Michele Finck - Academia.edu (original) (raw)
Papers by Michele Finck
Tsafon, Jun 1, 2023
Vigée est placée sous le signe d'une tension féconde entre deux vocables qui sont les centres gén... more Vigée est placée sous le signe d'une tension féconde entre deux vocables qui sont les centres générateurs de cette poésie : « séparation » et « réparation ». Je propose d'appeler l'oeuvre de Claude Vigée une oeuvre-vie car tous les grands mouvements qui structurent la vie structurent aussi l'oeuvre. Ainsi l'expérience de la « séparation » et celle de la « réparation » sont-elles des clés de voûte et de la vie et de l'oeuvre. Il y a chez Claude Vigée une perception très aiguë de l'existence comme épreuve de la « séparation » et de la modernité poétique comme moment de crise qui « sépare » le mot, le moi et le monde. Mais il y a aussi chez Claude Vigée, au tréfonds de la vie et de l'oeuvre, une espérance (au sens religieux de ce terme) d'un dépassement de la « séparation ». Il y va de la recherche d'une guérison de la conscience de la « séparation » par la quête d'une « réparation », capable d'unir à nouveau l'être, l'autre, le langage et le monde. Écoutons comment « séparation » et « réparation » s'a rontent et se heurtent, dans la vie comme dans l'oeuvre, et éclairent le vers, en mémoire de Hölderlin, qui scande par deux fois Délivrance du sou e : « À quoi bon un poète en temps de pénurie ? ». La ré exion autour de la
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Mar 5, 2018
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2008
Vigée vient à la poésie par la décision d'une double paternité spirituelle, biblique et musicale ... more Vigée vient à la poésie par la décision d'une double paternité spirituelle, biblique et musicale : celle de Jacob et celle de Mozart. Le choix d'une paternité littéraire (Goethe, Rilke) est postérieur. Par Jacob, Vigée se destine à la "lutte", par Mozart il a la révélation de la grâce. La "lutte" "s'apprend", comme la "nuit" (Apprendre la nuit). La grâce "tombe du ciel" : « Autrefois. Une nuit / en Alsace, à quinze ans : / solitude et détresse. / Avec Bruno Walter / soudain tombant du ciel /-c'était, je m'en souviens, sur les petites ondes / de Paris Tour Eiffel-/ dans un haut flamboiement d'anges, l'épiphanie / dans la fugue de la Jupiter-Sinfonie » (Délivrance du souffle) ». Si l'oeuvre poétique de Vigée est bâtie sur un jeu de contrepoint entre la "lutte" et la grâce, entre Jacob et Mozart, un poème majeur, centre de gravité de ce livre-destin, le long poème "Noyau pulsant" de Délivrance du souffle, confronte les deux figures sous le signe d'une même métaphore du "feu" créateur 1. Le mot "lutte" est le mot liminaire de l'oeuvre de Vigée : le premier mot du titre du premier recueil de l'oeuvre poétique complète : La lutte avec l'ange 2. Sur ce point, Claude Vigée est proche des poètes français de l'après-guerre, en particulier d'Yves Bonnefoy qui place aussi la "lutte" dans le premier poème de son premier grand livre, Du mouvement et de l'immobilité de Douve 3. Mais chez Yves Bonnefoy, le modèle de la "lutte" est héraclitéen, chez Claude Vigée il est biblique : Jacob. Surtout, chez Yves Bonnefoy la "lutte" est ontologique et métaphysique, alors que chez Claude Vigée elle est aussi historique : « Le poème est l'arche ouverte aux carrefours de l'histoire » (La Corne du grand pardon). La force de la poésie de Vigée est à la mesure de la violence avec laquelle elle rencontre l'histoire et en témoigne. Si le mot "lutte" est initial, il est aussi l'un des derniers mots des tout derniers poèmes de l'oeuvre poétique, écrit en 2007 après la mort d'Evy, la femme aimée : « Mais demain je devrai lutter sans défaillir / contre les mites voraces, aux fines ailes soyeuses, / qui mangent nuit et jour, tout au fond de l'armoire, / la douce laine de la mémoire » (« L'armoire
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2018
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1993
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1992
Marina Tsvetaeva et l'Europe, 2021
Aussi brève qu’intense, la Correspondance à trois n’a duré que le temps de l’été 1926. Entre Mosc... more Aussi brève qu’intense, la Correspondance à trois n’a duré que le temps de l’été 1926. Entre Moscou (où se trouve Pasternak), Saint-Gilles-sur-Vie en Vendée (où séjourne Tsvetaeva) et la Suisse (où réside Rilke) il y va de la mise au monde d’un accord totalement neuf entre la vie et la pensée de la poésie, sous le signe d’une indissociabilité des liens humains et littéraires. Voici les hypothèses risquées ici qui engagent le sens même de la poésie : la Correspondance à trois cherche d’abord à « réinventer l’amour » au sens que Rimbaud donne à cette formule dans Une saison en enfer (première partie). Mais en raison de fascinations, d’ambivalences et d’impasses, la Correspondance à trois se révèle être davantage le livre du deuil de l’amour (deuxième partie). Surtout, ce que « réinvente » la Correspondance à trois c’est finalement moins l’amour que la poésie et à ce titre la Correspondance à trois peut se lire avant tout comme la proposition d’un art poétique qui innerve en profondeur...
La parution de l'œuvre de Philippe Jaccottet en Pleiade permet de mesurer la dimension de l&#... more La parution de l'œuvre de Philippe Jaccottet en Pleiade permet de mesurer la dimension de l'alterite dans une poesie dont l'un des traits distinctifs est d'etre fondamentalement dialogique. S'il n'y a pas d'experience poetique sans une tension entre un principe de solitude et un principe d'alterite, l'œuvre de Jaccottet est de celles qui assument cette tension tout en orientant le plus possible la parole vers l'exigence de l'alterite dont Mandelstam a donne la formule : « Pas de lyrisme sans dialogue ». Pour Jaccottet, comme pour plusieurs poetes de sa generation, la poesie est par sortie de soi, par ouverture a l'autre - ou n'est pas. Ecrire poetiquement, c'est repondre a l'autre et de l'autre ; il y va de la responsabilite du poete, qui engage aussi la responsabilite du lecteur. (editeur)
À l’origine de la poésie d’Alain Suied il y a un « secret » : « Nous habitons ce qui est / sans c... more À l’origine de la poésie d’Alain Suied il y a un « secret » : « Nous habitons ce qui est / sans connaître / le secret enraciné dans la chair / de la nuit universelle » (FML, p. 31). Aussi la fonction du poète est-elle avant tout celle d’un « déchiffrement» (« Je voudrais toujours déchiffrer / la langue de l’âme humaine » FML, p. 9). Être poète, c’est se donner la tâche de ce que Face au mur de la Loi nomme le « patient décryptage du sensible » (FML, p. 44), attaché à découvrir le sens de ce q..
