Project MUSE - Histoires d'immigrations au Québec (original) (raw)

[35.245.218.59] Project MUSE (2025-01-01 14:22 GMT) 234 HISTOIRES D’IMMIGRATIONS AU QUÉBEC On les range dans la catégorie des arabes et les voilà assimilés aux Égyptiens, aux Libanais ou aux Irakiens, eux-mêmes porteurs d’une identité multiple qui ne saurait se résumer à la langue arabe. On les dit avant tout musulmans (ou ils se disent musulmans d’abord) et les voilà amalgamés aux Pakistanais, aux Iraniens ou auxAfghans, avec lesquels ils ont moins d’histoire et de culture commune qu’avec les Juifs sépharades ou même avec les Français. Les années 1960 ont été le théâtre de jeux d’influence et de séduction auxquels se sont livrés le Québec et le Canada pour se positionner sur les plans diplomatique , économique et culturel au Maghreb, que l’on qualifie encore d’émergent aujourd’hui, mais qui émergeait déjà de la domination française à l’époque. Selon les travaux de l’historienne Magali Deleuze, ces pays affichaient une certaine réserve à l’égard d’un Québec francophone, identifiable selon eux à la France coloniale dont ils venaient de s’affranchir. Il a donc fallu un travail de persuasion pour convaincre que le Québec n’était pas la France et l’Expo 67 a constitué un moment marquant en ce sens1 . À cet égard,ilestintéressantdenoterquelaFrancefaitencore aujourd’hui figurederepoussoiretd’épouvantailquand 1. M. Deleuze, « Le Maghreb à l’Expo 67 (Tunisie, Maroc, Algérie)». on aborde les rapports entre le Québec et ses immigrants maghrébins, le Québec craignant d’importer le problème du communautarisme et des banlieues françaises ici et les Maghrébins redoutant quant à eux de voir se transposer ici les problèmes de racisme et les solutions à la française. Des étudiants et des électrons libres – Les années 1970 et le début des années 1980 Délaissant la France et la Belgique, destinations favorites des étudiants maghrébins, certains jeunes issus de familles aisées ou ayant réussi à décrocher d’importantes bourses de deuxième ou detroisième cycle ont opté pour le Québec. Durant la même période, d’autres étudiants maghrébins, désirant élargir leur horizon et profitant de nouvelles ententes de coopération en matière d’enseignement supérieur, se sont dirigés vers l’ex-URSS et les pays de l’Europe de l’Est. Parmi ceux qui ont choisi le Québec, certains sont restés à la fin de leurs études en raison d’un mariage mixte ou parce qu’ils ont trouvé un emploi. D’autres ont fait des allers-retours entre leur pays d’origine et le Québec avant de se fixer définitivement ici ou là-bas. Ouvrage reproduisant plusieurs œuvres du peintre Hanafi. Hanafi – Montréal… Passion, texte de Aïda Kaouk, traduction anglaise d’Agnès Champagne, Montréal / Ottawa, Éditions du Méridien / Musée canadien des civilisations, 1995, 116 p. Collections de BAnQ. 235 LES QUÉBÉCOIS D’ORIGINE MAGHRÉBINE Des facteurs personnels, familiaux ou professionnels ou encore des obligations contractuelles ont influencé les décisions de ces étudiants: rembourser les frais engagés par le gouvernement ou l’employeur pour financer les études au Québec, se libérer d’une dette morale ou financière ou tout simplement satisfaire le désir de vivre l’expérience du retour afin de faire un choix éclairé (repartir ou rester). Quant à ceux que nous qualifions ici d’électrons libres, il s’agit de parcours et de trajectoires «hors catégorie», parmi lesquels on trouve pêle-mêle des artistes, des individus ou de jeunes couples en quête de liberté, ou encore des entrepreneurs ou des travailleurs attirés par des perspectives que l’Europe n’était plus en mesure de leur offrir. L’une des figures les plus représentatives de ce phénomène est le peintre naïf d’origine tunisienne Hanafi, célèbre pour ses tableaux décrivant des scènes de la vie montréalaise et dans lesquels le maire Jean Drapeau apparaît toujours à la manière d’Où est Charlie?, glissé en douce dans chacune des toiles. Hanafi s’est installé au Québec en 1977. C’est à partir du milieu des années 1990 que l’immigration en provenance des pays du Maghreb s’accél ère et c’est sur ces...