“En art, il n’y a pas d’étranger.” L’École de Paris : l’atelier cosmopolite (1900-1929). (original) (raw)

1900, “Chinois et Scandinaves, Espagnols et Grecs, Brésiliens et Canadiens, tous se sentent chez eux, sur les rives de la Seine”. Là, “point de contrainte”. Les hommes peuvent “parler, penser, rire, gronder comme” ils le veulent, chacun vit “comme il lui plaît”. Il n’y a pas encore sur le vieux continent cette chape d’idées de plomb – “la race, la classe et l’origine” – qui iront éteindre ses lumières, semant “la méfiance de pays à pays et d’homme à homme” [1] : Paris donne des ailes [2].

Est-ce parce que Stefan Zweig écrit ces lignes quarante ans plus tard, lorsque des hommes hissent sur cette même ville le svastika, que le passé flamboie dans ses mots comme la seule terre où jeter l’ancre ? Est-ce un rêve, son fantasme, un mythe ? Mais le souvenir d’un lieu prodigue où il y avait « place pour toutes les originalités », un lieu de tous les possibles, c’est ce que tant d’artistes – et parmi eux Chagall, Soutine, Foujita, Orloff, Picasso, Gris, Archipenko, Rivera, Vassilieff – témoignent avoir trouvé. C’est pour lui qu’ils traversent l’Europe et les mers. Ensemble, ils forment ce que les livres d’art désignent plus tard sous le terme indéfinissable “d’École de Paris” [3].

Indéfinissable car ses contours peu précis fluctuent dans le temps et l’espace. Il regroupe confusément l’ensemble des artistes, français mais surtout étrangers, venus trouver dans l’ancienne Lutèce la reconnaissance et l’épanouissement artistique. Indéfinissable car elle n’a pas d’unité picturale bâtie sur une homogénéité stylistique, rien, excepté la relative uniformité de son jaillissement : celle de l’exil. Une « école » comme « un manteau d’Arlequin», une « bigarrure composite [4]», dépourvue de manifeste, de théorie, de plaideur, qui n’eut pour maître que son propre désir, libre dans sa pensée et dans son expression, à l’image de la ville qui l’accueille. Une chose est certaine pourtant, si Paris n’avait été alors la « gare centrale, débarcadère des volontés » et des enthousiasmes, « carrefour » européen des espoirs et des « inquiétudes » du monde moderne naissant [5], mélange d’audaces, de légèretés et de tourments qui lui donnèrent un relief si résolument romantique, les artistes de ce temps auraient connu une expérience esthétique plus restreinte. S’ils n’avaient pas fait le choix de s’exiler à Paris, d’y créer, de s’y entraider et d’y partager un amour fou pour l’art dont les échanges et les confrontations nourriraient mutuellement leurs œuvres, l’art moderne ne serait pas né. Et c’est ce qui fait là « école », sans qu’il n’y ait technique ou esthétique communes : le partage d’un idéal, une foi en la création comme langage universel et dans une certaine Europe des artistes.

Un exil pour l’art et pour la liberté.

Carte postale colorisée, Paris, Exposition Universelle de 1900.

