Firmin Léautaud (original) (raw)
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1858-1859 1862 1864 Vert-vert 1867, un été à Bordeaux 1868, le théâtre des Fleurs 1869, Firmin entre à l’Odéon 1870-1871 1872, Les Matinées Ballande 1874 1876 1879 1882 1885, la mort d’Émile Perrin 1889-1892 1894 1896-1897 1898-1899 Février 1903, la mort de Firmin Annexe I : Les Matinées Ballande Annexe II : Les représentations de Firmin Notes
Cette page créée le quinze juillet 2019 a été entièrement récrite le premier septembre 2023. Exceptionnellement ce sont les textes cités qui sont en petits caractères (et lignes justifiées).
Cette page est accompagnée de quatre autres :
« Les Matinées Ballande », par Francisque Sarcey »
« La Comédie en voyage »
« La retraite de Firmin »
« 7 855 pièces de théâtre jouées à Paris de 1835 à 1906.
Lire aussi l’article d’Étienne Buthaud dans le numéro deux des Cahiers Paul Léautaud (1987), pages 7-16.
On croit connaître un peu Firmin Léautaud par les quelques écrits du Journal littéraire et les quelques phrases prononcées dans les entretiens avec Robert Mallet. On le connaît mal. Les enfants n’ont que des souvenirs de l’âge avancé de leurs parents et ne peuvent évidemment pas avoir de souvenirs de leur jeunesse. À cela s’ajoutent souvent la confusion et l’incertitude. Le souvenir de Paul Léautaud est, de plus, chargé d’une grande amertume et d’un certain mépris. L’image devient alors très incertaine, on peut même penser à un portrait vu de dos. Pour les quelques petits faits de la vie quotidienne des personnes un peu connues, ne restent plus que les journaux.
Ce que l’on peut apprendre ici provient majoritairement de la presse en ligne et de ce qu’ont bien voulu donner ses moteurs de recherche. De cette lecture très parcellaire il ressort — mais chacun en fera sa propre analyse — que Firmin Léautaud a été, certes, un comédien de second rang mais néanmoins bien connu des professionnels et journalistes de théâtre. Loin du qualificatif de « comédien raté » qui lui a souvent été donné par les meilleurs spécialistes de son fils.
Nous le verrons souvent participer à des matinées de bienfaisance, loin de la réputation de mesquinerie que lui a fabriquée Paul. Dans une page annexe, « La Retraite de Firmin », nous verrons un Firmin drôle et chaleureux, apprécié de ses camarades… à l’exact opposé du portrait dressé par son fils.
Même si elle a voulu être le moins désagréable possible à lire, cette page peut se résumer à une liste de dates, de théâtres, de pièces et d’auteurs qui sera surtout utile aux chercheurs. Une feuille Excel peut d’ailleurs être téléchargée en fin de page, avant les notes, dressant la liste des pièces dans lesquelles Firmin a joué.
1858-1859
C’est pourtant l’incertitude qui domine ; prenons un exemple simple et tangible : les prix du conservatoire. Au début des Entretiens, dans le texte paru au Mercure plus facile à consulter que les enregistrements, nous lisons que Firmin « est entré au Conservatoire ; il en est sorti, avec un deuxième prix de comédie et un accessit de tragédie. » En fait Firmin a obtenu en août 1858 un premier accessit de comédie et, peut-être insatisfait, s’est à nouveau présenté au concours l’année suivante ou il a obtenu un deuxième prix, toujours de comédie.
Le Siècle du deux août 1858, page deux
Le Constitutionnel du 26 juillet 1859, page trois
Aucune mention de prix de tragédie n’a été trouvée dans la presse de l’époque alors que de nombreuses indications existent de l’accessit de comédie ou du deuxième prix de comédie. La suite immédiate de la carrière de Firmin va d’ailleurs dans ce sens.
Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français édité par la bibliothèque de la Revue internationale illustrée, à Genève, sans date (page 315)
Pourtant, dans le Dictionnaire des comédiens d’Henry Lyonnet, à l’article “Léautaud”, nous lisons bien la mention d’un prix de tragédie, mais à Lille, en 1866-1868. La date, trop tardive, et le lieu sont faux, comme on pourra le voir ci-dessous, Firmin, à cette époque faisant autre chose ailleurs. De plus, selon Étienne Buthaud (Cahiers Paul Léautaud numéro deux, page douze), Firmin Léautaud n’a jamais été élève du conservatoire de Lille, ce qui ne surprend pas. Voyons cette page douze :
Fragment du texte d’Étienne Buthaud, page douze du Cahier Paul Léautaud numéro deux
Pourtant encore, dans Le Matin du 29 juillet 1900 Alphonse Lemonnier écrira avoir reproché à l’époque à Daniel Aubert, alors directeur du Conservatoire, d’avoir « donné le premier prix de tragédie au jeune Léautaud, qui a un accent auvergnat dont il n’arrivera jamais à se débarrasser. »
Après ces années de conservatoire (de Paris) Firmin gagne sa vie comme il peut, ce qui laisse rarement des traces dans les journaux.
1862
En juillet 1861, Sarah Bernhard est sortie à son tour du conservatoire, elle aussi avec un accessit de comédie. Mademoiselle d’Ambricourt (premier prix) et Mademoiselle Rousseil, deuxième prix1. Il s’agit peut-être de Rosélia Rousseil (1840-1916).
Comme pour Firmin et des centaines d’autres, la petite Sarah bat le pavé avant d’être reçue à la Comédie française l’année suivante, où elle est peu restée. En attendant on la retrouve, en mai 1862 au théâtre des jeunes artistes sous la direction de Firmin.
Lisons Le Messager des théâtres et des arts du 25 mai 1862, page deux dans un article de Félix Savard :
« Léautaud connaît le théâtre, il le prouve. Voyez-le plutôt organisant des représentations ; elles marchent toujours, les siennes. Et pourquoi ?… Tout simplement parce qu’il se défie de ces rouages rouillés et mal s’engrenant, qu’on appelle les femmes à frais. Ainsi il a fait jouer, il y a peu de soirs, au Théâtre des Jeunes Artistes2, _Mademoiselle de Belle-Isle_3 par Laroche4, que nous commençons à estimer, et par _Mlle Sarah Bernhardt_5, dont les élans sont un peu étudiés, mais qui a la science, sinon l’habitude : nous avons été satisfait, on ne peut guère demander mieux. Richard, Mlles Alice Destillac et Léontine Massin6 ont commencé le spectacle avec _Une mauvaise nuit est bientôt passée_7, le vieux proverbe du père Honoré, cela n’était pas mal non plus. Mlle Destillac a un léger accent méridional qui peut n’être point dépourvu d’agréments, mais qu’elle devra tâcher de modifier ; du reste elle dit finement et joue avec esprit. »
1864
Les années passent, on ne sait comment, sans doute dans des tournées de province. C’est ainsi que l’on retrouve, en 1864, dans le numéro du trois mai du Courrier de Saône-et-Loire (page trois) le compte-rendu d’une représentation au théâtre de Chalon intégralement reproduit ci-après :
Le décret sur la liberté des théâtres commence à porter ses fruits8. L’époque de son exécution n’est pas encore arrivée et déjà des troupes artistiques de tout genre s’empressent d’accourir dans nos villes et briguent à l’envi l’honneur de se montrer sur nos scènes. La variété n’est pas toujours le seul avantage que l’on y rencontre. Il arrive parfois que des troupes d’élites viennent nous faire jouir de leur talent, de leur ensemble et de leur belle organisation.
Ainsi, par exemple, dimanche dernier, débutait sur le théâtre de Chalon une troupe d’artistes de premier ordre, dirigée par deux personnes d’un mérite hors ligne et qui ont brillé souvent sur les scènes parisiennes par leur talent distingué et les belles créations qui en étaient la suite ; nous avons nommé Mme de Courtay et M. Molina, du Théâtre Historique9.
Certes, être appelés à applaudir d’aussi beaux talents, c’est une bonne fortune qui nous est rarement réservée, et dont nous sommes heureux de pouvoir profiter, aujourd’hui surtout que le véritable mérite dédaigne souvent d’aborder nos modestes théâtres. On jouait, dimanche, _la Famille Moronval_10. Inutile de parler de la pièce, elle est connue de tous. Il ne faut donc s’attacher qu’a rendre compte de l’exécution qui a été parfaite dans l’ensemble, et magnifique dans l’interprétation des principaux rôles joués par Mme de Courtay et M. Molina. Contentons-nous donc aujourd’hui de citer ces artistes dans la crainte d’amoindrir leur triomphe et le succès si bien mérité qu’ils ont obtenu. Ajoutons aussi que les autres rôles ont été rendus par Mmes Buguet et Vallon et M. Delcroix avec talent et une grande entente de la scène.
Quant aux vaudevilles, une folle gaité, un fou-rire, n’ont cessé de les accueillir au commencement et à la fin de la soirée. Il faut dire aussi qu’il était impossible de donner autant d’attrait à des bluettes comme la Chambre à deux lits et _la Vieillesse de Brididi_11. Cette dernière surtout est d’une désinvolture tellement originale que, grâce à Mmes Buguet et Vallon, et MM. Émile, Léautaud et Vernet, l’esprit le plus sérieux ne pouvait résister à l’entrain et se laissait volontiers entraîner par le courant d’une hilarité générale.
Aussi, sommes-nous persuadés que les quelques représentations que nous promet Mme de Courtay seront parfaitement bien suivies, et que le public intelligent de notre ville ne fera nullement défaut à des soirées bien composées et dont le talent forme la principale base.
Jeudi prochain, le spectacle sera ainsi composé : La Dame de St-tropèze12, drame en 5 actes.
2e représentation redemandée de : La Vieillesse de Brididi, vaudeville en un acte.
Onze jours plus tard ce même Courrier de Saône-et-Loire daté du quatorze mai (page deux), un lecteur du Creusot écrit :
Hier mercredi 11 mai nous assistions au Creusot à la première représentation du _Bossu_13, drame en cinq actes de MM. Auguste Anicet-Bourgeois et Paul Féval. […] Nous ne pouvons que rendre justice aux acteurs, en disant qu’ils ont convenablement rendu un drame peu facile à représenter ici14. M. Molina s’est à merveille acquitté du rôle de Lagardère, nous n’attendions pas moins de son talent. MM. Desban et Emmanuel ont bien rendu, quoique avec un peu de roideur, les rôles de Gonzague et de Chaverny. Le Régent, M. Delcroix, manquait un peu de dignité. M. Léautaud a parfaitement joué son rôle de Cocardasse, il gasconne à merveille.
Le dix juillet 1864, Firmin a trente ans.
Dans Le Figaro du 21 juillet (page trois), sous la signature de Gabriel Guillemot, cette petite note pas très aimable :
À l’évidence, nous ne sommes plus en province !
À quelques temps de là, le premier octobre 1864, l’hebdomadaire La Comédie, page 9, publie un « Tableau des troupes » dans lequel nous lisons qu’à Dunkerque, sous la direction d’Henri Chabrillat fils, font partie de la troupe, en cinquième place :
« Léautaud, premier comique, financier »
Mais nous ne savons pas pour quelle pièce. Et en première partie des dames :
« Fanny Foresty, premier rôle en tous genres, jeune premier rôle ».
Fanny Foresty, nous l’avons reconnue, c’est Fanny Forestier, maîtresse de Firmin. Ils se sont rencontrés cette année 1864, peut-être dans ce théâtre. Firmin, nous le savons, lui préférera Jeanne sa jeune sœur, qui sera la mère de Paul.
C’est ici — Fanny a 24 ans — que nous trouvons pour la première fois son nom dans le programme de spectacles Vert-vert dont il sera question plus loin. Le sept avril 1864, elle joue au théâtre Déjazet le premier rôle féminin, celui d’Hortense, dans Les fées de Paris, comédie-vaudeville en deux actes (1842) de Jean-François Bayard.
Par ailleurs nous savons qu’Hélène naîtra de cette union le 25 juin prochain.
1865
Neuf mois plus tard, le quinze juillet, dans ce même La Comédie, en dernière page, nous lisons les noms des comédiens de la troupe du théâtre de Lille. Firmin a changé de rôle et joue maintenant les pères nobles, on vieillit vite, au théâtre. Fanny n’est pas citée dans la troupe, sa fille Hélène étant née il y a trois semaines.
Puisque nous sommes en province, il faut lire, dans _Le Figar_o du 24 décembre 1865 sous la signature de Marius Leo (Léo ?), pages trois et quatre, « Les misères des comédiens nomades » :
Le singulier spectacle auquel a assisté cet excellent Marius Leo est, on s’en doute, totalement insignifiant. Firmin n’y est pour rien mais cet article permet de suivre au moins en pointillé les aventures de ce que les plus acharnés des léautaldiens sont bien obligés de nommer encore « un inconnu ».
Vert-vert
Arrêtons-nous un instant sur ce quotidien des spectacles de trois sous (c’est son prix), dont le premier numéro est paru le lundi trois septembre 1833, près d’un an avant la naissance de Firmin.
Sur cette image de la une du trois septembre 1832 le Parisien peut se situer dans l’axe de la rue Vivienne, vers le nord, avec la Bourse à droite
En 1833 ce journal n’est encore qu’un quotidien d’informations générales (quatre pages) mais la dernière page est entièrement réservée aux annonces des spectacles15.
Revenons à notre quotidien. La diffusion des journaux, encore à cette époque, a quelque chose d’un poème. Ainsi peut-on lire, au bas de la page trois :
On vend Vert-vert au rez-de-chaussée, 13 rue Feydeau ; 9 place de la Bourse ; à la porte des spectacles, dans les rues de Paris, dans toutes les voitures omnibus dites de transports en commun, dans leurs bureaux de station, et chez Barba, libraire au Palais-Royal, magasin des pièces de théâtre.
Les porteurs qui vendent Vert-vert dans les rues, sont remarquables par leur uniforme : veste rouge à boutons jaunes, pantalon bleu de ciel et shako en feutre verni.
Les personnes qui désireraient recevoir Vert-vert à domicile voudront bien faire prévenir le directeur du journal, 9 place de la Bourse.
Anthénor Joly
Au fil du temps, Vert-vert sera sous-titré « Gazette de Paris » (le premier février 1835) puis « Revue du monde parisien » (décembre 1937) puis « Messager des théâtres » (avril 1851) puis « Programme des spectacles » (premier janvier 1855). Un numéro est toujours de quatre pages. Les deux premières sont les programmes, puis une page de chroniques et une de publicité, celle qui rapporte.
1866
En août 1866 nous apprenons par Vert-vert que Firmin est de retour à Paris. Le deux août, au théâtre Beaumarchais, après un long relâche depuis le dix juin (sans doute pour travaux) on commencera à 19 heures. Ce théâtre, qui n’existe plus, a été construit en 1835 par Nestor Roqueplan (1805-1870) au 35 boulevard Beaumarchais, à l’angle de la rue du Pas de la mule. Nous sommes sous la direction d’Henri Dupontavisse. L’immeuble très anguleux qui le remplace de nos jours expose douze fenêtres sur le boulevard.
Dans la tradition de l’époque, on ouvre la soirée par un lever de rideau : Pincé au demi-cercle, « scènes de la vie de garçon » d’Édouard Brisebarre (1815-1871). Un acte à trois personnages créé aux Variétés au printemps 1857. Puis le plat de résistance (sept actes !) Les Pauvres de Paris (rentrée 1856 de l’Ambigu) de ce même Édouard Brisebarre en collaboration avec Eugène Nus, il fallait bien s’y mettre à deux. Firmin y tient le rôle de Joubert, un père noble, mais du cinq au onze août, il tient le deuxième rôle, celui de Villebrun, peut-être pour remplacer Pavie, souffrant. La pièce s’est jouée jusqu’au 22 août.
Le lendemain 23, allez, on enchaîne, on enchaîne, le théâtre Beaumarchais donne deux autre pièces, L’Honneur de la maison, drame en cinq actes de 1853, de Léon Battu et Maurice Desvignes, et Le Muet de Saint-Malo, folie-vaudeville en un acte de 1837, de Lubize et Varin. Firmin joue dans les deux pièces qui, certains soirs seront interverties mais jouées jusqu’au huit septembre.
Le surlendemain dix septembre (toujours 1866), après une journée de relâche, les spectateurs sont convoqués à 19 heures pour Latude, ou Trente-cinq ans de captivité, mélodrame historique en trois actes et cinq tableaux de René-Charles Guilbert de Pixerécourt et Auguste Anicet-Bourgeois (déjà évoqué ici) sur une musique d’Alexandre Piccinni, créé au théâtre de la Gaîté du Boulevard du Temple en novembre 1834. Firmin y tient le rôle de Saint-Marc.
Latude (1725-1805), est un escroc et voleur plusieurs fois évadé de la Bastille ou du donjon de Vincennes. Sa vie a donné lieu à plusieurs adaptations dramatiques ou littéraires, dont celle-ci. La Bastille, d’où s’est évadé Latude, n’est qu’à trois cent mètres du théâtre Beaumarchais, ce qui donne sûrement à quelques spectateurs un petit frisson supplémentaire.
Mais on n’a pas que ça à faire dans la soirée et les gens ne se sont pas privés de dîner pour rien ; après Latude vient le dessert sous forme d’une opérette bien sucrée, Le Moulin joli, de Clairville et Alphonse Varney. Il y a même un quadrille sur une musique de Musard, on a bien fait de venir. Précisons que Firmin a pu rentrer chez lui pas trop tard, il n’est pas de la distribution de la sucrerie.
Une scène du Moulin joli
Dans La Comédie du 23 septembre, Paul Ferry rend compte de Latude, dont le personnage, au théâtre Beaumarchais, est interprété par Meignieux, comédien dont le souvenir n’est pas parvenu jusqu’à nous. Ce qui nous intéresse ici est que Paul Ferry évoque les acteurs, dont notre Firmin :
Malheureusement pour les théâtres, à part quelque grandes machines comme le Châtelet, les pièces ne restent plus à l’affiche aussi longtemps. Suite à l’abandon des lois restreignant le théâtre (décret du treize janvier 1791), de nombreuses salles ont été construites entraînant une forte concurrence. Le boulevard Beaumarchais n’est pas le boulevard du Temple, qui commence à la République et se termine au cirque Napoléon (l’actuel cirque d’hiver). Il est un peu plus au sud, vers la Bastille, ainsi qu’il vient d’être indiqué. Le « boulevard du crime » n’est plus, Haussmann est en train de détruire tout ça, et les théâtres des boulevards se recentrent dans la ville. Ils sont maintenant, depuis le Déjazet, près de la République, sur les boulevards Saint-Martin, de Bonne-Nouvelle (avec le Gymnase), Montmartre (les Variétés) et jusqu’à l’Opéra.
