre Goubert . . . . . . . . . . . James Collins
Elie Halévy . . . . . . . . . . . . . . Philip Daileader
Paul Hazard . . . . . . . . . . . . . Leonore Loft
Ernest Labrousse . . . . . . . . Mark Potter
Emmanuel Le Roy Ladurie . Jeffrey Bowman
Jacques Le Goff . . . . . . . . . . Joëlle Rollo-Koster
Georges Lefebvre . . . . . . . . . Lawrence H. Davis
Albert Mathiez . . . . . . . . . . . James Friguglietti
Roland Mousnier . . . . . . . . . Sharon Kettering
Pierre Nora . . . . . . . . . . . . . . Richard Holbrook
Mona Ozouf . . . . . . . . . . . . . Harvey Chisick
Michelle Perrot . . . . . . . . . . . Denise Z. Davidson
Henri Pirenne . . . . . . . . . . . Walter Prevenier
René Rémond. . . . . . . . . . . . Samuel Kalman
Daniel Roche. . . . . . . . . . . . . Harvey Chisick
Gaston Roupnel . . . . . . . . . . Philip Whalen
Henry Rousso . . . . . . . . . . . . H. Frey & Ch. Flood
Pierre de Saint Jacob . . . . . . . James Collins
Henri Sée . . . . . . . . . . . . . . . . Mark Potter
François Simiand . . . . . . . . . Philip Whalen
Albert Soboul . . . . . . . . . . . . Peter McPhee
Michel Vovelle . . . . . . . . . . . Peter McPhee
Dans tous les aspects de sa vie et carrière– de personnalité locale à lumière régionale– Roupnel ... more Dans tous les aspects de sa vie et carrière– de personnalité locale à lumière régionale– Roupnel joua le rôle de guide culturel et d’interprète de l’histoire du Dijonnais, la Côte-d’Or et de la Bourgogne. Ainsi sa carrière comprîtes dans son cadre régional, dois-elle être reconnue comme une importante intervention dans l’essor culturel des années 1920 et 30. De la thèse de Roupnel, La ville et la campagne au XVIIe siècle: études sur les populations du pays Dijonnais, l’historien bourguignon Henri Hauser écrit, dans la Revue historique que « [j]amais groupe de populations françaises n'a bénéficié d'une enquête aussi complète, aussi approfondie, aussi sincère, traduite de manière aussi vivante. Le hasard a bien fait des choses– le hasard, c'est-à-dire la curiosité passionnée de l'auteur pour son coin de terre où il vit» (142 (1923): 254).
Afin d'évaluer ce que Gaston Roupnel apporta à l’histoire régionale, il est utile de se le représenter comme un guide local nous faisant découvrir la Bourgogne historique et rurale. Son succès se base essentiellement sur son habileté à identifier et à faire articuler toute la signification de l'existence bourguignonne. Régulièrement il décrivit sa relation avec le milieu bourguignon avec des déclarations telles qu': "[i]l faut donc bien aimer ce pays et en être tout franchement, tout simplement et se laisser aller à lui, et abandonner son âme au généreux souffle qui vous porte» (Le Progrès de la Côte d'Or 14 July 1925, 3). De plus, Roupnel embrassa publiquement la cause de la Bourgogne et favorisa l’émergence d’une prise de conscience régionale. Sa carrière laisse transparaître un attachement profond à son milieu régional. Ses choix personnels et professionnels le conduisirent à un examen minutieux du Dijonnais et de ses habitants.
Les travaux de Roupnel s’adressa à la tension conventionnellement et dichotomiquement maintenue entre la ville et la campagne; le passé et le présent du monde rural français; les sphères spirituelles et matérielles de l’existence humaine; de la rigueurs des méthodologies exigées par les études érudites et le besoin d’un public qui pense pour lui-même; autant que la relation entre l’université régionale et les sociétés savantes de province. Au sommet de sa carrière de professeur d’histoire, littérature, géographie et patois bourguignon à la Faculté des lettres, le Doyen et le Recteur of the l’Université of Dijon entendaient que les talents de Roupnel « dépassent les limites de la Faculté» et qu’il était « une des forces les plus fécondes de la Faculté et de l'Université». (“Dossier Professionnel; Notice personnelle." AN 24698)
Sa réputation était telle que Georges Droux observa dans Le Miroir dijonnais et de Bourgogne 49 (1924) que,
M. Roupnel attache l'Université au pays où elle siège, à cette province si riche en souvenirs, qui est la sienne et dont, devenu l'un des animateurs, il contribue, avec une science unissant la clairvoyance au sentiment, à mettre en lumière le génie racial.
Roupnel n’était rien si’l n’était pas un indépendant et « libre-penseur». Un autre historien bourguignon, Jean Richard, se rappela de Roupnel comme « un professeur qui surmontait les cloisons artificielles que crée la spécialisation» et qui n’était ni « esclave des programmes, ni des horaires» (Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon 120 (1973): 49). Cela avait ces désavantages. Dans la « Postface» de l’édition de l’Histoire de la campagne française de 1974, Pierre Chaunu a bien remarqué que, « la classe historienne, le milieu d'existence des historiens universitaires, Sorbonne en tête, pardonne mal à Gaston Roupnel de transgresser les lois du groupe et de genre. On ne lui pardonne pas le succès de Nono, ou du Facteur Garain» (Histoire de la campagne française, 377). L’inverse de cette observation est donné par Pierre Trahard dans son compte-rendu d’une réédition du Vieux Garain de Roupnel dans Le Miroir dijonnais et de Bourgogne 20 (1940): 275-76. Se posant sur le thème de la nature et à la réputation régionaliste des travaux de Roupnel, il nota: « [j] adis on a reproché à Gaston Roupnel son provincialisme, j'entends son attachement à la province: comment consacrer un écrivain qui ne vit point à Paris» (20 (1940): 275-76). Roupnel lui-même semble avoir anticipé ces critiques quand il avoua que « [p]eut-être aurais-je fourni une plus éclatante carrière si j’avais été à Paris. Cependant je m'aime mieux ici, chez nous. La Côte est mon climat» (Gaston Roupnel, "Quelques propos," Le Bien Public 7 Janvier 1931, 6).
L’oeuvre de Roupnel concernant l’identité bourguignonne régionale raisonnait avec l’autorité conf... more L’oeuvre de Roupnel concernant l’identité bourguignonne régionale raisonnait avec l’autorité conférée à ses nombreuses publications et discours sur l’histoire, la géographie, le folklore, et la vie quotidienne du peuple bourguignon. Son style et des thématiques par le biais de perspectives privilégiant le « peuple » lui valut un certain renom au sein d’un public populaire. Cette vie, selon Henri Drouot, fut donc une vie provinciale, c’est là son trait essentiel qu’il faut bien souligner. Elle aurait pu être parisienne toute comme une autre. Roupnel pouvait, écrivain, se rapprocher des offices d’éditeurs qui fabriquaient les renommées. Il pouvait, universitaire, s’assurer chaire et auditoire à Paris. Il a préféré rester près de ses vignes et de ses vendanges, près de sa petite Université de Dijon, dont il a dit la noblesse et qui représentait pour lui l’esprit et l’âme de son pays. (Henri Drouot, « Mort de Gaston Roupnel », Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon 110 (1943-46): 99).