Début du siècle, «diamant au cou » de l’Europe [6], dont les 216 hectares de l’exposition universelle ont démontré l’éclat, la capitale fascine. Partout l’on rêve l’effervescence intellectuelle et artistique d’une ville qui semble tendre au monde une terre toute entière vouée à l’art et à la liberté. Ses académies sont les premières à donner aux femmes accès aux écoles de peintures [7]. Ses salons cassent les codes de l’académisme. Celui des Indépendants, créé à l’initiative d’Odilon Redon en 1884, est sans jury et sans récompense. Celui d’automne, créé en 1903, fait découvrir contre une somme modique peintres, dessinateurs, sculpteurs et photographes inconnus – plus tard des musiciens (le génial Didier Lockwood). D’entre les rues, marchands et galeries sèment les espoirs [8]. Gazettes littéraires et revues réputées font le relais. Poètes et collectionneurs soutiennent. Guillaume Apollinaire, André Salmon, Blaise Cendrars, Pierre Reverdy ou Jean Cocteau y signent. Paris devient la capitale mondiale de l’Edition et de la critique. Le Louvre subjugue. On s’y retrouve et y flâne des heures [9]. Foujita, Archipenko, Soutine, Picasso, l’artiste ogre, y viennent tous les jours. Ils y étudient les techniques, confrontent les styles, croquent et admirent les enluminures de Foucquet, les clair-obscur de Rembrandt, les raie et brioche de Chardin, les corps putrescents de Géricault, ceux nus ou en extase de Manet et Courbet. Le climat est libéral [10]. Les rues ont encore à loger pour peu. Dans ses cafés bordés de Lilas, chaque habitué a son rond de serviette : les assiettes comme les verres y sont généreux. La réputation des françaises et du cancan – bientôt devenu « french » -, les bals où les jupes se soulèvent, les maisons de plaisirs où elles tombent, ses terrasses où l’on parle psychanalyse, sculpture africaine et nihilisme italien dans un brouhaha de fiacres et d’omnibus : la ville attire comme un phare. Les artistes n’ont alors qu’un désir : s’y rejoindre. Dans un article publié en 1992, Mariusz Rosiak dénombre cent soixante-douze exposants étrangers parmi les neufs cent cinquante qui participent au Salon d’Automne de 1919, cent quatre-vingt-un sur les neuf cent vingt-huit du Salon des Indépendants de 1920 et trois cent vingt-deux lors de l’édition de 1924 [11]. Mais Paris attire aussi pour sa tolérance. Il est alors difficile pour un homme russe de confession juive d’entreprendre des études. Un numerus clausus restreint le nombre d’israélites dans les établissements d’enseignement secondaires. L’entrée de certaines académies d’art leur est refusée [ 12].

Chaïm Soutine, Portrait de Madelaine Castaing, 1929, Metropolitan Museum of Art, New York.

À l’impossibilité d’intégrer des institutions, s’ajoute l’interdit iconoclaste de la tradition talmudique. Elle réclame de la peinture d’être exclusivement liée aux enluminures et objets de culte (le chandelier à sept branches, le Pentateuque et la lampe de sabbat [13]). Cette transgression est un risque d’ostracisme ou de violences. Chaïm Soutine l’apprend pour avoir fait le portrait d’un rabbin de son village : son fils, un boucher, le bat alors sévèrement [14]. Son père fait de même quand il dessine. Ses couleurs plus tard incandescentes qui dévoilent sans fard la texture des chairs et des corps, son trait mobile, fuyant, son refus de toute autorité – académique bien sûr mais aussi fauve ou cubiste – et son expressionnisme fougueux tiennent peut-être aussi à ces années de frustrations comme son attraction personnelle pour le vif, le rouge sang, le thème de la mort (les carcasses, la putréfaction), la violence [15].

Photographie, Maisons de la butte, début de siècle, anonyme.

C’est d’abord Montmartre et le Bateau-Lavoir qui accueillent le Babel artistique du monde. En 1900, la butte est un lieu encore assez à l’écart. Les omnibus ne peuvent aller au-delà de la place Blanche qui en dessine les premières pentes et ses rues en lacet étroites sont remplies des souvenirs de la Commune d’où l’insurrection est partie, trente ans plus tôt. Des ruelles sans pavé y accueillent la course d’enfants et les charrettes à bras de marchandes des quatre saisons, ferrailleurs ou ramasseurs qui « bidulent » et cherchent à terre des petits riens à revendre.

Carte postale colorisée, La butte Montmartre, 1900, actuelles rues Paul Albert et rue Maurice Utrillo.

