Le riz et le bœuf, agro-pastoralisme et partage de l’espace dans le Delta intérieur du Niger (Mali) (original) (raw)

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Résumés

La problématique du partage de l’espace entre agriculture et élevage s’intègre dans les modes de régulation construits par les hommes autour des espaces et des ressources naturelles renouvelables. Ces relations, assez complexes, ont donné naissance depuis des années à une analyse qui n’est ni celle des conflits, ni celles de la complémentarité, mais à celle que Diallo qualifie de « l’envers et l’endroit d’une même réalité » à propos des relations agriculture/élevage en Côte-d’Ivoire (Diallo, 2000, p. 89). Ce phénomène de concurrence/complémentarité est perceptible dans de nombreux villages du Delta intérieur du Niger, qui reflètent un long processus d’action conjointe entre les droits de décider, de gérer et de négocier avec ces voisins, et le renouvellement de ces droits dans un contexte institutionnel défini par le Code Domanial et Foncier (CDF, 2000) et la Charte Pastorale (CP, 2001). Caractérisées par un soubassement social assez profond issu du partage de l’espace deltaïque au XIXe siècle, quelles données privilégier dans les interactions agriculture/élevage ? Là réside toute la complexité d’une telle analyse dans un espace aux ressources fluctuantes au cours d’une même année, et d’une année à l’autre. Cette contribution, à partir des observations directes et des enquêtes de terrain dans le Delta intérieur du Niger, aborde les dynamiques dans le partage de l’espace et des recompositions foncières en se focalisant sur les implications des découpages administratifs sur le développement local.

The problem of sharing space between agriculture and livestock fits into control modes built by men around spaces and renewable natural resources. These relationships are rather complex, gave birth years an analysis that is neither that of conflict, or those of complementarity, but to that Diallo calls “the obverse and reverse of the same coin “about relationships agriculture/farming in Ivory Coast (Diallo, 2000, p. 89). This phenomenon of competition/complementarity is evident in many villages of the Inner Niger Delta, which reflect a long process of joint action between the rights to decide, manage and negotiate with these neighbors, and the renewal of these rights in a institutional context defined by the Land Code (2000) and the Pastoral Charter (2001). Characterized by a fairly deep social base from sharing the delta area in the 19th century, what data in favor interactions agriculture/livestock ? Therein lies the complexity of such an analysis in a space to fluctuating resources in the same year, and from one year to another. This contribution from direct observations and field surveys in the Inner Niger Delta, discusses the dynamics in the shared space and land reconstructions focusing on the implications of administrative divisions on local development.

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Texte intégral

1Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, les productions animales et agricoles constituent des sources importantes de richesse. Se pratiquant conjointement ou en alternance sur le même espace, les systèmes de production agricole et pastoral constituent l’un des problèmes clés des sociétés rurales africaines (Landais et Lhoste, 1990), notamment dans les zones sahélienne et soudanienne où l’espace agricole et l’aire pastorale tendent à se recouvrir de plus en plus.

2Sur les terres riches en eau du Delta intérieur du fleuve Niger, l’inondation et le retrait des eaux permettent le renouvellement d’une herbe appréciée par les bovins des éleveurs transhumants, mais également la fertilité des sols pour une riziculture de submersion. Par la délimitation d’espaces affectés à des usages différents selon les périodes de l’année, par l’institution de règles d’accès aux ressources ainsi que des mécanismes de contrôle, l’agriculture et l’élevage connurent un « épanouissement » par la limitation des concurrences entre ces activités sous l’empire Peul du Macina (1818-1862). Dans ces sociétés rurales, le partage foncier repose sur les principes de gérontocratie, de séniorité, de primo-installation et de hiérarchisation des rapports de genre. Jusqu’aux bouleversements climatiques à partir des années 1970 (Mahé et al., 2002 ; Mariko, 2003), les modes d’utilisation et d’occupation de l’espace étaient basés sur l’alternance du riz et du bœuf au cours d’une même année, et selon le principe du droit de propriété et d’usage inhérent à l’appartenance à une communauté villageoise (Gallais, 1967 ; Kassibo, 1983 ; Barrière et Barrière, 1995).

3À partir des années 1990, des changements importants apparaissent sur ces espaces-ressources qui se réduisent (Marie, 2002). L’État malien, à travers une politique d’autosuffisance alimentaire, de décentralisation et de développement rural, a favorisé des investissements, étrangers et nationaux, privés et publics (Adamczewski et al., 2013) dont les actions bouleversent les usages et les maîtrises foncières1 (Fay, 2006 ; Béridogo, 2006 ; Kassibo, 2006). La redistribution spatiale opérée également par les Petits Périmètres Irrigués Villageois (PPIV) et leurs Sociétés Coopératives de Gestion, la gestion des espaces et des ressources par les communes rurales de la décentralisation, l’ouverture de l’agriculture à une économie marchande, engendrent de nouvelles recompositions territoriales et rendent complexe la gestion des ressources naturelles renouvelables. Or, nous sommes ici dans une des régions sahéliennes les plus touchées par les interactions intenses entre les multiples usages des différents espaces-ressources (Thibaud, 20112 ; Moseley et al., 2002).