Le parcours professionnel de Roupnel éclaire la façon dont les intellectuels de province investissaient leur capital culturel dans des programmes régionaux contemporains.
Ardent régionaliste, il s’attacha à mettre ses principes et idées en pratique. De l’activité de producteur de vin et de la présidence du Syndicat des viticulteurs du Chambertin à la défense du système des appellations d’origine contrôlées, il n’est pas un aspect de l’industrie viticole bourguignonne qui lui échappa. Puisant dans sa propre expérience, il géra ses propres vignobles avec succès alors que les coûts et les bénéfices y étaient faibles. Roupnel démontra qu’il faisait preuve tout aussi bien d’érudition que de sagacité dans les affaires associées au négoce du vin en puisant directement sur ses connaissances personnelles. Au besoin Roupnel revenait au journalisme pour soutenir les intérêts de l’activité viticole bourguignonne traditionnelle :
Et puis il y a autre chose qui nous accable, qui nous tue : c’est la fabrique du vin. Voilà la terre et le soleil sans emploi, et le vigneron aussi. Les chimistes de malheur nous ont fait bien du tort. Voilà ces crapules partis à fabriquer le vin. Ils dressent d’abord leur chantier: des cuves vides, des bocaux de pharmacie, de petites fioles de poi¬son et de gros sacs de cassonade... Puis ils pompent 1à-dessus l’eau du puits; et après une petite comédie de cuvaison,... voici le robinet du pied de cuve qui pisse effrontément le vin!... C’est la vendange du nouveau siècle. Et pendant que ces brigands tirent leur chambertin du puits,... nous, on pioche la vigne comme des maudits; et le vin qu’on tire du gravier, après dix mois de combat avec la terre et le soleil, n’est pas bon... parait-il! Le marchand de Bercy qui goûte ça, dit : « C’est de la pistrouille…. J’aime mieux la fabrique. » ...Crois-tu que c’est juste... tout ça?... (Nono 1910, 288).
ou,
Partout alors, en effet, dans la Côte, les vignerons se désespéraient. Le phylloxéra commençait dévaster les vignes. Attaquée dans ses fines racines, la vigne dépérissait; et les taches vides allaient s’élargissant de plus en plus sur le finage. Elles menaçaient de tout gagner. Le vieux Francis annonçait les pires malheurs : « Je l’ai toujours dit. J’ai prévu la chose... Dans quatre ou cinq ans, en fait de vin, le pays ne récoltera pas seulement de quoi dire la messe... Ce que j’en dis, c’est pour avertir les jeunes, car moi j’ai affaire ailleurs... Les chacails m’aboyent après. »
En cela seulement le vieillard prédisait vrai. Les temps étaient révolus pour lui. Dès que commença l’hiver de 1884, il se prit à tousser. Il ne devait jamais revoir les arbres feuillus et la terre fleurie. (Vieux Garain, 1913 [1939] : 75).
Au cœur des années 1930, la question des appellations d’origine contrôlée en fièvre les esprits. Favorables à la marque, les Maisons de négoce-éleveur y sont pour la plupart hostiles. En revanche, l’AOC est une revendication de la propriété. Malgré ses talents, Colette rédige volontiers des publi-reportages financés par des comandataires. Ainsi sur le magazine Vu publie-t-elle, à la demande de la Maison Chauvenet à Nuits-Saint-Georges, un texte singulier vantant le vin de marque, les coupages, etc. (3 avril 1929). Gaston Roupnel réagit avec vigueur. Dans deux articles sans complaisance « La crise du vin » (1922) et « Le cru et la marque » (1930), Roupnel affirma son engagement envers les artisans et vignerons bourguignons.
Il croisa la plume avec l’écrivain bourguignon Colette, également bourguignonne, en dénonçant son soutien public (et certainement rémunéré) au vin de marque mélangé, moins cher, et commercialisé par les « négociants ». Contre l’avis de Colette, Roupnel loua le vin-de-cru ou le vin-de-vigneron qui tend à préserver le lien entre le vintage et le lieu géographique spécifique où il pousse (“Le Cru et la Marque”, 1930). Il joua également un rôle-clé dans la campagne nationale lancée par Etienne Camuset en faveur de contrôles plus stricts de l’étiquetage afin de lutter contre la fraude, grâce à la mise en application de la notion de « vins d’appellation d’origine contrôlée ». Ces efforts inclurent des contacts prolongés –de 1924 à 1936 – avec le vigneron Albert Noirot de Vosne-Romanée, l’avocat Louis Fyot de Dijon, Henri Gouges du Syndicat général des Vins de la Côte d’Or, et le marquis d’Angerville de la Fédération viticole de Beaune (Louis Fyot, « Souvenirs sur Gaston Roupnel »). Ce fut Louis Fyot qui s’adressa à Roupnel en premier en 1924. Sur les recommandations de « plusieurs membres des syndicats », Fyot lui demanda « des documents et des renseignements » en vue de se préparer à représenter les Syndicats de Gevrey-Chambertin, Brochon, Morey Saint-Denis et Chambolle-Musigny dans le procès intitulé le « procès de la Côte de Nuits ».
Un lectorat plus lyrique pouvait se pencher sur sa préface au Clos de Vougeot de Camille Rodier (1931). L’histoire de ce grand cru est présentée comme l’expression d’une relation holistique entre les hommes et leur milieu écologique. Roupnel soutient que cette relation se manifeste au travers du terroir propre à la région, des genres de vie traditionnels et des produits – spécialement le vins – qui traduisent des propriétés transcendantales reflétant tous les aspects de l’existence bourguignonne. La préface de Roupnel au recueil de poèmes de Max Cappe, Les Chants du terroir, poèmes bourguignons (1932), exprime une conception identique. Ces deux préfaces devaient jouer un rôle de manifeste romantique roupnelien en faveur du régionalisme culturel bourguignon. Elles décrivent l’histoire d’une Bourgogne portée par un esprit universel et manifestant une relation intime et unifiante entre l’humanité et le monde naturel.
Roupnel contribua également au développement du régionalisme économique bourguignon en célébrant les traditions culinaires de sa région.
En 1921, dans un article attaquant la nouvelle cuisine de son temps, « La trêve du cuisinier », Roupnel tourna en dérision « l’intrusion pernicieuse des nouveaux experts » à une époque où la spécialisation dans les disciplines allait croissant. Il soutint dans « La renaissance de l’auberge » (1922) et « La somptuosité de la Bourgogne » (1925) que l’érudition est toujours indigeste. Roupnel oppose les nouvelles « sciences » aux cuisines traditionnelles régionales- bien supérieures selon lui. Affirmant que les meilleurs ingrédients et recettes étaient dans la plupart des cas à découvrir non très loin de chez soi, il conclut avec humour cette série d’articles affirmant que « les gourmets à la dernière mode ne sont guère que des gourmands qui ont perdu l’appétit » dans l’« Eloge de la cuisine familiale » (1929).