Littératures, 2019
La dette de l'oeuvre de Vénus Khoury-Ghata aux ténèbres par Michèle Finck Pas de grande oeuvre sa... more La dette de l'oeuvre de Vénus Khoury-Ghata aux ténèbres par Michèle Finck Pas de grande oeuvre sans dette aux ténèbres. La dette de l'oeuvre de Vénus Khoury-Gatha aux ténèbres est considérable. Cette dette s'enracine dans l'enfance libanaise de la poète de langue française, comme le suggère aussitôt l'admirable roman d'inspiration autobiographique Une maison au bord des larmes : « Plongées brutales dans les ténèbres, descentes quotidiennes en enfer » 1. Cette dette est la nervure centrale tant de la prose (au premier plan Une maison au bord des larmes, livre fondateur daté de 1998, et La Maison aux orties, 2006 2) que de la poésie : en particulier dans Orties, première section de Quelle est la nuit parmi les nuits (2004), mais aussi dans Les Obscurcis (2008), Où vont les arbres ? (2011), et Le Livre des suppliques (2015). La réunion de « poèmes choisis », extraits de ces quatre livres de poésie, grâce à la publication des Mots étaient des loups 3 (2016), permet de prendre la mesure de l'oeuvre poétique. Impossible pour qui étudie ces livres, de séparer la prose de la poésie : elles sont l'envers et l'endroit d'un même acte créateur dont ce corpus central, volontairement restreint à quelques livres essentiels, permet de rendre compte exemplairement. L'expérience des ténèbres dans l'oeuvre s'articule autour de deux pôles indissociables l'un de l'autre : le silence et le cri. La titrologie suggère déjà la primauté de ces deux centres axiaux : Au sud du silence 4 et Les Ombres et leurs cris 5. Pour approfondir la dette de l'oeuvre aux ténèbres, il faut prendre acte de la logique pendulaire du silence et du cri qui est, de livres en livres, l'une des matrices de l'écriture. Cette oscillation, qui livre l'oeuvre aux ténèbres, désigne aussi la force de nécessité de la vocation poétique : l'écriture s'impose à Vénus Khoury-Ghata comme la seule issue aux ténèbres de l'enfance libanaise.
Type de publication: Collectif Directeurs d'ouvrage: Collonges (Julien), Victoroff (Tatiana) Résu... more Type de publication: Collectif Directeurs d'ouvrage: Collonges (Julien), Victoroff (Tatiana) Résumé: À partir des figures de Charles Péguy, Ernst Stadler et Wilfred Owen, l'ouvrage explore les relations complexes et ambiguës entre poésie et guerre, tout en donnant la parole aux poètes eux-mêmes à travers des traductions inédites des poètes de la Grande Guerre et les vers de poètes d'aujourd'hui. Nombre de pages: 510
^7 'il y a, dans l'œuvre de Bonnefoy, un accord immediat et natif avec les arts visuels, ... more ^7 'il y a, dans l'œuvre de Bonnefoy, un accord immediat et natif avec les arts visuels, <~y Taccord avec la musique est plus lentement muri, a la mesure d'une conscience auditive qui s'est conquise peu a peu. Les rapports de Bonnefoy avec la musique se placent sous le signe d'un passage progressif du modele de Mahler (mis en relief dans le poeme « A la voix de Kathleen Ferner » de Hier regnant desert commemorant « L'adieu » du Chant de la terre) au modele de Mozart (qui s'impose de plus en plus a partir de Pierre ecrite). L'origine de l'adhesion de Bonnefoy a Mahler est une double reflexion sur le temps et sur l'au-dela de la forme. Un des enjeux de Hier regnant desert est en effet d'arracher la poesie au temps abstrait, spasmodique, insoumis a la dimension de duree du recueil Douve. Or en musique, celui qui a mene le combat contre le divorce entre le temps musical et le temps de l'existence (qui est le combat meme de Bonnefoy dans Hier regnant desert) c'est Mahler : « [L]a symphonie dramatique classique », ecrit Adorno, « raccourcit le temps par la spiritualisation, comme si elle avait interiorise et erige en loi esthetique le desir de tuer le temps. La symphonie epique de Mahler, elle, savoure le temps, s'abandonne a lui ; elle cherche a concretiser le temps mesurable de la physique en duree