Qui était Flora Tristan ? (original) (raw)

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QUI ÉTAIT FLORA TRISTAN?

Depuis 1925 qu’il a vu le jour, mettant terme enfin à une trop longue indifférence, le solide travail de Jules L. Puech a donné le branle à quantité de publications sur Flora Tristan. Mais, sauf exception, leurs auteurs se sont plus volontiers attachés à commenter l’action et l’œuvre de Flora qu’à tenter de lever le voile sur son existence. Et pourtant, seule une connaissance exacte de celle-ci pourrait conduire à un juste éclairage de celles-là.

Il est vrai que les documents font défaut, ou plutôt semblent faire défaut, car en l’occurrence qui s’est réellement soucié d’interroger l’histoire? On s’est fondé, pour retracer la biographie de Flora Tristan, sur ce qu’elle-même a bien voulu en rapporter : source éminemment sujette à caution. Encore d’aucuns ont-ils mis de la complaisance à renchérir sur sa version des faits. Tout le monde n’a pas eu la prudence intellectuelle et l’équité de Puech, qui, par exemple, dans l’affaire douloureuse des conflits du couple Chazal, est fort loin d’accabler le mari. Il montre très bien comment l’origine et les goûts aristocratiques de sa jeune épouse se conciliaient mal avec ceux d’un modeste artisan issu du peuple. Personne n’a mieux senti que Puech (qui pourtant ne va pas jusqu’à le dire) en quoi le comportement de Chazal devant Flora est celui de Georges Dandin devant Angélique de Sottenville. Ce n’est certes pas l’envie de supprimer sa femme qui manquait à l’infortuné paysan de Molière, mais il était paralysé dans son désir meurtrier par le poids écrasant de son infériorité sociale. Chazal, lui, s’est senti les coudées franches, car la Révolution était passée par là.

Quand ce n’est pas le récit de Flora Tristan qu’on suit aveuglément, on a tendance à enregistrer sans contrôle des témoignages incertains. Ainsi celui de Paul Gauguin, le petit-fils de Flora, qui écrit dans ses souvenirs que sa grand-mère «était intime amie avec Mme Desbordes-Valmore ». Marceline Desbordes-Val-more n’a jamais rencontré Flora qu’une seule fois, quand cette dernière faisait visite à tout Paris pour recueillir des souscriptions à L ’Union ouvrière. A preuve ce qu’elle déclare le 26 décembre 1844 dans une lettre inédite à Charles Le-monnier, qui rassemblait alors des fonds pour édifier un monument à celle que la mort avait emportée le mois précédent :

Monsieur, si je n’ai pas répondu dès le lendemain à une lettre dont vous m'avez honorée, c’est que j’étais retenue auprès d’un de mes enfants malades.

J’ai en effet entrevu, pour ne pas l’oublier et pour demeurer toujours triste de sa mort, Mme Flora Tristan. Je remercie Bordeaux, que j’ai toujours tant aimé, de jeter quelques fleurs durables sur une tombe si précoce, et vous en particulier, Monsieur, d’avoir bien voulu m’appeler pour faire nombre avec vous, dont je suis l’affectionnée servante.

Marceline Valmore-Desbordes

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