En 1929, à l’occasion de la Foire Gastronomique, Roupnel fait une conférence publique sur Jean-Anthelme Brillat-Savarin, juriste et gourmet bourguignon du dix-huitième siècle, qui écrivit un traité gastronomique et philosophique intitulé La Physiologie du Goût. Roupnel soulignait les qualités populaires et fédératrices des traditions culinaires de sa région. S’il ne faisait pas l’éloge de la gastronomie française qui s’imposa au niveau international au dix-huitième siècle, c’est parce qu’elle était le symbole de privilèges et d’une opulence démesurée dans une société profondément inégalitaire. Il visait à redéfinir les critères historiographiques de l’art culinaire afin de rendre son histoire plus attrayante et donc plus accessible pour un public de masse (« Brillat-Saverin», IX Foire gastronomique de Dijon, conférence de M. Roupnel », Le Bien Public 13 Novembre 1929). Cette nouvelle orientation conforme au désir de Roupnel de voir l’histoire “ d’en bas ” était en parfait accord avec le populisme de Gaston Gérard et de Robert Jardillier, maires de Dijon.
De même, Roupnel souligna les racines historiques et culturelles de la foire gastronomique de Dijon dans des passages significatifs de La Bourgogne, types et coutumes (1936), dans « L’affaire Jérémie », qui parut dans le guide officiel de la XIIe Foire Gastronomique de Dijon et dans « La somptuosité de la Bourgogne », évoquant la notion de « terroir ». En outre, Roupnel rappelait à ses lecteurs qu’ils pouvaient découvrir le « génie bourguignon » en dégustant ses vins. Pour ces contributions en matière de folklore appliqué, Roupnel fut nommé en 1929 président de la toute nouvelle Société de Folklore de Dijon.
Après avoir examiné l’influence de la conjoncture socioéconomique du Dijonnais au dix-septième siècle sur les activités d’une « catégorie sociale », Roupnel se lança dans l’étude des relations entre pratiques agricoles et culture paysanne dans L’Histoire de la Campagne française (1932). Cet ouvrage offre une étude de longue durée ayant pour objet les « territoires anciens » français du néolithique au XXe siècle, en établissant un lien entre la géographie physique et humaine envisagées sur le long terme. Il s’agissait d’illustrer les influences réciproques et unitaires de l’homme sur la terre et de la terre sur l’homme. En fait, seuls les lecteurs familiers des conceptions épistémologiques et métaphysiques formulées dans Siloë étaient en mesure d’apprécier pleinement la combinaison singulière qu’offraient les méthodologies empiriques et intuitives présentes dans L’Histoire de la Campagne française. Ces conceptions éclairent l’application dans l’ouvrage de catégories d’analyse socio-historique significatives comme le temps, l’espace, la mémoire et la causalité.
En concert avec les intellectuels et les comités de la région, Roupnel traversa la plus grande partie des années 1930 à façonner une identité culturelle bourguignonne aisément reconnaissable et susceptible de donner lieu à une exploitation économique. Ils historialisèrent les traditions populaires locales, firent revivre les fêtes populaires, inaugurèrent des sociétés régionales, et éditèrent des revues érudites et centrées sur les traditions qui défendaient le concept d’un terroir bourguignon authentique. Roupnel investit ses immenses talents littéraires dans la cause de l’industrie du vin de Bourgogne « traditionnel » en valorisant les traditions populaires existantes.
Roupnel publia également une histoire populaire de folklore régional du début du siècle intitulée La Bourgogne, types et coutumes (1936). Elle témoigne d’une connaissance approfondie des genres de vie traditionnels bourguignons et des pratiques liées à la viniculture et à la viticulture : Pour [Roupnel] la Bourgogne est une personne qu’il a profondément aimée, une âme dont la sienne procède et bien qu’il n’ait écrit négligemment aucun de ses ouvrages dans celui qu’il a consacré à la gloire de sa petite patrie il a prodigué plus généreusement qu’il n’a fait dans aucun autre toute la somptuosité et toute la magnificence d’ont l’art de l’écrivain décore les êtres et les choses (Marcel Bouchard, « La vie et l’œuvre de Gaston Roupnel », Mémoires de l’Académie de Dijon 120 (1973) : 38-39. L’analyse de Roupnel établit un lien entre la géographie humaine et le folklore appliqué afin de dépeindre des vignerons aux qualités rustiques et des vigneronnes romancées. Son dessein était d’associer au sein d’un paradigme populaire bourguignon « authentique », des pratiques traditionnelles de viniculture et de viticulture tournées vers des objectifs économiques modernes. Ce récit privilégie les pratiques locales, localisées et localisatrices en tant qu’elles manifestent la réciprocité « naturelle » et « intemporelle » de l’esprit et de la matière. Les vignerons décrits dans La Bourgogne, types et coutumes, offrent une alternative agréablement moderne, tout en étant d’une rusticité rassurante, aux représentations surannées de la main-d’œuvre harassée des champs ouverts. En tant que Bourguignons exemplaires, les vignerons joviaux et sociables de Roupnel évoluaient dans des villages idéalisés et hors du temps. Leur fonction était de mettre en question le rôle central de l’emblème, afin de refaçonner les dimensions de l’identité rurale française en termes de modèle régional distinct. Dans sa « Préface » au catalogue d’une exposition sur « L’art bourguignon à travers les âges » à la Galerie Jean Charpentier à Paris, reproduite dans Art bourguignon et Bourgogne (1936), Roupnel complète ce tableau populaire par un examen des traditions artistiques et littéraires de la région.
De telles interventions allèrent dans le sens des aspirations des récoltants de la Côtes bourguignonne, et confirmèrent à leurs yeux la solidarité de Roupnel envers cette région. Suite à la mauvaise conjoncture économique contemporaine, Roupnel écrit dans l’Histoire de la campagne française : « [à] l’heure où je corrige les épreuves de ce livre, la vérité m’oblige à rectifier cruellement les traits de l’herbeux tableau que je m’étais complu à représenter. Dans la Côte bourguignonne, par l’effet de la mévente des bons vins, la gêne et la misère se sont réinstallées, pires que jamais, dans ces modestes demeures vigneronnes d’où elles semblaient avoir été à jamais bannies » (268, note 6). Son autorité, ses qualités morales et intellectuelles, ainsi que son prestige furent reconnus lorsqu’il fut élu président du syndicat viticole de Gevrey-Chambertin de 1936-1938 et servit en tant que membre de la commission régionale des appellations contrôlées de 1936-1937. Ces distinctions attestent sans ambiguïté des talents de Roupnel en tant que guide hors pair et interprète intarissable des traditions culturelles et historiques de la Bourgogne jusqu’aux mécaniques régissant l’économie contemporaine et le régionalisme politique. Le soutien de Roupnel pour le développement d’un système d’appellation d’origine contrôlée ainsi que sa défense du cru des vignerons contre les vins de marque ne concourra pas seulement à aider la « Maison Roupnel père et fils » à vendre ses Chambertin. Plutôt, l’activisme de Roupnel le conforta dans le rôle public de défenseur inné des intérêts régionaux bourguignons.
Gaston Roupnel fut l’un des penseurs les plus novateurs de l’entre-deux-guerres en France. Il ass... more Gaston Roupnel fut l’un des penseurs les plus novateurs de l’entre-deux-guerres en France. Il assura la transition entre la tradition philosophique du dix-neuvième siècle et les sciences sociales et naturelles des années 1920 et 1930 et insista comme Paul Vidal de la Blache sur le concept d’unité et sur l’idée de région. Comme Henri Berr, il prôna une synthèse des sciences sociales et humaines en France et ses idées influencèrent de manière directe les travaux d’Henri Bergson et de Gaston Bachelard. Il contribua à populariser un type d’approche historique fondée sur la longue durée semblable à celle que pratiquèrent André Allix et Jules Sion. Sa méthode annonçait celles de Marc Bloch et de Lucien Febvre avec leur projet des Annales. Gaston Roupnel facilita l’émergence d’une identité culturelle bourguignonne.