4Dans un contexte d’évolution des droits et des pratiques, les notions même de partage, partage entre territoires fonctionnels et territoires décisionnels, sont étudiées dans le Delta intérieur du Niger ainsi que les dynamiques villageoises qui en découlent.

Les dynamiques de production et leurs échelles : des espaces emboîtés, des pouvoirs multiples

5Parce que la problématique est d’abord sociale (les droits de décider, de gérer, d’exploiter), et que l’objet est spatial (accès aux espaces-ressources, foncier), l’identification d’un éventuel système socio-spatial (Moine, 2007) est nécessaire à l’analyse de la dynamique des interactions agriculture/élevage.

6Dans la zone d’inondation du Delta intérieur, les nombreux empires qui se sont succédé notamment l’empire Peul du Macina (1818-1862), ont amené une organisation territoriale spécifique : sédentarisation forcée des habitants dans les villages, découpage de l’espace en territoires agro-pastoraux (leyde), dévolution de la gestion des différents espaces aux maîtres de la terre et à ceux des pâturages (les jowro). C’est autour de ces maîtres de la terre et des pâturages3, véritables « cadastres vivants » (Brokhaus et al., 2003), que les autres lignages se sont regroupés. Dans cette zone d’eau, lieu d’une construction sociale sur laquelle différents empires ont mobilisé des réseaux sociaux pour asseoir leur pouvoir, la colonisation française et les différents pouvoirs étatiques au Mali viennent s’emboîter.

7Avec les différentes périodes de l’histoire coloniale d’une part (1898-1960), et la situation qu’a connue le Mali au lendemain de son Indépendance ensuite, nous assistons à de nouveaux maillages spatiaux et à l’émergence de nouveaux acteurs dans la sphère politique. Le découpage actuel de l’espace et la situation du Delta intérieur dans trois régions administratives (Tombouctou, Mopti, Ségou) sont liés à ces différentes phases politico-historiques, qui ont chacune apporté des changements dans le partage issu des empires.

8La colonisation s’est illustrée par un découpage de l’espace structuré autour de centres et souvent de nouvelles limites. Aux chefferies déjà existantes, la France superposa des structures administratives en s’inspirant à la fois du modèle jacobin de la Métropole et de la hiérarchie de l’armée coloniale4. La colonisation française a imposé sa lecture géographique de l’espace. L’espace, autrefois approprié, négocié, vécu et pratiqué, se trouvait soudain fragmenté, zoné, « fracturé » par des discontinuités fortes à travers une municipalisation et le contrôle de l’espace et des ressources par de nouveaux acteurs : les gouverneurs de région (Goussard et Labrousse, 2008).

9À l’Indépendance intervenue en 1960, l’État malien a continué sur la base du découpage spatial dans un contexte de centralisme politique.

10Avec les réformes de la décentralisation de 1991, le gouvernement recourt largement à une « légitimité communautaire » pour fonder de nouveaux pouvoirs locaux. La conception de la réforme se fait sous l’angle d’une re-traditionalisation des rapports locaux, d’une union entre le droit « coutumier » et le droit dit « moderne ». Ainsi, les groupes de villages sont constitués en communautés territoriales (création de communes rurales) avec la gestion des territoires communaux par les maires et les conseillers communaux élus.

11Les pouvoirs politiques qui se sont succédé ont entraîné une pluralité de droits sur le même espace (droit dit moderne et celui dit coutumier). Le partage de l’espace s’impose entre acteurs locaux et entre différents niveaux d’organisation territoriale (Région-Cercles-Communes-villages), ainsi que la gestion par les chefs « coutumiers » et les élus communaux.

12Si pour l’État malien le Delta intérieur se situe administrativement sur trois régions divisées en Communes et en Cercles, pour les individus le territoire est en permanente recomposition en fonction de la dynamique de l’eau. Le Delta n’est pas une simple juxtaposition d’espaces agricoles et pastoraux mais une alternance de ces espaces, synchroniquement ou diachroniquement en fonction de la fluctuation de l’eau5. Et, en fonction des besoins, des activités, chaque groupe social et chaque utilisateur de la diversité deltaïque possèdent sa logique de construction territoriale.

13Caractériser les dynamiques d’évolution des maîtrises foncières à travers les changements politiques contemporains, nécessite une prise en compte de l’évolution de l’usage de l’espace, de la dynamique des contrats sociaux, de la diversité d’acteurs et de la fluctuation hydrologique. Ces quatre paramètres permettent de décrire les changements à l’œuvre dans le Delta intérieur du Niger. D’un point de vue théorique, la prise en compte de la notion de territorialité et de partage dans un tel système socio-spatial emboîté, va de pair avec une approche systémique dans une logique diachronique (application de la matrice historique et spatiale de Di Méo et Buléon, 2005).