Le théâtre Beaumarchais, petite salle de quartier, doit donc renouveler rapidement son programme et même, le 29 septembre 1866, présenter une création. On se dépêche de recycler les décors de Latude, qui serviront au Musicien des rues, drame en cinq actes et sept tableaux (on commence à « sept heures trois quarts ») des ineffables Édouard Brisebarre et Eugène Nus, sur une musique d’Auguste L’Éveillé (1828-1882). Il semble que ce soit la première collaboration d’Auguste L’Éveillé avec Édouard Brisebarre, mais pas la dernière.
Vert-vert donne l’intitulé des tableaux, il faut bien que l’on sache ce que l’on va voir : I Les noces d’Annette ; II Le Quai aux Fleurs ; III Le Garni du musicien ; IV Le Ménage du grainetier ; V Le Violon brisé ; VI La Première communion ; VII La Chanson de l’enfant. Ça va être une chouette soirée.
Le Musicien des rues est donné jusqu’au deux novembre, et cette seule pièce dans la soirée.
Le lendemain trois novembre la soirée commence à 18 heures 45 pour deux pièces : La Pie voleuse ou La Servante de Palaiseau, drame en quatre actes de Daurigny et Gaignez de 1815 et Les Enfers de Paris, de Roger de Beauvoir et Lambert-Thiboust, de 1853. Firmin rentrera tard, il joue dans les deux pièces. Les léautaldiens aguerris s’amuseront de le voir, dans la première pièce, tenir le rôle du Bailly. Dans la seconde il tient celui de Grimpart.
L’échec est total. La Pie voleuse tient huit jours exactement, jusqu’au dix novembre, et le onze, on redonne précipitamment Latude, avec Firmin toujours dans le rôle de Saint-Marc. En même temps on conserve Les Enfers de Paris, avec Firmin toujours dans le rôle de Grimpart.
Illustration de la couverture de l’édition Dentu de 1868, 36 pages
On tient comme ça une semaine exactement, le temps de trouver deux autres pièces et le 17 novembre, à 18 heures 45, sans même une journée d’interruption on donne en lever de rideau La Malle de Lise « scènes de la vie de garçon » une scénette à trois personnages de 1862 a surtout ne pas rater, et Léonard, cinq actes en sept tableaux des indispensables Édouard Brisebarre et Eugène Nus, que ferait-on sans eux ? Auguste L’Éveillé est à la musique. Léonard a été créé sur le théâtre du boulevard du Temple (en remontant vers la République), le 31 décembre 1862.
Mais voilà, Firmin n’est pas de la distribution et l’on tentera de se satisfaire de La Ronde des égoutiers chantée par Lecornec dans le rôle de Laridon. On est contents d’être venus. Ce n’est que dix jours plus tard, le 26 novembre que Firmin reviendra sur scène pour tenir le rôle de Bonnaud dans Léonard. Qu’à fait Firmin pendant ces dix jours ? Nous ne le saurons jamais, mais une grippe de novembre n’est pas impossible..
Le onze décembre, changement de programme et enfin d’auteurs, on ouvre, à 19 heures, par une opérette, Jeune poule et vieux coq (ça, c’est un titre !), opérette en un acte pour deux personnages (devinez lesquels), d’Hippolyte Lefebvre (et Louis Abadie à la musique), représentée à la rentrée de 1858 au théâtre du Palais-Royal. On a retrouvé les paroles, ça valait la peine de chercher :
En vain j’interroge mon cœur Pour comprendre ce que j’éprouve Je souffre et cependant je trouve Un certain charme à ma douleur.
Je ressens un secret effroi Sitôt que nous sommes ensemble Et pourtant Nicaise me semble Encore plus effrayé que moi.
On brûle de connaître la suite.
La pièce principale est _Pierre Le Noir ou Les Chauffeur_s drame en cinq actes et six tableaux de Dinaux et Eugène Sue de 1842. Firmin tient le rôle de Roland.
1867
1867 voit la naissance de Marcel Schwob et de Julien Benda.
Le trois janvier, Pierre Le Noir est toujours à l’affiche (il y sera jusqu’au huit) mais Jeune poule et vieux coq n’y sont plus et le lever de rideau est la création d’un vaudeville en un acte de Jules de Brayer, Le Loup garou, avec « Léautaud, Stéphani, Rodriguez et Mlle Leriche ». Firmin joue donc dans les deux pièces.
Le huit janvier, Pierre Le Noir est remplacé par Toby le Boiteux, drame en cinq actes de Paul Foucher en création mais sans Firmin, qui assure pourtant toujours la première partie avec Le Loup garou.
Le 27 janvier Le Loup garou tient toujours mais la seconde partie de soirée est assurée par Le Vieux boulevard du Temple, drame en cinq actes de Latouche, dans lequel Firmin tient le rôle de Pierre Godet, donc deux rôles dans la soirée.
Le onze février, Le Vieux boulevard du Temple est abandonné et l’on descend nettement plus au sud pour Les Brigands de la Loire, drame en cinq actes de Julien de Maillan et Félix Dutertre de Véteuil (1842). Firmin tient le rôle de Loriquet mais joue toujours en première partie de soirée dans Le Loup Garou.
Comme la soirée, qui commence à 19 heures, risque d’être un peu courte on la rallonge par une petite opérette, une reprise du Moulin joli, qu’on n’avait pas vu depuis longtemps, ce qui fait trois pièces dans la soirée, jusqu’au 28 février. Le premier mars, relâche, pour répétition, la chose est suffisamment rare pour être notée mais c’est qu’il s’agit d’une création, comme nous allons le voir.
On peut tout de même remarquer que le théâtre est ouvert tous les jours, que les comédiens travaillent sept jours sur sept et que les relâches pour répétition sont très rares. Mais comment les comédiens font-ils pour apprendre leurs rôles ? Et l’on songe à l’importance du souffleur16.
Donc le samedi deux mars à 19 heures, ouverture d’une série de trois pièces de Marquet et Armand Delbès. On commence par _Pâquette et Grive_t, vaudeville en un acte (de 1849) puis deux créations, Le Cabaret du lapin blanc (un prologue en deux parties) et enfin, Les Mystères de la cité, drame populaire en cinq actes.
Firmin tient le rôle de Poirier et nous aurons le plaisir d’entendre La Ronde des démolisseurs chantée par Lecornec. Ça change de La Ronde des égoutiers et on se met à espérer qu’un bienfaiteur de l’humanité écrive enfin une biographie de cet excellent Lecornec.. On tient comme ça près d’un mois, 25 jours exactement, jusqu’au 27 mars.
Le lendemain 28, une seule pièce, sans doute un peu longue puisqu’on commence tout de même à 19 heures 30 : Le Donjon de Vincennes, drame en cinq actes et dix tableaux (1855) d’Adolphe Dennery et Eugène Grangé.
Le quinze avril, nous sommes toujours en 1867, le nouveau programme affiche trois spectacles : Les Suites d’une faute (on se demande quelles suites de quelle faute), prologue en un acte d’Auguste Arnould et Narcisse Fournier de 1838, Le Châtiment d’un mauvais père, drame en cinq actes de Frédéric Vasselet, dans lequel Firmin tient le rôle de Corbin et enfin La Femme aux œufs d’or, vaudeville de Dumanoir et Clairville de 1852.
Tout cela tiendra jusqu’au deux mai, et le trois on ouvre avec Le Nouveau Malade imaginaire (il faut oser), farce comique en un acte de P. Boyer « jouée par Léautaud, Gœury, Mmes Brière et Gennetier. ». Nous aurons ensuite La nuit du 16 septembre, prologue en un acte, suivi de La Justice de Dieu, drame en cinq actes (1845) d’Auguste Anicet-Bourgeois et Paul Foucher. Firmin tiendra le rôle de Bernard jusqu’au dix mai puis sera remplacé par Souhaité, alors qu’il est toujours distribué dans Le Nouveau Malade imaginaire.
Il faut comprendre une chose, qui n’a plus court de nos jours où l’on réserve ses places de théâtre plusieurs jours à l’avance. À l’époque les gens allaient au théâtre comme nous regarderons la télévision ce soir, ou pas. On se disait « tiens, si nous allions au théâtre, ce soir ? » On attrapait le journal, on jetait un œil sur le programme et, quel que soit le quartier où l’on habitait, il n’y avait plus qu’à faire quelques pas sur le boulevard pour voir une pièce ou deux.
Le 19 mai, une seule pièce. On commence à 20 heures avec la création des Bandits de la Moselle ou La Chasse aux millions, drame en cinq actes de Charles Deslys. Firmin tient le rôle de Benzel. On ne confondra pas, ce serait dommage, cette pièce avec La Chasse aux millions, vaudeville en trois actes de 1846 de Laurencin, Marc-Michel et Louis Couailhac.
Mais voilà, il ne semble pas que ces cinq actes suffisent à remplir la soirée et le trois juin on rajoute Le Nouveau Malade imaginaire, ce qui donne à Firmin l’occasion de jouer deux fois de suite.
Le onze juin, deux reprises : Les Mystères de la cité et Le Cabaret du lapin blanc de début mars avec les mêmes distributions et donc Firmin dans le rôle de Poirier dans le premier spectacle. Cette affaire dure onze jours exactement, jusqu’au 22 juin, ce qui pose un problème insoluble.
La Gironde du 17 juin 1867
Ce problème est le suivant : La Gironde du 17 juin, qui est un journal du soir, annonce que « ce soir, 16 juin, à 8 heures », au Grand théâtre aura lieu l’« ouverture de la campagne d’été ». Cette soirée comprendra trois pièces et ouvrira par Les Folies amoureuses, comédie en trois actes de Jean-François Regnard (1796) avec Mmes Rose Didier, F. Riquier et MM. Léautaud, Riga, Bourdan.
Comment diable Firmin peut-il jouer le même soir à Paris et à Bordeaux, distants encore à cette époque d’une semaine de patache ? Sauf à ce qu’il y ait un autre comédien nommé Léautaud capable de tenir un deuxième rôle masculin lors d’une soirée de gala, une seule explication est possible, le programme Vert-vert a continué de mouliner la même annonce, peut-être payée par abonnement, sans que personne n’y trouve à redire… et sans que personne ne s’en occupe. Et pourquoi personne ne s’en occupe ? Parce que la direction du théâtre Beaumarchais est en train de changer et que le premier août Henri Dupontavisse sera nommé directeur au théâtre des Bouffes-Parisiens du passage Choiseul, bien plus central et infiniment plus prestigieux que le pauvre théâtre Beaumarchais. C’est pour Henri Dupontavisse, directeur assez quelconque, une promotion inespérée. Il ne restera d’ailleurs qu’un an à la tête des Bouffes-Parisiens. Toujours est-il que l’affaire est suffisamment exceptionnelle pour qu’il laisse tout tomber du jour au lendemain, laissant son ancien théâtre se débrouiller seul.
C’est un certain Daiglemont, qui nous vient de province, qui reprend le théâtre Beaumarchais, ce qui ne va pas améliorer son sort ni celui de la troupe. En août, Daiglement n’hésitera pas à monter sur scène pour tenir cinq rôles dans la même pièce.
Le 23 juin, deux nouvelles pièces, au programme du théâtre Beaumarchais, un prologue, La Nuit du meurtre, et Jeanne la maudite, drame en cinq actes de Marquet et Armand Delbès. Pour la première fois depuis qu’il fait partie de cette troupe, Firmin n’est pas inscrit dans la distribution et nous savons pourquoi.
À partir du quatre août le programme de ce théâtre ne sera plus annoncé dans Vert-vert.
1867, un été à Bordeaux
Donc le 16 juin 1867, Firmin est à Bordeaux. Le 19 juin dans ce même « Grand-Théâtre de Bordeaux » il apparaît en deuxième rôle dans deux pièces : Les Folies amoureuses, donc, et Le Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux. Les rôles ne sont pas indiqués. Nous retrouverons Firmin dans cette même pièce de Marivaux le 17 juin puis dans les deux le 19, et dans L’École des maris le 20 juin. Ce sont autant de rôles à savoir et l’on peut être sûr que les cinquante lignes par jour à apprendre, définies par le contrat ne seront pas suffisantes. On peut constater au passage que la programmation du Grand théâtre de Bordeaux est bien plus classique que celle du théâtre Beaumarchais.
Nous continuons de voir Firmin dans une de ces trois pièces presque tous les soirs en alternance. Le 24 juin Firmin est dans L’Avare, qui reprendra le deux juillet.
On voit que Firmin ne joue pas tous les jours, dans un théâtre qui ne joue pas tous les soirs les mêmes pièces, il n’y a pas autant de spectateurs qu’à Paris. Les cachets ne doivent pas être plus élevés et il faut vivre, sans doute à l’hôtel, dans cette ville où il ne connait personne. Mais le quatre juillet, toujours au Grand théâtre, il joue deux pièces de ce qui est maintenant son répertoire (Les Folies amoureuses, qui ouvre la soirée et Le Bonhomme Jadis qui la clôt). Dans ce Bonhomme Jadis, comédie en un acte (1852) d’Henry Murger, Firmin tient le rôle-titre mais il n’a aucun mal à accéder à cette promotion puisqu’à part ce rôle il n’y a qu’une Jacqueline de 18 ans et un Octave de vingt ans
Le lendemain cinq juillet deux pièces encore dont une nouvelle, Faute de s’entendre, comédie en un acte de Charles Duveyrier (1838) dans laquelle il a le premier rôle, celui de Beauplan, en ouverture de soirée.
Charles Duveyrier, Faute de s’entendre, scène IV, Beauplan, Louise, Blum.
Beauplan : « Tu as quelque chose à me dire, sans doute ? »
Louise : « Moi ? Rien ! »
Les soirées passent avec un rôle, deux rôles ou pas du tout. Le dix juillet, une nouvelle pièce, Au Printemps, comédie en un acte où Firmin a un rôle. Comme ça change tous les jours, le mieux est de dresser un tableau des emplois de Firmin pour cet été 1897
Date | Auteur | Titre |
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16/06 | Regnard | Les Folies amoureuses |
17/06 | Marivaux | Le Jeu de l’amour et du hasard |
18/06 | Molière | _L’École des maris_17 |
19/06 | Regnard | Les folies amoureuses |
19/06 | Marivaux | Le Jeu de l’amour et du hasard |
20, 21 et 23/06 | Molière | L’École des maris |
23/06 | Marivaux | _Le Jeu de l’amour et du hasard_18 |
24 et 26/06 | Molière | L’Avare |
01/07 et 06/07 | Molière | L’Avare |
04/07 | Regnard | Les Folies amoureuses |
04, 06, 12 et 15/07 | H. Murger | Le Bonhomme Jadis |
05/07 | Ch. Duveyrier | Faute de s’entendre |
07/07 | Molière | L’École des maris |
09, 11 et 15/07 | Léopold Laluyé | Au printemps (1862) |
09 et 11/07 | Ch. Duveyrier | Faute de s’entendre |
10 et 14/07 | Molière | L’Avare |
12 et 14/07 | Molière | Le Mariage forcé |
18, 20 et 26/07 | H. Murger | Le Bonhomme Jadis |
19, 20, 26 et 28/07 | L. Laluyé | Au printemps |
20, 22, 26 et 28/07 | Plouvier et Adenis | _Trop beau pour rien faire_19 |
21, 22 et 29/07 | L. Laluyé | Au printemps |
23, 24, 25 et 27/07 | Émile de Girardin | Le Supplice d’une femme (1865)20 |
28 et 29/07 | Siraudin, Delacour et Scholer | _Après le bal_21 |
30/07 | Émile Augier | _L’Aventurière_22 |
À la fin de ce mois arrêtons-nous un instant sur Après le bal, comédie en un acte « mêlée de couplets » de Paul Siraudin, Charles Delacour et Scholer. Cette comédie a été créée le quinze mars 1862 au théâtre du Gymnase. Elle est pour deux personnages : Caudebec et Henriette Dumonteil, interprétés par Firmin et Mademoiselle Esther. Firmin chante donc, voici un couplet :
Rentrez tranquillement Dans votre appartement ; Qu’un sommeil salutaire Ferme votre paupière. De ma nuit j’ai l’emploi, Je m’en vais rester coi ; Près de la lampe éteinte Je dormirai sans crainte.
Certains disent que les paroles des chansons d’aujourd’hui sont stupides. Revenons à notre tableau :
01/08 | Émile Augier | L’Aventurière |
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03, 07 et 08/08 | Siraudin, Delacour et Scholer | Après le bal |
03 et 11/08 | L. Laluyé | Au printemps |
04 au 06 et 09 et 11/08 | Émile Augier | L’Aventurière |
06/08 | Plouvier et Adenis | Trop beau pour rien faire |
13 au 25/08 et 27-28/08 | Victor Hugo | Hernani |
26/08 | Émile Augier | L’Aventurière |
Le trente août 1867, qui est un samedi, Le Grand-Théâtre de Bordeaux donne une soirée exceptionnelle « au bénéfice de Monsieur Lemaire, artiste du Grand-Théâtre », qui prend peut-être sa retraite. On donne Le Bossu, drame en cinq actes et onze tableaux d’Auguste Anicet-Bourgeois et Paul Féval. En fait, Auguste Anicet-Bourgeois a adapté à la scène le roman de Paul Féval qui est de dix ans son cadet et est donc cité en second mais c’est peut-être à cause de l’ordre alphabétique. La distribution est donnée : « Les principaux rôles seront remplis par… » Passée la surprise qu’un rôle puisse être « rempli » par qui que ce soit une autre surprise est de ne pas lire le nom de Firmin alors que cette distribution est importante (quatorze rôles masculins).
C’est la fin de la « campagne d’été » du Grand-Théâtre de Bordeaux.
Indépendamment de la liste des pièces, voyons ce qu’en a dit la presse, en commençant par La Comédie du 21 juillet sous la signature de Paul Ferry, que nous connaissons déjà :
L’excellence des représentations du Grand-Théâtre a amené une certaine affluence, et dimanche [il s’agit du 14 juillet] L’Avare était joué pour la neuvième fois devant un public populaire. La salle était comble et le succès a été immense. Léautaud a joué Harpagon avec une vérité puissante et Darcy Maître Jacques en comédien de race […] Le Mariage forcé a été joué ensuite au milieu d’inextinguibles éclats de rire. L’homérique bouffonnerie a tout entrainé. Darcy dans Sganarelle, Léautaud dans Pancrace, Jourdan (Marphurius) ; ont résolu l’énigme de Molière au milieu des bravos et de l’enthousiasme du public.
La semaine suivante, 28 juillet, dans ce même hebdomadaire, le même Paul Ferry écrit :
Puis le quatre août, toujours sous la signature de Paul Ferry :
L’Aventurière vient d’être représentée. Mlle Duguéret a été admirable d’expression. M. Stuart a eu de la vérité, de la distinction dans Fabrice. Sevin s’est fait applaudir vivement dans Annibal. Léautaud et Mme Maxime ont complété un très remarquable ensemble : c’est un succès.
La semaine suivante nous pouvons lire des compliments semblables.