Sa carrière laisse transparaître un attachement profond à son milieu régional. Ses choix personnels et professionnels le conduisirent à un examen minutieux du Dijonnais et de ses habitants. Roger Tisserand, un contemporain de Roupnel, affirma : “ La côte est son climat. Elle est la source d’où son œuvre presque tout entière est sortie. Elle est sa dilection. Elle possède son cœur ”.
Roupnel embrassa publiquement la cause de la Bourgogne et favorisa l’émergence d’une prise de conscience régionale. Il s’efforça de faire revivre les racines géographiques, historiques et culturelles de l’héritage bourguignon. Il déclarait en observateur engagé : “ quand notre investigation sera terminée, quand nous aurons reconstitué l’ancienne carte routière du pays, il nous sera loisible d’en dégager une interprétation d’ensemble, d’en faire surgir, riche de valeurs humaines, une explication totale des lieux ”. Il voulait que son travail soit reconnu comme une “ histoire totale ” du Dijonnais. Cette histoire doit en effet être intégrée à l’histoire régionale de la France de l’entre-deux-guerres. Comme le reconnaissent actuellement certains Bourguignons, la réussite de Roupnel réside dans sa capacité à identifier et à expliquer l’ensemble des spécificités de la vie bourguignonne. Roupnel résumait souvent sa relation au milieu bourguignon par des formules comme celle-ci : “ [i]l faut donc bien aimer ce pays et en être tout franchement, tout simplement et se laisser aller à lui, et abandonner son âme au généreux souffle qui vous porte ”. Henri Drouot, un autre bourguignon, souligne l’unité de l’oeuvre de Roupnel et de sa vision du monde rural :
L’âme populaire et campagnarde surtout. C’est la constante de son œuvre depuis le mémoire qu’il écrit en 1895 sur le régime féodal dans le bourg de Châtillon-sur-Seine .… jusqu’à son cours public de cet hiver.… Si l’unité des œuvres de notre écrivain bourguignon est certainement dans la recherche de l’humain, leur charme majeur, leur vertu maîtresse ne sont-ils pas de nous ramener toujours, par tous les chemins, avec une discrète fidélité et un éclatant amour, à cette source pure, primitive, de la vie des hommes : la campagne.
Dans toute son oeuvre, Roupnel vise à démontrer que les paysans bourguignons, et par extension leurs voisins européens, ne pouvaient échapper à la logique des traditions agraires. Drouot commente ainsi le projet de Roupnel : “ [d]ans sa chair comme dans ses livres, qu’il s’agisse des forces obscures qui soutiennent un Dijon naissant ou des besoins spirituels d’une race paysanne, ou des convenances éternelles de la vie rurale, c’est bien toujours à l’âme des sociétés humaines qu’il consacre son labeur ”. Un passage de l’Histoire de la campagne française de Roupnel permet d’étayer cette interprétation :
[c]e sont les institutions nées de la terre qui nous ont fait notre société d’Europe. C’est sur cette campagne au ferme dessin que se déterminèrent la condition de l’individu et les réalités sociales. C’est sur ces rustiques contours que la société moula ses formes et construisit ses groupes. Et l’éparpillement de ces formations était la conséquence de cette multiplicité des cadres.
On peut donc dire que “ [Roupnel] a été l’historien lyrique de la paysannerie française ” et qu’il s’est fait le porte-parole de ce qu’il appelait l’“ antique et éternelle détermination ” de la Bourgogne rurale. Il tenta de réconcilier les pensées humanistes héritées de l’Age des Lumières avec les notions néo-romantiques de régionalisme et d’ethnicité réactualisées par les intellectuels français au début du vingtième siècle. Alors que la plupart des études menées sur la campagne française reposaient sur des considérations moralistes, Roupnel, qui poursuivait en parallèle une carrière d’enseignant et d’écrivain à Dijon, ne prôna pas simplement un retour à la terre. Il offrit avant tout une interprétation historique des relations entre l’homme et son environnement :
[l]es Etats, les institutions, les classes sociales, les êtres sociaux, les êtres historiques, ont d’autant plus d’énergique solidité qu’ils sont davantage l’œuvre du temps qui accumule sur eux ses durées créatrices. Leur avenir est proportionné à la continuité et à la persévérance de l’effort qui les élabora. Ils ne relèvent donc pas seulement de l’espace où ils s’étendent, des nombres et des multitudes auxquels ils s’appliquent, des forces et des intérêts qu’ils dirigent ou régissent. Outre tout cela, ils ont une résistance intime faite de la cohésion de leurs éléments, lentement triés, triturés et durcis. Cette structure serrée, cette rigidité et cette densité, cette dureté forgée, sont l’œuvre du temps.
Pour Roupnel, le monde rural était sans aucun doute le centre de gravité spirituel de la France et représentait l’avenir du pays. Avec sa production modeste mais constante la France était en mesure, selon lui, de concurrencer sur les marché mondiaux des nations plus puissantes : “ Avec sa vieille campagne composée de toutes choses, il pourra tenir tête aux pays qui n’ont que l’immensité de leur sol et leur massive fortune d’un produit et d’un jour ”. L’érudition de Roupnel, certes teintée de nostalgie et de sentimentalisme, ne peut en aucun cas se confondre avec les notions, populaires à l’époque, de renouveau du folklore paysan et de ruralisme.
Bien qu’il connût très tôt un succès auprès de la critique, Gaston Roupnel a depuis été négligé par les historiens français, sans doute à cause de l’éclectisme de cet “ homme de lettres ” provincial. Ses études touchaient à trop de domaines pour correspondre aux goûts et aux préjugés de ses contemporains. Son style apparaissait trop provincial pour plaire aux intellectuels parisiens. La carrière universitaire de Roupnel coïncida avec une professionnalisation accrue des spécialistes des sciences sociales et humaines. C’est à cette époque qu’une nouvelle génération d’historiens émergea autour d’Henri Berr et de sa Revue de Synthèse. Ces chercheurs visaient à d’élargir le champ des études et à élaborer des méthodes qui puissent profiter des avancées des sciences sociales et leur faire concurrence : ils s’inspiraient des principes sociologiques de Durkheim abondamment développés dans la Revue française de sociologie ainsi que du “ possibilisme ” d’une nouvelle génération de géographes humains réunis sous la houlette de Vidal de la Blache. Le projet des Annales qui émergea en 1929 avait pour but de remplacer les domaines de spécialisation traditionnels par une nouvelle école d’études historiques qui devait s’inspirer des techniques et des thèmes propres aux sciences sociales afin de développer des liens entre les disciplines.