D’entre les vignes, l’habitat s’étire comme un slum indien. C’est un horizon de cahutes en bois ou en taules brinquebalantes, au milieu des moulins et des vignes : la butte est au cœur de la ville et n’y est pas. Pour les artistes, le choix de s’y installer correspond à une solidarité d’avec les classes ouvrières et des valeurs de révoltes qui accompagnent leur refus des codes esthétiques et des conventions [26]. Peintres et poètes y côtoient libertaires, opposants politiques et anciens communards [27]. Ensemble, ils vont au cabaret et au cirque, font du vélo ou de l’aviron [28]. Mais l’union n’est pas qu’idéologique et amicale. Ce sont aussi les niveaux de vie qui se rejoignent.

Au Bateau-Lavoir tous les artistes vivent de peu. Le bâtiment, fabrique de pianos désaffectée construite à l’endroit d’un ancien bal, est un ensemble d’environs vingt ateliers que séparent de fines planches de bois souvent trouées et des verrières. C’est un certain Maillard, dix ans plus tôt, qui a transformé l’édifice pour en obtenir quelques rentes. Tout en longueur et s’érigeant sur deux rues pentues et de différents niveaux, la bâtisse s’étire sur un dénivelé qui donne une impression de labyrinthe. Depuis son entrée principale, au 13 de la place Emile-Goudeau, anciennement place Ravignan, c’est un rez-de-chaussée, mais depuis la rue Garreau, c’est une maison à trois étages. Le loyer est une bouchée de pain.

Le bateau Lavoir depuis la place Émile Goudeau.

Pour un ouvrier, il faut quinze sous pour payer un mois, quand le salaire moyen du jour est de cinq. Mais une fois le toit acquis, les conditions de vie sont rudes. Dans ce dédale de bois, le confort est inexistant. L’hiver, le froid est pénétrant. Café et thé gèlent au fond des verres. L’été, la chaleur est suffocante. Un seul point d’eau, entartré et rouillé, et un lieu d’aisance unique pour vingt-cinq résidents potentiels, en rendent l’atmosphère âcre. L’humidité de la charpente, marquée par les vapeurs de térébenthine, fait le bois suintant et l’odeur de moisi. Les effluves de peintures la voilent parfois mais le lieu demeure sale. Les marches des escaliers craquent, la poussière couvre le parquet, l’exiguïté du corridor maintient une ombre où les champignons se plaisent. Tout semble plein de crasse. Dans les ateliers, le mobilier est réduit au plus simple apparat : quelques meubles servent de malle puis de chaise, une paillasse fait office de lit si on ne partage pas un matelas [29]. Le plus dur est la faim.

Quand Picasso arrive en 1904 depuis Barcelone, André Salmon et Amedeo Modigliani en 1906, Kees Van Dongen en 1905, Juan Gris en 1906 accueilli par son compatriote catalan, aucun n’a de sous, excepté (mais de peu) Max Jacob, monocle et chapeau claque sur le front. Soutenu par son père, ce dernier règle régulièrement les notes de spiritueux de la bande, maquillées par le bistrotier en un menu plus digne: entrée de frisée et lardons, lapin aux cèpes, entremet à la rose. Le père du susdit n’accepte de régler la note que si le repas de son fils est décent [30]. Pour remplir un peu son ventre, toutes les générosités et les astuces sont de mises. Pour dîner de quelques huîtres, alors bon marché, Picasso, Jacob, Apollinaire et Olivier – Fernande de son prénom, première muse de Pablo, rencontrée sur la fontaine de la place comme il attrape un chaton et lui tend [31] – se partagent autour de leur table les quatre coins d’une même serviette [32].

Fernand Léger, Nature morte avec une tasse de bière, 1921.

