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Papers by François Dumont
Po&sie, 2016
Distribution électronique Cairn.info pour Belin. Distribution électronique Cairn.info pour Belin.... more Distribution électronique Cairn.info pour Belin. Distribution électronique Cairn.info pour Belin. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Article disponible en ligne à l'adresse Article disponible en ligne à l'adresse https://www.cairn.info/revue-poesie-2016-2-page-139.htm Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s'abonner... Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info. François Dumont La maison de nacre De la bibliothèque j'ai sorti les livres. Les avais-je lus ? Une dizaine de pages ici, une vingtaine ailleurs. Les volumes étaient là et le temps avec nous. L'auteur s'en est allé. Le mot disparition paraît fade mais il est plus juste que mort. Dire « il est mort », c'est parler au présent de ce qui ne relève plus du temps, établir un nouvel état de ce qui ne peut plus en connaître, en faire un prédicat du sujet qu'il abolit. Mieux vaudrait toujours dire « il meurt », et qu'ainsi se résorbe le sujet en l'événement qui le nie. Il n'en finit pas de disparaître comme on apparaît : venue de loin, dirait-on du néant, une femme avance et se présente dans le miroir de part et d'autre duquel l'amant qui le lui avait offert allume les flambeaux. L'ami doit être ici puisque son nom demeure, mais quand on le nomme il n'y est pas. Un nom reste auquel personne ne répond. Chaque fois qu'on le nomme il s'en va. On parle de lui, on l'aperçoit, on lui fait un signe de la main, il va venir, mais tout se fait à l'envers et au lieu de venir il s'en va. Disparaissant, un jour il aura disparu. Pas tout de suite, pas si vite, non sans retour... Mort et enterré avant l'heure, mon père avait tout de suite disparu, le revoici qui s'en va. L'autre jour pour la première fois depuis des années je me suis tourné vers lui, il est venu s'inscrire un instant dans le miroir de la nuit, s'avancer à peine avant de repartir dans l'autre sens en emportant le souvenir de la question que je voulais lui poser. Un ami n'est plus. Serait-ce cela qui m'empêche de finir mes pages ? Elles sont destinées aux proches ou à ceux qui le deviennent. À quoi bon poursuivre quand l'un d'eux me rappelle que nous allons vite nous dérober ? Et puis, les temps font envisager de plus vastes disparitions.
Po&sie, 2016
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