Tout ceci n’empêcha pourtant pas Roupnel de jouer un rôle important sur le plan local, en tant que notable, négociant en vins et littérateur. Il fut un excellent interprète de la culture dijonnaise et un grand spécialiste de son histoire. Sa carrière tout entière s’inscrit dans les projets culturels mis en place par la municipalité de Dijon dans les années 1920 et 1930. Voici ce que l’historien bourguignon Henri Hauser écrivait à propos de la thèse de doctorat de Roupnel intitulée La Ville et la campagne au XVIIe siècle: étude sur les populations du pays dijonnais : “ [j]amais groupe de populations françaises n’a bénéficié d’une enquête aussi complète, aussi approfondie, aussi sincère, traduite de manière aussi vivante. Le hasard a bien fait les choses – le hasard, c’est-à-dire la curiosité passionnée de l’auteur pour son coin de terre où il vit ”.
Roupnel mit en évidence les caractéristiques sociales et économiques du passé bourguignon. Il souligna les aspects positifs de ses traditions culturelles et de façon générale démontra les vertus spirituelles d’un style de vie rural. Son attachement à cette région était à la fois viscéral et intellectuel. Dans un entretien accordé en 1934, il exprima son attachement à la “ terre profonde ”, traduisant ainsi un sentiment répandu :
la France reste une société de formation rurale qui a le goût de la vie simple et qui ne rougit généralement point de ses origines. Il suffit d’une partie de chasse pour que le Bourguignon dijonnais renie son quartier Saint-Michel, se remette à l’omelette au lard et au parler lent ; qu’il se ré-intéresse aux récoltes et aux rendements, au prix de la viande sur pied. Et faut-il rappeler que la plupart des petits fonctionnaires et employés n’aspirent à la retraite que pour retourner vivre dans leur pays natal et y planter littéralement leur choux.
En tant qu’historien et géographe, Roupnel était convaincu que le régime agraire de la Bourgogne représentait un état “ naturel ”. Pour lui les classes sociales constituaient l’unité élémentaire de toute analyse. Son œuvre majeure, La Ville et la campagne au XVIIe siècle: étude sur les populations du pays dijonnais publiée en 1922 associe un relativisme géographique vidalien à des synthèses sociologiques. Elle offre ainsi une histoire économique et sociale sans précédent du Dijonnais après la guerre de Trente Ans. Poursuivant son étude de l’histoire de la France rurale, il publia une Histoire de la campagne française (1932) et La Bourgogne, types et coutumes (1936), anticipant ainsi sur les recherches et les méthodes que l’on associe désormais à l’école des Annales. Notons que cette dernière n’a toujours pas reconnu pleinement sa dette envers les historiens de province, malgré l’hommage privé rendu par Lucien Fevbre à Gaston Roupnel pour ses “ études “ vivantes ” de l’histoire ”. Febvre écrivit dans sa lettre :
[a]près le très beau livre de mon collègue [Histoire de la campagne française], ami et co-directeur des Annales, Marc Bloch, si solidement assis sur des bases d’histoire comparée – le vôtre, si sensible, si vivant, si plein d’une expérience incomparable des réalités campagnardes – après le livre d’un homme qui a su lire remarquablement les textes, ce livre d’un homme qui a su lire la terre elle-même.… Votre livre est plein de choses neuves, vivantes et fortes.
Roupnel élabora intuitivement, mais avec une grande logique interne, un modèle holistique des relations entre l’humanité et les mondes naturel et spirituel. Il eut recours, pour expliquer la mentalité paysanne, à l’idée d’une conscience collective innée, primitive et panthéiste qu’il appela “ l’âme paysanne ”. Selon René Barbier,
Il existe une solution qui n’est pas pour autant une méthode et encore moins une technique : observer sans effort, avec une attention vigilante en fonction de l’ici et du maintenant. Observer sans analyser, sans expliquer. Observer pour comprendre. Comprendre se fait toujours dans ce que Gaston Bachelard, à la suite de M. Roupnel, l’auteur de Siloë, nommait l’intuition de l’instant.
Dans son analyse de la société rurale, Roupnel prit en compte cette dimension spirituelle au même titre que d’autres facteurs déterminants plus conventionnels.
Les concepts métaphysiques sur lesquels repose la vision du monde “ naturel ” de Roupnel sont d’ordre écologique et spirituel. Dépassant la notion d’idéalisme subjectif si populaire parmi les philosophes du dix-neuvième siècle, Roupnel concevait la nature comme une manifestation de l’ “ Absolu ” et de l’ “ Esprit ”. Ses croyances spirituelles le rattachaient à une tradition ésotérique qui avait survécu aux sciences modernes, à l’idéologie politique, et aux dogmes religieux. Les idées de Roupnel annonçaient celles de Pierre Teilhard de Chardin, dont l’influence sur le mouvement “ New Age ” est souvent mise en évidence. Cette ressemblance n’a pas échappé à André Parinaud :
On trouvera entre Siloë et la thèse spiritualiste de Teilhard de Chardin publiée plus tard, et son “ point omega ”, de remarquables convergences. Chacun considérant que l’apport scientifique forme une synthèse prospective qui unit la croyance et la connaissance.
Suivant en cela les idées de la tradition monistique, Roupnel décrivit la relation entre l’homme et son environnement spirituel et naturel comme une relation symbiotique permettant une connaissance de soi instantanée.
Cet être qui se suffit, ne doit rien à personne. Il ne doit rien au village, au canton, au département. Nul syndicat ne l’accapare ; nul système collectif ne l’encadre ; nul esprit corporatif ne l’anime. Mais de toutes les farouches rudesses de ces contraintes, cette terre, cette glèbe qui fixa l’homme par ses liens de glaise, lui communiqua son isolement et lui impose son indépendance.
L’épistémologie originale de Roupnel repose sur ce que l’on pourrait appeler une forme de perception mystique ou non-discursive. Lorsqu’on lui demandait de préciser ce que signifiait pour lui la vérité scientifique il reconnaissait que
[s]trictement humaine, [la vérité scientifique] participe de nous et elle est aussi bien notre servitude et notre misère que notre grandeur et notre privilège. Elle trouve son unique expression dans les mathématiques et je crois d’ailleurs que ces lois des nombres, loin d’être un vain jeu de l’esprit sont fonction du réel… [p]eut-être même entrent-elles en connexion avec ce que nous appelons la mémoire, le souvenir peut composer la nature même du réel, tout au moins du réel tel qu’il restera accessible au seul droit de notre intelligence. Car il est d’autres vérités qui relèvent celles là de notre intuition intime. La voix qui les dicte et parle en nous vient des origines et des fondations morales de notre être.
Cette pratique intuitive des sciences, qui resta un mystère pour nombre des contemporains universitaires de Roupnel, le place dans une tradition philosophique de l’intuition et de la connaissance subjective que l’on retrouve dans les travaux d’Henri Bergson, de Carl Jung, d’Ernest Cassirer, de Lucien Lévy-Bruhl, de Maurice Halbwachs et de Gaston Bachelard. Selon le philosophe Maurice Blondel, les travaux de Roupnel démontrent la pertinence des avancées spirituelles de Bergson et contribuèrent aux recherches existentielles de Louis Lavelle. De plus, pour Roupnel, cette philosophie était à la fois universelle et accessible au commun des mortels.