Les bistroquets du coin leur font souvent crédit mais les artifices pour remettre à plus tard les frais d’une soupe ou d’un verre de « combine », des cerises noyée dans du vin blanc avec de la grenadine et du guignolet, sont courantes [33]. Au sous-sol du Bateau Lavoir, un certain Sorieul cultive des asperges et des artichauts. Chacun en négocie le prix. Mais pour certains, les légumes de la cave demeurent trop chers. Après son arrivée en 1905, Kees Van Dongen mange des épinards pendant des mois. Il ne peut pas même acheter du talc pour langer sa fille, poudre que Picasso, Jacob et Salmon vont alors chercher à la pharmacie après s’être cotisés. Ils ne peuvent plus manger ensuite. Les artistes échangent aussi leurs habits et leurs lieux de repos. Pour dormir, Picasso et Jacob n’ont qu’une paillasse. Ils en alternent l’usage. Quand l’un peint, l’autre dort et réciproquement, quand l’autre écrit. À la ruche, Soutine aussi alterne entre les ateliers de Krémègne et de Kikoine. Au Bateau, les peintres se partagent aussi les tâches. Ils se répartissent le ménage, les courses de pommes de terre ou les corvées d’eau.

Chacun est solidaire, voire prêt à aider ses amis de toutes les manières possibles. C’est le cas de Max Jacob qui accumule tous les métiers – apprenti menuisier, balayeur, manutentionnaire dans un bazar, diseur de bonnes aventures ou bonne d’enfant – pour soutenir le « génie » de Picasso, qu’il est un des premiers à comprendre et qu’il comprend d’ailleurs immédiatement [34].

Par ces soutiens et malgré l’inconfort, chacun trouve là l’atmosphère propice pour créer. Mais progressivement, le quartier change et bouleverse la vie et les habitudes des artistes du Bateau et de Montmartre.

Carte postale, vue de la butte Montmartre en construction, 1904, anonyme.

À partir de 1906 peut-être, suite à des vagues de touristes attirés par ses cabarets, la butte bascule dans un registre plus folklorique [35]. C’est sans parler du succès de Picasso, qu’une autre forme de génie, celui de Gertrude Stein, a mis à jour. On sait désormais que l’artiste y travaille et on veut l’y croiser. En 1909, les bâtiments fastueux de l’avenue Junot sortent de terre. Les cabanes de fortunes sont détruites. Les Arbres et lilas sont abattus et les ruelles perdent de leurs charmes agrestes. Les rues se pavent. Les prix des loyers et des tables augmentent. Sur la rive gauche, le carrefour Vavin mêle toujours la bonhommie de la campagne à la vie tumultueuse de la grande ville. L’arrivée de l’automobile y bouleverse l’espace. Faubourg enclavé à cause de la nouvelle gare [36], l’habitat et ses cabarets y demeurent bon marchés. Originellement quartier de remises pour les fiacres et doté de nombreuses écuries, des entrepôts se libèrent. Ils offrent pour les artistes de vastes ateliers, lumineux, aérés, et moins chers désormais qu’à Montmartre.

À l’endroit de l’actuel hôtel de poste se trouve aussi un important dépôt de marbres où les sculpteurs viennent se servir. Seulement équipés de charrette à bras, le poids de la pierre les encourage à travailler non loin [ 37]. En 1911, la prolongation de la ligne 12 permet de relier la butte (place Pigalle) à la place Bienvenue. De plus, le quartier Latin et ses intellectuels, les Beaux-Arts et les académies libres de peintures en sont proches et sur le Boulevard du Montparnasse, au 113, il y a chaque lundi un marché aux modèles [38]. Les plus beaux hommes et femmes y paradent.

Georges Meunier, Le Bal Bullier, 1894.

Progressivement, l’épicentre de l’art se déplace. Le bal Bullier remplace le moulin de la Galette, le Dôme, le lapin agile ou la Mère Adèle. La Closerie des Lilas, lieu de réunions des dreyfusards, devient aussi celui d’Apollinaire qui y entraîne Braque et Picasso, lui qui trouve bientôt un atelier non loin, rue Schoelcher. Le petit groupe y rencontre Maurice de Vlaminck, Modigliani ou les Delaunay. L’ébullition intellectuelle y est à son comble. C’est toute l’Europe qui se retrouve à ses tables entre verres d’absinthe et de Picon-curaçao, avec le sentiment d’être chez soi. Devant cette ouverture prodigue, Paul Fort propose la candidature du patron au Prix Nobel de la Paix [39].