14L’approche est basée sur un emboîtement de systèmes, à plusieurs échelles : celle du village qui constitue le niveau d’appropriation et de pratiques agro-pastorales, celle des collectivités territoriales décentralisées que sont les communes qui exécutent les projets de développement au niveau des villages, et celle des niveaux régional et national qui sont le cadre de référence pour l’analyse des politiques publiques (fig. 1).

15Dans ce contexte d’évolution, la commune de Konna fournit une bonne illustration pour appréhender la complexité des niveaux d’acteurs et les dynamiques des territoires.

Figure 1 – Les systèmes agro-pastoraux et leur interconnexion

Figure 1 – Les systèmes agro-pastoraux et leur interconnexion

Konna, de la commune rurale aux chefferies villageoises

16Au Nord de Mopti, entre l’espace d’inondation du Delta intérieur du Niger et les plateaux gréseux de Bandiagara, la commune rurale de Konna se situe au point de rupture entre les camions transportant marchandises et hommes et les pirogues voguant sur le Niger. Point de rupture entre deux espaces, inondés et exondés, Konna se trouve également à la croisée d’une dynamique de construction étatique qui a vu se succéder le découpage issu des empires au XIXe siècle (Bâ et Daget, 1962 ; Ba, 1982 ; Cissé, 1982 et 1999) et celui de la décentralisation (Loi n° 96-059 du 4 novembre 1996 portant création de 682 communes). Le regroupement de 28 villages pour constituer l’actuelle collectivité territoriale de Konna6 s’effectue sur les entités spatiales de l’ancienne chefferie du Korondougou-Konna et du Korondougou-Diambakourou (Kassibo, 1983) qui ont été transformées auparavant en canton pendant la colonisation française (1898-1960) puis en arrondissement de Konna avec 29 villages7 après l’Indépendance. Enjeu de pouvoirs entre plusieurs groupes sociaux en présence, le découpage actuel de la commune de Konna apparaît en tant que projection au sol d’une réalité politique, et aussi en tant qu’ensemble de formes produites par des acteurs internes aux terroirs villageois qui interviennent sur la scène locale (fig. 2).

Figure 2 – Les espaces emboîtés de la Commune : différents niveaux de pouvoir et répartition des chefferies villageoises

Figure 2 – Les espaces emboîtés de la Commune : différents niveaux de pouvoir et répartition des chefferies villageoises

17Le territoire communal se trouve à la charnière de trois territoires agro-pastoraux (leyde) : Dialloubé Djenneri, Ouro-Nema et Ouroubé-Doundé. Sur le plan de la composition de la population, des villages comme Koubi et Ninga constituent des entités spatiales homogènes avec comme chefs coutumiers les Peuls (jowro) tandis que d’autres comme Dientakaye, Sensé, Kotaka constituent une autre entité sur le plan du peuplement avec les Marka et les Bozo. De plus, Kotaka se situe dans la province pastorale du leydi Ouro-Nema, tandis que Dientakaye, Ninga et Koubi relèvent du leydi Dialloubé Djenneri, et Kinani, Kontza, etc. relèvent du leydi Ouroubé-Doundé.

18Dans le principe de la décentralisation, le village constitue l’unité de base avec le regroupement des villages dans les collectivités territoriales décentralisées (Communes) dont les maires élus assurent la gestion foncière et celle des ressources8. Pour la gestion foncière, le principe de base est une

mise en commun des ressources qui devrait permettre de rendre caducs les conflits existants. (Fay, 1999, p. 131)

19La territorialité de l’État est fondée sur des espaces hiérarchiques (Communes – Cercles – Régions),

aucune collectivité ne [pouvant] exercer de tutelle sur une autre collectivité. (Loi n° 93 février 1993 et Loi n° 96 octobre 1996 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales)

20Or dans le Delta intérieur, l’espace est sous-tendu par un soubassement social profond qui détermine les règles d’usage et d’accès à l’espace et aux ressources. Par exemple l’autorisation d’accès aux pâturages de Kotaka est donnée par le maître des pâturages basé à Ouro-Nema. Nous sommes en présence de deux villages, n’appartenant pas à la même commune (fig. 2).

21En introduisant d’autres niveaux d’organisation spatiale, l’État malien a entraîné l’émergence de nouveaux acteurs dans la gestion des ressources naturelles renouvelables ainsi qu’une division dans la cohérence socio-spatiale des territoires agro-pastoraux. À la suite de ces bouleversements territoriaux, d’autres facteurs conjugués vont profondément perturber l’organisation socio-économique et territoriale de ces villages.

Espaces de pouvoir, espaces de pratique : les nouvelles recompositions foncières

22L’organisation de l’espace dans les différents villages est prise en charge par certaines institutions propres à chaque implantation. Et c’est sur la base de réseaux sociaux que les acteurs villageois s’appuient pour exercer leurs activités et pour la sécurisation de leurs droits. En effet, la fondation de la plupart des villages dans le Delta intérieur du Niger relate l’arrivée d’un individu marka ou peul, qui aurait découvert le Bozo par l’intermédiaire d’un chien (Gallais, 1967 ; Barrière et Barrière, 1995 ; 2002). Néanmoins, faisant suite à de multiples alliances et conquêtes guerrières, chaque village dispose de sa propre structure organisationnelle qui traduit la diversité de son histoire, sa culture, ses choix de gestion, etc. C’est la référence au chef de terre et aux maîtres des pâturages qui domine dans les maîtrises foncières au niveau des terroirs agricoles et des territoires pastoraux.