vivante. Elle voit dans la duree meme l'image du sens » (1978 : 1 12). La seconde origine du choix du modele mahlerien est une conception commune de la beaute et de la forme. L'esthetique de Mahler dans « L'adieu » du Chant de la terre et celle de Bonnefoy dans Hier regnant desert reposent sur le meme brisement de la perfection formelle. Si Mahler n'a de cesse qu'il ne « troue le bel edifice de la forme » (Adorno 1982 : 98-99), Bonnefoy definit, pour sa part, la poesie comme un combat de la forme et du non-formel. En choisissant de rendre hommage a « L'adieu » du Chant de la terre, le poete elit justement l'une des œuvres du compositeur ou la contestation de la forme est la plus exigeante : « [N]ulle part peut-etre la musique de Mahler ne pousse plus loin sa propre dissociation », ecrit Adorno. « Plus d'une fois la musique se lasse d'elle-meme et laisse apparaitre des beances » (Adorno 1978 :124). Si le modele mahlerien a l'ascendant a l'epoque de Hier regnant desert, Bonnefoy lui substitue peu a peu le modele mozartien. Trois etapes scandent cette progressive substitution. La premiere etape est marquee par l'avenement d'un air du Don Giovanni de Mozart dans un poeme de Pierre ecrite : « Andiam, compagne belle, etoiles, astres, demeures » (Bonnefoy 1982b : 238). On croit voir s'envoler dans ce poeme stellaire, a la faveur de l'experience de l'ecoute mozartienne, « l'alcyon » nietzscheen, cet oiseau marin fabuleux, dont la rencontre est un presage de calme et de paix : « Tout ce que nous autres les alcyoniens, cherchons en vain chez Wagner : la gaya scienza ! Les pieds ailes, l'esprit, la flamme [...] la danse des etoiles », ecrit Nietzsche (62). La deuxieme etape est la lecture proposee par Bonnefoy, dans La verite de parole, des Grands moments d'un chanteur de Des Forets dont le vecteur est le Don Giovanni de Mozart. La troisieme etape est le texte de Bonnefoy consacre a Mozart, « Mozart en son point du monde », prononce lors du colloque « Mozart et l'Europe » (Strasbourg, 1991) et repris en 1995 dans Dessin, couleur et lumiere : c'est cette troisieme etape, susceptible d'eclairer ces dix dernieres annees de la creation poetique de Bonnefoy interrogees dans ce colloque, qui sera au centre de mon questionnement. Encore faut-il, au prealable, situer l'interpretation de Mozart par Bonnefoy dans le champ de l'ecoute de ce compositeur proposee par la poesie francaise du vingtieme
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1993
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Apr 1, 2019
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2013
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Apr 1, 2007
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Oct 1, 2009
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1998
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Jun 1, 2003
Tsafon, Jun 1, 2023
Vigée est placée sous le signe d'une tension féconde entre deux vocables qui sont les centres gén... more Vigée est placée sous le signe d'une tension féconde entre deux vocables qui sont les centres générateurs de cette poésie : « séparation » et « réparation ». Je propose d'appeler l'oeuvre de Claude Vigée une oeuvre-vie car tous les grands mouvements qui structurent la vie structurent aussi l'oeuvre. Ainsi l'expérience de la « séparation » et celle de la « réparation » sont-elles des clés de voûte et de la vie et de l'oeuvre. Il y a chez Claude Vigée une perception très aiguë de l'existence comme épreuve de la « séparation » et de la modernité poétique comme moment de crise qui « sépare » le mot, le moi et le monde. Mais il y a aussi chez Claude Vigée, au tréfonds de la vie et de l'oeuvre, une espérance (au sens religieux de ce terme) d'un dépassement de la « séparation ». Il y va de la recherche d'une guérison de la conscience de la « séparation » par la quête d'une « réparation », capable d'unir à nouveau l'être, l'autre, le langage et le monde. Écoutons comment « séparation » et « réparation » s'a rontent et se heurtent, dans la vie comme dans l'oeuvre, et éclairent le vers, en mémoire de Hölderlin, qui scande par deux fois Délivrance du sou e : « À quoi bon un poète en temps de pénurie ? ». La ré exion autour de la