Photographie, café, paris, anonyme.

À la fin de l’année 1918, le besoin d’oublier les désastres de la Grande Guerre, dans laquelle de nombreux artistes ont été tués ou blessés, amplifie l’attraction de ses fêtes. Nombre d’établissements ne ferment plus. On peut y souper et y boire toute la nuit, y danser le cancan et la quadrille dans des atmosphères d’alcools et de jazz. Le calme ne revient que vers sept heures du matin. Bien sûr certains artistes demeurent à Montmartre [40].

Pendant des années, Modigliani, génie dévoré par la drogue et l’alcool, flâne entre les deux monts. Julius Pinkas (dit Pascin) conserve son atelier du Boulevard de Clichy et Jacob, resté résident des abords de la butte, aurait écrit sur ses murs : « Ne jamais aller à Montparnasse [41] ». Mais rien n’y fait : l’exode s’opère et ce quartier, baptisé comme la montagne qui surplombe la cité de Delphes, autrefois considérée comme le séjour d’Apollon et ses muses, se met à incarner son nom : un clin d’œil du destin. Beaucoup de ceux qui s’y retrouvent, vivent et créent non loin, à la « Ruche ».

La Ruche, anonyme.

En 1900, peu après l’exposition universelle, le sculpteur Alfred Boucher, spécialiste des monuments aux morts, se rend acquéreur d’un terrain en friche dans la plaine de Vaugirard, au 2, passage Dantzig, près des abattoirs du 15ème. Pour une somme modique, Boucher achète ensuite des pavillons de l’exposition universelle dont la rotonde du pavillon des vins de Gironde et quelques bâtiments, plus modestes. La rotonde est un imposant édifice circulaire coiffé d’une flèche et doté d’une charpente métallique construite par Gustave Eiffel. L’entrée est surplombée d’un balcon supporté par deux cariatides. Le sculpteur a là l’idée généreuse de bâtir un phalanstère qui doit permettre aux artistes de se loger et de travailler pour une bouchée de pain : cinquante francs par an pour un rez-de-chaussée et cent de plus pour un atelier à l’étage ou un pavillon [42]. Avec l’aide de son neveu, Boucher reconstruit le bâtiment et l’inaugure en 1902. Cet ensemble fantasque abrite alors quatre-vingts ateliers et un théâtre de trois cent places [43]. Une fois inauguré, le sculpteur se consacre à sa gestion jusqu’à sa mort [44]. Le projet est simple : les ateliers y sont octroyés à tous ceux qui le désirent dans la mesure des places disponibles. En plus du toit, les artistes y trouvent chaque jour un « modèle vivant » et l’opportunité d’exposer leurs œuvres dans une galerie qui leur est dédiée. La prise d’un atelier s’opère sans discrimination, dès qu’une pièce est libérée. Le premier à y poser ses affaires devient le nouveau locataire. Boucher est souple et peu regardant. Certains artistes emménagent la nuit et lorsqu’il les rencontre, il ne pose jamais de question. Soutine y demeure sept ans sans posséder de carte d’identité [45].

