Ludivine Egounleti - Academia.edu (original) (raw)
Papers by Ludivine Egounleti
Éducation et socialisation, 2016
Bienvenue au département des étrangers Au nordest de Paris, se trouve un département francilien ... more Bienvenue au département des étrangers Au nordest de Paris, se trouve un département francilien nommé "SeineStDenis". Sa préfecture se situe à Bobigny, à trois kilomètres des portes de Paris : il s'agit du département de France comptant le plus d'étrangers sur son territoire. En arrivant à la préfecture de Bobigny, le bâtiment pyramidal décoré d'un drapeau tricolore surplombe une large place : l'esplanade Jean Moulin. À l'intérieur du bâtiment, un grand hall, des plafonds très hauts, et une pièce lumineuse… Mais ce n'est pas dans cet espace luxueux et aéré que sont accueillis les étrangers de SeineStDenis. Sur la gauche de l'esplanade, une longue ligne droite protégée par un abri et délimitée par des bancs, murs, et barrières amovibles, mène à un autre bâtiment : le bâtiment René Cassin, "département des étrangers". L'étranger désigne actuellement, celui qui, né sur le territoire français ou un autre territoire, réside en France mais ne possède pas la nationalité française. C'est donc dans cette longue ligne droite que se retrouvent quotidiennement quelques centaines de personnes relevant de ce statut, entre 20 heures et 10 heures le lendemain matin. Les premiers arrivés sont généralement les vendeurs de places, des étrangers qui font la queue toute la nuit à la place de certains usagers. Ils la leur vendent le lendemain matin, à un prix variable en fonction de la place occupée, du numéro de la file, du temps d'attente, et de la négociation avec le client. La vente de places Elle est partie intégrante de cette minisociété, et constitue un des éléments principaux de la régulation nocturne de la file. Les vendeurs de place sont également des étrangers, sanspapiers, et donc sans travail légal. "En attendant de trouver un'vrai' travail, on vend des places. C'est la seule chose que nous puissions faire en ayant simplement une carte de séjour italienne. Je ne peux pas travailler normalement", témoigne un vendeur. "Je ne veux pas voler, ou faire des choses mal pour gagner de l'argent. Vendre des places, ce n'est pas mal", continuetil. Ils ont commencé à vendre des places après avoir euxmêmes fait la queue, et/ou été introduits par un autre vendeur de place. Pour passer le temps, ils essaient de trouver des matériaux pour se couvrir, allumer un feu lorsqu'il fait froid ; discutent avec les usagers, avec lesquels ils partagent parfois de la nourriture, de quoi dormir. Le matin, lorsque les portes ouvrent, et que des conflits éclatent, ils vont, d'usagers en usagers, pour tenter de dissiper les conflits, ou parfois donner des renseignements aux égarés. Un petit nombre d'entre eux vit dans un squat, près de la préfecture, "en attendant de trouver un travail, parce qu'en Tunisie, il y a du travail mais ça ne paie pas. Làbas, 10 dinars font 5 euros. On travaille toute une journée pour gagner 5 euros… Qu'estce qu'on peut faire avec ça ?" s'interroge un des vendeurs. La vente de place constitue donc pour eux un travail, complétant souvent d'autres travaux au noir. Quant à la difficulté de la tâche, "C'est dur. Il fait froid donc ça n'est pas facile et les gens n'achètent pas toujours les places, mais ils nous respectent, même s'ils nous disent que ce n'est pas bien !" raconte Walid, un jeune vendeur de places. Il ajoute, concernant la préfecture et la file d'attente "Ils nous demandent un contrat de travail, un contrat de mariage, des documents pour le logement, tout ça… C'est impossible ! Tant qu'on ne trouve pas de travail on ne peut rien faire !". Le personnel de la préfecture et les étrangers La préfecture et la police sont au courant de l'activité de ces vendeurs. Ils ne l'approuvent pas, mais ces derniers continuent d'exercer. Pour cause, durant la nuit, leur rôle "d'accueil" et d'attribution des premières places se substitue à celui des employés de la préfecture. Le personnel du département des étrangers est composé d'employés de guichets, de cadres de l'administration, de policiers et/ou d'agents de sécurité. Les agents de sécurité, sont