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Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du progr... more Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en études littéraires pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.) DÉPARTEMENT DES LITTÉRATURES FACULTÉ DES LETTRES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2006 1 Laurence Boudreault, 2006 RÉSUMÉ Ce mémoire analyse les tendances du discours critique consacré à l'oeuvre romanesque d'Ahmadou Kourouma. À partir de cet élément fondamental qu'est le métatexte, nous voudrions « re-lire » les différentes modalités au moyen desquelles le discours critique saisit le texte romanesque (Les soleils des indépendances, Monnè, outrages et défis, En attendant le vote des bêtes sauvages et Allah n 'est pas obligé). Nous examinerons comment la critique, en structurant l'espace de la fiction, révèle ses propres orientations, ses inflexions interprétatives, et nous renseigne, finalement, sur elle-même autant que sur son objet d'étude. Échappe-t-elle au « préjugé des mots » (Nietzsche) ou succombet-elle, sans le savoir, à la transparence illusoire (construite, historique) du discours social sur l'Afrique ? Cette recherche se veut un sain exercice d'auto-réflexion, elle nous permet de repenser les limites de l'interprétation de l'oeuvre d'Ahmadou Kourouma en actionnant une dialectique qui confronte directement le discours critique au discours romanesque. AVANT-PROPOS L'écriture d'un mémoire représente une vertigineuse plongée dans le monde des idées, du moins l'ai-je conçu et vécu comme tel. Plusieurs, dans cette aventure, m'ont assuré leur soutien et ont ainsi permis que je « bondisse de roche en roche », selon la belle image de Saint-Denys Garneau. Je voudrais ainsi exprimer ma gratitude envers mon directeur de recherche, Justin Bisanswa, à la fois pour la rigueur bienvenue de ses remarques scientifiques et pour l'incomparable disponibilité dont il fait bénéficier tous ses étudiants. La Chaire de recherche du Canada en Littératures africaines et Francophonie, qu'il dirige, permet une saine émulation entre jeunes chercheurs et ma réflexion s'est abondamment nourrie de ce milieu effervescent. Je salue, par ailleurs, le concours bienveillant des deux évaluateurs de ce mémoire, les professeurs Fernando Lambert et Kasereka Kavwahirehi, pour leurs commentaires judicieux et le temps qu'ils ont consacré à cette lecture. Merci aussi à Madame Christiane Kègle qui, depuis le baccalauréat, m'a encouragée à poursuivre jusqu'au doctorat. Mes remerciements les plus sincères s'adressent également à Kara, mon mari, pour mûrir avec moi mes projets d'étude et me faire quotidiennement profiter de son sens incroyable de la dialectique et de l'humour. Nous nous sommes musclés ensemble à l'école du vent adverse, et je garde un souvenir étincelant de nos persévérances. Je m'estime, en outre, infiniment redevable à mes parents, Lise et Robert, noyau dur de ma détermination. Une part des fruits que je récolte leur revient. Merci à Louise Boudreault pour son aide à la mise en page de ce document. Enfin, je remercie le CRSH et le FQRSC pour les bourses d'études qu'ils m'ont décernées et qui ont contribué de manière décisive à la réalisation de ce mémoire. Il Chevrier appelle « les romans de la contestation" » : Le vieux nègre et la médaille, et Une vie de boy, de Ferdinand Oyono, Le Pauvre Christ de Bomba, et Ville cruelle, de Mongo Béti, Les Bouts de bois de Dieu, et L'harmattan, de Sembène Ousmane. Sur le plan rhétorique, le roman de cette phase emprunte le réalisme balzacien et s'écrit sous la forme d'un conte. Le romancier lui-même est un créateur omniscient, tout puissant, et le roman est en « il ». La deuxième phase, du point de vue thématique, se situe à la période d'après les indépendances. Ce sont les « romans du désenchantement 12 », où les écrivains montrent les désillusions liées à cette période d'indépendance que la population croyait faste, édénique. Mais, un tournant se produit (vers 1966), sur le plan formel, avec Violent était le vent, de Charles Nokan, où l'on voit déjà le mélange des temps et des espaces. Cette modernité formelle va se renforcer avec Yambo Ouologem, dans Le devoir de violence, mais surtout avec Ahmadou Kourouma, dans Les soleils des indépendances. L'écriture de l'auteur, dans ses débuts, intervient donc de manière décisive dans cette deuxième phase du roman africain, puis évoluera par la suite jusque dans cette troisième phase du roman qu'est la période contemporaine. Les soleils des indépendances, premier roman de Kourouma, a d'abord été refusé par les maisons d'éditions parisiennes. Il a été édité à Montréal, en 1968, avant d'être repris par le Seuil, en 1970. Racontant la déchéance d'un prince devenu mendiant, le roman narre le désenchantement des indépendances et la corruption des nouveaux pouvoirs, dans ce que l'auteur appelle la « bâtardise » des soleils des indépendances. L'histoire évoque le démantèlement définitif des pouvoirs et des structures sociales traditionnelles africaines en décrivant un « monde renversé » dans lequel les honneurs et les moyens ont fait place à la honte et à la damnation. Écrit dans une langue française métissée, travaillée en profondeur par le malinké dont la présence détrône et démasque l'unicité illusoire de la langue française, Les soleils des indépendances concrétise une véritable rupture esthétique dans l'histoire des littératures négro-afrtcaines. Le milieu littéraire a, dès le départ, réagi en soulignant l'inusité de la langue, autant que l'audace du contenu, et il s'en est suivi un engouement