Dans son œuvre, Roupnel vise un large public. Ses articles journalistiques portent sur des sujets extrêmement variés. L’auteur se garde cependant de réduire la richesse et la complexité des expériences humaines à leur plus petit commun dénominateur. Prenant son rôle d’éducateur très au sérieux, il cherchait à prouver que les activités humaines les plus nobles restaient à la portée de ses lecteurs, quels qu’ils soient. Pour lui, l’art devait profiter à tous également tant il puisait ses sources dans l’expression populaire :
l’Art n’est pas un apanage spirituel des privilégiés de la fortune et de la société. Par sa nature et par ses origines, sinon par ses résultats, il est même plus près de l’âme populaire que de l’esprit lettré… L’Art, en effet, est tout près du peuple ignorant; et il y a en lui quelque chose qui le ramène vers la simplicité populaire comme vers son origine.
Roupnel donnait la priorité à l’expérience du “ Peuple ”. Il condamnait l’intrusion pernicieuse de nouveaux “ experts ” dans un article où il attaquait la “ nouvelle cuisine ” de son temps : “L’érudition a toujours été indigeste ... la bonne cuisine, la vraie cuisine, ce n’est pas tant cela que la simple cuisine du pot-au-feu ”. Il concluait avec humour que les gourmets à la dernière mode n’étaient ni plus ni moins que des gourmands qui avaient perdu l’appétit. Il élargit ces réflexions pour inclure l’histoire et la géographie dans un article intitulé “ La Géographie au village ”. L’orientation populiste de Roupnel se confirma par la suite lorsque, ignorant les pratiques académiques en vigueur, il innova en utilisant la forme du roman populaire pour décrire les caractéristiques de “ l’âme paysanne ”. Nono, Le Vieux Garain et Hé ! Vivant ! racontent sur un ton lyrique la vie de personnages campagnards dont le sort doit prendre valeur exemplaire alors que la France rurale connaissait une crise profonde.
L’œuvre de Roupnel qui touche aux rapports entre les pratiques agricoles traditionnelles et l’identité culturelle de “ la France des vieux terroirs ” témoigne d’une époque qui s’interrogeait sur l’identité française. Roupnel y aborde dans une perspective régionaliste la répartition des rôles entre hommes et femmes ainsi que l’action politique, l’ordre social et le développement économique raisonné. On peut taxer de conservatrices les idées de Roupnel concernant l’identité de “ la vraie France ”. Pourtant elles diffèrent largement des conceptions réactionnaires prônées par Frédéric Mistral, Maurice Barrès, Charles Maurras, ainsi que des idées de Vichy ou des théoriciens fascistes. Sa foi inébranlable dans les valeurs libérales, dans une économie de marché ouverte à la concurrence et dans la politique parlementaire l’éloignaient naturellement des idées socialistes, communistes ou des programmes syndicaux. Roupnel ne se sentit jamais totalement chez lui au sein du Parti Radical. Malgré ses huit ans de collaboration régulière au journal radical La Dépêche de Toulouse il ne fut jamais vraiment à l’aise dans ce mariage de raison. Ses prises de position passionnées en faveur d’une politique égalitaire, ses préoccupations écologiques, son pacifisme, son goût des mélanges de races et sa spiritualité ne correspondaient pas vraiment à l’idéologie de la Troisième République.
A la différence de nombre d’intellectuels français de son époque, Roupnel considérait qu’on ne devait pas négliger un objet d’étude qui ne relevait pas forcément des hautes sphères de l’intellectualisme. Ses œuvres portent sur les tensions entre ville et campagne, sur le passé et le présent de l’univers rural en France, sur les aspects matériels et spirituels de la condition humaine, sur les rigidités du monde universitaire, sur les préoccupations d’un public bien informé, sur les relations entre universités de province et “ sociétés savantes ”. A l’époque, la réputation de Roupnel était telle qu’un journaliste écrivit : “ Roupnel rattache l’Université au pays où elle siège, à cette province si riche en souvenirs, qui est la sienne et dont, devenu l’un des animateurs, il contribue, avec une science, unissant la clairvoyance au sentiment, à mettre en lumière le génie racial ”.
Roupnel était avant tout un “ libre-penseur ”. Pour l’historien bourguignon Jean Richard, c’était “ un professeur qui surmontait les cloisons artificielles que crée la spécialisation ” et qui n’était ni “ esclave des programmes, ni des horaires ”. Cela avait aussi des inconvénients que Pierre Trahard évoque en ces mots : “ [j]adis on a reproché à Gaston Roupnel son provincialisme, j’entends son attachement à la province. Comment consacrer un écrivain qui ne vit point à Paris ”. Roupnel en avait d’ailleurs conscience lorsqu’il faisait remarquer : “ [p]eut-être aurais-je fourni une plus éclatante carrière si j’avais été à Paris…. Cependant je m’aime mieux ici, chez nous.”
The political elite in inter-war France sought innovative ways to reconcile modernization agendas... more The political elite in inter-war France sought innovative ways to reconcile modernization agendas with existing regional cultural traditions. Regional folkloric traditions and ludic festivals provided refuge from maligned national narratives. Burgundians, notably, drew upon carnival practices and motifs to solicit broad participation in a state-sanctioned project of regional modernization. Although organized by ostensibly opposed political, social, commercial, and cultural interests, Dijon’s Mère-Folle carnival and subsequent carnaval parades accomplished the same goals. These included creating a new spirit of civic pride and unity along, providing a time and space for overlapping and converging transformations to coexist and stabilize traditional cultural practices while limiting possibilities for women’s émancipation.
The modernization of late nineteenth and early twentieth century Burgundy drew on the coordinated... more The modernization of late nineteenth and early twentieth century Burgundy drew on the coordinated efforts of various industries to provide novel opportunities for the consumption of local products. This entailed the redefinition of existing conceptions of Burgundian “place” to co-structure desired degrees of authenticity, verisimilitude, and/or originality by the collaboration of various cultural intermediaries ranging from local boosters and politicians to merchants and academics. Geographers also participated by incorporating symbolic, subjective, and performative practices into the concepts of terroir and genres-de-vie in order to script new roles for tourists and locals in gastronomic activities. This resulted altered experiences of time, space and themselves as participants were prompted to creatively explore the contemporalities of imagined pasts and desired presents. These might range from a conscious and playful awareness of tourist venues as spaces for creative complicity to a more willful reordering of the hierarchies of received opinion, prescribed judgments, and aesthetic conventions.
Cistercian monks began to make wine in the Clos de Vougeot region of Burgundy, France in the late... more Cistercian monks began to make wine in the Clos de Vougeot region of Burgundy, France in the late Middle Ages. Their traditions created the notion, described as terroir, that aspects of climate, geology and human culture create a unique characteristic in food and beverages, especially wine. The idea was advocated most strongly by the Burgundian cultural historian Gaston Roupnel1 and cannot be defined in quantitative manner. Nevertheless, terroir — as a cultural, place-based entity springing from centuries of connection between culture (epitomised by the Cistercians) and the cultivation of wine grapes — was ideologically elevated to the level of an analytic explanation for the quality of certain wines by the mid-twentieth century. This Burgundian concept was so successful that in 1935 it led to the appellation d’origine contrôlée (AOC) — a French system that is still used to legally delineate geographical regions and regulate agricultural products (produits du terroir), and has been adapted for much of the food-obsessed world.