Dans Le Figaro du seize août, un « Abonné du Grand-Théâtre » écrit sa satisfaction de sa soirée du treize, à propos d’Hernani et dans Le Constitutionnel du 18, page trois, Gustave Lafargue dit de même.
Puis nous perdons la trace de Firmin jusqu’à la saison suivante.
1868, le théâtre des Fleurs
Il va être souvent question des sœurs Foresty, cette saison, et nous apprendrons que Fanny est directrice de la troupe. A-t-elle l’expérience nécessaire ? La première fois que nous avons vu son nom dans un programme de spectacle était en avril 1864, cela fait quatre ans et cela paraît bien insuffisant.
Mais il ne faut pas s’y tromper, Fanny est une comédienne connue, sinon du public, au moins pour les directeurs de salle qui lui ont parfois confié le premier rôle féminin comme nous le verrons infra. En même temps elle est accompagnée de Firmin et sans doute a-t-elle davantage d’ancienneté que les programmes l’on annoncé. Mais surtout — et c’est peut-être à cause de cela — un incident malheureux, qui aurait pu être un drame, lui a donné une petite notoriété. Lisons l’affaire en page trois du Figaro du cinq mars de cette année 1868 :
Deux petites notes : Les Treize est un drame en cinq actes de Ferdinand Dugué et G. Peaucellier rassemblant L’Histoire des Treize, trilogie de Balzac composée de Ferragus, La Duchesse de Langeais et La Fille aux yeux d’or. La pièce a été créée l’an dernier au théâtre de la Gaîté de la rue Papin..
L’esprit de vin est de l’éthanol.
Nous retrouvons Firmin en mai pour l’ouverture du théâtre des Fleurs du Pré Catelan. L’aménagement du bois de Boulogne a réclamé des pierres et du sable, qui ont été extraits d’une carrière sur place. Une fois les travaux terminés, la carrière a été aménagée en espace de loisirs, dont un de ces théâtres en plein air, que l’on nommait alors théâtres de verdure. Le théâtre de verdure du Pré Catelan se nomme alors « théâtre des Fleurs »
Le Moniteur universel « Journal officiel de l’Empire français » du deux avril 1868 annonce, en page deux :
On annonce l’ouverture des fêtes et concerts du Pré Catelan. Ces matinées musicales, dont l’attrait sera cette année doublé par les représentations dramatiques du théâtre des Fleurs complètement restauré, sont particulièrement offertes aux élégants habitués du bois de Boulogne, promenade favorite du Paris aristocratique. Les bals d’enfants auront lieu tous les dimanches sous la direction d’un professeur de danse.
On aura noté ce « particulièrement offertes aux élégants habitués du bois de Boulogne ». Les autres, les inélégants, sont-ils admis ou juste tolérés ?
D’Artagnan, trihebdomadaire paraissant les mardis, jeudi et samedi, donne dans son numéro du quatre avril (un samedi) l’information suivante :
Le Pré Catelan, ravissante oasis du bois de Boulogne, inaugurera ses fêtes et concerts le 12 avril, dimanche de Pâques. — Le programme de la saison d’été de ce délicieux jardin devenu le salon de la bonne société parisienne, est des plus remarquables : Concerts d’harmonie par la musique des zouaves de la Garde. — Représentations au Théâtre des Fleurs. — Bal d’enfants sur le plateau des Chênes. — Expériences scientifiques d’aérostation et de télégraphie aérienne sur la grande Pelouse. — Courses et jeux divers. — Vienne donc le soleil, et Paris aura, le 12 avril, sa première fête du printemps.
Malgré ces annonces, le théâtre des Fleurs n’ouvre que le 21 mai, jeudi de l’Ascension, avec deux pièces : Au printemps, fantaisie en un acte et en vers de Léopold Laluyé, créée à l’Odéon en avril 1854 que Firmin connaît bien pour l’avoir jouée à Bordeaux l’an dernier. Il y tient le premier rôle, celui de Thomassin. La seconde pièce est une comédie-vaudeville d’Eugène Grangé et Lambert-Thiboust, Brouillés depuis Wagram, créée aux Variétés en août 1861. Ces deux pièces présentent quatre personnages et, dans celle-ci aussi Firmin tint le premier rôle, celui de Champin.
Le trente mai en ce même théâtre, dans un vaudeville en un acte de Dumanoir et Édouard Lafargue : Madame Bertrand et Mademoiselle Raton créé en avril 1851. La pièce se joue à trois personnages, Archibald Tétard, Madame veuve Bertrand (fabricante de corsets), et Mademoiselle Raton, ouvrière chez Madame Bertrand. Il y a des chants, dont celui-ci :
Dans la distribution une certaine Jeanne Foresty, future mère de Paul Léautaud (dans moins de quatre ans).
La seconde pièce de la soirée est La Consigne est de ronfler, vaudeville militaire de 1866, en un acte, d’Eugène Granger et Lambert-Thiboust (Pierre Thiboust, 1827-1867), qui était l’été dernier au programme du Grand-Théâtre de Bordeaux. Firmin n’était pas de la distribution et c’est pourquoi ce titre n’a pas été évoqué ici. Il n’y en est pas non plus ce soir et ce titre n’est indiqué ici que pour la présence de Jeanne. Nous avons maintenant deux Foresty à suivre et les programmes ne donnent que très rarement les prénoms. Sans vouloir être injuste envers Jeanne il n’est pas impossible qu’elle soit le plus souvent la Forety en fin de distribution.
Le vingt juin au Pré Catelan, à quinze heures, Risette, vaudeville en un acte à trois personnages (un homme, deux femmes) d’Edmond About (1859), auteur surtout connu pour être en tête des bibliothèques bien rangées. Firmin n’en est pas mais Jeanne tient le rôle-titre. Ce spectacle était aussi donné au Grand-Théâtre de Bordeaux l’été dernier.
À dix-sept heures, donc après une longue interruption, Les deux timides, vaudeville en un acte mêlé de couplets d’Eugène Labiche et Marc-Michel (1860). Thibaudier, personnage principal est joué par Firmin et Cécile, sa fille, par Jeanne.
Dans Le Siècle du 27 juin, en haut de la page trois, ces quatre lignes :
Demain, représentation extraordinaire au théâtre des Fleurs, du Pré-Catelan. Pour la première fois, deux des plus charmants succès du Gymnase et du Palais-Royal : Le Camp des bourgeoises et La Consigne est de ronfler.
On retrouve cette information plus précise dans L’Avenir national du même jour (27 juin) :
Au Pré-Catelan, bois de Boulogne, dimanche, 28 juin, grande fête champêtre, musique des Zouaves, fanfare de la Seine, bal d’enfants, tombola, jeux de toutes espèces. De cinq à sept heures, au théâtre des Fleurs, deux pièces nouvelles : 1o Le Camp des bourgeoises, du Gymnase. 2o La Consigne est de ronfler, du Palais Royal, par la troupe de Mme Fanny Foresty.
Ce Camp des bourgeoises est une comédie-vaudeville en un acte de Dumanoir ; mêlée de couplets. Quatre personnages (deux hommes, deux femmes). Cette pièce a été créée au Gymnase (qui s’est appelé un temps « Gymnase dramatique ») en décembre 1855. Firmin y tient le rôle de Lajonchère, qui chante peut-être.
Dans La Comédie du cinq juillet, toujours sous la signature de Paul Ferry, en page huit et dernière, cet entrefilet précise mieux la situation :
Ce que l’on peut relever néanmoins est la présence des deux sœurs et surtout de la mère de Paul, qui naîtra dans trois ans et demi.
Il est temps de relire le texte des Entretiens avec Robert Mallet :
Le père Léautaud était devenu l’amant d’une actrice, ma future tante Fanny. Il habitait avec elle rue Lamartine et Jeanne, ma future mère, qui avait alors dix-huit ans, habitait rue d’Odessa, chez ses parents.
Jeanne Forestier est né le seize août 1851 et aura donc 18 ans en août 1869. Cet été 1868 elle a donc 17 ans et l’on comprend que Firmin la trouve encore un peu jeune. Mais Fanny, née en décembre 1839, aura 29 ans cet hiver… La nuit pendant laquelle Firmin se retrouvera au lit entre les deux sœurs sera vraisemblablement dans les mois à venir.
Le samedi 18 juillet et les semaines suivantes jusqu’à la fin de la saison, plusieurs journaux annoncent « deux pièces nouvelles au théâtre des Fleurs » sans citer les titres. Il semble que Fanny soit un peu négligente comme responsable de la troupe. Il faut attendre Le Figaro du 26 août pour lire, vers la fin de la page trois :
La fête qui a eu lieu, le 23 août, au Pré Catelan, en l’honneur de Béranger24, a été marquée par un incident comique / Au théâtre des Fleurs, où on joue la comédie et le vaudeville, une pluie violente étant survenue pendant la représentation d’Après le bal, les deux interprètes, dont la directrice, Madame Foresty, ont dû achever la pièce en s’abritant sous des parapluies.
Le Figaro n’indique pas combien de spectateurs sont restés pour constater l’exploit.
La Consigne est de ronfler, et maintenant Après le bal, autre pièce donnée l’été dernier au Grand-Théâtre de Bordeaux. Il semble bien que Firmin récupère le répertoire.
Dans le numéro du 27 septembre 1868 de La Comédie, page six, colonne centrale, nous lisons cette lettre datée du 25, signée par un certain A. Héritte :
Paris, le 25 septembre 1868
Vous avez annoncé25 que M. Héritte, directeur du Pré-Catelan a pris la direction du théâtre d’Angers. Vous dites aussi que j’ai renoncé à la direction. Il est très vrai que j’ai pris la direction du théâtre pour la saison entière, mais non pour une partie ; je n’ai pas résilié en revenant à Paris, je ne suis revenu que pour faire ma troupe. — J’ai été directeur du Théâtre-des-Fleurs du Pré-Catelan, et non directeur du Pré-Catelan ; c’est un titre qui ne m’appartient pas, c’est M. St Félix qui seul a le droit de le posséder, je le reconnais d’autant plus que je ne tiens même pas à le posséder. J’étais au Pré-Catelan en qualité de directeur du Théâtre-des-Fleurs ; je crois que je peux me servir de ce titre, d’autant que le matériel m’appartient et que j’en ai fait tout l’agencement à mes risques et périls, et ce titre me coûte assez cher pour que je ne l’oublie pas de sitôt.
A. Héritte
Si l’on comprend bien, A. Héritte est propriétaire du théâtre et Fanny responsable de la troupe et des spectacles.
Toute cette année 1868, Fanny a bien travaillé. On a pu la voir en janvier au théâtre Saint-Marcel de la rue Pascal26 dans Les Lionnes pauvres, comédie en cinq actes (Vaudeville 1858) d’Émile Augier et Édouard Foussier. On l’a vue encore dans ce même théâtre — qui n’était qu’à une demi-heure à pied de la rue d’Odessa où logeait la famille Forestier — dans La Veuve aux camélias, vaudeville en un acte (trois personnages) d’Alfred Delacour, Lambert-Thiboust et Paul Siraudin (Palais-Royal, rentrée 1857).
En février au théâtre de Saint-Cloud Fanny avait le premier rôle féminin dans Le Mangeur de fer, drame en cinq actes d’Édouard Plouvier créé à l’Ambigu-Comique du boulevard Saint-Martin en avril 1866.
Le dimanche premier mars, on l’a vu, sa robe prenait feu dans Les Treize, au théâtre de Grenelle, et le quinze, au théâtre Montparnasse elle tenait le rôle de Manon dans La Fille de l’avare, comédie-vaudeville en deux actes de Jean-François Bayard et Paul Duport de 1835. Le même soir, dans le même théâtre elle jouait encore Madame de Langeais dans _Les Treiz_e.
Le 22 mars, dans ce même théâtre Montparnasse, du 31, rue de la Gaîté (à deux minutes de chez elle) Fanny tient le premier rôle féminin, celui de Marguerite, dans La Maison du baigneur, drame en cinq actes et douze tableaux d’Auguste Maquet, créé dans ce même théâtre en février 1854.
À la mi-avril au théâtre de Grenelle de la rue de la Croix-Nivert, Fanny tient le rôle de Clary, premier rôle féminin de L’œil crevé, une « bouffonnerie musicale » de l’an dernier, trois actes d’Hector Crémieux avec Hervé à la musique.
Puis, toujours en avril au même théâtre, premier rôle féminin du Bonheur de Saint-Paul, drame en cinq actes, dont il ne reste rien. Le premier rôle masculin est tenu par Séjourné dont on se souvient qu’il a sauvé la robe de Fanny en mai dernier.
Le trois mai la même pièce est donnée avec la même troupe mais au théâtre de Saint-Cloud et le six mai retour au théâtre Montparnasse qui donne six pièces dans la soirée. Six ! Fanny est dans deux d’entr’elles : La Saint-François et L’Amour en sabots. La soirée se conclut avec un à propos, L’Exposition de 1867-1868, « joué par toute la troupe. »
Puis vient la saison d’été avec le théâtre des Fleurs.
Aucun programme de rentrée ne semble afficher le nom de Foresty et il faut attendre décembre pour la voir, pratiquement tout le mois au théâtre des Nouveautés du boulevard Poissonnière tenir le rôle d’Angélique dans Un homme seul et plusieurs rôles dans Zim la i la « revue de l’année », par M. Flan, dont on ne sait plus rien.
1869, Firmin entre à l’Odéon
C’est aussi l’année de naissance d’André Gide de de Lugné-Poe.
Alors que Fanny continuera de jouer toute l’année, cet hiver le nom de Firmin n’apparaît plus dans les journaux avant le onze avril. Dans l’hebdomadaire La Comédie, Paul Ferry se souvient toujours de lui :
Une excursion artistique vient d’être faite à Soissons, Laon et Lafère par MM. Léautaud, Banier, Riga, Fabien, de l’Odéon et Mmes Riga et Banier. / On a représenté _Miss Multon_27 et Le Sacrifice. Le succès a été très grand pour tous ces artistes. Mme Banier remplissait le rôle de Mme Jourdeuil, la belle création de Mme Alexis, à laquelle elle a su donner un relief saisissant. M. Banier a fait un remarquable type de Margarot. M. Léautaud a été saisissant d’originalité dans Jourdeuil père, et Mme Riga a été, comme artiste, à une grande hauteur dans le rôle de Miss Multon.
C’est Le Figaro du neuf juin, page trois, qui donne l’information la plus importante :
Oh ! la curieuse chose ! Firmin donnera un dernier petit coup de balai sur la scène avant ou après s’être démaquillé ?
On ne confondra pas ce Saint-Léon (un pseudonyme) avec Arthur Saint-Léon (1821-1870), musicien et créateur de ballets. Il semble que ce comédien n’ait pas pris sa retraite mais soit mort, si l’on croit La Comédie du treize juin :
L’Odéon, qui a perdu Saint-Léon, vient de trouver M. Léautaud.
M. de Chilly28 parfait la pension alimentaire que le ministère de la Maison de l’Empereur vient d’accorder à la veuve de Saint-Léon. Je crois même que si M. de Chilly n’a pu assister aux funérailles du sympathique et regrettable artiste, quelqu’un sur la tombe a pris la parole en son nom.
A-t-on oublié que lors de sa prise de possession odéonnienne, on a attribué quelque résistance à M. de Chilly au sujet du rengagement de Saint-Léon, qui ne dut sa rentrée qu’aux instances du ministère.
Autre temps, autre jugement.
Voilà dix ans bientôt que Léautaud sait attendre. Il est élève de Régnier et lauréat du Conservatoire. Il a obtenu un second prix, en méritant le premier.
Jamais on ne vit, à l’école, plus beau succès. Son second prix lui fut accordé par des suffrages unanimes. C’était le « financier » né, physionomie, geste, voix. Mais on incriminait en lui un accent pyrénéen ayant quelque parenté avec l’auvergnat, et on lui envoya corriger ce défaut de naissance à… Beaumarchais.
Comment doit-il parler maintenant ?
Dans son livre de souvenirs Ma double vie, Sarah Bernhardt évoque Firmin qui avait sans doute été réquisitionné pour gérer l’ordre des entrées des candidats au Conservatoire. L’action se passe vers 1859, il y a dix années de ça :
…Mon nom retentit dans la salle : « Mlle Chara Bernhardt ! »
C’était Léautaud, qui devint plus tard souffleur à la Comédie-Française, et qui avait un fort accent auvergnat.
Dans ses Souvenirs (Flammarion 1912) la plantureuse comédienne Aimée Tessandier a écrit :
Pour comble d’infortune, l’excellent homme avait quelque peu la prononciation auvergnate. Je le comprenais mal dans mon énervement et, çà et là, j’en arrivais â reproduire son accent. Il est vrai qu’il riait le premier de cette petite mésaventure.
On peut imaginer que cet accent s’est bien atténué depuis, puisque dans ses entretiens avec Robert Mallet, Paul Léautaud dira :
On m’a toujours dit — je ne l’ai jamais constaté pour ma part — que mon père avait un certain défaut de prononciation qui avait dû lui nuire dans sa carrière.
Donc Firmin est à L’Odéon et à la mi-août il joue Oronte, non dans Le Misanthrope mais dans Monsieur de Pourceaugnac. Oronte est le deuxième rôle masculin de la pièce, ça commence plutôt bien.
Le sept septembre il est dans trois pièces le même soir : Le Mariage forcé (Molière encore), Cinna (Corneille) Et Sganarelle (Molière toujours). Nous sommes loin des programmes du théâtre Beaumarchais. Le douze c’est Lucrèce, tragédie en cinq actes en vers de François Ponsard, créée en ce théâtre en avril 1843. Mais ce ne sont plus que de petits rôles.
En octobre il est Julien dans Les Femmes savantes et Oronte dans Monsieur de Pourceaugnac en même temps que dans les autres pièces qui se jouent encore en alternance.
Fin novembre il est le notaire du Barbier de Séville, et comme ça jusqu’à la fin de l’année.
1870
Quand on écrit cette date, on sait qu’il y a encore six mois de bons, suivis de six de très mauvais.
Pour Jeanne l’année n’est pas terrible. Elle accouche d’un premier enfant de Firmin, mort en bas âge et dont on ne sait rien.
Commençons cette année par Fanny, vraisemblablement, évoquée dans quatre articles du délicieux hebdomadaire du samedi L’Industriel de Saint-Germain-en-Laye. Le plus intéressant est celui du premier janvier, page quatre, signé Léon de Villette, un pseudonyme :
Arrivons aux nouvelles venues : Mlle Foresty, qui, dit-on, avait choisi le _Sacrilège_29, pour son début n’a pas eu la main heureuse. Nous ne pensons pas que le drame en général soit la spécialité de cette grande et jolie personne. Nous voyons difficilement en elle un premier rôle mais peut-être une grande coquette que nous attendons dans la comédie.