employés par l'intermédiaire d'une société privée et mis au service de la préfecture pour maintenir l'ordre de la file d'attente aux heures d'ouverture. Quand les policiers ne sont pas là pour effectuer ce travail. La plupart des agents de sécurité sont issus de l'immigration, et perçus comme tels par les usagers en raison de leur accent ou couleur de peau ; ce qui les pousse à justifier leur comportement auprès des usagers par l'obligation de "devoir faire leur travail". Alors que les agents de sécurité "ne font que suivre les règles" pour maintenir l'ordre, les policiers utilisent cris ou attitudes méprisantes, quand l'intimidation par le costume, le statut, et les armes ne convainquent pas les étrangers. En période d'affluence, soit à la préfecture, quotidiennement, certains cadres de l'administration assistent les policiers et/ou agents de sécurité. Il arrive que ceuxci s'adressent aux étrangers sur un ton infantilisant lorsqu'ils ne comprennent peu ou pas le français ; le tout dans une
s Français English Cet article a pour objet de questionner la méthodologie utilisée par les ensei... more s Français English Cet article a pour objet de questionner la méthodologie utilisée par les enseignants en formation en master d'enseignement premier degré et enseignement maternel à l'Université des Açores, pour évaluer le développement de compétences scientifiques chez les enfants en cycle primaire et préscolaire. Le « registre ethnographique » nommé ainsi par les étudiants et professeurs impliqués dans cette recherche, sera analysé en tant qu'outil scientifique permettant de lire des indices de développement de compétences scientifiques. L'utilisation des guillemets dans le titre et dans le texte fait référence aux différentes utilisations du terme ethnographie. Il s'agira donc de mettre en perspective, tant l'utilisation faite par les étudiants de ce qu'ils appellent le « registre ethnographique », que la méthodologie ethnographique même en tant qu'outil scientifique d'analyse des comportements des enfants. The aim of this article is to question the methodology used by the first grade and preschool's teachers, training for the master degree in First grade and preschool teaching
Ce mémoire de master 2 est issu de mon travail de terrain entre octobre 2011 et mars 2012, Je le ... more Ce mémoire de master 2 est issu de mon travail de terrain entre octobre 2011 et mars 2012, Je le dois à tous les étrangers de la préfecture de Bobigny, et particulièrement ceux avec qui j'ai partagé quelques moments d'attente, Je remercie Monica Heintz, ma directrice de recherche, Je remercie également Stefan Lecourant, mon tuteur, pour ses conseils Enfin, je remercie Albert Piette. Pour finir, je dédie ce travail, non seulement aux étrangers, mais également à ma famille et mes amis qui m'ont apporté leur soutien durant ces deux années. « Un peu plus loin, au niveau des portes du bâtiment, cinq policiers approchent, il est l'heure de l'ouverture. Je me faufile devant, suivant d'autres personnes se dirigeant vers les portes, sous les regards des personnes derrière les barrières des files d'attente. Trois policiers se placent devant les portes 2 et 3, un attroupement se forme alors autour d'eux, d'où des personnes brandissent papiers divers, justificatifs médicaux, enfants, en réclamant leur droit de passage en priorité. Après plusieurs haussements de voix, et après avoir repoussé quelques personnes, les policiers commencent les vérifications de documents. Entre temps arrivent également deux employées de la préfecture, prenant le relais pour les vérifications de documents. Le deuxième usager qui se présente parle peu français, et souhaite passer en priorité à cause de sa femme, qui elle est restée au bout de la file d'attente. Un des policiers lui crie : « MONSIEUR ! Bon je vais pas m'énerver déjà… VOUS COMPRENEZ PAS ! JE-VOUS-AI-DIS-D'ALLER-CHERCHER-VOTRE-FEMME ! ». Au même moment, des éclats de voix se font entendre plus loin dans la file d'attente. Un autre des policiers se dirige vers la dispute, échange quelques mots avec les personnes en question, puis revient. Son collègue lui demande : « Qu'est ce qu'il se passe là-bas ? » « Oh rien, des gens qui se battent pour une fille ».