But the idea of terroir is not easily reconciled with mechanized wine production, New World winemaking (focused on wine variety rather than location) and the rise of precision agriculture, which makes use of non-traditional devices such as computer modelling and remote sensing
that fall outside the classic idea of terroir. In addition, terroir is less obviously meaningful in a rapidly changing climate: if regional characteristics, including temperature and precipitation patterns, lead to a unique quality of its produce, then rapid and severe change in these circumstances — as expected from global warming in many regions worldwide — must affect the outcome.
Not all facets of terroir that comprise the modern notion of the term are supported by scientific analysis, and those that are, such as rainfall and temperature, will probably change in the next decades. In the face of the challenges from both technology and climate change, the most successful winemakers — either Old World or New World — will be those who achieve two goals simultaneously: the use of modern technology to optimize the making and marketing of wines, and the development and advertising of their location and production processes that are unique to their product. To make terroir useful as a classification system and marketing tool in a sustainable twenty-first century wine market, it needs to be defined more flexibly, allowing changes in location or in the varieties of grapes produced at a certain site.
[…]
The vectors of globalization have made coerced labor more prevalent, profitable, and practical th... more The vectors of globalization have made coerced labor more prevalent, profitable, and practical than ever before. In contrast to 'old slavery,' a 'new slavery' has emerged to take advantage of economic opportunities, ongoing enmiseration, and corrupt governments. The significant difference between “old” and “new” slavery from the slaveholder’s point of view lies in the capital outlay and risk. Kevin Bales argues that “[b]uying a slave is no longer a major investment…. Slaves are now so cheap that they have become cost-effective…. Slaveholders get all the work they can get out of their slaves, and then throw them away. They cost relatively little, generate high profits, are temporarily exploited, are no longer determined by race, require no legal documentation, and are easily disposed. Indeed, it is safe to say that Slavery has increased since the nineteenth-century. Today, an unknown number reside in France.
The purpose of this collection will be to consider how locality has been differently constituted ... more The purpose of this collection will be to consider how locality has been differently constituted across modern and contemporary French history. It will aim both at taking stock of existing scholarly work (with synthetic overviews by established authors), and at stimulating new thinking about the changing formations of local place and identity that have accompanied processes of national and European/trans-regional/global integration. Historical study of the complex interplay since 1789 of what the French identify as pays and nation (or alternately, as the petite and the grande patrie) has by this point substantially revised an older conceptualization of essentially antagonistic local and national moorings, in which the latter mainly prevailed over the former in making “peasants into Frenchmen”. What has emerged in its place is a less linear and deterministic understanding of French nation building, one more keenly attuned both to the dynamic ways in which locality and nation have interrelated in specific contexts, and to the key role local actors and cultures have played in enabling new forms of French identification, however provisional or enduring. European, trans-regional and global frameworks of more recent provenance have likewise introduced challenges and opportunities for the promotion of ostensibly local interests, identities and products. This volume will marshal historical understanding to anticipate the ways in which the local will continue to be reinvented in the twenty first century in France as elsewhere.
The period between the two world wars (1919–1939) saw a flowering of French regional culture. Hel... more The period between the two world wars (1919–1939) saw a flowering of French regional culture. Held up as a more authentic complement (and sometimes alternate) to national French culture, Burgundian regionalism was anchored in the concept of terroir, the belief that local geography played a role in contributing specific qualities to local culture and products such as wine. Gaston Roupnel, a Burgundian folklorist, was especially important in efforts to link terroir and Burgundian regional culture through the figure of modern rustic vignerons and vigneronnes.
Depuis les débats relatifs aux origines de la viniculture jusqu’aux élaborations concernant l’imp... more Depuis les débats relatifs aux origines de la viniculture jusqu’aux élaborations concernant l’importance du terroir viticole bourguignon dans un contexte géohistorique, les œuvres de Roger Dion et de Gaston Roupnel se distinguent par leur solide ancrage au sein des préoccupations de la géographie humaine française portant sur l’histoire et la morphologie de la France rurale. Leur érudition respective couvrait toute la gamme du réseau régional production-consommation relatif à l’activité viticole. Tous deux s’intéressaient aux origines, à la nature et à la localisation des habitats propres aux vignobles, aux facteurs en jeu dans la création de réputations de vignobles de renom, au rôle de l’homme dans la production du vin et sa consommation, ainsi qu’à la portée des marchés et à la concurrence. Ces thèmes demeurent au centre des préoccupations actuelles concernant la production viticole qui traverse une période de changement climatique accéléré et de mondialisation, qu’aucun des deux auteurs ne pressentit. En dépit de centres d’intérêts croisés et d’une analogie séduisante, les œuvres de Dion et Roupnel étaient substantiellement différentes par leur champ d’application et leur public potentiel. Si l’un et l’autre soulignèrent le rôle de l’homme au sein de la viticulture, qui transcendait le cadre géographique, Dion s’attacha plus particulièrement aux conditions du marché tandis que Roupnel se pencha sur sa portée quant au régionalisme culturel bourguignon. Dion était meilleur géographe, mais je ferai apparaître que Roupnel anticipa nombre de thèmes et questions identiques.
The Digital Paris Project is a collaborative and trans-disciplinary research project designed to ... more The Digital Paris Project is a collaborative and trans-disciplinary research project designed to explore the history, literature, and architectural landscapes of Paris through the social biographies of real individuals and fictional characters. Hosted by Coastal Carolina University and UCLA’s Hypercities Project <http://hypercities.com/Paris>, The Digital Paris Project combines digital technologies (Dreamweaver, Sketchup 2, 2nd Life, BuildingMaker, Flash, etc.) with multiple disciplines to produce an interactive, hypermedia environment designed for exploring the historical layers of bygone city-scapes and their inhabitants.
Tout indiquait que Dijon pouvait accueillir une Foire destinée à rétablir un art plaisant et préc... more Tout indiquait que Dijon pouvait accueillir une Foire destinée à rétablir un art plaisant et précieux : l’occasion de plaisirs individuels et de richesses qui bénéficieraient à l’économie nationale.
- Gaston Roupnel, « A la louange des Gastronomes », Presse (1928)
This article discusses how early twentieth-century France developed rustic modernization projects... more This article discusses how early twentieth-century France developed rustic modernization projects anchored in traditional regional practices. This entailed overcoming political and cultural fears associated with regional allegiances as well as developing regional cultural agendas susceptible to economic exploitation. The case study of how Burgundians marketed artisan workmanship, gastronomical traditions, vernacular architecture, and folkloric traditions at the 1937 Paris International Exposition illustrates how a commercial paradigm of French
national identity was rooted in provincial productivity.
The life and works of Gaston Roupnel shed light on the rich cultural setting and professional env... more The life and works of Gaston Roupnel shed light on the rich cultural setting and professional environment from which the modern French historical profession slowly and unevenly emerged during the early twentieth century. His career also serves to recall how uneven and heterogeneous were historical dispositions and outlooks during this transitional period. With one foot in nineteenth-century philosophical traditions and the other in the social sciences of the 1920s and 1930s, Roupnel practiced historical geography a time when the French were preoccupied, in turn, by economic and demographic resilience following World War I, rural depression and depopulation during the 1920s, “return to the soil” themes throughout the 1930s, and a renewed search for cultural roots immediately after World War II. Well received by contemporary popular audiences and academic audiences, Roupnel’s scholarship– which included contributions in philosophy, history, fiction, journalism, geography and current affairs– focused primarily on Burgundy’s Dijonnais region from the early sixteenth to the early twentieth centuries. He employed his historical training, ethnographic expertise and empathetic imagination to investigate the ecological and structural links between evolving agrarian patterns and the daily lives of local elites and ordinary people. These fields of interest were tied together through his chaired position in Burgundian history, literature and patois at the University of Dijon.