Donc une Foresty — disons que c’est Fanny — est au théâtre de Saint-Germain (en-Laye). Quinze jours plus tard dans ce même hebdomadaire, le même Léon emploie à peu près les mêmes mots, soyons économes. Il s’agit d’une représentation de Frou-Frou, comédie dramatique d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy créé au Gymnase en octobre dernier. La chanson (par son jupon la femme) sera créée près de trente ans plus tard et n’a donc rien à voir avec la pièce.
Mlle Foresty nous semble avoir quelque peu gagné ; que cette jeune, grande et belle personne, veuille s’animer un peu et nous sommes convaincus qu’elle tiendra convenablement, sinon l’emploi de premier rôle, du moins celui de grande coquette et de rôles de convenances.
Le moins que l’on puisse dire est que Léon de Villette n’est pas plus enthousiaste que cela. En janvier 1870 Fanny à trente ans. La « jeune personne » ne serait-elle pas, malgré tout Jeanne, qui n’a pas encore vingt ans ? Nous ne connaissons pas la date plus précise de l’accouchement, qui peut aussi bien avoir eu lieu en décembre, ni la date de cette mort « en bas âge ».
Vers le vingt janvier, ce théâtre de Saint-Germain reprend Latude, joué par Firmin au théâtre Beaumarchais en septembre 1866, ça ne nous rajeunit pas. En page deux de L’Industriel etc., Léon de Villette écrit :
Encore un bon point d’encouragement à Mme Foresty-Marquise de Pompadour, en lui reprochant toutefois une toilette trop simple pour représenter la fastueuse maîtresse de Louis-XV, qui donnait le ton aux modes excentriques de l’époque.
Les comédiens étaient donc responsables de leur costume ? On peut remarquer que Fanny est passée, en une semaine du statut de mademoiselle à celui de madame, avant de redevenir mademoiselle. Il y a des miracles…
Le dimanche treize février, le théâtre de Saint-Germain a renouvelé son programme avec trois pièces qui seront jouées en alternance : Lazare le pâtre (mélodrame en quatre actes (1840) et à deux personnages de Joseph Bouchardy), Le Violoneux (opérette en un acte (1855) d’Eugène Mestépès et Émile Chevalet sur une musique de Jacques Offenbach) et Lions et Renards, comédie en cinq actes, en prose, d’Émile Augier.
Cette dernière pièce a été créée « sur le Théâtre-Français par les comédiens ordinaires de l’empereur » le six décembre 1869. On peut aussi noter que l’achevé d’imprimer de l’édition de Michel Lévy est de 1864. Émile Augier étant un auteur connu, membre de l’Académie française depuis 1867, ce délai n’est surprenant que si l’on ignore les tensions politiques de cette fin d’empire.
Attardons-nous un instant sur une sorte d’avertissement de l’auteur de cette comédie :
Les théâtres se sont multipliés en province, et c’est entre eux une course de vitesse à qui jouera premier les pièces nouvelles — au grand détriment de l’exécution. Pour obvier à cet inconvénient, la représentation de Lions et Renards est interdite, dans les villes qui ont plus d’un théâtre, sans une autorisation spéciale de M. Roger, agent des auteurs dramatiques.
Les directeurs des théâtres allemands qui voudraient représenter la pièce doivent s’adresser à M. Obermayer (50, rue de l’Université), à qui l’auteur a cédé tous ses droits pour l’Allemagne.
E. A.
C’est de nos jours un peu daté, obvier mais on aime bien.
Le samedi 19 février, Léon de Villette écrit, page deux :
Jeudi, un public choisi, mais encore peu nombreux, a répondu à l’appel que lui a fait la direction en lui offrant la primeur de la comédie de Lions et Renards, de M. Émile Augier. […] Mlle Foresty, cette fois très-bien placée et fort gracieuse dans le rôle de la comtesse de Prévenquier…
Le personnage d’Octavie de Prévenquière est le premier rôle féminin.
C’est tout pour Fanny (ou Jeanne) pour cette année 1870, ce qui ne signifie pas qu’elles n’aient rien fait d’autre.
Firmin, lui, est toujours à l’Odéon où, le premier janvier il tient toujours le rôle du notaire dans Le Barbier de Séville en même temps que celui d’Alcanter dans Le Mariage forcé.
Le seize janvier il est Bonnefoi (encore un notaire, le théâtre de l’époque en consomme beaucoup) dans Le Malade imaginaire et le vendredi 28 Lycas, dans Le Menteur de Corneille.
À la mi-février il est Doublemain, qui est l’avant-dernier rôle du Mariage de Figaro et Valère, troisième rôle du Médecin malgré lui.
À la mi-mai il reprend le rôle d’« un messager » dans la Lucrèce de François Ponsard.
En juillet, il semble que Firmin ait profité des vacances d’été — qui n’existent pas à cette époque — pour aller faire un tour en province. C’est ainsi que le 17 juillet, à deux jours de la guerre, dans l’hebdomadaire La Comédie, nous croyons comprendre (le texte n’est pas très clair) que Firmin a été repris dans La Vieillesse de Brididi au Grand-Théâtre du Havre.
Le surlendemain, donc, la France déclare la guerre à la Prusse. Ce sera une colossale défaite française, la fin de l’empire puis les 72 jours de la Commune, ce qui nous entraîne jusqu’à la fin de mois de mai 1871. La Troisième République est née, proclamée en pleine guerre, le quatre septembre 1870 par Léon Gambetta. Elle durera près de soixante-dix ans, d’une guerre à une autre.
1871
Le 21 juillet 1871, Marcel Proust est né il y a onze jours, nous retrouvons une Foresty au théâtre de Cluny, tout en fin de distribution (Jeanne ?) du Sonneur de Saint-Paul de Joseph Bouchardy, auteur qu’elle avait joué en février dernier, on s’en souvient, au théâtre de Saint-Germain.
Pendant la guerre, le théâtre de l’Odéon est transformé en hôpital, ce n’est pas la dernière fois.
En 1862 les frères Pereire, qui ont leur place à Paris, ont construit le grand hôtel, douze boulevard des Capucines (800 chambres 45 salons et un orgue), un des plus importants bâtiments parisiens, même de nos jours.
Le sept janvier de cette année 1871, dans le salon où se trouve l’orgue, est organisée une « grande soirée musicale et littéraire au profit de la caisse de secours et des cantines du IXe arrondissement, avec le bienveillant concours » de… suivent les noms de 22 comédiennes et comédiens appartenant à divers théâtres, l’affaire est sympathique. Un seul de ces comédiens appartient à l’Odéon, Firmin, et deux du Vaudeville dont Bianca, qui sera l’an prochain, la marraine de Paul.
Pourquoi seulement un ou deux comédiens par théâtre (sur une douzaine de théâtres ?) Sans doute à cause du « bienveillant » concours. On peut être heureux que Firmin ait participé.
Ce sera tout pour cette année.
1872, les Matinées Ballande
À la fin du mois de janvier, Fanny est au théâtre du Vaudeville. Elle tient le dernier rôle (Suzanne) des Faux bonshommes, comédie en quatre actes de Théodore Barrière et Ernest Capendu créée en 1856 dans ce même théâtre. Et là nous sommes sûrs qu’il s’agit de Fanny. Jeanne, nous le savons, a accouché de Paul le 18 janvier.
Pour Firmin, l’année est bien meilleure… Encore qu’il ne soit plus de L’Odéon. Cette aventure ne semble avoir duré qu’un an, de l’été 1869 au triste été 1870. Il joue désormais aux fameuses « matinées Ballande ». Reproduisons le texte de l’annonce du _Temp_s du 27 janvier, au bas de la page trois, dans la rubrique « Spectacles et concerts ».
Matinées littéraires de M. H. Ballande — Dimanche à la Gaîté, le Barbier de Séville, comédie en quatre actes de Beaumarchais jouée par MM. Murray, Veron, Léautaud, Joliet et Mlle Debay ; Le Dépit amoureux, comédie en deux actes, de Molière, jouée par MM. Tousé, Amaury, Desclée, Mlles Varennes et Lefebvre. / Conférence par M. Gidel30, professeur au lycée Condorcet.
Ces matinées littéraires commençaient toujours par une conférence.
Pour ces « Matinées littéraires » voir l’annexe I, en fin de page avant les notes, ainsi que la page, bien plus longue, nommée aussi « Les Matinées Ballande ».
Donc Firmin s’est produit lors de ces matinées Ballande à partir du dimanche 28 janvier 1872. Après la guerre, ces matinées avaient repris près d’un an plus tôt, le 19 février 1871.
Deux semaines plus tard, le onze février dans le même cadre Firmin interprète Monsieur de Pourceaugnac et Le Mariage forcé, deux pièces qu’il connaît bien.
Le Temps du samedi dix février 1872, page trois.
Le 25 février, c’est de nouveau Le Mariage forcé, le trois mars Les Fourberies de Scapin et le dix mars Les Folies amoureuses (Regnard 1704) en compagnie de Bianca.
Le 18 mars, à l’Ambigu-Comique, le long du boulevard Saint-Martin, Firmin joue à nouveau Le Mariage forcé dans le premier rôle, celui de Sganarelle et, le même soir, Les Fourberies de Scapin dans le premier rôle, celui d’Argante.
Les 24 et 31 mars, matinées Ballande avec L’École des maris, où Firmin est en tête du programme. Et le sept avril deux nouvelles pièces, jamais jouées par Firmin : Le Mercure galant, ou La Comédie sans titre, comédie en quatre actes d’Edme Boursault de 1763, puis Les Plaideurs, de Racine, dont il sera davantage question ici dans la page « La Retraite de Firmin »
Dans vingt ans, le 25 juillet 1892, le critique dramatique Camille Le Senne (1851-1931) écrira dans sa « Revue dramatique » du Siècle, à propos de la reprise du Mercure Galant à la Comédie-Française :
La pièce de Boursault est une de celles que Ballande a fait représenter le plus souvent aux matinées de la Gaîté et de la Porte-Saint-Martin, puis à son troisième Théâtre-Français, de Déjazet. Voici la première distribution, la seule intéressante, de l’année 1872 : Élise, Mlle Grivot ; Oriane, Mlle Fayolle ; Claire, Mlle Morand ; Lisette, J. Leroux ; Cécile, Lefebvre ; Oronte, Degard ; Boisluisant, Léautaud ; Merlin, H. Touzé ; Michaud et Brigaudeau, Joliet ; enfin Boniface, La Rissole, de la Motte, Sangsue, Beaugénie, étaient tenus par Saint-Germain, remarquable dans les deux premiers rôles. Trois de ces interprètes sont entrés à la Comédie-Française : Mlle Fayolle, Joliet et aussi Léautaud, qui y est souffleur, si je ne me trompe. Saint-Germain attend toujours.
Mais revenons en 1872. Le quatorze avril, toujours aux matinées Ballande, Le Mariage de Figaro puis, le cinq mai, une curiosité, dans le quotidien Le XIXe siècle :
Courrier des théâtres du quotidien XIXe siècle, page quatre
Cette comédie en cinq actes, en vers, a été créée au Théâtre-Français le vingt février 1789. L’auteur, Jean-François Collin d’Harleville (1755-1806) se nommait tout bonnement Collin, ce qui n’était pas si déshonorant que ça jusqu’en juillet de la même année. Après il a juste fait sauter le « d’ ». Il possédait juste un peu de terrain du côté de Chartes, il n’y a pas de quoi en faire tout un plat. Il a tout de même écrit une vingtaine de comédies et on lui pardonne. Bien sûr, ce cinq mai Firmin ne sera pas sur la scène mais dans la salle.
Le dimanche cinq mai sera la matinée de clôture de la saison. Ainsi nous apprenons que, comme à l’Odéon où il ne joue plus, Firmin était aussi régisseur pour les matinées d’Hilarion Ballande (on adore ce prénom).
Le onze mai le quotidien La République française (où Paul sera brièvement employé en octobre 1889), annonce pour le dimanche douze une « représentation extraordinaire au bénéfice d’un ex-artiste de l’Odéon » avec Louis XI, drame en cinq actes de Casimir Delavigne de 1832. Firmin est sur scène. Ce sera la dernière fois aux matinées Ballande avant le quinze mars suivant.
Dans le quotidien Le Français daté du 18 août, nous retrouvons Firmin dans un de ces inimitables potins d’été que le charme suranné entraîne à reproduire entièrement :
Lettre de Trouville. / On nous écrit de Trouville, 16 août : La solennité religieuse du 15 août, les courses de Deauville et une température splendide, tout s’était réuni pour donner hier un mouvement extraordinaire. Mais nous sommes aujourd’hui débarrassés un peu de cette multitude qui fourmillait à l’hippodrome, sur les quais, dans les rues, à la plage et au Salon. Vers dix heures du soir, les personnes qui avaient quitté le matin Honfleur, Pont-l’Évêque, le Havre, Caen et Paris, cherchaient encore un gîte. Il y avait foule au bal du Casino.
Le monde élégant de nos plages reprend aujourd’hui son aspect ordinaire. On se baigne ou l’on se promène en attendant la représentation de ce soir. Mmes Jeanne Leroux, Dumas et Peyron doivent jouer sur le théâtre du Salon, avec Saint-Germain et Léautaud, les Maris sont esclaves, de Lhéric31. Il est bruit également d’une comédie inédite : Monsieur et madame Scapin, par Mme Peyronnet. L’orchestre doit faire entendre une ouverture de Reber et une fantaisie composée par M. Porséhaut sur Guillaume Tell.
_Il est bruit_… N’est-ce pas charmant ?
Ces heureuses journées d’été font un peu oublier que nous avons perdu l’Alsace et la Lorraine. Nombreux sont pourtant ceux qui s’en émeuvent et quelques journaux émettent des souscriptions. C’est ainsi que dans Le Figaro du vingt octobre nous pouvons lire, page deux, que le neuf octobre un « F. Léautaud » a donné un franc, la somme la plus faible de la journée (les dons les plus élevés vont jusqu’à cent francs). L’essentiel est de participer.
Au début de novembre, meurt un certain Boudeville, comédien de l’Odéon et professeur de déclamation dont on ne sait plus rien, sinon que Firmin et quelques autres ont suivi son enterrement. La liste des personnalités présentes indique un certain renom.
1873
Aucune nouvelle des sœurs Foresty cette année.
Les journaux sont de plus en plus nombreux à mentionner les matinées Ballande, dans des articles plus longs. Elles seront même citées dans le feuilleton de septembre du Figaro : « Rose, splendeurs et misères de la vie théâtrale », d’Édouard Cadol.
Firmin reviendra aux matinées le dimanche seize mars et on se demande un peu ce qu’il a fait depuis Trouville. Ce seize mars, au théâtre de la Gaîté, il est annoncé en deuxième rôle du Barbier de Séville après une conférence donnée par Paul Féval, l’auteur du Bossu (note 13), habitué du lieu depuis la saison dernière.
Et dans Le Temps du trois mai nous lisons :
Caïn, que Firmin verra depuis la salle, est un « drame biblique en deux parties » d’Alexandre Laya. Le texte est paru cette année chez Tresse (31 pages). Le rôle de Caïn est interprété par Taillade, dont il sera encore question ici. On peut aussi noter qu’en seconde partie, Le Distrait, comédie en cinq actes de Jean-François Regnard de 1697, voit Bianca dans le premier rôle féminin, celui de Lisette.
Firmin a encore droit au bénéfice d’une journée. N’oublions pas toutefois qu’Hilarion Ballande, réservant ses matinées à un public modeste, serrait les coûts au maximum et que le bénéfice en question ne devait pas être énorme. Tout de même…
Du jeudi quinze au jeudi 21 mai, Hilarion Ballande organise une semaine de représentations à l’occasion du jubilé de Molière, mort en février 1673. Le vendredi seize, Firmin a été de la distribution pour Le Dépit amoureux et le lundi 19 mai au Théâtre-Italien, dans l’axe de la rue Méhul, Firmin a la première place sur l’affiche du Mariage forcé.
Mais il faut préparer l’été et dans Le Rappel du 22 juin nous lisons :
M. Fabien, artiste du théâtre de la Renaissance, a été chargé par M. Desgranges, directeur du Casino de Deauville, de composer une troupe d’artistes, pour donner, pendant le courant de la saison de cette année, deux représentations par semaine au théâtre du casino.
Voici les noms des artiste engagés : Mme Marie Grandet, de la Renaissance ; Mlle Dolly, de la Renaissance ; Mlle Francine Lavigne, des Bouffes ; M. Bilhaud, de l’Odéon ; M. Léautaud, ex-artiste de l’Odéon, M. Cosmes, de la Renaissance.
L’été de Firmin est assuré.
La rentrée des matinées Ballande a lieu le dimanche 26 octobre mais au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Hilarion envisage même des « conférences musicales » (Le Ménestrel du 21 septembre).
Nous n’avons pourtant pas de nouvelles de Firmin avant le dimanche 28 décembre, où il est dans Le Barbier de Séville.
1874
Le onze janvier, une des sœurs Foresty est au théâtre de Cluny, qui donne lui aussi une matinée « dramatique et lyrique au bénéfice de la petite Hélène ». On pense, bien sûr, à la fille de Fanny et de Firmin, qui a neuf ans et qui mourra dans huit ans, de la fièvre typhoïde. Mais il y a sans doute de nombreuses Hélène, autour de cette troupe. Trois comédies un acte et une opérette (un acte) sont au programme. La troisième comédie, de l’an dernier, est en vers. C’est Le Vertige, de Georges de Porto-Riche, qui sera si souvent fustigé par Paul dans ses chroniques. Le programme Vert-vert indique ensuite des intermèdes. C’est dans un de ces intermèdes qu’intervient une des sœurs Foresty. Voici le programme :
J’savais pas qu’ça s’app’lait comme ça, chansonnette de Mme Foresty et M. Talexy, chantée par Jeanne Leroux.
Il s’agit du pianiste et compositeur Adrien Talexy (1820-1881). Les paroles sont donc d’une des sœurs… Cette affaire a duré jusqu’à la mi-février.
Puis vient décembre, il a fallu vivre jusque-là, et même jusqu’au 31 avant de retrouver le nom de Foresty presque en bas de l’affiche de l’Ambigu-Comique dans Une famille en 1870-1871, comédie en cinq actes et en prose de Jean-Marie Cournier. Il est intéressant de connaître que cette comédie a été créée le treize décembre dernier aux matinées Ballande pour une seule représentation, à laquelle a participé Firmin mais aucune des sœurs. Il semble que les représentations de l’Ambigu n’aient servi que de bouche-trou sans autre destinée.
Mais avant cela pour Firmin, l’année a commencé le dimanche 18 janvier par Le Mariage forcé aux matinées Ballande du théâtre de la Porte-Saint-Martin puis le quinze février dans Les Plaideurs et le premier mars dans Le Dépit amoureux où Firmin est en tête d’affiche. Le quinze mars c’est L’Étourdi, de Molière, où Firmin apparaît en deuxième rôle.