Comme au Bateau-Lavoir, la Ruche est le lieu d’une misère tenace. On y a froid et peu accès à des sanitaires décents. Le confort est minimum, le remugle fort. Dans la rotonde, il n’existe qu’un trou au rez-de-chaussée pour les commodités. Les effluves âcres qui s’en échappent imprègnent les murs et pénètrent les ateliers lorsque le temps est lourd. Les rats courent les planchers, les punaises, les murs. Les parasites sont résistants. Janine Dobrinsky, compagne alors du peintre Isaac Dobrinsky, doit badigeonner leur atelier de poison et d’alcool. Un soir, ce dernier retrouve Modigliani et Soutine sur leur couche chacun entouré d’une montagne de cendres pour empêcher les bêtes d’approcher [46]. Dans les corridors sombres, l’eau goutte et creuse des lézardes aux murs. Devant la vétusté du bâtiment, Apollinaire craint qu’il ne s’effondre. Dans ses couloirs comme dans ses combles, partout, le soir est bleu nuit. Rares sont ceux qui possèdent une lampe à pétrole. C’est la bougie qui éclaire. Dès le mois de novembre, le pavillon s’englue sous un froid glacial. Dans la plupart des ateliers, il n’y a rien d’autre qu’un poêle Godin et un sac à charbon. Les artistes peignent emmaillotés dans leurs couvertures. Les rares robinets gèlent parfois jusqu’au printemps et on ne se lave pour-ainsi-dire plus. C’est à peine si les habitants ont de quoi boire. Il faut se relayer plusieurs fois par jour à l’unique fontaine du jardin, si l’eau n’est pas de glace. Chacun en rapporte quelques brocs, en pressant le pas [47]. Malgré le bétail que l’on égorge à l’abattoir de la rue Vaugirard et dont Chagall se rappelle des cris [48], la faim rôde. Une légende dit qu’un marchand de la rue des Rosiers venant chaque semaine avec une charrette à bras pour égrener pains au cumin, saucisses, concombres, harengs et raifort, est mort ruiné pour avoir pratiqué le crédit ses résidents [49].

Chaim Soutine.

Mais pour manger, comme au Bateau Lavoir, chacun a ses astuces. Chagall peint (souvent entièrement nu d’ailleurs [50]) sur des draps ou des dos de chemises achetés aux soldes du bon marché. Fernand Léger, l’un des premiers locataires du bâtiment [51], vend les châssis de ses toiles. Il décrit qu’un soir, quatre résidents russes l’invitent à dîner et lui proposent un met fumant aux vapeurs acides d’alcool. Quelques heures plus tôt, ces hôtes ont vendu à un chiffonnier des peaux de chats. C’est leur chair qu’il est invité à prendre et dont il flaire le remugle aigre, cuite à la vodka [52]. Mais manger ne se refuse pas.

Georges Dorignac, Portrait de femme au chignon (L’amie), vers 1913.

Peu des résidents ont les cinquante ou soixante-quinze centimes nécessaires pour un morceau de bœuf bouilli dans un bistrot, le plat du jour régulièrement proposé Chez Rosalie, rue campagne première. Tenue par une italienne, c’est la cantine de Modi’ comme on l’appelle. Il y va toutes les semaines, plus souvent s’il le peut. Avec Rosalie, il parle ou crie en italien et avale un plat de pâtes qu’il paie d’un dessin ou d’une toile qui finissent parfois à la cave mangés par les rats ou comme « allume-feu » de la cuisinière. Pendant la guerre, dès 1914, beaucoup vont aussi à la cantine populaire ouverte non loin par la peintre et sculptrice Marie Vassilieff. En dehors des obligations du couvre-feu données par le gouvernement, l’établissement, situé au 21 avenue du Maine, officiellement inscrit comme club privé, échappe à la législation liée aux obligations de fermetures nocturnes. Très vite, il devient un lieu fréquenté où l’on peut manger pour quelques centimes et admirer les danses russes qu’y donne la peintre avec Zadkine ainsi que des happenings loufoques de ses tenues cubiques ou poupées en tissus et fils de fer, fidèle à « une idée nouvelle, moderne, de synthèse des arts, hostile à toute hiérarchie des pratiques. » [53] Mais s’ils peuvent bambocher là quelques plats plus attrayant – Vassilieff est un cordon bleue -, la plupart des résidents de la Ruche mangent d’ordinaire des œufs, un bouillon cuit sur un réchaud à gaz ou un kilo d’haricots à l’eau, sans beurre. C’est le régime journalier de Georges Dorignac et sa famille, toute leur année passée à la rotonde [54]. Une fois le plat posé sur la table, raconte Krémègne, il faut se hâter de remplir son assiette. Personne n’attend son reste et la nourriture est engloutie en quelques minutes.