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Mar 5, 2018
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2008
Vigée vient à la poésie par la décision d'une double paternité spirituelle, biblique et musicale ... more Vigée vient à la poésie par la décision d'une double paternité spirituelle, biblique et musicale : celle de Jacob et celle de Mozart. Le choix d'une paternité littéraire (Goethe, Rilke) est postérieur. Par Jacob, Vigée se destine à la "lutte", par Mozart il a la révélation de la grâce. La "lutte" "s'apprend", comme la "nuit" (Apprendre la nuit). La grâce "tombe du ciel" : « Autrefois. Une nuit / en Alsace, à quinze ans : / solitude et détresse. / Avec Bruno Walter / soudain tombant du ciel /-c'était, je m'en souviens, sur les petites ondes / de Paris Tour Eiffel-/ dans un haut flamboiement d'anges, l'épiphanie / dans la fugue de la Jupiter-Sinfonie » (Délivrance du souffle) ». Si l'oeuvre poétique de Vigée est bâtie sur un jeu de contrepoint entre la "lutte" et la grâce, entre Jacob et Mozart, un poème majeur, centre de gravité de ce livre-destin, le long poème "Noyau pulsant" de Délivrance du souffle, confronte les deux figures sous le signe d'une même métaphore du "feu" créateur 1. Le mot "lutte" est le mot liminaire de l'oeuvre de Vigée : le premier mot du titre du premier recueil de l'oeuvre poétique complète : La lutte avec l'ange 2. Sur ce point, Claude Vigée est proche des poètes français de l'après-guerre, en particulier d'Yves Bonnefoy qui place aussi la "lutte" dans le premier poème de son premier grand livre, Du mouvement et de l'immobilité de Douve 3. Mais chez Yves Bonnefoy, le modèle de la "lutte" est héraclitéen, chez Claude Vigée il est biblique : Jacob. Surtout, chez Yves Bonnefoy la "lutte" est ontologique et métaphysique, alors que chez Claude Vigée elle est aussi historique : « Le poème est l'arche ouverte aux carrefours de l'histoire » (La Corne du grand pardon). La force de la poésie de Vigée est à la mesure de la violence avec laquelle elle rencontre l'histoire et en témoigne. Si le mot "lutte" est initial, il est aussi l'un des derniers mots des tout derniers poèmes de l'oeuvre poétique, écrit en 2007 après la mort d'Evy, la femme aimée : « Mais demain je devrai lutter sans défaillir / contre les mites voraces, aux fines ailes soyeuses, / qui mangent nuit et jour, tout au fond de l'armoire, / la douce laine de la mémoire » (« L'armoire
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2018
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1993
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1992
Marina Tsvetaeva et l'Europe, 2021
Aussi brève qu’intense, la Correspondance à trois n’a duré que le temps de l’été 1926. Entre Mosc... more Aussi brève qu’intense, la Correspondance à trois n’a duré que le temps de l’été 1926. Entre Moscou (où se trouve Pasternak), Saint-Gilles-sur-Vie en Vendée (où séjourne Tsvetaeva) et la Suisse (où réside Rilke) il y va de la mise au monde d’un accord totalement neuf entre la vie et la pensée de la poésie, sous le signe d’une indissociabilité des liens humains et littéraires. Voici les hypothèses risquées ici qui engagent le sens même de la poésie : la Correspondance à trois cherche d’abord à « réinventer l’amour » au sens que Rimbaud donne à cette formule dans Une saison en enfer (première partie). Mais en raison de fascinations, d’ambivalences et d’impasses, la Correspondance à trois se révèle être davantage le livre du deuil de l’amour (deuxième partie). Surtout, ce que « réinvente » la Correspondance à trois c’est finalement moins l’amour que la poésie et à ce titre la Correspondance à trois peut se lire avant tout comme la proposition d’un art poétique qui innerve en profondeur...