Le dimanche trois mai, matinée de clôture de la saison avec une « matinée extraordinaire au bénéfice de M. Léautaud, régisseur de M. Ballande ».
Le Constitutionnel du trois mai 1874
La chose semble maintenant régulière : à chaque début du mois de mai, Firmin reçoit une aide. Il n’est peut-être pas le seul.
Le 23 mars, Le Sphinx, drame en quatre actes d’Octave Feuillet est créé à la Comédie-Française avec plusieurs comédiens dont le nom est familier aux oreilles des léautaldiens : Maubant, Delaunay, Coquelin cadet, Sophie Croizette, Sarah Bernhardt et Félicie Bianca. Le Gaulois du quatre juin nous apprend que Firmin a entrepris d’aller jouer la pièce en province avec une douzaine de comédiens. Il organise les répétitions dans le grand foyer du théâtre de la Porte-Saint-Martin avant de joindre Dijon et de descendre vers le sud.
Et, surprise, le 26 septembre nous retrouvons Firmin au Grand-Théâtre de Bordeaux dans La Jeunesse du roi Henri, pièce historique en cinq actes et huit tableaux de Pierre Alexis de Ponson du Terrail « avec chasse à courre, curée aux flambeaux, divertissements ». Ce drame a été créé au Théâtre Impérial du Châtelet, le 26 mars 1864. C’est un monument réclamant 25 comédiens et nombre de figurants : seigneurs, dames de cour, paysans et paysannes, soldats, buveurs, valets, piqueurs, pages, truands. On voit ça d’ici, on se croirait sut TF1. Le programme de ce 26 septembre indique « pour les dernières représentations ». Firmin a dû passer tout septembre à Bordeaux mais aucune Foresty ne fait partie de la troupe.
Les matinées Ballande ont repris à la Porte-Saint-Martin, et le quinze novembre nous retrouvons Firmin dans Le Médecin malgré lui et dans Le Jeu de l’amour et du hasard, la même matinée. Le dimanche treize décembre, ce sera la « première et unique » représentation d’Une famille en 1870-1871 qui a déjà été évoquée ici en début d’année. En fait l’unique représentation sera suivie d’une seconde le dimanche vingt. Dans le quotidien La France du 22 décembre on pourra lire un article d’Henri de Lapommeraye (une grande colonne) à propos de cette représentation.
Dans la soirée du jeudi 31 décembre, l’Ambigu Comique joue la « première représentation », en oubliant d’ajouter « dans ce théâtre » de cette même pièce, ou Firmin tient le rôle de Ruffin, en compagnie d’une sœur Foresty.
1875
Le lendemain premier janvier, l’Ambigu qui a des dates vides, continue de les remplir avec Une famille en 1870-1871 et donc avec la famille Léautaud. On peut en effet penser que la Foresty qui tient le rôle de Madame Valry est Jeanne. La pièce est jouée tous les jours jusqu’au 14 janvier. Elle est reprise à l’Athénée le 28 mars avec la même distribution, et jusqu’au onze avril.
Dans son Journal au douze août 1903, Paul note que Jeanne a habité place Louvois de 1875 à 1880.
Le dimanche trois janvier, Firmin qui joue L’École des maris chez Ballande à la Porte-Saint-Martin, a largement le temps de se démaquiller et se changer pour parcourir les trois-cents mètres qui le séparent de l’Ambigu. Une famille en 1870-1871 est à peine retirée de l’affiche (dernière le quatorze), que le dimanche 17 il est de nouveau chez Hilarion Ballande pour une nouvelle pièce, La Famille Poisson, ou les trois crispins comédie en un acte et en vers de Joseph-Isidore Samson, créée au Théâtre-Français en décembre 1845 (cinq personnages). Firmin a le dernier rôle masculin, celui de Beauséjour, qui est un « acteur de province ». Il doit y être excellent.
Si la pièce, hélas, ne vaut pas grand-chose, il semble que la conférence d’Ernest Legouvé « Samson et ses élèves » ait eu un certain succès. De plus il a été décidé, on ne sait par qui, d’ériger un monument à la mémoire de Joseph-Isidore Samson, mort en mars 1871. Ce sera son buste sur colonne, par Gustave Crauk, qui orne encore de nos jours sa tombe du cimetière de Montmartre. Toujours est-il que la pièce est redonnée le dimanche 24, dans la même distribution, au profit de ce buste à venir et qui, comme toutes les initiatives de cet ordre, ne verra le jour que bien des années plus tard.
Le 28 janvier la pièce est redonnée avec les mêmes comédiens au théâtre du Vaudeville, avec trois autres comédies en un acte. Le sept février, Firmin joue Le Mariage forcé chez Hilarion, avant d’apprendre, pour le dimanche 28 février au même endroit, son rôle dans une nouvelle pièce, Les Deux frères, comédie en un acte traduite de l’Allemand August von Kotzebue (1761-1819). À peine quatre ans après la guerre, il fallait oser. Cette pièce avait été créée le onze thermidor an VI (29 juillet 1799) sur le Théâtre-Français de la République.
Le dimanche sept mars les matinées Ballande donnent une fois de plus Les Fourberies de Scapin avec Firmin dans le premier rôle.
Le dimanche de Pâques est le 28 mars et Hilarion Ballande a programmé Britannicus pour cette matinée. Or Paul Félix Taillade, comédien du Châtelet déjà cité ici et qui doit jouer le premier rôle, celui de Néron, n’est pas libre. Il lui faut prévenir Hilarion de toute urgence, par une lettre qui est de nos jours propriété de Maxime Hoffman. Pourquoi Paul Félix écrit-il à Firmin ? Pense-t-il à lui pour le remplacer ou écrit-il au régisseur ? Voici cette lettre, datée du jeudi 19 mars :
Lettre aimablement communiquée par Maxime Hoffman, qui en a autorisé la reproduction
Mon cher Léautaud
Une chose tout à fait imprévue, et à laquelle je suis forcé de me soumettre, m’empêche de jouer Néron le 28 de ce mois. Je vous prie de vouloir bien prier M. Ballande de regarder comme non-avenue la lettre qu’il a dû recevoir de moi aujourd’hui à 9 heures, et que j’avais été heureux de lui écrire.
Il faut que ma volonté soit bien paralysée pour n’avoir aucun moyen de me satisfaire.
J’espère avoir plus de chance à l’avenir et me réserver plus largement ma liberté d’action.
Bien à vous.
Taillade
Elle est incroyable, cette lettre. Imaginons… Une lettre à un collègue à qui l’on écrit : « Une chose tout à fait imprévue, et à laquelle je suis forcé de me soumettre »… « Il faut que ma volonté soit bien paralysée »… On aura aussi noté le « vouloir bien », peut-être hérité du milieu militaire où il correspond à un ordre, contrairement à « bien vouloir ». Qui écrit encore comme ça de nos jours ?
Toujours est-il que Britannicus sera bien joué, sans que le nom de l’interprète de Néron apparaisse sur les programmes, qui indiquent uniquement « Mademoiselle Agar jouera le rôle d’Agrippine. »
Le dimanche deux mai a lieu la maintenant traditionnelle « matinée extraordinaire au bénéfice de M. Léautaud » qui semble avoir perdu sa qualité de régisseur. Plusieurs journaux annoncent en dernière page, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, une « Matinée extraordinaire avec le concours de MM. Mounet-Sully, Prudhon, Pierre Berton, Mmes Provost-Ponsin, Émilie Broisat, de la Comédie-Française et quinze autres comédiens dont, pour beaucoup, les noms sont encore familiers de nos jours. Cette matinée se composera de Post-Scriptum, comédie en un acte d’Émile Augier ; Livre trois chapitre Ier, comédie en un acte de Pierron ; Le Cachemire X.B.T., comédie en un acte d’Eugène Labiche et Eugène Nus ; Laurette et Pasquin, comédie inédite en un acte, en vers, et un grand intermède vocal et littéraire. On commencera à une heure précise. » Reconnaissons que ces pièces, contrairement aux comédiens, ont complètement disparu des mémoires.
Dans Le Petit Moniteur universel du deux décembre, une chronique quotidienne traite de « nos noms expliqués ». Le succès de cette rubrique conduit le chroniqueur à répondre à des demandes de lecteurs et la réponse du jour concerne Lieutaud, Léotaud, Léautaud, Liautaud et Litaud :
Voici tout autant de formes diverses des noms francs Leodoald et Liudoald, qui s’écrivaient ainsi au septième siècle et qui signifiaient célèbre-ancien, c’est-à-dire d’ancien renom. Le nom de Léotald, qu’on trouve en Provence, est le plus rapproché de la forme primitive. Le nom italien de Lieto, demandé en même temps, vient du latin Loetus et signifie joyeux.
1876
En 1876 Paul Léautaud à quatre ans mais il se souviendra de ses premières visites à la Comédie-Française et de Mademoiselle Croizette dans Le Supplice d’une femme, d’Émile de Girardin.
Nous n’aurons aucune trace des sœurs Foresty avant 1879 et pourtant il faudra bien qu’elles vivent. Ce n’est qu’en 1880 que Jeanne, la mère de Paul, rencontrera Hugues Oltramare, son futur mari. Pour Fanny, on ne sait rien mais il est vraisemblable qu’elle vit à Calais.
Concernant Firmin cela semble aller un peu mieux. L’été commence par un article de J. Deschaux (quatre petits paragraphes) dans l’hebdomadaire du samedi Le Monde artiste du 24 juin, daté de Lyon :
Grâce à M. Léautaud, je puis enfin vous adresser, cette semaine, ma correspondance habituelle ; elle vous prouvera que Lyon artiste n’est pas encore complètement endormi.
En effet, M. Léautaud est l’organisateur d’une excellente troupe chargée de faire connaître à nos principales villes de province l’_Étrangère_32 d’A. Dumas fils, cette comédie si discutée et qui cependant, sous certains points de vue, ne laisse pas que d’avoir beaucoup de vraisemblance.
Je ne m’arrêterai point à analyser cet ouvrage, sur lequel des appréciations plus ou moins favorables ont été portées par des voix plus autorisées que la mienne et plus accréditées auprès du public ; mais je ne veux point me priver du plaisir de féliciter les principaux artistes de cette troupe sur l’interprétation de l’œuvre d’A. Dumas fils. Elle est irréprochable.
Je citerai entre tous Mme A. Chêne, fort belle et fort dramatique dans le rôle de miss Clarkson. Pourquoi le nom de cette aimable artiste n’est-il pas, ainsi que celui de ses collègues, en vedette sur les affiches ? Un talent remarquable lui donne, aussi bien que le fait d’avoir appartenu à tel ou tel théâtre, un droit à cette distinction.
Mlle Rhéa (Catherine de Septmonts), M. Dalbert (Clarkson), M. Mendasti (de Septmonts), M. Reynal (Gérard) et M. Chamonin (Reymonin), ont également droit à tous nos éloges.
Ça ne nourrit pas son homme mais ça fait plaisir.
Pour Firmin la saison s’ouvre par un article dans un autre hebdomadaire du samedi, Feuille de Provins en deuxième colonne de une. Dans son oreille droite, le bandeau de cette feuille annonce fièrement : « On n’admettra que les articles signés de leur auteur » ; mais voilà, aucun des articles de une n’est signé, donc pas non plus cet article traitant du théâtre de Provins :
Vendredi prochain, 27 octobre, une troupe d’artistes des premiers théâtres de Paris (l’Odéon, Gymnase, Vaudeville et Ambigu), sous la direction de M. Léautaud, viendra jouer sur notre scène un des grands succès du moment : l’Étrangère, d’Alexandre Dumas fils.
M. Léautaud, régisseur de la Comédie-Française, autorisé par l’auteur, a groupé autour de lui quinze artistes pour faire faire à l’Étrangère son tour de France.
Le journal le Figaro, en annonçant leur départ, ajoutait : « Nous devons le dire, la troupe de M. Léautaud est entièrement composée d’artistes de talent ; c’était du reste indispensable pour une pièce comme l’Étrangère, où tous les rôles ont une grande importance.
« Ainsi interprétée, l’œuvre nouvelle de M. Alexandre Dumas fera courir la province comme elle fait courir Paris. ».
Donc, de régisseur chez Hilarion Ballande, Firmin est devenu régisseur à la Comédie-Française (et vraisemblablement souffleur). On ne travaille pas en octobre, à la Comédie-Française ?
Le Journal de Seine-et-Marne de ce même 27 octobre confirme, en page trois :
Une représentation extraordinaire sera donnée dimanche prochain 29 octobre par des artistes de passage en cette ville [Meaux]. La pièce choisie est admirablement montée puisque des artistes en tournée doivent la jouer à Rouen, à Évreux, à Elbeuf, au Havre, à Caen, à Nantes, à Angers, etc., dans les principales villes de Bretagne et de Normandie.
Voici le programme :
Et aussi L’Éclaireur de Coulommiers :
[…] Nous avons à signaler pour ce soir la représentation, donnée sous la direction d’un artiste bien connu, M. Léautaud, par une troupe d’artistes sérieux […] [de] l’Étrangère, superbe comédie d’Alexandre Dumas fils.
À la rentrée de 1876, Firmin est donc « un artiste bien connu » et, à l’évidence, il va finir l’année en province, où il donnera deux-cents représentations de L’Étrangère, ainsi que nous l’apprendrons en 1877.
1877
C’est L’Événement du 21 février en page quatre, qui l’écrit :
M. Léautaud, qui a fait représenter deux cents fois L’Étrangère dans toute la France, vient d’entreprendre une nouvelle tournée avec Une famille en 1870-1871. Partie depuis quinze jours seulement, la comédie de M. Cournier reçoit déjà partout le même accueil chaleureux qui a signalé son apparition à Paris au théâtre de la Porte-Saint-Martin.
Comme quoi Firmin a compris la valeur de la publicité. Nous retrouvons, au mot près, cette même annonce dans Le Rappel de la même date, et aussi — la première partie seulement — dans Le Gaulois du deux mars.
Puis revient la litanie des journaux de province, la Feuille de Provins, L’Avenir républicain (de Troyes), Le Petit courrier de Bar-sur-Seine, ou L’Écho rochelais.
De ces journaux il ressort que la troupe de Firmin jouera vers le quinze avril peut-être à Provins cette « pièce nouvelle et à succès » (que nous avons vu jouer par une des sœurs Foresty à la fin de l’année 1874).
La troupe sera à Troyes le premier avril où, en plus d’Une famille en 1870-1871 est aussi au programme La Cigale chez les fourmis, comédie en un acte d’Eugène Labiche et Ernest Legouvé créée en mai dernier. La cigale est le prétendant de la fille de cette famille très riche et très… économe.
Le lendemain deux avril, Firmin donnera de sa personne en interprétant sur le même théâtre Le Bonhomme Jadis, que nous l’avons vu interprétée en 1867 à Bordeaux. Mais la soirée aura commencé par Croque-poule, comédie en un acte à deux personnages (un couple) de Joseph-Bernard Rosier, de novembre 1849. La pièce principale sera Gabrielle, comédie en cinq actes, en vers, d’Émile Augier. Firmin a dû sentir un petit frisson à programmer cette pièce dont le rôle de Julien Chabrière avait été créé en 1850 par Régnier, son professeur du Conservatoire.
Le onze avril à Provins, ce sera L’Étrangère puis Bébé, comédie nouvelle mêlée de chants, en trois actes, d’Émile de Najac et Maurice Hennequin. Cette pièce a été créée la veille au Gymnase.
De retour à Troyes le lendemain douze avril, la troupe donne Bébé, accompagnée du Mari de la veuve, comédie en un acte d’Alexandre Dumas (père) de 1832. Dans le programme, Firmin est toujours qualifié de régisseur de la Comédie-Française. Il est permis de douter.
L’Avenir Républicain du samedi quatorze avril page trois donne un compte rendu de la soirée :
La représentation donnée hier par la troupe de M. Léautaud, régisseur au Théâtre-Français, avait attiré un grand concours de spectateurs, désireux de connaître la nouvelle pièce du Gymnase, le grand succès du jour.
Bébé, c’est le nom de la pièce, a été joué avec beaucoup d’entrain et de verve par mesdames Gaillard, Baret, Lepage et Herrot ; et par messieurs Gennetier, Baudy, Debray, Boejat et Dubreuil. C’est une œuvre sans grande consistance, mais lestement troussée, aux situations très-comiques et très-risquées parfois, qui rappelle bien plutôt le répertoire du Palais-Royal que celui du Gymnase. Elle a eu sur notre scène un succès de franc aloi. On doit nous la redonner dimanche et nous ne doutons pas qu’elle ne fasse salle comble.
Le spectacle commençait par une des plus jolies comédies d’Alexandre Dumas : Le mari de la Veuve, fort bien jouée par messieurs Debray, Boejat, et mesdames Gaillard, Lepage et Baret. Dimanche, la troupe de M. Léautaud donnera une seconde représentation. On jouera une comédie du Théâtre-Français : Les deux Ménages, avec le concours de Mlle Fayolle, de la Comédie-Française. Mlle Fayolle dira une des plus populaires et des plus charmantes poésies de Victor Hugo, notre grand poète national. Enfin, comme nous le disions plus haut, Bébé formera la pièce de résistance.
Nous ne pouvons que remercier la nouvelle direction de nous avoir procuré le plaisir d’entendre les excellents artistes de M. Léautaud. Après la déplorable campagne théâtrale que nous venons de subir, rien ne pouvait nous être plus agréable. Merci à M. Tourey.
Ce Monsieur Tourey est le directeur du théâtre de Troyes à qui l’auteur de l’article doit ses entrées gratuites. Plusieurs pièces ont pour nom Les Deux ménages. Retenons-en deux. La première est une comédie en un acte donnée au théâtre du Vaudeville à la rentrée 1800 dont l’auteur est resté inconnu (nous étions alors encore en période révolutionnaire). La seconde est une comédie en trois actes de Louis-Benoît Picard, Alexis Wafflard et Fulgence, donnée à l’Odéon en mars 1822.
En mai Firmin est à Paris. Le Figaro du treize, page deux, indique, entre deux comptes rendus d’assassinats, que…
Une fête de charité “aurait” été donnée au profit des pauvres de Belleville. Cette fête qui n’“aura” lieu que le jeudi 17 mai se composera du tirage d’une tombola, suivi d’une matinée dramatique et musicale offerte à l’œuvre [charitable] par MM. Maubant, Thiron, Joliet, Roger, Boucher et Léautaud, de la Comédie-Française, et MM. Berthelier et Dubouchet, de la Renaissance.
Mais le lecteur ne sachant pas où se trouve cette fête de charité ne s’y rendra évidemment pas.
Dans Le Temps du vendredi 18 mai en page trois, la rubrique « Théâtres et concerts » annonce, dans un emberlificoti mal à l’aise d’où l’on croit comprendre que Mademoiselle Delaporte, qui devait tenir le premier rôle d’Une séparation, pièce d’Ernest Legouvé, celui-ci…
L’a autorisée à représenter son ouvrage dans quelques villes de France, avec une troupe d’élite, habilement composée par M. Léautaud. […] La Séparation sera jouée dimanche à Fontainebleau et mardi à Versailles.