23Décideur au niveau villageois pour l’attribution d’un champ de riz, l’ouverture des champs pour le pâturage des bovins, l’ouverture annuelle pour la mise en culture des champs, la fonction de chef

revenait de droit aux premiers arrivants, fondateurs du village. (Kassibo, 1983, p. 120)

24Les chefs de terre sont liés aux maîtres des pâturages inondés. Les maîtrises spatiales de ces maîtres de pâturage vont au-delà de la limite de leur terroir villageois, l’espace pastoral étant flexible et sa structuration soumise au déplacement des bœufs9.

25La commune de Konna, à travers l’articulation entre terres cultivées et pâturages de bourgou10 semble organisée selon une hiérarchie sociale qui fixe les règles d’usages et d’accès aux différents espaces-ressources. Dans ces sociétés lignagères, le doyen du lignage fondateur ou conquérant (chef de terre, maître des pâturages) détient toute l’autorité dans la répartition, l’exploitation et la gestion des espaces et des ressources. Il est celui dont l’ancêtre a maîtrisé les relations avec les génies de la terre ou de l’eau (Fay, 1997). Les espaces du riz et du bœuf se déclinent ainsi comme un compromis entre les chefs où à l’échelle du terroir villageois, c’est le chef de terre qui possède le droit de décision sur les espaces non appropriés par les autres lignages.

Figure 3 – Espace et tenure dans le village de Kotaka : la spatialité des pouvoirs

Figure 3 – Espace et tenure dans le village de Kotaka : la spatialité des pouvoirs

26Le partage foncier expose l’existence de formes de coordination d’échelles variables mettant en jeu diverses structures socio-spatiales (tabl. 1 ; fig. 3) : des espaces dépendants des lignages, des exploitations familiales et des individus (partage héritier et/ou don) possédant l’exclusivité sur ces espaces et dont l’accès aux autres est assujetti au consentement de ces différents ayants droit (conférant des droits de prélèvement à d’autres communautés n’étant pas les gestionnaires) ; des espaces portant sur le domaine commun (qui peut être une forêt et même un pâturage) libre d’accès à toute la communauté villageoise qui y a la priorité pour cultiver et/ou faire pâturer leurs animaux : accès et prélèvement.

Tableau 1 - Les niveaux socio-spatiaux des droits fonciers

Tableau 1 - Les niveaux socio-spatiaux des droits fonciers

27Pendant longtemps, les terroirs villageois de Konna sont restés relativement stables des points de vue de la tenure et de l’utilisation. Le riz était cultivé dans les dépressions inondables. Quant à l’élevage, il associait deux types d’espaces, les marges exondées et la zone inondée du Delta intérieur du Niger sous forme de déplacement des animaux en une transhumance annuelle (Gallais, 1967, 1984 ; Legrosse, 1999). Au sein de la zone inondée, les animaux pâturaient également sur les résidus de récolte.

28Aujourd’hui, dans un contexte d’économie marchande et de péjorations climatiques, les agriculteurs délimitent des espaces strictement réservés à l’agriculture (les Petits Périmètres Irrigués Villageois, PPIV). Une partie des espaces de pâturage disparaît. La question foncière devient de plus en plus préoccupante.

La construction de nouveaux territoires

29Dans la commune de Konna, tous les riziculteurs doivent faire face à la même exigence du maintien ou d’augmentation de la fertilité des sols, préoccupation permanente des agriculteurs (Sebillotte, 1989). C’est au niveau de l’agriculture que les recompositions sociales et territoriales sont les plus observées.

30L’aménagement de PPIV dans 9 villages de Konna consacra 346 ha de superficie irriguée exclusivement à la riziculture irriguée sur une superficie cultivable11 de 65 000 ha pour l’ensemble de la commune.

31Les conséquences de cette délimitation de l’espace agro-pastoral, pour les terroirs villageois, ont été nombreuses. Tout d’abord, une partie du terroir villageois s’est trouvé réservée exclusivement à l’agriculture. Ensuite, les éleveurs qui auparavant exploitaient les résidus de récoltes, les bourgoutières disséminées à travers l’espace cultivé et récolté ainsi que les marges des terroirs agricoles, sont contraints d’abandonner certaines terres, ce qui a modifié leur mode de gestion de l’espace. La dynamique des espaces agricole et pastoral, autrefois basée sur la succession des deux activités sur le même espace avec un calendrier d’exploitation reposant sur la crue – la décrue – la saison des pluies, se fait aujourd’hui uniquement dans les champs dits de brousse et dans les bourgoutières, éloignant de plus en plus les bœufs des espaces rizicoles irrigués. Avec les PPIV, nous assistons à une diminution des ressources fourragères pour les bovins.