Éducation et socialisation, 2016
Bienvenue au département des étrangers Au nordest de Paris, se trouve un département francilien ... more Bienvenue au département des étrangers Au nordest de Paris, se trouve un département francilien nommé "SeineStDenis". Sa préfecture se situe à Bobigny, à trois kilomètres des portes de Paris : il s'agit du département de France comptant le plus d'étrangers sur son territoire. En arrivant à la préfecture de Bobigny, le bâtiment pyramidal décoré d'un drapeau tricolore surplombe une large place : l'esplanade Jean Moulin. À l'intérieur du bâtiment, un grand hall, des plafonds très hauts, et une pièce lumineuse… Mais ce n'est pas dans cet espace luxueux et aéré que sont accueillis les étrangers de SeineStDenis. Sur la gauche de l'esplanade, une longue ligne droite protégée par un abri et délimitée par des bancs, murs, et barrières amovibles, mène à un autre bâtiment : le bâtiment René Cassin, "département des étrangers". L'étranger désigne actuellement, celui qui, né sur le territoire français ou un autre territoire, réside en France mais ne possède pas la nationalité française. C'est donc dans cette longue ligne droite que se retrouvent quotidiennement quelques centaines de personnes relevant de ce statut, entre 20 heures et 10 heures le lendemain matin. Les premiers arrivés sont généralement les vendeurs de places, des étrangers qui font la queue toute la nuit à la place de certains usagers. Ils la leur vendent le lendemain matin, à un prix variable en fonction de la place occupée, du numéro de la file, du temps d'attente, et de la négociation avec le client. La vente de places Elle est partie intégrante de cette minisociété, et constitue un des éléments principaux de la régulation nocturne de la file. Les vendeurs de place sont également des étrangers, sanspapiers, et donc sans travail légal. "En attendant de trouver un'vrai' travail, on vend des places. C'est la seule chose que nous puissions faire en ayant simplement une carte de séjour italienne. Je ne peux pas travailler normalement", témoigne un vendeur. "Je ne veux pas voler, ou faire des choses mal pour gagner de l'argent. Vendre des places, ce n'est pas mal", continuetil. Ils ont commencé à vendre des places après avoir euxmêmes fait la queue, et/ou été introduits par un autre vendeur de place. Pour passer le temps, ils essaient de trouver des matériaux pour se couvrir, allumer un feu lorsqu'il fait froid ; discutent avec les usagers, avec lesquels ils partagent parfois de la nourriture, de quoi dormir. Le matin, lorsque les portes ouvrent, et que des conflits éclatent, ils vont, d'usagers en usagers, pour tenter de dissiper les conflits, ou parfois donner des renseignements aux égarés. Un petit nombre d'entre eux vit dans un squat, près de la préfecture, "en attendant de trouver un travail, parce qu'en Tunisie, il y a du travail mais ça ne paie pas. Làbas, 10 dinars font 5 euros. On travaille toute une journée pour gagner 5 euros… Qu'estce qu'on peut faire avec ça ?" s'interroge un des vendeurs. La vente de place constitue donc pour eux un travail, complétant souvent d'autres travaux au noir. Quant à la difficulté de la tâche, "C'est dur. Il fait froid donc ça n'est pas facile et les gens n'achètent pas toujours les places, mais ils nous respectent, même s'ils nous disent que ce n'est pas bien !" raconte Walid, un jeune vendeur de places. Il ajoute, concernant la préfecture et la file d'attente "Ils nous demandent un contrat de travail, un contrat de mariage, des documents pour le logement, tout ça… C'est impossible ! Tant qu'on ne trouve pas de travail on ne peut rien faire !". Le personnel de la préfecture et les étrangers La préfecture et la police sont au courant de l'activité de ces vendeurs. Ils ne l'approuvent pas, mais ces derniers continuent d'exercer. Pour cause, durant la nuit, leur rôle "d'accueil" et d'attribution des premières places se substitue à celui des employés de la préfecture. Le personnel du département des étrangers est composé d'employés de guichets, de cadres de l'administration, de policiers et/ou d'agents de sécurité. Les agents de sécurité, sont employés par l'intermédiaire d'une société