La parution de l'œuvre de Philippe Jaccottet en Pleiade permet de mesurer la dimension de l&#... more La parution de l'œuvre de Philippe Jaccottet en Pleiade permet de mesurer la dimension de l'alterite dans une poesie dont l'un des traits distinctifs est d'etre fondamentalement dialogique. S'il n'y a pas d'experience poetique sans une tension entre un principe de solitude et un principe d'alterite, l'œuvre de Jaccottet est de celles qui assument cette tension tout en orientant le plus possible la parole vers l'exigence de l'alterite dont Mandelstam a donne la formule : « Pas de lyrisme sans dialogue ». Pour Jaccottet, comme pour plusieurs poetes de sa generation, la poesie est par sortie de soi, par ouverture a l'autre - ou n'est pas. Ecrire poetiquement, c'est repondre a l'autre et de l'autre ; il y va de la responsabilite du poete, qui engage aussi la responsabilite du lecteur. (editeur)
À l’origine de la poésie d’Alain Suied il y a un « secret » : « Nous habitons ce qui est / sans c... more À l’origine de la poésie d’Alain Suied il y a un « secret » : « Nous habitons ce qui est / sans connaître / le secret enraciné dans la chair / de la nuit universelle » (FML, p. 31). Aussi la fonction du poète est-elle avant tout celle d’un « déchiffrement» (« Je voudrais toujours déchiffrer / la langue de l’âme humaine » FML, p. 9). Être poète, c’est se donner la tâche de ce que Face au mur de la Loi nomme le « patient décryptage du sensible » (FML, p. 44), attaché à découvrir le sens de ce q..
Littératures, 2019
La dette de l'oeuvre de Vénus Khoury-Ghata aux ténèbres par Michèle Finck Pas de grande oeuvre sa... more La dette de l'oeuvre de Vénus Khoury-Ghata aux ténèbres par Michèle Finck Pas de grande oeuvre sans dette aux ténèbres. La dette de l'oeuvre de Vénus Khoury-Gatha aux ténèbres est considérable. Cette dette s'enracine dans l'enfance libanaise de la poète de langue française, comme le suggère aussitôt l'admirable roman d'inspiration autobiographique Une maison au bord des larmes : « Plongées brutales dans les ténèbres, descentes quotidiennes en enfer » 1. Cette dette est la nervure centrale tant de la prose (au premier plan Une maison au bord des larmes, livre fondateur daté de 1998, et La Maison aux orties, 2006 2) que de la poésie : en particulier dans Orties, première section de Quelle est la nuit parmi les nuits (2004), mais aussi dans Les Obscurcis (2008), Où vont les arbres ? (2011), et Le Livre des suppliques (2015). La réunion de « poèmes choisis », extraits de ces quatre livres de poésie, grâce à la publication des Mots étaient des loups 3 (2016), permet de prendre la mesure de l'oeuvre poétique. Impossible pour qui étudie ces livres, de séparer la prose de la poésie : elles sont l'envers et l'endroit d'un même acte créateur dont ce corpus central, volontairement restreint à quelques livres essentiels, permet de rendre compte exemplairement. L'expérience des ténèbres dans l'oeuvre s'articule autour de deux pôles indissociables l'un de l'autre : le silence et le cri. La titrologie suggère déjà la primauté de ces deux centres axiaux : Au sud du silence 4 et Les Ombres et leurs cris 5. Pour approfondir la dette de l'oeuvre aux ténèbres, il faut prendre acte de la logique pendulaire du silence et du cri qui est, de livres en livres, l'une des matrices de l'écriture. Cette oscillation, qui livre l'oeuvre aux ténèbres, désigne aussi la force de nécessité de la vocation poétique : l'écriture s'impose à Vénus Khoury-Ghata comme la seule issue aux ténèbres de l'enfance libanaise.
