Français par le sang, Français par la loi, Français par le choix (original) (raw)
Revue Européenne des Migrations Internationales Volume 1 - N° 2 Décembre 1985
Français par le sang, Français par la loi, Français par le choix
Jean MASSOT
«Les fils d'étrangers qui se sont établis en grand nombre en France ont l'esprit français, les habitudes françaises ; ils ont l'attachement que chacun porte réellement au pays qui l'a vu naître. » BONAPARTE au Conseil d'État - Discussion du Code civil.
On a pu lire ces derniers temps, dans les programmes de partis ou de clubs politiques de l'opposition, que l'accès à notre nationalité devait être réservé à ceux qui en font expressément la demande et auxquels le gouvernement juge opportun d'accorder discrétionnairement cet honneur. Sans doute les auteurs de ces propositions ne les appliquent-ils qu'à ceux dont les parents ne sont pas tous deux français de naissance : étendre à tous les jeunes gens la faculté de choisir leur nationalité à 18 ans, y compris pour les enfants de Français, paraîtrait tout à fait contraire à l'intérêt du pays. Est-il sûr que cela le soit moins pour les enfants d'étrangers ?
En effet, depuis plus de cent ans, le législateur républicain, pour des raisons d'intérêt national, d'abord essentiellement militaires en 1851 et 1889, puis démographiques en 1927 et 1945, a voulu conférer la nationalité française à des personnes de «sang» étranger sans qu'elles aient ni l'obligation de faire une démarche positive, ni même parfois la possibilité de s'y opposer par une démarche négative. Par l'effet automatique de la loi, d'innombrables enfants d'étrangers ont été considérés comme français dès leur naissance ou le sont devenus pendant leur minorité ou à leur majorité. De même, pendant 170 ans, notre loi a conféré au mariage avec un Français un effet automatique d'acquisition de notre nationalité par la femme. Enfin, inversement, l'acquisition ou la possession d'une nationalité étrangère entraîne rarement la perte automatique de notre nationalité. Notre droit a ainsi une longue tradition «impérialiste». Faut-il aujourd'hui la renier?