privée et mis au service de la préfecture pour maintenir l'ordre de la file d'attente aux heures d'ouverture. Quand les policiers ne sont pas là pour effectuer ce travail. La plupart des agents de sécurité sont issus de l'immigration, et perçus comme tels par les usagers en raison de leur accent ou couleur de peau ; ce qui les pousse à justifier leur comportement auprès des usagers par l'obligation de "devoir faire leur travail". Alors que les agents de sécurité "ne font que suivre les règles" pour maintenir l'ordre, les policiers utilisent cris ou attitudes méprisantes, quand l'intimidation par le costume, le statut, et les armes ne convainquent pas les étrangers. En période d'affluence, soit à la préfecture, quotidiennement, certains cadres de l'administration assistent les policiers et/ou agents de sécurité. Il arrive que ceuxci s'adressent aux étrangers sur un ton infantilisant lorsqu'ils ne comprennent peu ou pas le français ; le tout dans une
s Français English Cet article a pour objet de questionner la méthodologie utilisée par les ensei... more s Français English Cet article a pour objet de questionner la méthodologie utilisée par les enseignants en formation en master d'enseignement premier degré et enseignement maternel à l'Université des Açores, pour évaluer le développement de compétences scientifiques chez les enfants en cycle primaire et préscolaire. Le « registre ethnographique » nommé ainsi par les étudiants et professeurs impliqués dans cette recherche, sera analysé en tant qu'outil scientifique permettant de lire des indices de développement de compétences scientifiques. L'utilisation des guillemets dans le titre et dans le texte fait référence aux différentes utilisations du terme ethnographie. Il s'agira donc de mettre en perspective, tant l'utilisation faite par les étudiants de ce qu'ils appellent le « registre ethnographique », que la méthodologie ethnographique même en tant qu'outil scientifique d'analyse des comportements des enfants. The aim of this article is to question the methodology used by the first grade and preschool's teachers, training for the master degree in First grade and preschool teaching
Ce mémoire de master 2 est issu de mon travail de terrain entre octobre 2011 et mars 2012, Je le ... more Ce mémoire de master 2 est issu de mon travail de terrain entre octobre 2011 et mars 2012, Je le dois à tous les étrangers de la préfecture de Bobigny, et particulièrement ceux avec qui j'ai partagé quelques moments d'attente, Je remercie Monica Heintz, ma directrice de recherche, Je remercie également Stefan Lecourant, mon tuteur, pour ses conseils Enfin, je remercie Albert Piette. Pour finir, je dédie ce travail, non seulement aux étrangers, mais également à ma famille et mes amis qui m'ont apporté leur soutien durant ces deux années. « Un peu plus loin, au niveau des portes du bâtiment, cinq policiers approchent, il est l'heure de l'ouverture. Je me faufile devant, suivant d'autres personnes se dirigeant vers les portes, sous les regards des personnes derrière les barrières des files d'attente. Trois policiers se placent devant les portes 2 et 3, un attroupement se forme alors autour d'eux, d'où des personnes brandissent papiers divers, justificatifs médicaux, enfants, en réclamant leur droit de passage en priorité. Après plusieurs haussements de voix, et après avoir repoussé quelques personnes, les policiers commencent les vérifications de documents. Entre temps arrivent également deux employées de la préfecture, prenant le relais pour les vérifications de documents. Le deuxième usager qui se présente parle peu français, et souhaite passer en priorité à cause de sa femme, qui elle est restée au bout de la file d'attente. Un des policiers lui crie : « MONSIEUR ! Bon je vais pas m'énerver déjà… VOUS COMPRENEZ PAS ! JE-VOUS-AI-DIS-D'ALLER-CHERCHER-VOTRE-FEMME ! ». Au même moment, des éclats de voix se font entendre plus loin dans la file d'attente. Un autre des policiers se dirige vers la dispute, échange quelques mots avec les personnes en question, puis revient. Son collègue lui demande : « Qu'est ce qu'il se passe là-bas ? » « Oh rien, des gens qui se battent pour une fille ».