La théologie musulmane et l'étude du langage (original) (raw)
LA THEOLOGIE MUSULMANE ET L''ETUDE DU LANGAGE
J. R. T. M. PETERS
1 -''-Quand nous parlons de la théologie musulmane et de la recherche des théologiens musulmans concernant le langage, nous traitons d''une question purement historique. La théologie musulmane n''existe plus; formée au huitième siècle de l''ère chrétienne, elle a été élaborée pendant les années créatives des neuvième, dixième et onzième siècles; après cela, elle s''est prolongée jusqu''au quatorzième siècle. Le renouveau musulman actuel n''a pas encore apporté un renouveau de la pensée théologique; et, selon l''opinion de plusieurs musulmans représentatifs, il ne doit pas l''apporter : ils considèrent que cette façon de traiter les questions de la foi et de la morale n''est pas purement islamiquel .
En fait, la théologie -ou bien en arabe le kalam -n''a pas eu une bonne représentation, aussi bien parmi les musulmans que dans les cercles des orientalistes occidentaux ; la plupart des auteurs modernes hésitent même à décrire le kalâm comme une « théologie » . De nos jours encore, le kalâm a été décrit comme une forme de pensée rationaliste, voire comme un vain cliquetis de paroles, une logomachie dans laquelle il ne s''agit plus de concepts ou d''une réalité quelconque, mais seulement d''une joute polémique dans laquelle il s''agit de vaincre2 .
Les oeuvres théologiques, souvent volumineuses et verbeuses, ont donné lieu à des reproches, qui, d''ailleurs, ne sont pas toujours sans fondement. Néanmoins, je reste persuadé qu''on peut trouver dans ces livres une véritable pensée théologique, fondée sU. r la révélation islamique et sur la raison. Dans l''histoire du kalam, se dessinent deux grands courants3 ,
selon l''importance attachée à ces deux sources de la théologie. Il y a la tendance fidéiste, fondée sur la révélation, et pour laquelle la source quasi-unique de la théologie est la révélation de Dieu ; la raison peut modeler des arguments rationnels pour convaincre les antagonistes, ou bien, plutôt, pour réfuter leurs arguments. Cette tendance est connue comme asCarite4 , d''après Abü I-Hasan al Ascarl (mort en 935-936), un de ses grands représentants. L''autre courant attache beaucoup plus d''importance à la raison ; ces théologiens ont pris connaissance de la philosophie grecque, traduite en arabe, et sont influencés par la pensée clas