32Espaces « unifonctionnels » soumis aux régimes fonciers traditionnels, les PPIV sont aménagés sur des espaces caractérisés par la propriété collective de la terre avec un système de gestion détenu par les chefs de terre et les chefs de lignage. Pour sécuriser ces nouveaux bassins rizicoles et maintenir leur durabilité, les agriculteurs dans les PPIV ont créé des Organisations paysannes appelées Sociétés Coopératives de Gestion (SCG). Ces SCG s’organisent dans les villages12 avec des statuts réglementaires et des cahiers de charge précis pour chaque PPIV. La mise en réseau de ces SCG dans l’Union des Sociétés Coopératives de Gestion structure les terroirs villageois en un faisceau de nouveaux droits. L’accessibilité des paysans à ces parcelles irriguées est conditionnée par le paiement d’une « redevance eau » par campagne agricole, faute de quoi la parcelle est confisquée par la SCG et son exploitation confiée à un autre agriculteur. Cette procédure permet de placer des ressources collectives au cœur d’une nouvelle dynamique organisationnelle, celle des réseaux de PPIV et de leur SCG. L’innovation rizicole des PPIV engendre une recomposition territoriale à travers la création de nouveaux espaces de dialogue et un renouvellement des réseaux de pouvoir qui se renforcent (celui des Sociétés Coopératives de Gestion) au détriment des pouvoirs des chefs coutumiers qui ont tendance à être dépassés dans la gestion d’une partie de leur terroir villageois.

33Quant aux éleveurs, qui pouvaient autrefois accéder à l’ensemble des champs récoltés des villages, ils se retrouvent confinés pendant la saison sèche dans les limites de la zone pastorale restreinte par les PPIV, alors que de nombreuses ressources végétales se trouvent dans ces champs irrigués récoltés. À un autre niveau, la décentralisation, avec les recompositions politiques qu’elle a nécessitées et la redéfinition des relations de pouvoir qu’elle a permise, a également reposé la question de l’accès aux bourgoutières et aux espaces de pâturage. Les collectivités territoriales interviennent dans la fixation des dates de retour des zébus sur leur territoire, mais également fixent la date effective de la fin des récoltes pour l’ouverture des champs à la pâture. Elles sont devenues les interlocutrices des maîtres de pâturages et de l’administration pour l’organisation des festivités (liées au retour et départ de la zone inondée : Leblon, 2011) ainsi que pour la gestion du pastoralisme. Désormais, le prélèvement de l’herbe dans une bourgoutière, soumis à des règles de « préséance » et de paiement de la redevance sur l’herbe fixées depuis le temps de la Dina de Cheikou-Amadou (1818-1862)13, se décentre. De nouveaux réseaux d’échanges sont créés, des stratégies de contournement sont mises en œuvre pour ne pas payer les taxes et amendes ni aux jowro, ni aux services vétérinaires ni aux collectivités territoriales, ces dernières se servant de ces taxations comme source potentielle de financement.

34Ainsi, si la mobilité des animaux est dictée par la crue et la décrue, les nouvelles divisions territoriales permettent une relecture des pratiques agropastorales du Delta intérieur du Niger.

35Face aux nouvelles contraintes foncières et à la baisse des ressources disponibles pour chaque activité, les paysans et les éleveurs vont non seulement modifier leurs pratiques agricoles au sein du terroir de culture, mais mettre en place également de nouvelles initiatives dans le pâturage des bovins.

Appropriation foncière et construction de nouveaux réseaux d’échanges

36Les périmètres irrigués villageois provoquent la diminution des espaces de pâturage au sein du village. En plus, les demandes croissantes pour l’exploitation d’une parcelle irriguée vont exacerber à court terme les rapports entre agriculture et élevage par deux biais : d’une part, à très court terme, en augmentant la pression du cheptel sur des espaces qui se restreignent vis-à-vis de l’élevage (espaces dévorés par le riz), et d’autre part, à long terme, en induisant une augmentation des clivages sociaux entre exploitants des PPIV et agriculteurs dans les champs de brousse.

37Dans le Delta intérieur du Niger et surtout dans la commune de Konna, le pouvoir de l’État sur le foncier s’accentue par rapport à celui des rapports autrefois basés sur une cohésion sociologique (une tradition légiférant dans les partages fonciers). Les modifications quantitatives (exclusivité de certains espaces pour l’agriculture) et qualitatives (nouvelles techniques culturales) intervenues depuis les décennies 1990 renouvellent les rapports fonciers entre agriculteurs et éleveurs. Les uns et les autres s’appuient sur des revendications anciennes et les nouveaux textes de lois pour la revendication d’espace-ressource. La question foncière devient cruciale.