Le sept juin la troupe est à La Rochelle pour une seule représentation du Mari de la veuve et Une séparation et le dix juin à Tours pour une soirée seulement. Dans ses numéros des 19 et 20 juin L’Union libérale de Tours publie un très grand encadré qui précise qu’il s’agit de la « quatrième tournée dramatique de M. Léautaud, régisseur de la Comédie-Française ». On donnera bien évidemment Une séparation, qui sera précédée de La Pluie et le beau temps, comédie en un acte « de la Comédie-Française » de Léon Gozlan à quatre personnages. La pièce semble récente et peut-être de cette année puisque la publication du texte chez Calmann-Lévy est datée de 1878 (28 pages).
En juillet, le huit, nous revoilà à Provins où l’on donnera Le Mari de la veuve et Une séparation au théâtre Victor Garnier. Plus rien après cette date. Firmin aurait-il regagné la Comédie-Française où l’attend un emploi plus stable ? C’est assez probable parce que nous ne lirons plus rien dans la presse avant longtemps.
1879
Mais revenons aux sœurs Foresty, elles aussi bien absentes ces derniers temps.
Dans son numéro du 27 août 1879, Le Phare de la Loire donne, en page deux, entre le délibéré du Conseil municipal et les faits divers, la liste des comédiens du théâtre municipal Renaissance de Nantes.
Le théâtre Renaissance de Nantes vers 1900
Dans cette liste nous trouvons : « Foresty, forte jeune première, des jeunes premiers rôles (Angers). » Par « Forte jeune première » on peut imaginer une jeune première capable de tenir un premier rôle. Et par « (Angers) », dont le théâtre s’est toujours nommé « Grand théâtre », que la « Foresty » en question est rattachée à ce théâtre.
On trouve cette sœur dans les programmes de septembre, donnés dans Le Phare de la Loire pour le théâtre Renaissance de Nantes qui donne La Closerie des Genêts (1846), drame en cinq actes et huit tableaux (et un prologue) de Frédéric Soulié sur une musique d’Amédée Artus. Dans une distribution de quatorze hommes et neuf femmes, « Foresty » tient le troisième rôle féminin, celui de Léona de Beauval, qui ne semble pas avoir de mari (mais peut-être va-t-elle en trouver un).
Le samedi 20 en soirée, le théâtre Renaissance donne deux « pièces bouffe » en trois actes, Le Mari d’Ida, et Lequel ? Foresty joue dans la première, une comédie d’Alfred Delacour et Georges Mancel donnée au Vaudeville en 1878. Le programme sera repris le mardi 23. Le jeudi 25, Foresty aura un petit rôle en lever de rideau dans le vaudeville en un acte de Paul Siraudin et Lambert-Thiboust : Les Femmes qui pleurent de 1858. On la reverra encore une fois le 28 septembre dans Le Mari d’Ida et ce sera tout pour Nantes et pour septembre. On peut remarquer, en quittant Nantes, que jamais les auteurs des pièces ne sont cités dans les programmes du Phare de la Loire.
En octobre, le 26, nous retrouvons une Foresty (la même ?) au théâtre de Meaux dans La belle Gabrielle « drame en cinq actes et huit tableaux de M. Auguste Maquet », nous dit le programme, qui précise aussi « Costumes neufs de la maison Lepère, de Paris ». Mais c’est une autre indication qui interpelle :
Journal de Seine-et-Marne du 24 octobre 1879
« Pour les débuts de Mlle Foresty qui tiendra le rôle de Gabrielle. »
Dans ce drame (créé sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin en janvier 1857), la « Belle Gabrielle » est Gabrielle d’Estrées, maîtresse d’Henry IV. Or ce rôle-titre n’est pas l’Arlésienne mais le premier rôle féminin. En clair les directeurs du théâtre de Meaux se fichent du monde ; aucun directeur de théâtre ne pouvant accepter de donner le premier rôle féminin à une débutante, même à Meaux. Gabrielle d’Estrées étant morte à 26 ans, on peut imaginer que le rôle est tenu par Jeanne, la plus jeune des sœurs Forestier, âgée, justement, de 26 ans cette année 1879.
La pièce a été annoncée dans deux numéros du Journal de Seine-et-Marne, les 24 et 26 octobre, ce qui laisse penser qu’elle n’a été jouée que deux fois, au moins en Seine-et-Marne.
Donc au moins une des sœurs Foresty est toujours sur les planches alors que Firmin est peut-être dessous. Sauf circonstance exceptionnelle, comme celle du dimanche deux mars 1879 annoncée dans Le Figaro de la veille. Ce deux mars le Théâtre-Historique donnera une matinée au bénéfice de Madame Forli-Seifard avec une représentation du drame de 1855 en trois actes d’Émile de Girardin Le Supplice d’une femme. On peut relever le nom de Bianca dans la distribution. Au cours de cette même matinée est aussi donné, peut-être en lever de rideau, Le Petit voyage, un acte d’Eugène Labiche, de 1868. Firmin est de la distribution et annoncé comme faisant partie du théâtre du Gymnase. Si le Gymnase a été au début du XIXe siècle une salle d’entraînement des jeunes comédiens de la Comédie-Française, elle ne l’est plus depuis longtemps.
Une autre circonstance exceptionnelle se produira le lundi 19 mai au ministère de la Guerre. Une grande fête de charité se tiendra dans les salons et le jardin au profit des pauvres de Belleville. Le titre de la pièce n’est pas indiqué mais Firmin est annoncé comme étant « de la Comédie-Française ». Cette information est donnée à la fois par Le Figaro, Le Constitutionnel et le… Journal officiel, qui en fait le compte rendu dans sa parution du 21 mai, page 4 179. On en trouve même l’écho dans Le Phare de la Loire.
Et le premier juin de cette année 1879, c’est la grande aventure : la Comédie-Française part en tournée à Londres. Dans Le Figaro de ce premier juin on pourra lire avec le plus grand intérêt et le sourire aux lèvres l’article d’Émile Blavet signé « Un Monsieur de l’orchestre ». Cette page est reproduite ici sous le titre « La Comédie en voyage ». C’est aussi la première fois que Firmin est annoncé comme souffleur de la Comédie-Française. C’est aussi la fin de la gloire et des articles dans les journaux, à de rares exceptions près.
1881
Une de ces exceptions s’est produite près de deux ans plus tard le dimanche 27 mars au théâtre de Cluny jadis fréquenté par une des sœurs Foresty, dont nous n’avons plus de nouvelles. À une heure y sera donnée une matinée lyrique et dramatique au profit de la bibliothèque des amis de l’Instruction du quatorzième arrondissement. Firmin participera au côté de Bianca. Le programme n’est pas indiqué.
Un événement analogue s’est produit peu après, le samedi 9 avril mais cette fois-ci dans la salle Henri Herz au profit des bourses de l’école commerciale pour jeunes filles. Firmin est annoncé « de l’Odéon ». Cette salle était celle du facteur de pianos Henri Herz (1803-1888), située au 48 rue de la Victoire, pas très loin de Notre-Dame de Lorette. Cette salle a été ouverte en 1838, un an avant la salle Pleyel. Seul Le Rappel du douze avril donne le programme : le premier acte de L’École des vieillards (comédie en cinq actes de Casimir Delavigne de 1823), le deuxième acte du Philosophe marié (ou Le Mari honteux de l’être, comédie en cinq actes et en vers de 1727 de Destouches) et Le Legs, un acte en vers de Marivaux de 1736. Que du très neuf pour ces jeunes filles, comme on voit.
Le troisième événement de l’année se tient le 29 avril à l’hôtel Continental du trois rue de Castiglione, à l’angle de la rue de Rivoli, ouvert il y a à peine deux ans. Il s’agit encore d’une matinée dramatique de charité, sans que l’on en connaisse les bénéficiaires. Le programme est constitué d’extraits de pièces et Firmin sera du troisième acte des Plaideurs.
Et curieusement, le 27 octobre (Jean Giraudoux naîtra dans deux jours) nous retrouvons Firmin à l’affiche du théâtre de Meaux dans une « représentation extraordinaire » pour Gabrielle, la comédie en trois actes d’Émile Augier que Firmin connaît bien, ici réduite à quatre actes. Du coup ça laisse un peu de temps pour donner Les Folies amoureuses, comédie en trois actes de Regnard de 1704.
1882
Paul à dix ans. En 1878, Jeanne a rencontré le médecin genevois Hughes Oltramare. En janvier 1882, Hélène, fille de Fanny et de Firmin, meurt, à l’âge de seize ans, de la fièvre typhoïde. En avril, Firmin, obéissant à une certaine mode de campagne qui influençait alors le monde artiste, quitte la rue des Martyrs pour Courbevoie.
Le Figaro du 21 août fait un petit tour des personnels des principaux théâtres de Paris. Voici un fragment de ce qui concerne la Comédie-Française :
Et dans le _Gil Bla_s du dix septembre, Firmin a fait publier l’information suivante :
Cette annonce est aussi parue dans La Lanterne du lendemain, suivie d’une annonce similaire du comédien Landrol, pensionnaire du Gymnase.
Le douze septembre 1882, Julie Feyghine, de la Comédie-Française, et maîtresse abandonnée du duc de Morny, se suicide dans son appartement (à lui) de la rue de Marignan. Elle était âgée de 22 ans. L’émoi est énorme. Elle est inhumée le quinze. Julie étant née en Russie centrale (en 1860) la cérémonie a lieu dans l’église orthodoxe de la rue Daru avant l’inhumation au Père Lachaise. Une bonne moitié de la Comédie-Française est présente, dont Firmin.
1884
Comme chaque année vers le vingt août les journaux annoncent la composition des principaux théâtres pour la saison à venir, et Firmin comme premier souffleur et Monsieur Gaillard, deuxième souffleur.
Dans le Gil Blas du dix octobre, ces huit lignes en page trois :
À propos de la Renaissance, annonçons que Mlle Clarens, élève de M. Léautaud, vient d’être engagée à ce théâtre pour créer un rôle dans l’Amazone et jouer ensuite dans les représentations classiques.
Il n’y a que deux ans que M. Léautaud a fondé son cours de déclamation, 42, faubourg Montmartre, et déjà sept de ses élèves ont été engagés.
Dans sa rubrique « Courrier des spectacles », Le Gaulois du 17 octobre relate un incident surprenant :
Un petit incident sans importance, hâtons-nous de le dire, a failli troubler une des dernières représentations de la _Duchesse Martin_33, à la Comédie-Française.
Mme Samary34 était en scène et attendait une réplique, lorsqu’à sa grande surprise cette réplique lui vint des dessous du théâtre, sous la forme d’un aboiement prolongé ! La jeune comédienne demeura interdite, ne sachant ce moment si elle jouait dans L’Étincelle de M. Pailleron, ou dans la pièce de M. Meilhac. On n’a pas oublié en effet que, dans la première de ces pièces, le frère de Mme Samary, qui n’était alors qu’élève au Conservatoire, imitait à s’y méprendre dans la coulisse, l’aboiement d’un toutou, exigé par la situation. Mme Samary allait donc substituer la prose de M. Pailleron à celle de M. Meilhae, quand l’apparition de Mlle Kalb, dans son pittoresque costume de la petite Nouche, la rappela subitement au sentiment de la situation réelle. Pendant ce temps-là, l’aboiement continuait toujours et l’on commençait à rire dans la salle. Enquête fut aussitôt ordonnée, d’où il résulta qu’un chien à ce moment avait effectivement pénétré dans les dessous du théâtre, aux environs du trou du souffleur. Ce chien, de race superbe, du reste, appartenait à M. Léautaud, le souffleur de la Comédie, qui est en même temps un disciple émérite de saint Hubert. Chaque dimanche matin, fusil sur l’épaule, chien en laisse, la carnassière au dos, il s’en va battre les plaines de la Brie, des deux côtés du chemin de fer de l’Est.
Et la fin de l’année, le 26 novembre, est né Maurice Léautaud, fils de Louise Viale et de Firmin. Maurice a pour parrain le comédien Sylvain.
1885, la mort d’Émile Perrin
Il n’y a rien à inscrire concernant Firmin pour cette année 1885, qui verra la naissance de Sacha Guitry. Mais il y a beaucoup à dire pour son administrateur général, Émile Perrin, qui va mourir soudainement le huit octobre à l’âge de 71 ans. Émile Perrin (1814-1885), était administrateur général de la Comédie-Française depuis 1871. Sa disparition laisse donc un grand vide. Il est davantage question de lui dans la page « La Comédie en voyage », publiée en même temps que cette page-ci.
La maladie d’Émile Perrin a plongé le personnel et l’administration de la Comédie-Française dans un profond désarroi. On en sait peu de chose, comme tout ce qui touche aux maladies, et c’est heureux. Toujours est-il que le « Courrier des théâtres » du Figaro du neuf mai indique que : « Monsieur Perrin est toujours souffrant ; il ne vient que peu de temps et rarement au théâtre ». Le douze juin, Albert Kaempfen (1826-1907), inspecteur des Beaux-Arts en 1879 puis directeur en 1882 assure — peut-être depuis le début du mois — l’intérim d’Émile Perrin et préside pour la première fois le comité de lecture.
La maladie d’Émile Perrin, entre améliorations et rechutes, va continuer d’alimenter plusieurs mois les différentes chroniques des théâtres des journaux, d’hémorragies en hémorragies. Le congé d’Émile Perrin est prolongé d’un mois sur autorisation du ministre des Beaux-Arts (avec conservation de son traitement, semble-t-il). De son côté Émile Perrin a demandé à recevoir l’extrême onction, ce qui est rarement bon signe. Mais le premier octobre le voilà rétabli et de retour dans son théâtre. Il va mourir dans huit jours. Cela fera deux colonnes de une du Figaro du neuf octobre et deux autres en page deux.
Émile Perrin sera remplacé le vingt octobre par l’excellent Jules Claretie, qui restera lui aussi en place jusqu’à sa mort, en décembre 1913.
1886
On se souvient que Paul Léautaud s’est toujours plaint de l’indifférence de son père. En août 1886, Paul, âgé de quatorze ans, reçoit le premier prix de récitation et de lecture à haute-voix du concours annuel réunissant les élèves des vingt-deux écoles communales de Courbevoie et de Neuilly. Voici ce qu’il dit à Robert Mallet dans son Entretien diffusé à la radio le 14 décembre 1950 :
RM : Vous m’avez un jour donné un autre exemple de cette indifférence, très coupable, à mon avis… Il s’agissait d’un succès que vous aviez remporté à l’école ?
PL : Ah, oui ! Je devais avoir, à cette époque-là, quatorze ans. Il y avait un concours de lecture et de récitation pour les vingt-deux écoles du canton de Neuilly. Chaque école devait fournir son candidat. Moi, j’étais le candidat de l’école communale de Courbevoie. Je m’étais préparé tout seul, je n’avais rien dit. Le dimanche est venu. Je suis allé à la mairie de Neuilly et je l’ai emporté sur les vingt-deux candidats. J’ai reçu un livret de Caisse d’Épargne encaissable à ma majorité, qui entre parenthèses, m’a été joliment utile quand le père Léautaud m’a mis dehors. Alors, en revenant de la mairie, je regarde au café de la gare, à travers les vitres, pour voir si mon père était là. Effectivement, il y était, en train de jouer aux cartes. Je rentre et je lui dis : « Tu sais, papa, j’ai eu le prix. » Il m’a crié : « Veux-tu me foutre le camp d’ici ! Tu sais bien que je n’aime pas qu’on me dérange quand je suis en train de jouer ! » Alors, je suis parti avec ce nouveau succès.
RM : C’était donc cet égoïsme brutal qui vous indisposait à l’égard de votre père ?
PL : Non, j’étais habitué à cela.
Lisons maintenant le quotidien Paris du treize août 1886, page quatre (quatrième colonne) :
Et comme chaque année, des journaux donnent la composition des principaux théâtres pour la saison à venir. Pour la première fois nous y voyons le nom de Georges Berr (1867-1942), entré cette année 1886 et qui aura son importance pour Paul Léautaud puisque c’est grâce à lui qu’il a pu entrer, vers 1894, comme « tribun » chez l’oncle de Georges Berr qui tenait une ganterie.
Dans la liste des personnels de la scène publiée par Le Figaro du quatorze août 1886 il n’y a plus un premier et un second souffleur, mais deux souffleurs, « MM. Léautaud et Gaillard. »
Nous retrouverons cette même liste l’année suivante dans Le Figaro du vingt août et dans L’Écho de Paris du 21.
1888
Au printemps, la Comédie-Française est en tournée en province et se fait massacrer par L’Indépendant rémois du huit mars :
Le retour de la troupe qui avait eu un si beau succès dans l’_Ami Fritz_35 et l’affiche annonçant le _Tartuf_e, de Molière, et les Folies amoureuses de Regnard, avaient attiré au théâtre la foule des grands jours. Nous le quittons et n’avons pas été enthousiasmé. Les Folies amoureuses ne nous ont pas disposé favorablement pour entendre le chef d’œuvre de Molière. Les Folies ont fait quand même beaucoup rire, et le public a applaudi ; mais pas tout le public. Plusieurs, disons un assez grand nombre, n’ont pas trouvé de bon goût qu’on jouât — très certainement sans répétition préalable — une pièce en vers, qu’on la jouât, pour ainsi dire au souffleur. Cette interprétation, parsemée de fautes de prosodie, émaillée de vers faux, agrémentée d’absence de mémoire, ornée de fausses entrées, faisait mentir le programme qui disait en caractères gras : « Avec le concours des artistes de la Comédie-Française. » On eût dû ajouter : Et la non moins utile assistance de M. Léautaud, souffleur de la ditto.
Tartufe, grâce à M. Febvre et à Mme Kalb, a présenté plus d’intérêt. Certaines scènes ont été bien rendues, d’autres ont fait tache. Il ne faudrait pas juger la Comédie Française sur l’interprétation d’hier : elle ressemblait à l’interprétation du Théâtre Français comme une rose dessinée avec un certain talent ressemble à une rose véritable.
Bah ! en province. N’empêche que si M. Claretie savait qu’on abuse ainsi de l’étiquette de la Maison, nous doutons qu’il en éprouvât une grande satisfaction.
Ce n’était pas le cas de mettre les places aux prix de celles de la rue Richelieu et de suspendre généralement les entrées de faveur.
« si M. Claretie savait… ». Que cela peut-il sous-entendre ? Les journalistes sont souvent les mieux informés. Que l’administrateur général ne sait pas que quelques comédiens de sa troupe jouent en douce en province ?
Et fin décembre, dans La Cocarde du 22 :
La semaine dernière a eu lieu, au théâtre des Variétés, à Versailles, une représentation organisée par le Salon des Familles.