Type de publication: Collectif Directeurs d'ouvrage: Collonges (Julien), Victoroff (Tatiana) Résu... more Type de publication: Collectif Directeurs d'ouvrage: Collonges (Julien), Victoroff (Tatiana) Résumé: À partir des figures de Charles Péguy, Ernst Stadler et Wilfred Owen, l'ouvrage explore les relations complexes et ambiguës entre poésie et guerre, tout en donnant la parole aux poètes eux-mêmes à travers des traductions inédites des poètes de la Grande Guerre et les vers de poètes d'aujourd'hui. Nombre de pages: 510
^7 'il y a, dans l'œuvre de Bonnefoy, un accord immediat et natif avec les arts visuels, ... more ^7 'il y a, dans l'œuvre de Bonnefoy, un accord immediat et natif avec les arts visuels, <~y Taccord avec la musique est plus lentement muri, a la mesure d'une conscience auditive qui s'est conquise peu a peu. Les rapports de Bonnefoy avec la musique se placent sous le signe d'un passage progressif du modele de Mahler (mis en relief dans le poeme « A la voix de Kathleen Ferner » de Hier regnant desert commemorant « L'adieu » du Chant de la terre) au modele de Mozart (qui s'impose de plus en plus a partir de Pierre ecrite). L'origine de l'adhesion de Bonnefoy a Mahler est une double reflexion sur le temps et sur l'au-dela de la forme. Un des enjeux de Hier regnant desert est en effet d'arracher la poesie au temps abstrait, spasmodique, insoumis a la dimension de duree du recueil Douve. Or en musique, celui qui a mene le combat contre le divorce entre le temps musical et le temps de l'existence (qui est le combat meme de Bonnefoy dans Hier regnant desert) c'est Mahler : « [L]a symphonie dramatique classique », ecrit Adorno, « raccourcit le temps par la spiritualisation, comme si elle avait interiorise et erige en loi esthetique le desir de tuer le temps. La symphonie epique de Mahler, elle, savoure le temps, s'abandonne a lui ; elle cherche a concretiser le temps mesurable de la physique en duree vivante. Elle voit dans la duree meme l'image du sens » (1978 : 1 12). La seconde origine du choix du modele mahlerien est une conception commune de la beaute et de la forme. L'esthetique de Mahler dans « L'adieu » du Chant de la terre et celle de Bonnefoy dans Hier regnant desert reposent sur le meme brisement de la perfection formelle. Si Mahler n'a de cesse qu'il ne « troue le bel edifice de la forme » (Adorno 1982 : 98-99), Bonnefoy definit, pour sa part, la poesie comme un combat de la forme et du non-formel. En choisissant de rendre hommage a « L'adieu » du Chant de la terre, le poete elit justement l'une des œuvres du compositeur ou la contestation de la forme est la plus exigeante : « [N]ulle part peut-etre la musique de Mahler ne pousse plus loin sa propre dissociation », ecrit Adorno. « Plus d'une fois la musique se lasse d'elle-meme et laisse apparaitre des beances » (Adorno 1978 :124). Si le modele mahlerien a l'ascendant a l'epoque de Hier regnant desert, Bonnefoy lui substitue peu a peu le modele mozartien. Trois etapes scandent cette progressive substitution. La premiere etape est marquee par l'avenement d'un air du Don Giovanni de Mozart dans un poeme de Pierre ecrite : « Andiam, compagne belle, etoiles, astres, demeures » (Bonnefoy 1982b : 238). On croit voir s'envoler dans ce poeme stellaire, a la faveur de l'experience de l'ecoute mozartienne, « l'alcyon » nietzscheen, cet oiseau marin fabuleux, dont la rencontre est un presage de calme et de paix : « Tout ce que nous autres les alcyoniens, cherchons en vain chez Wagner : la gaya scienza ! Les pieds ailes, l'esprit, la flamme [...] la danse des etoiles », ecrit Nietzsche (62). La deuxieme etape est la lecture proposee par Bonnefoy, dans La verite de parole, des Grands moments d'un chanteur de Des Forets dont le vecteur est le Don Giovanni de Mozart. La troisieme etape est le texte de Bonnefoy consacre a Mozart, « Mozart en son point du monde », prononce lors du colloque « Mozart et l'Europe » (Strasbourg, 1991) et repris en 1995 dans Dessin, couleur et lumiere : c'est cette troisieme etape, susceptible d'eclairer ces dix dernieres annees de la creation poetique de Bonnefoy interrogees dans ce colloque, qui sera au centre de mon questionnement. Encore faut-il, au prealable, situer l'interpretation de Mozart par Bonnefoy dans le champ de l'ecoute de ce compositeur proposee par la poesie francaise du vingtieme
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1993
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Apr 1, 2019
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2013
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Apr 1, 2007
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Oct 1, 2009
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1998
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Jun 1, 2003