In a field frequently dominated by the pronouncements of gurus, oenologists, vintners, pundits, w... more In a field frequently dominated by the pronouncements of gurus, oenologists, vintners, pundits, wine experts and self-styled amateurs of radically diverging opinion and expertise, Jean-Robert Pitte’s treatment of the history of Bordeaux’ and Burgundy’s wine industries comes across as retrained and diplomatic. His book is not calculated “to provoke or settle scores” but is designed instead, the author signals early on, “to sharpen the critical spirit” (xii). To that end, the English language edition of Bordeaux Bourgogne: Les passions rivales (2005) begins with a tale of “two brothers” who represent “opposite civilizations” (xii) and “show little more than disdain for each other” (xiv). Professor Pitte, of course, has a rather more ambitious agenda and messier terrain to cover. His historical overview of the geography, culture and economy of French winemaking along with the evolution of consumers' tastes is calculated to make the brothers Bordeaux and Burgundy, their extended family of enthusiasts, and the French wine industry realize that this rivalry is really a “shared passion for excellence” (xiii) that entails analogous practices and shared challenges in the present era of international competition, blind tastings, climate change, and technological development: “It would be a shame if French viticulturalists were not to profit from all the wonderful contributions of new technologies, which do not in the least prevent them from expressing their own personality in the wines they make. It would be a still greater shame, however, if these modern methods were used to standardize their wines with a view to imitating certain styles currently popular in North America and the southern hemisphere. In that unfortunate event, the whole of French viticulture would soon disappear” (174).
Using Maurice Eisenchteter’s collection of wine-related documents and newspaper clippings from th... more Using Maurice Eisenchteter’s collection of wine-related documents and newspaper clippings from the 1920s and 1930s (“Fonds Geisweiler & Fils”) and synthesizing the latest research on the marketing of Burgundian wines during the first half of the twentieth century (from Marion Demossier, Jean-François Bazin, Olivier Jacquet and Gilles Laferté) for English audiences, I show that Burgundians both developed and applied the concept of terroir to market their wines during the Interwar Years. The result united natural resources, historical memory, marketing strategies, and cultural performance into an imaginative and enduring form of commercial regionalism. This aggressive marketing was so successful that it became a model for French agricultural products promoted through the Appelation d’Origine Controlée.
Three-quarters of a century since implementing the AOC system, Burgundy’s wine industry is presen... more Three-quarters of a century since implementing the AOC system, Burgundy’s wine industry is presently redefining itself. While—and perhaps because—a great many people and organizations apply the concept of terroir to diverse micro-, meso- and macro-habitats and/or regions around the world, Burgundians are reinventing their terroirs as climats. Although the word climats sounds as if it was selected to (re)position Burgundy’s vineyards within the ecology of ‘climate change’, the provenance is local and has been used for 300 to 2000 years, depending on the source. A climat, denoted by a place-name (lieu-dit) such as Aloxe-Corton for example, is a vineyard or collection of vineyards (measured in parcels) that have acquired a precise and recognized identity resulting from an idiosyncratic combination of natural and human factors—regardless of climatic, geological, hydrological or other variations—over a considerable period of time (typically measured in centuries).
This semester-long course is designed for upper-level history and humanities majors. It provides ... more This semester-long course is designed for upper-level history and humanities majors. It provides an overview of important elements, trends and developments in the political, social, economic, cultural, religious, and colonial history of France from the early seventeenth century through the French Revolution. These will be covered through a combination of lectures, in-class discussions, secondary readings, brief film clips, musical samples, and selected primary sources. Class meets once a week for 2.5 hours. No prior course-work in French history is required. Prior completion of Western Civilization is recommended.
This course provides an introduction to modern historical methods, theoretical considerations, an... more This course provides an introduction to modern historical methods, theoretical considerations, and practical approaches pertinent to thinking and writing about the French Revolution. Students will acquire familiarity with the uses-and the limitations-of historical comparison as an analytic tool; grasp temporal relationships and integrate multiple chronologies within the same analytical frame of reference; demonstrate the capacity to deal with differences in interpretation; critically analyze narrative structures and construct narratives; demonstrate an ability to recognize and interpret multiple forms of evidence (visual, oral, statistical, artifacts from material culture); recognize the difference between primary and secondary sources, and understand how to use each in order to make historical claims about the French Revolution.
This course provides an introduction to early-modern through modern European political, social, r... more This course provides an introduction to early-modern through modern European political, social, religious, intellectual, cultural, and colonial history. Topics and areas will be examined in terms of local and national struggles for power through the lenses of gender, class, and ethnic identity. Lectures will briefly synthesize readings, provide additional information, and provide opportunities for discussion.
An interdisciplinary examination of the conflict of 1914-1918, with an emphasis on private memoir... more An interdisciplinary examination of the conflict of 1914-1918, with an emphasis on private memoirs, professional narratives, and public forms of remembrance.
This seminar provides an introduction to modern historical methods, current theoretical considera... more This seminar provides an introduction to modern historical methods, current theoretical considerations, and practical approaches pertinent to thinking and writing about history. It is designed for history majors who have completed their introductory and foundation coursework and is a prerequisite or co-requisite for all upper-level history courses. Class discussions require active student participation and familiarity with the assigned readings. We will identify and evaluate the merits of each author’s use of evidence, mode of argumentation, polemical and historiographical engagements, narrative strategy, expository style, and theoretical commitments. The course will also guide students through the steps - critical reading, analytic thinking, convincing argumentation, and clear writing - necessary to research and write an upper-level history paper.
Course Description: This course provides an introduction to modern environmental history through ... more Course Description: This course provides an introduction to modern environmental history through regional, national, trans-regional, and global case studies.
Catalog Course Description: A humanities-based, interdisciplinary course designed to introduce st... more Catalog Course Description: A humanities-based, interdisciplinary course designed to introduce students to important themes and topics from different traditions and from multiple perspectives. The seminar is intended to develop students' critical reading, thinking and writing skills.
This course provides an overview of German history from the Versailles Treaty to Hitler's seizure... more This course provides an overview of German history from the Versailles Treaty to Hitler's seizure of power. Readings, lectures, films and class discussions will focus on the negotiation of political, social, economic, gender, cultural, and aesthetic developments in Weimar Germany. Course Requirements: regular attendance; close reading skills; provide graded oral presentations on readings; write periodic response essays on assigned readings; and complete (4) four 3-5-page essays. Office Hours: Mondays, 3-4 pm and by appointment. (Syllabus and requirements subject to change at professor's discretion.)
Course Description This course investigates the territory between moral philosophy and developmen... more Course Description This course investigates the territory between moral philosophy and developmental psychology in different cultural contexts through the theme of "The Seven Deadly Sins." CCU faculty from various departments will provide Guest lectures. Student Learning Expectations: Students will think creatively and write critically about the nature of sin and virtue (related cultural patterns) in different historical contexts (classical and modern) and through multiple forms of evidence and genres.