Tous les artistes qui ont prêté gracieusement leur concours ont eu leur part d’applaudissements, mais le grand succès de la soirée a été pour une jeune élève de Léautaud, Mlle Aimée Samuel, qui joint à la beauté un réel talent de diseuse36.
Mlle Samuel a charmé l’assistance en disant d’une façon remarquable : Grand-Père, vous n’êtes pas vieux, de Nadaud37, et Épousez Caroline, d’Erhard.
On l’a applaudie chaleureusement et on lui a offert de superbes fleurs après chaque monologue. Son succès s’est continué dans l’Espion, pièce patriotique, de M. Hubbard, député de Seine-et-Oise38.
Les Parisiens applaudiront cette jeune artiste sur une de nos grandes scènes.
1889-1892
En mai 1889 est la saison des fêtes de charité. Ainsi qu’il en est coutumier, Firmin prêtera son concours, le onze mai, à la société de Secours mutuels des Ternes sous la présidence de Severiano de Hérédia (avec deux é) (1836-1901), député (gauche) de la Seine.
Le quinze août 1891 meurt la tragédienne Agar (Marie-Léonide Charvin), née en 1832. _L’Événemen_t du 19 août en fait une colonne entière en une, dans laquelle on peut lire :
[Achille Ricourt39] enseigna très mal une élève, dotée par le maître d’un débit sans naturel […]. Je requiers les dépositions des survivants camarades de ce cours particulier et patient : le souffleur actuel des Français (M. Léautaud), M Hector Delille, Mme veuve Ricourt admettraient fondée mon observation.
Dans le Gil Blas du 28 août 1892, cette curieuse annonce dont on peine à discerner si elle a été achetée par Firmin ou s’il s’agit juste d’un ragot de coulisses :
1893
Firmin continue d’organiser ses cours de déclamation et nous lisons dans le quotidien Le Journal du sept février :
Une délicieuse artiste, qui vient de se révéler dans plusieurs concerts mondains, Mlle Germaine Verdier, élève de Léautaud, de la Comédie-Française, va prochainement débuter sur une de nos scènes du boulevard.
Tous nos compliments à la gentille débutante.
En attendant cela, le quatre mai, Firmin participe (comme souffleur ?) à une fête de charité en faveur des familles pauvres de Belleville et de La Villette, organisée par les jeunes gens de la paroisse de Saint-Thomas d’Aquin. C’est beau comme un conte d’Andersen. De nombreux artistes de la Comédie-Française y participent aussi. Au programme : Le Post-Scriptum, comédie en un acte d’Émile Augier (deux personnages) (Comédie-Française 1869) et Les Espérances, comédie en un acte de Paul Bilhaud (Vaudeville, 1885).
Le Gaulois du cinq mai ajoute :
Nous ne saurions oublier une très belle poésie de Casimir Delavigne40 dite par M. Léautaud.
Ça fait longtemps que des travaux doivent être entrepris à la Comédie-Française et, comme en 1879, la troupe en profite pour organiser une tournée à Londres, qui ne sera qu’un demi-succès. Départ le six juin, première soirée le treize et retour en France vers la mi-juillet pour un mois de tournée en province.
Et le 18 juin, qui n’était à l’époque que l’anniversaire de la bataille de Waterloo, les comédiens fêtent l’événement de façon un peu bruyante pour les Anglais, on les comprend. Firmin est de la fête et maintenant qu’on le connaît un peu mieux, on imagine qu’il n’a pas été le dernier des braillards. C’est L’Écho de Paris du six juillet qui relate l’affaire.
Le onze octobre, une singularité révélée par Vert-vert, délaissé ici depuis quelques années, le théâtre Tivoli de la rue de la Douane (actuelle rue Léon-Jouhaux, qui commence place de la République à l’angle de la caserne), donne un succès de 1850 : Le Courrier de Lyon (ou L’Attaque de la malle-poste), drame en cinq actes et huit tableaux d’Eugène Moreau, Alfred Delacour et Paul Siraudin. Firmin y tient le rôle, assez mineur, d’« un municipal ».
Le trois novembre, Paul Léautaud écrit les premières lignes de son Journal.
Le dix décembre « à 2 heures du soir » à La Garenne, lieu de pêche bien connu, Firmin participe à un « concert donné par l’union des Femmes de France ».
1894
Il est intéressant de lire « La soirée parisienne » de Frimousse dans Le Gaulois du 23 janvier, qui rend compte de deux spectacles. Mais pour bien comprendre le texte il faut savoir — ce qui n’est pas indiqué mais que tout le monde sait à l’époque — que le premier est donné à l’Opéra-Comique et le second à la Comédie-Française. Pour ce qui nous concerne, seul y est intéressant le fait que Firmin y est cité. On y apprend au passage qu’un musicien du nom de Coedès mettait en musique les publicités des journaux, ce qu’on ne découvrira, avec la radio, dans une trentaine d’années.
1895
Le dimanche six janvier, la société scolaire mutuelle de prévoyance et de retraite de Courbevoie organise une conférence assurément passionnante sur la mutualité scolaire, suivie d’une matinée lyrique et dramatique. Tout ce que la ville compte de notables, dont Firmin, a participé à la fête, qui « s’est terminée par La Marseillaise, jouée par la musique du 129e ». On en parle encore dans tout Courbevoie.
Toujours à Courbevoie, le trois juin, le groupe de combattants de 1870-71, à la tête duquel sont des hommes d’initiative et de dévouement, comme MM. Bonnefoy, Coulon, Léautaud […] vient de faire preuve de sentiments patriotiques et généreux en organisant […] une matinée-concert […] en l’honneur des troupes du corps expéditionnaire de Madagascar…
Pour la rentrée, à Courbevoie, ouverture des cours publics de l’association philotechnique à partir du 24 octobre. Chaque jour de semaine à son cours (langue anglaise, dessin, solfège…) et le dimanche, « lecture et diction » par M. Léautaud.
Et le 28 décembre, dans le sous-sol désaffecté d’un café du boulevard des Capucines, a lieu la première séance publique de cinématographe.
1896-1897
À partir de 1896 on rencontre dans les journaux plus souvent le nom de Paul (pour ses quelques parutions dans le Mercure) que de celui de Firmin, sans compter les assez nombreux homonymes. En fait en 1896 on ne lit plus le nom de Firmin, ce qui n’est pas très bon signe. Et les journaux des 25 février au 14 mars annoncent sa retraite. Firmin sera remplacé par le fils de Monsieur Gaillard, actuellement au Vaudeville.
Une douzaine d’articles de journaux, parfois fort longs, met plus particulièrement en avant ce départ. Afin d’alléger le chargement de cette page web déjà bien longue, ces articles font l’objet d’une page séparée : « La retraite de Firmin ».
Vers le vingt avril, les journaux indiquent dans un communiqué que
Les artistes de la Comédie-Française viennent de faire parvenir à M. Léautaud […] un buste en marbre de Molière, à titre de souvenir.
Ils y ont joint une adresse signée de M. Claretie et de tous les sociétaires et pensionnaires.
On peut s’interroger sur ce « viennent de faire parvenir », qui indique que Firmin ne s’est pas déplacé depuis Courbevoie. Est-il malade à ce point (il est âgé de 63 ans et ne va mourir que dans cinq ans) ou y a-t-il autre chose ?
On peut aussi s’interroger sur la place prise dans les journaux par la retraite de Firmin, place énorme en rapport de ce minuscule événement. Une seule réponse est possible : il s’agissait, à l’évidence — et contrairement à l’image que nous en a toujours présentée son fils Paul — d’un personnage extrêmement sympathique, chaleureux et attachant. On peut en trouver la preuve sans cette minuscule anecdote du départ de la Comédie-Française en tournée à Londres. Firmin arrive en retard à la gare, le train va partir et, nous dit le chroniqueur du Figaro :
Vingt portières s’ouvrent pour le cueillir.
Tout est dit.
1898 – 1899
Firmin est à la retraite depuis un an et ce printemps est organisé un certain nombre de représentations au profit de quelques personnes (comédiens ?). Pour Firmin, ce sera le douze mai à treize heures trente, dans la salle des fêtes du Trocadéro, où la troupe de la Comédie-Française jouera Œdipe roi avec Mounet-Sully dans le rôle-titre.
Dans Le Gaulois du 31 janvier 1899, ces quelques lignes :
Dans son « Journal d’un Parisien » paraissant dans le quotidien Le Journal du 27 décembre 1899, Jules Claretie, né à Limoges, tient les deux premières colonnes (et demie). On peut en extraire l’anecdote suivante :
Meilhac devait me donner un dessin à la plume qu’il n’a jamais eu le temps de jeter sur le papier. C’était pendant les répétitions de _Pepa_41, et notre ami Ganderax42 doit s’en souvenir. Mlle Reichenberg43, qui jouait Pepa, prenait, comme on dit, un béquet au souffleur et, tandis que le bon Léautaud écrivait, au crayon, les retouches sur le rôle manuscrit de l’actrice, la charmante comédienne attendant que le travail fût achevé s’était étendue à plat ventre, sa tête blonde appuyée sur ses coudes repliés, devant le trou du souffleur — et c’était très amusant et très pittoresque, cette Pepa étalée là, sur les planches, cette Agnès idéale44 contemplant fixement le vieux souffleur, comme un petit Sphinx non pas de Gustave Moreau45 mais de Rops46 ou de Grévin47.
— Voilà, dis-je à Meilhac, tenez, voilà le dessin48 que je vous demande !
— En effet, c’est tout à fait original. C’est entendu. Vous l’aurez ! Et ce sera très drôle !
Je n’ai pas eu cet amusant croquis, cet instantané si particulier de Mlle Reicheriberg. Meilhac ne l’a jamais ni achevé ni même commencé — et je le regrette comme un souvenir d’un maître du théâtre que j’ai beaucoup aimé, d’une comédienne supérieure que la nature avait douée de dons exquis, et de répétitions qui furent un labeur souriant, ponctué de traits d’esprit et mené avec bonne grâce.
1900
Dans Le Matin du 29 juillet 1900 Alphonse Lemonnier écrit ses « Notes d’un directeur de théâtre » (deux colonnes et demie). Il écrit ses souvenirs de sa rencontre avec le compositeur Daniel Aubert (1782-1871). Daniel Aubert fait partie de ces artistes très honorés, voire très glorifiés, de leur vivant, ayant leur nom au fronton de l’opéra mais n’ayant laissé que peu de trace ensuite. Nous ne retenons de lui que sa Muette de Portici, opéra-ballet en cinq actes de 1828, que l’on entend encore certains soirs sur France-Musique. C’est en tant que directeur du Conservatoire (de 1842 à sa mort en 1871, soit pendant 29 ans) qu’il nous intéresse ici. Peu de Parisiens, en prenant la belle rue Aubert qui longe l’opéra sur sa gauche, savent que c’est de lui dont il s’agit. En même temps ce n’est pas lui qui l’a construite. Mais revenons à l’article d’Alphonse Lemonnier, de quarante ans plus jeune que Daniel Aubert.
Dans son texte, Alphonse Lemonnier (1842-1907) se souvient d’un article qu’il écrivit « À vingt ans » alors qu’« Aubert était encore directeur du conservatoire ». Dans l’écrit de ses vingt ans, Alphonse reprochait « au conservatoire » de « recevoir trop aisément des élèves qui ne sont pas doués ». C’est « pas douées », qu’il faudrait écrire, Daniel Aubert profitant très souvent de sa position pour diplômer certaines élèves davantage pour leur beauté que pour leur talent. Le notable proteste et convoque le jeune homme dans son bureau le lendemain matin. Voilà où nous voulons en venir, après la protestation de Daniel Aubert :
Si j’eusse osé, je pouvais répliquer à Auber : « Non, vous faites erreur, et la preuve c’est que vous avez donné le premier prix de tragédie au jeune Léautaud, qui a un accent auvergnat dont il n’arrivera jamais à se débarrasser. Que voulez-vous qu’il devienne, cet élève que votre récompense a encouragé à rester dans la carrière dramatique ? »
Je ne prévoyais pas que M. Léautaud deviendrait un jour souffleur de la Comédie-Française. Avouez, malgré cela, que pour tenir cet emploi, modeste même dans la maison de Molière, il n’est point indispensable d’avoir obtenu le premier prix de tragédie, puisque, on l’a dit, et nous le répétons, souffler n’est pas jouer.
Février 1903, La mort de Firmin
Firmin est mort chez lui, à Courbevoie, le 26 février. C’est Le Gaulois du 28 qui en parle le premier, dans ses « Échos de partout », en une :
Comme on le voit, Le Gaulois recycle ses vieux textes mais nous avons 48 lignes en une.
Le Figaro est le premier à parler de la cérémonie, davantage dans ses goûts :
Les obsèques de Léautaud, le souffleur retraité de la Comédie, ont été célébrées hier matin à dix heures à Courbevoie. Dans l’assistance, MM. Baillet, Villain, Bernès, Véronce, et la plus grande partie du personnel de la Comédie, avec M. Claretie à sa tête.
De belles couronnes avaient été envoyées.
C’est le même Georges Baillet qui sera invité en 1929 à la fête des Rosati à Fontenay, à laquelle assistera Paul Léautaud, venu uniquement pour le revoir.
Ce n’est pas dans la rubrique des théâtres que Le Temps du premier mars annonce la mort de Firmin, mais dans celle des théâtres, ce qui ferait plaisir à n’importe qui.
Le Journal des débats du deux mars reprend le texte du Figaro.
En novembre, la mort de Firmin (et Firmin lui-même) sont oubliés, ainsi va la vie. Dans _Le Temp_s du trois novembre, la rubrique des théâtres évoque le livre (de nos jours introuvable) de Maximin Roll qui vient de paraître au Magasin pittoresque : Une année chez Molière, 1890. On y trouve cette anecdote :
20 juillet. Un peu après le commencement du spectacle, on a téléphoné à l’administration pour prévenir que le feu avait pris dans le logement d’un des spectateurs et demander que l’intéressé fût averti. Un employé du contrôle, puis aussi Léautaud lui-même, sont venus au balcon aviser qui de droit. Léautaud s’est écrié par deux fois : « On demande Monsieur L…, emballeur, rue des Petites-écuries », et comme on riait un peu, il a ajouté : « Messieurs, si je me permets d’insister ainsi, c’est qu’il s’agit d’une chose très grave ! » Du reste, M. L… n’a pas répondu.
Annexe I — Les matinées Ballande
Cette annexe est un autre texte que les trois chapitres que Francisque Sarcey à réservé aux Matinées Ballande dans ses Souvenirs d’âge mûr parus chez Ollendorff en 1892, chapitres que nous pouvons lire dans la page « Les Matinées Ballande »
Hilarion Ballande, Rapport à Son Excellence Monsieur Maurice Richard, ministre des Sciences, lettres et beaux-arts (c’était sous le second empire) :
Sa Majesté l’Empereur Napoléon III décrète la liberté des théâtres le 6 janvier 1864.
Son Excellence M. Duruy, ministre de l’instruction publique49, crée les conférences libres.
Grâce à ces deux libertés, je puis fonder, au théâtre de la Gaîté, le 17 janvier 1869, des matinées littéraires dans le but de populariser les chefs-d’œuvre classiques de la scène française, et de réagir, par leur popularisation, contre certaines œuvres déplorables, qui, depuis longtemps, envahissaient la plupart de nos théâtres, et égaraient le goût public ; par suite, le niveau de la littérature théâtrale s’abaissait, et l’art de l’interprétation allait s’amoindrissant ; conséquence naturelle ; car si ce n’est qu’à l’audition et à la contemplation des œuvres puissantes et élevées que se forment les auteurs remarquables, ce n’est aussi qu’à l’interprétation de ces mêmes œuvres que se forment les grands comédiens.
Le 28 février 1869, Sa Majesté l’Empereur, qui, avec M. Duruy, a été l’un des premiers à comprendre la portée et l’avenir de mes matinées, daigne, au palais des Tuileries, me féliciter de leur fondation, et poussant son auguste bienveillance jusqu’à vouloir bien les qualifier d’institution patriotique, il daigne m’en remercier.
Le cher Hilarion — mais c’était comme ça depuis longtemps et certains compliments au roi de Molière ou de La Fontaine nous soulèvent le cœur — continue comme ça pendant des phrases et des phrases que personne ne lira et — espérons-le — n’écrira plus jamais.
De ce rapport, néanmoins, nous apprendrons bien des choses, les rapports, en principe, une fois la flagornerie passée, servent à ça.
Donc, en clair, dans ces matinées, la représentation d’une pièce classique était précédée d’une conférence. Le ciné-club avant l’heure, si l’on veut. Cette invention « change le théâtre en une chaire de grand enseignement populaire de haute littérature », nous dit Hilarion.
Hilarion Ballande, on ne le sait pas assez, était une sorte de philanthrope et tout est organisé dans ce sens :
Le choix du théâtre, dans un quartier populeux ; le choix du jour, le dimanche, celui où les lycéens, les pensionnaires, les ouvriers surtout sont libres ; la réduction du prix des places jusqu’au niveau des bourses les plus modestes ; […] le don de trois cent quarante entrées fait chaque dimanche, pour les élèves de l’école Normale supérieure, de l’école Polonaise50, et des cours d’adultes de la ville de Paris…
Les documents manquent pour la suite de cette aventure. Il faudrait, sans certitude, pourvoir consulter l’ouvrage de Justin Bellanger : Les matinées Ballande, souvenirs intimes, paru chez Lemerre en 1901 mais le seul exemplaire disponible à la date de rédaction de ces lignes (février 2023) est à cent dollars pour 67 pages.
Avant la guerre, ces matinées ont été interrompues naturellement en mai 1870 par la fin de la saison pour reprendre le 19 février 1871 avec une conférence de Francisque Sarcey51 et une représentation du Cid.
Après la guerre, dans La Liberté du seize janvier 1872 L.-P. Laforêt écrivait un article dont une bonne moitié est reproduite ci-dessous52 :
Revue dramatique théâtre de la Gaîté. — Matinées littéraires de M. Ballande.
Hier dimanche, à une heure de l’après-midi, la température était douce, et le ciel, dégagé des sombres nuées du matin, invitait à la promenade. Cependant une foule pressée s’engouffrait dans la vaste salle de la Gaîté, et bientôt l’emplissait de bas en haut. À une heure et demie, il ne restait plus une seule place pour les retardataires.