38L’aménagement de bassins rizicoles dans le cadre de l’irrigation et de l’intensification des productions agricoles engendre de nouvelles stratégies territoriales mettant en jeu des objectifs différents des populations. Dans le processus d’attribution des parcelles irriguées dans le cadre du projet Valorisation des Ressources en Eau de Surface (VRES), il est stipulé que seuls cultiveraient dans le PPIV les agriculteurs ayant adhéré au projet. Dans le village de Kotaka, la délimitation d’un périmètre irrigué par le Fonds Européen de Développement (FED) a entraîné des confusions dans la maîtrise de cet espace. Les membres du village qui étaient contre le projet, et donc n’y ayant pas adhéré, sont entrés en confrontation avec les exploitants du dit périmètre. L’appropriation par une SCG (groupe d’exploitants), de cet espace construit sur des terres faisant partie du patrimoine de certaines familles14, met en évidence la question de l’appropriation des terres ainsi que la complexité des règles coutumières qui illustrent la difficulté particulière de la situation foncière des villages. Elle témoigne également des droits de maîtrise foncière détenus par les premiers installés et les propriétaires coutumiers au niveau des chefs de famille. Les propriétaires de ces terres qui n’ont pas adhéré au projet du FED (ne bénéficiant donc pas de parcelles aménagées) sont entrés en conflit avec les exploitants du PPIV. Ce conflit inter-agriculteurs permet de cerner les modifications de l’agriculture et la place de celle-ci au sein des terroirs villageois, dont les enjeux dépassent la seule assurance de l’autosuffisance familiale.

39Les PPIV doivent faire face à une double disposition. La première porte sur l’intérêt que cet espace suscite dans les terroirs villageois car il sécurise un rendement de récolte considérable pour les agriculteurs des PPIV par rapport aux agriculteurs des champs de brousse. La seconde, et non la moindre, est celle de la maîtrise et de la gestion d’une zone agricole sur des terres de tenure traditionnelle. Le Périmètre Irrigué Privé (PIP) à Dientakaye, village de 1 450 habitants (Bouaré, 2012), révèle de nouvelles dynamiques foncières sous l’angle de la décentralisation.

40Le cas de ce PIP est significatif des recompositions foncières dans les villages. Au départ de la mise en valeur de cet espace en 1987, se trouve un contrat passé entre le chef de terre de Dientakaye, le maître des pâturages de Ninga et un agriculteur venu du village de Konna. L’installation de ce « nouvel » exploitant fut acceptée au début car les terres inondées annuellement ne manquaient pas encore dans le village. Par une exploitation prolongée des lieux, un individu (ou groupe d’individus) peut acquérir un droit d’appropriation, seulement transmissible à ses héritiers. Mais lorsqu’une parcelle de l’espace communautaire a été longtemps travaillée par un de ses membres, le groupe peut perdre sa souveraineté au profit de l’individu. De ce fait, la propriété coutumière des terres, conséquence d’une mise en valeur longtemps affirmée, a été perdue au profit de l’agriculteur venu de Konna. Les faits remontent à 2007 à l’occasion de l’aménagement d’un jardin maraîcher pour les femmes de Dientakaye. Ce PIP, au nord-est de Dientakaye, a alors été perçu comme un espace potentiel de colonisation agricole puisqu’il faisait partie du patrimoine du chef de terres de Dientakaye. Les instances de décision de Dientakaye obligent cet exploitant à céder une partie des terres exploitées, terres qui se situent au bord du fleuve Niger et qui donc le privent d’une facilité d’installation du Groupe Motopompe pour l’irrigation des champs.

41Cette revendication d’une partie du PIP par les agriculteurs de Dientakaye a été une source de tension au sein d’une même communauté d’agriculteurs. N’ayant pas abouti à un consensus, l’exploitant du PIP déposa une requête auprès du tribunal régional de Mopti. Le jugement trancha en faveur du PIP en octroyant à son propriétaire un livret foncier15. Désormais de nouveaux espaces agricoles se délimitent et des changements d’appropriation territoriale s’effectuent.

42Ainsi de terres d’utilisation, ces espaces agricoles évoluent en terres appropriées. Ce mouvement est surtout visible dans les villages à forte dominance agricole (Dientakaye, Kotaka, Sensé, Sensé Ladji) où la terre devient un bien marchand dont on peut hériter et qu’on peut louer, l’appropriation de l’espace se manifestant par la position qu’une communauté prend de plus en plus fermement vis-à-vis des autres.

43Avec la réduction de leur espace de production au profit de l’agriculture, le maintien de l’élevage devient préoccupant dans un espace où les pratiques spatiales peules commandaient largement le jeu d’ensemble (Gallais, 1967). De nouveaux réseaux d’échanges se créent entre éleveurs et agriculteurs. Ces derniers, préoccupés par la fertilité de leur sol, établissent des contrats de fumure avec les éleveurs dès le retour de ces derniers dans les villages. Ces contrats portent sur l’hébergement de l’éleveur et la mise en place d’un système de pâturage tournant des bovins de parcelles récoltées en parcelles récoltées surtout dans les Périmètres Irrigués d’initiative privée. Ce système permet d’améliorer la fertilité des sols et d’apporter, en retour, leur alimentation aux bovins.