Quel attrait y avait-il donc ? L’attrait d’une des matinées organisées et renouvelées avec une si louable persévérance par M. Ballande, l’artiste professeur, un homme doué de cette bonne volonté qui fait les apôtres de l’art, de cette foi qui attire, qui crée un public. On ne croyait guère au succès de ces matinées littéraires et dramatiques. Aujourd’hui encore, ce n’est pas sans surprise que l’on voit cette foule envahir, en plein jour, le théâtre ; lui seul, M. Ballande, n’en est point étonné. Il a eu pourtant des obstacles à vaincre ; mais son effort constant a triomphé de tout, parce qu’il avait tout prévu. Le mérite et l’honneur de l’idée lui reviennent en entier, mais les résultats se répandent sur un nombre déjà grand de jeunes artistes qui, grâce à lui, se sont signalés. Les uns ont trouvé là ce qu’ils auraient vainement attendu des auteurs et des directeurs qui veulent des talents exercés ou démontrés : ils ont trouvé la bienheureuse occasion de faire leurs preuves et d’obtenir des engagements, dont quatre à la Comédie-Française. Pour le public, ce n’est pas seulement un avertissement, c’est encore un cours de littérature dramatique ; car une conférence précède la représentation, initiant le spectateur aux beautés de l’œuvre qu’il vient voir, aux conditions dans lesquelles elle s’est produite, à la portée qu’elle a dans l’ordre philosophique, historique, satirique et moral.
Interrompues par la guerre et les événements qui suivirent, ces intéressantes représentations ont heureusement retrouvé le succès laborieusement préparé et légitimement acquis dans le cours de la série d’inauguration, des premiers mois de 1869, et de la seconde série de la saison d’hiver de 1869-1870. On vit, dans cette double période, quatorze conférenciers se succéder, et tous en possession d’une haute célébrité dans les lettres, qui était à la fois un appui et une caution pour l’entreprise intelligente et féconde à laquelle ils s’associaient publiquement. L’Académie, l’Université et la critique ont ainsi donné leur concours actif aux matinées littéraires de M. Ballande, dans la personne de ces érudits, de ces écrivains animés de l’esprit de progrès, qui joignaient l’éloquence de la parole à une science particulière des hommes et des œuvres qui ont illustré l’art dramatique.
[…]
Il y a dans ce public une intuition singulière, très ouverte et très vive, qui ne demande qu’à être dirigée. C’est ce que l’organisateur de ces matinées dramatiques a parfaitement compris. Sans ostentation, sans fracas, il lui suffit d’une affiche, comme celle d’hier, annonçant les Précieuses ridicules et les Plaideurs, accompagnés d’une pièce de vers de M. Manuel, l’auteur des Ouvriers_53, et d’une conférence de M. Henry de La Pommeraye, le critique éclairé, pour avoir salle comble. Évidemment ce public vient là pour s’instruire autant que pour se distraire, et c’est un spectacle tout à fait digne d’être étudié et suivi que celui de cette attention soutenue, de ce discernement instinctif qu’il apporte à la représentation de l’ancien répertoire. On se sent vivement intéressé à le voir si curieusement avide des commentaires qui font l’objet de la conférence. Il saisissait à merveille les aperçus élevés de M. de Lapommeraye, expliquant, sur le ton naturel de la causerie, avec cet art du bien dire qui lui est familier, comment Molière a été pour le théâtre un véritable moralisateur, dans la haute acception du mot, et comment Racine, se retrempant aux sources vives de l’auteur des Précieuses, devint le poète d’_Athalie.
[…]
À l’issue de cette conférence, qui a valu à l’aimable et érudit causeur une ovation répétée, les artistes de M. Ballande ont joué avec un ensemble parfait et beaucoup d’entrain, les Précieuses et les Plaideurs. À ces jeunes artistes s’étaient réunis Saint-Germain, du Vaudeville ; Mlle Jouassain, de la Comédie-Française ; Mlle Damain ; et Touzé, un acteur comique du Châtelet, maintenant, au théâtre du Château-d’eau qui semble possédé d’un goût très vif pour la livrée du grand répertoire et qui, dès à présent, pourrait fort bien tenir l’emploi à l’Odéon sinon au Théâtre-Français. Deux élèves couronnées du Conservatoire Mlle Varenne, dans le rôle d’Isabelle, des Plaideurs, et Mlle Lefebvre, dans celui de la soubrette des Précieuses, ont montré des qualités rares qui annoncent des comédiennes d’avenir très prochain. Beaucoup peut-être ne les valent pas qui ont un nom dans nos théâtres de genre.
L.-P. Laforêt
Dans une petite vingtaine d’années, dans une de ses conférences à l’Odéon, l’excellent quoiqu’un peu rigide Ferdinand Brunetière évoquera Hilarion Ballande :
Les matinées Ballande avaient lieu le dimanche et, à une époque où les divertissements des après-midi dominicales ne s’offraient pas en foule, comme aujourd’hui, les voltairiens ajoutaient que ces matinées étaient une ressource pour ceux à qui le chant des vêpres ne suffisait pas. Malgré plaisanteries et critiques, Ballande eut son succès, un moment très vif […]. Malheureusement, Ballande opérait trop loin et avec une troupe médiocre, car, malgré quelques étoiles très passagères, il la recrutait au hasard, la payait mal et ne pouvait lui donner l’ensemble nécessaire. Les autres théâtres, voyant la faveur avec laquelle étaient accueillis les spectacles de jour, lui en empruntèrent l’idée, en lui laissant les conférences, et diminuèrent notablement son public. Après avoir essayé de transporter la conférence au théâtre Déjazet, qu’il baptisa du nom pompeux de troisième Théâtre Français, Ballande dut se résigner à n’être plus qu’un directeur comme les autres.
Annexe II — Les représentations de Firmin
Le lecteur parvenu au bout de cette soixantaine de feuillets A4 trouvera ci-après une liste des pièces de théâtre auxquelles a participé Firmin comme acteur ou organisateur.
Cette liste est uniquement indicative, elle a été établie depuis les données présentes dans cette page web, qui proviennent uniquement de recherches en ligne. N’importe quel chercheur sérieux doublera cette liste sans problème et pourra confirmer que Firmin Léautaud n’a pas été ce « comédien raté » évoqué un peu rapidement par les meilleurs spécialistes depuis les très fragmentaires informations de son fils.
Dans les périodes pendant lesquelles Firmin était organisateur de tournées, les journaux, dans leurs articles ou leurs programmes, les théâtres dans leurs encarts publicitaires évoquaient « La troupe de Monsieur Léautaud » sans toujours indiquer si Firmin était de la distribution ou non. On peut penser qu’il l’était, pour des raisons d’économies et aussi parce qu’il aimait se produire sur scène, nous en avons la preuve par les nombreuses matinées caritatives auxquelles il a participé, parfois seul de son théâtre.
Il ressort de cette liste que Firmin a participé à 81 pièces et la lecture de cette page peut laisser penser qu’il a joué dans au moins une centaine de théâtres à l’occasion de ses tournées en province qui restent à détailler.
Notes
1 L’Opinion nationale du 25 juillet 1861, page trois.
2 Il y aurait beaucoup à écrire sur ce théâtre des Jeunes Artistes, qui a pris plusieurs noms en plusieurs lieux.
3 Mademoiselle de Belle-Isle, drame en cinq actes en prose d’Alexandre Dumas (père), créé au Théâtre-Français le deux avril 1839. Cette pièce réclame six rôles d’hommes et trois rôles de femmes.
4 Jules Laroche (1841-1925), entré à la Comédie-Française en 1870, sociétaire en 1875. Démissionnaire en 1893, Jules Laroche a joué une vingtaine d’années encore, y compris avec Sarah Bernhardt.
5 h manquant dans l’original, ajouté ici. Sarah Bernhardt, née en octobre 1844 n’avait pas encore 18 ans.
6 Léontine Massin (1847-1901, à 54 ans) n’a pas étudié au conservatoire mais à Constantinople dès l’âge de treize ans. De retour en France, Léontine provoque, semble-t-il, davantage d’enthousiasme dans son lit que sur la scène. Il n’est pas impossible qu’elle ait été atteinte d’une syphilis paralysante. C’est hélas sous son activité de prostituée qu’elle a laissé le plus de souvenirs, comme en témoigne cette couverture des Contemporains du 24 février 1881, dix ans avant sa mort.
7 Une mauvaise nuit est bientôt passée, comédie-proverbe en un acte de Charles Honoré (1793-1858) représentée aux Folies dramatiques le seize octobre 1849.
8 Il s’agit du décret impérial du six janvier 1864. Voir le début de l’annexe I « Les Matinées Ballande ».
9 Ce théâtre historique, a été fondé 72 boulevard du Temple (l’adresse n’existe plus) en 1846 par Alexandre Dumas père (pour y jouer ses pièces) et inauguré le vingt février 1847 par la création de La Reine Margot. La suite, comme souvent pour les théâtres, est un peu plus compliquée. Le théâtre ferme en octobre 1850, rouvre en octobre 1862 sous le même nom pendant un mois puis prend le nom de théâtre du Boulevard du Temple quinze jours plus tard, avant de fermer définitivement en octobre 1863 pour devenir le Théâtre lyrique. La salle sera démolie dans l’année par l’agrandissement de la place du Château d’eau, le boulevard du Temple s’arrêtant alors au numéro 54. Neuf immeubles ont été rasés par l’agrandissement de la place au sud-est. On comprend donc que la troupe soit en tournée. La place du Château d’eau sera renommée place de la République en 1879.
10 La Famille Moronval, drame en cinq actes de Charles Lafont créé au théâtre de la Porte-Saint-Martin le six octobre 1834. La distribution réclame sept femmes et sept hommes. L’action se passe sous le règne de Louis XIII.
11 La Vieillesse de Brididi, vaudeville en un acte d’Adolphe Choler et Henri Rochefort, de mars de cette même année 1964, il n’est pas sûr que les droits aient été acquittés par la troupe..
12 La Dame de Saint-Tropez, drame en cinq actes du très prolifique Auguste Anicet-Bourgeois (1806-1871) et du très fécond Adolphe d’Ennery (1811-1899) créé au théâtre de la Porte-Saint-Martin en novembre 1844.
13 Le Bossu, roman « de cape et d’épée » de Paul Féval (1816-1887) paru en 1857 a été adapté à la scène par Auguste Anicet-Bourgeois (note précédente) et créé à la rentrée de 1862 au théâtre de la Porte-Saint-Martin.
14 Le lecteur du Creusot fait ici allusion à la pauvreté des décors et à la « chaleur étouffante » qui régnait dans la salle.
15 En 1869, Vert-vert est un opéra-comique d’Henri Meilhac et Charles Nuitter sur une musique de Jacques Offenbach, créé le dix mars à l’Opéra-Comique sur un texte plus ancien, qui ne vient donc pas du titre de ce journal. Dans le premier texte, de Jean-Baptiste Gresset (1709-1777), Vert-Vert (ou Vert-ver) ou les voyages du perroquet de la Visitation de Nevers, poème héroïque de 1734, Vert-Vert est un perroquet : « À Nevers donc chez les visitandines, / Vivait naguère un perroquet fameux, / À qui son art et son cœur généreux, / Ses vertus même, et ses grâces badines, / Auraient dû faire un sort moins rigoureux… »
16 Arthur Pougin, dans son Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre (Firmin Didot 1885), à l’entrée « Mémoire » (page 513), indique que le contrat des comédiens oblige souvent à l’apprentissage d’un certain nombre de lignes par jour. Généralement cinquante, parfois cent, ce qui n’est pas toujours suffisant.
17 Firmin n’est pas crédité dans La Gironde mais le sera dans les numéros suivants annonçant cette pièce. Le Grand théâtre fait souvent relâche le mardi.
18 Seuls les deux premiers rôles sont crédités.
19 Édouard Plouvier et Jules Adenis, Trop beau pour rien faire, comédie en un acte mêlée de couplets créée au théâtre du Vaudeville le treize novembre 1855 (cinq personnages).
20 Le Supplice d’une femme, drame en trois actes représenté pour la première fois sur le Théâtre-Français par les comédiens ordinaires de l’Empereur le 29 avril 1865.
21 Après le bal, comédie en un acte mêlée de couplets de Siraudin, Delacour et Scholer. Cette comédie a été créée le quinze mars 1862 au théâtre du Gymnase. Elle est pour deux personnages : Caudebec et Henriette Dumonteil.
22 Émile Auger, L’Aventurière, comédie en cinq actes créée à la Comédie-Française le 23 mars 1848 puis en quatre actes dix-huit jours plus tard dans ce même théâtre. Dans La Gironde, Firmin apparaît comme premier rôle masculin, celui de Monte-Prade. On peut noter que ce rôle a été créé près de dix ans plus tôt par son maître Pierre-François Beauvallet.
23 Pour une fois le programme indique la distribution. Firmin est Don Ruy Gomez de Silva, troisième rôle masculin.
24 Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), célèbre chansonnier.
25 Dans La Comédie de la semaine précédente, vingt septembre, page sept, bas de la première colonne.
26 Ce théâtre Saint-Marcel, construit en 1837 n’a pas duré très longtemps. Il se trouvait 31 rue Pascal, dans la partie démolie pour laisser le passage au boulevard de Port-Royal. Aux environs du 20 boulevard de Port-Royal, et sous lui qui les surplombe, se trouvaient les numéros 27 à 33 et 30 à 36 de la rue Pascal, démolis pour laisser place au boulevard de Port-Royal.
27 Miss Multon, comédie en trois actes d’Eugène Nus et Adolphe Belot jouée au Vaudeville (et non à l’Odéon) le premier décembre 1868. Cette médiocre comédie a ensuite été transformée en drame en cinq actes par l’ajout d’un prologue et d’un dernier acte et représentée en janvier 1876. Dans son Agenda au 24 septembre 1869, George Sand écrit « Nous dînons chez Magny, Plauchut et moi et nous allons au Vaudeville voir _Miss Multo_n. » Cette pièce n’a pas été jouée en continu au Vaudeville, elle a quitté l’affiche en février avant d’être reprise, peut-être pour combler un vide.
28 Charles de Chilly (1804-1872), comédien et directeur de plusieurs théâtres (Porte-Saint-Martin, Ambigu), a été nommé en 1867 à la direction de l’Odéon. Dans Ma double vie Sarah Bernhardt évoque très souvent Charles de Chilly.
29 Le Sacrilège, drame en cinq actes et huit tableaux de Théodore Barrière et Léon Beauvallet créé en octobre 1868 au théâtre de l’Ambigu-Comique
30 Charles Gidel (1827-1900), docteur ès lettres est professeur de rhétorique au lycée Condorcet (ex-Bonaparte) depuis 1860, où il a le professeur d’anglais Stéphane Mallarmé comme jeune collègue. Il sera proviseur du lycée Henri IV à la rentrée puis au Louis-Le-Grand en 1878.
31 Victor Lhérie (ou Lhéric) (Victor Lévy, 1808-1845).
32 L’Étrangère, comédie en cinq actes créée au Théâtre-Français, le quatorze février 1876.
33 Henri Meilhac, La Duchesse Martin, comédie en un acte d’Henri Meilhac créée à la Comédie-Française en mai dernier. Le texte de la pièce est paru cette même année chez Calman-Lévy (72 pages).
34 Jeanne Samary (1857-1890), issue d’une famille d’artistes a été l’élève de Prosper Bressant au Conservatoire avant d’entrer à la Comédie-Française en 1875 où elle a joué toutes les soubrettes de Molière. Sociétaire en 1879 elle a participé à la création de L’Étincelle d’Édouard Pailleron avant de créer la Suzanne du Monde où l’on s’ennuie.
35 L’Ami Fritz est d’abord un roman écrit par Émile Erckmann et Alexandre Chatrian, dits Erckmann-Chatrian. Le roman a ensuite été adapté pour le théâtre par ses deux auteurs. La pièce, trois actes, a été créée à la Comédie-Française en décembre 1876.
36 Cette plantureuse comédienne a été engagée au Palais-Royal en 1899.
37 Gustave Nadaud (1820-1893), auteur de chansons. « Vous parlez toujours de votre âge / Comme si vous aviez cent ans / Grand-père, vous n’êtes pas sage / Nous protestons et je prétends, / À voir votre malin sourire / Votre bouche et surtout vos yeux / Que tout le monde peut y lire : Grand-père vous n’êtes pas vieux. »
38 Gustave-Adolphe Hubbard (1858–1927), député radical-socialiste de Seine-et-Oise puis des Basses-Alpes de 1885 à 1906 (cinq mandats). L’Espion, drame en un acte de 1888.
39 Achille Ricourt (1797-1875), comédien et professeur de théâtre. Voir L’Éclipse du 21 février 1874 page trois.
40 Casimir Delavigne (1793-1843), auteur dramatique et poète.
41 Pepa, comédie en trois actes d’Henri Meilhac créée à la Comédie-Française le 31 octobre 1888.
42 Louis Ganderax (1855-1940), journaliste et critique dramatique, a travaillé avec Henri Meilhac à l’écriture de Pepa.
43 Suzanne Reichenberg (1853-1924), est entrée à la Comédie-Française en 1868 (à quinze ans) et est devenue sociétaire en 1872 (à 19 ans) avant de prendre sa retraite l’an dernier. Elle a été la créatrice remarquée du rôle de Suzel de L’Ami Fritz en décembre 1876, et surtout de Blanche, des Corbeaux, en septembre 1882.
44 Le premier rôle de Suzanne Reichenberg lors de son entrée à la Comédie-Française a été celui d’Agnès (de L’École des femmes, à qui Horace a pris son… ruban).
Suzanne Reichemberg dans On ne badine pas avec l’amour
(photographie atelier Nadar)
45 Gustave Moreau est mort en avril dernier. On peut passer deux heures agréables à visiter le petit musée Gustave Moreau de la rue de La Rochefoucauld.
46 Félicien Rops, peintre tourmenté, est mort lui aussi l’an dernier (en août).
47 Alfred Grévin (1827-1892), dessinateur de petite femmes et créateur de costumes de théâtre. Alfred Grévin est surtout connu de nos jours pour être, avec Arthur Meyer, le directeur du Gaulois, le fondateur, en 1882, du musée Grévin, toujours actif de nos jours.
Dessin d’Alfred Grévin en une du _Journal amusan_t du 17 décembre 1887
48 Dans l’un de ses premiers emplois, Henri Meilhac, fils d’un peintre ignoré, avait été quelques années dessinateur au Journal pour rire de Charles Philipon, où il a vraisemblablement côtoyé Alfred Grévin.
Fragment d’un dessin d’Henri Meilhac paru dans Le Journal amusant du 17 mai 1856 dans une mise sur bois de Damourette
49 Victor Duruy (1811-1894), ministre de l’Instruction publique de 1863 à 1869.
50 Cette école polonaise, fondée en 1842 se trouvait dans le quartier des Batignolles. Elle existe toujours.
51 Francisque Sarcey (1827-1899), critique dramatique célèbre en même temps que très académique. Introduit par Edmond About, il a donné son premier article dans Le Figaro en 1857. En 1860, il devient critique dramatique au journal L’Opinion nationale. En 1867, il entre au Temps, où il tiendra son feuilleton pendant 32 ans, tout en collaborant à d’autres journaux.
52 Le chercheur intéressé par l’intégralité de l’article reproduit en format texte peut le demander ici.
53 Eugène Manuel, Les Ouvriers, drame en un acte, en vers, créé au Théâtre-Français en 1870.