*

44La mise en place de collectivités territoriales décentralisées ainsi que l’aménagement de Petits Périmètres Irrigués Villageois au sein de terroirs agro-pastoraux amène un renouvellement des partages fonciers dans le Delta intérieur du Niger. L’évolution des droits de gestion, d’accès, de mise en culture et du droit de prélèvement des ressources est à l’origine des recompositions territoriales.

45Ancrés dans le temps long, certains groupes sociaux ont façonné des territoires agro-pastoraux, espaces de pouvoir à travers la primo-installation et les conquêtes guerrières. Dès le XIXe siècle les maîtres des terres et ceux des pâturages, grâce à leur contrôle des différents espaces-ressources, ont délimité les espaces de production pour l’agriculture et l’élevage au sein des terroirs villageois. Les années successives de sécheresse et les réformes politiques au Mali créèrent les conditions nécessaires à l’émergence de nouveaux acteurs et une évolution des différents droits sur la terre.

46Ces recompositions foncières remettent en cause les rapports de dépendance qui prévalaient entre les groupes sociaux dans la transhumance entre zones exondées et territoires deltaïques, ce que révèle l’apparition des contrats de fumure. Désormais, les troupeaux extérieurs au Delta qui payaient une redevance au maître des pâturages inondés pour la pâture de leurs animaux, tissent des alliances avec les riziculteurs des périmètres d’irrigation : logement et nourriture en contrepartie du gardiennage des bœufs de labour acquis grâce à la riziculture. Les modifications dans la maîtrise du foncier affectent alors les prérogatives des maîtres des pâturages inondés : perte de vitesse de leur pouvoir sur l’espace, mais également perte de revenus économiques à travers le non-paiement de la redevance sur l’herbe.

47Dans ce contexte de redéfinition des pouvoirs sur l’espace, de nouveaux défis ont vu le jour pour ces sociétés pastorales et rizicultrices, avec la mise en place de certains textes de loi offrant des conditions nécessaires de sécurisation foncière, mais pour quel foncier ? Le Code Domanial et Foncier (CDF), mis en vigueur en 2000 et ratifié par une ordonnance en 2002, reconnaît les droits coutumiers et la propriété collective de la terre, tout en stipulant que ces terres de maîtrise basée sur la primogéniture et la primo-installation, après enquêtes publiques et contradictoires, peuvent donner lieu à la délivrance d’un titre écrit,

opposable aux tiers qui constate l’existence et l’étendue de ces droits. (Article 44).

48Si les terres cultivées et leurs jachères peuvent être immatriculées, donc transformées en propriétés privées (comme le cas du Périmètre Irrigué Privé de Dientakaye), ceci n’est pas valable pour les terres de « pâtures » et les pâturages naturels qui ne peuvent qu’être transférés. Face à cette limite du CDF en matière de foncier pastoral, la Charte Pastorale de 2001 et son décret d’application de 2006 sont censés sécuriser les espaces pastoraux en favorisant le transfert de compétences au niveau des collectivités territoriales et la responsabilisation des populations dans la gestion des ressources de leurs terroirs.

49Les modifications quantitatives (exclusivité de certains espaces pour l’agriculture) et qualitatives (nouveaux textes de loi, nouvelles techniques culturales) intervenues depuis les décennies 1990 renouvellent les rapports fonciers entre agriculteurs et éleveurs, mais également entre agriculteurs eux-mêmes. Aussi limités soient-ils dans le temps et l’espace, les rapports de pouvoir que développent les acteurs sont des éléments fondamentaux qui déterminent les itinéraires de production, mais également l’accès à leur moyen de production : le foncier agricole et pastoral.

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Notes

1 Dans l’Office du Niger, l’État malien attribue des milliers d’hectares de terres aux Chinois ou aux Libyens sous forme de baux sans pour autant sécuriser le statut foncier des agriculteurs (Brondeau, 2010). Dans le Delta intérieur du Niger, ses investissements étrangers se traduisent comme par exemple par l’aménagement de Petits Périmètres Irrigués Villageois par le projet de Valorisation des Ressources en Eau de Surface (VRES) sur financement du Fonds Européen de Développement (FED) pour moderniser les exploitations.

2 Dans la zone sèche orientale du Delta intérieur du Niger, la réserve du Gourma connaît les mêmes problématiques de raréfaction des ressources naturelles et de concurrences entre les hommes eux-mêmes, et entre ces derniers et l’un des derniers grands troupeaux d’éléphants d’Afrique de l’Ouest (Thibaud, 2011).

3 Dans le Delta intérieur, les maîtres d’eau existent aussi. Ce sont les gestionnaires des pêcheries, l’homme le plus âgé du lignage faisant office de dji-tigui ou maître d’eau (Kassibo, 1983).

4 La France a quelquefois conservé le périmètre des « chefferies » (les leyde) mais a transformé leurs fonctions et remplacé leurs « gestionnaires ».

5 Dans toutes les interventions de l’État malien depuis l’Indépendance (1960) jusqu’à la Décentralisation (1991), les villages et les fractions nomades ont été à la base des interventions en milieu rural. Au fil des changements, le village a successivement été défini en tant qu’« unité administrative de base » (1959), « division administrative de l’arrondissement » (1977) et « communauté de base en milieu rural » (1995). Ces réformes induites par l’État tentent de faire cohabiter un pouvoir coutumier, pouvoir coutumier qui cependant connaît des ouvertures avec l’extérieur (présence de téléphonie mobile, télévision – Bouaré, 2012), et un pouvoir administratif, renouvelant les pratiques spatialisées, notamment entre l’agriculture et l’élevage.

6 Le chef-lieu de la commune de Konna est le village de Konna, située à 68 km de la ville de Mopti et à 735 km de Bamako.

7 Avec la création des communes par la décentralisation, Diambakourou est le seul village qui fut enlevé de l’arrondissement de Konna pour faire de ce dernier une commune.

8 Le Mali, sorti de la phase de pouvoir de Moussa Traoré (1968-1991) aborda la décentralisation comme un acte politique qui proposait une solution viable au problème de la rébellion touarègue au nord du pays. Par la suite, les aspirations politiques à la démocratie (pluralisme politique, liberté de la presse, souveraineté aux citoyens, etc.) ont émergé vers un système de décentralisation comparable à celui du pays colonisateur (France). Cependant, la composition des communes par des villages en constitue une différence majeure.

9 Par exemple, ce sont les jowro des villages de Ninga et de Koubi qui contrôlent les pâturages du village de Dientakaye et, celui d’Ouro-Néma à Kotaka.

10 Les pâturages de bourgou, espaces fertilisés annuellement par le passage des bovins sont des espaces également propices à la riziculture, la fertilité des sols dans le Delta intérieur dépendant de leur inondation saisonnière apportant les alluvions. Pâturage et rizière révèlent des espaces très chargés d’enjeux spatiaux et de concurrences. Avec la baisse interannuelle de l’inondation, les pâturages inondés sont des espaces de colonisation agricole puisqu’ils sont fertilisés par la fumure des bovins.

11 Les superficies cultivables sont les superficies sur lesquelles peut se pratiquer l’agriculture, notamment la riziculture, et qui ne sont pas mises en valeur. La superficie totale de la commune de Konna n’est pas connue. Cependant, à titre d’exemple, celle du terroir villageois de Kotaka est d’environ 4 950 ha (les limites des terroirs villageois ne sont pas connues avec exactitude faute de délimitation précise par l’État).

12 L’affectation des champs en PPIV a pu s’opérer grâce au consentement de tous les intervenants au cours des négociations organisées par le projet de Valorisation des Ressources en Eau de Surface (VRES). Le projet VRES est mis en œuvre comme programme de sécurité alimentaire suite aux grandes sécheresses de la décennie 1973-1984. Il a initié la création de nombreux PPIV le long du fleuve Niger notamment dans le Nord du pays et dans le Delta intérieur du Niger. Le projet VRES est financé par le Fonds Européen de Développement (FED).

13 Ces alliances ou contrats tirent le plus souvent leur origine dans le temps lointain historique.

14 Le PPIV a été aménagé sur une mare détenue traditionnellement par des groupes d’exploitants. Certains des ayants droit de la mare n’ont pas adhéré au projet d’irrigation et furent exclus de l’exploitation du périmètre irrigué une fois les travaux de construction de digues et de diguettes terminés. « Lors de l’assemblée générale de Kotaka, le 10 juin 1992, le chef de village admet que les attributaires sont les seuls exploitants (traditionnels) et affirme qu’il est convenu que l’usage de la mare doit profiter au plus grand nombre. Cette incohérence créa un trouble et souligna le grand désaccord entre villageois. » (Barrière et Barrière, 1995, conflit n° 91)

15 Le livret foncier donne à son détenteur un droit d’usage exclusif sur des terres. Il stipule que la terre appartient à l’État, qui l’a cédée à un individu ou un groupe d’individus et peut la reprendre à tout moment. Contrairement, le titre foncier est un titre de propriété qui stipule que l’État a accordé une partie de son domaine public à un individu ou un groupe d’individus et ne peut plus la reprendre, sauf si le propriétaire décide de la lui céder.

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Pour citer cet article

Référence papier

Kadidia Nianti Bouaré-Trianneau, « Le riz et le bœuf, agro-pastoralisme et partage de l’espace dans le Delta intérieur du Niger (Mali) », Les Cahiers d’Outre-Mer, 264 | 2013, 423-444.

Référence électronique

Kadidia Nianti Bouaré-Trianneau, « Le riz et le bœuf, agro-pastoralisme et partage de l’espace dans le Delta intérieur du Niger (Mali) », Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 264 | Octobre-Décembre 2013, mis en ligne le 01 octobre 2015, consulté le 21 septembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/com/6993 ; DOI : https://doi.org/10.4000/com.6993

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