Mais l’ambiance qui règne là aide à vivre. Par la générosité prodigue de son propriétaire, jamais regardant de ceux qu’il accueille, l’essaim déborde d’excentriques et de marginaux qui y rendent l’existence conviviale. Le peintre Samuel Granowsky erre dans les couloirs en tenue de Cow-boy, chemise colorée et chapeau texan sur la tête. Un hindou se dit cousin du Maharadjah de Kapurthala et n’y boit que du champagne. Le peintre Li Fhou Mpe y mange des oignons crus et raconte des histoires scatologiques sur la fabrication des engrais. Casanova, père de famille, ramène du charbon dans un panier à salade et frappe le clavier d’un piano désaccordé. C’est dans ce fourmillement que Soutine peint sa série des bœufs écorchés, en 1926. Le jeune homme pauvre, dont on dit que le gosier est en pente tant il a faim [55], s’est vu offrir la carcasse d’un bœuf qu’il suspend dans son atelier faute de pouvoir manger par un ulcère : il veut la peindre. Mais les jours qu’il lui faut donnent à la chair de l’animal le temps de se gâter. L’odeur est bientôt pestilentielle. Son remugle plein de vers envahi le bâtiment pendant des semaines jusqu’à l’intervention du contrôle sanitaire du quartier [56]. Mais Soutine n’est pas le seul à faire de la Rotonde un lieu « habité».

Georges Dorignac, Mandala, vers 1920, collection particulière ( détail ).

Léon Idenbaum, sculpteur qui travaille chez Bourdelle, a lui la manie de nourrir les pigeons. Son atelier ressemble à une volière, comme désormais une partie du jardin. C’est tout au fond du parc d’ailleurs qu’Anton Youtzatis, vit en ermite. Il y taille des pierres, dans la solitude. Le soir, non loin, le sculpteur Morice Lipsi et le peintre Paul Maik, montent dans les arbres près du grand portail et passent des heures à imiter les bruits des singes. Ils effrayent les passants ou les font rire. Le jardin est vivant. Lorsque Alfred Boucher le fait visiter au sous-secrétaire d’État chargé des beaux-arts, Etienne Dujardin-Beaumets, ils tombent sur un couple en habits d’Eve, folâtrant à l’ombre des lilas. Souvent, le peintre Vladimir Polissadiv, dit Pol d’Ive, fondateur du groupe de la Rosace, y donne des soirées musicales où il chante faux et organise des pièces de théâtre improvisées grâce à sa lanterne magique. Il peint sur des plaques de verre des images qu’il projette sur les murs et présente aux enfants et à d’autres spectateurs des contes loufoques et les actualités mondiales. Pol d’Ive organise aussi d’étranges manifestations religieuses où il se donne des missions altruistes afin d’aider ses colocataires. Un jour, il propose à Lipsi de repeindre son plafond trop sale. Il signe son œuvre et lui dit : « Ce n’est plus la misère noire, mais la pauvreté claire » [57].

Mais c’est justement de cette misère et de ce qu’elle offre d’inspirations et d’influences par son intimité féconde, dans son effervescence cosmopolite, ce sentiment commun de l’exil, que se conduit l’un des plus grands bouleversements que l’art ait connu [58].

Une révolution visuelle par le plus grand cosmopolitisme artistique alors jamais conçu.

Bien sûr, il y a des clans, des inimitiés comme des jalousies. On dit que les fauves et les cubistes ne fréquentent pas les mêmes établissements, que les modernes évitent les académiques. Picasso est jaloux de ses amis et de ses modèles et ses amis et modèles se jalousent son affection. Chagall et Soutine lancent par la fenêtre leurs toiles quand elles leur déplaisent, crient et vocifèrent, agacent parfois les autres habitants de la Ruche. Soutine dérangé par l’austérité du premier, lance des pierres sur les vitres de son atelier quand il s’y enferme longtemps [59]. D’autres se provoquent en duels et chacun critique un peu « les femmes » des autres, dans une misogynie dont peu sont en reste. C’est le cas d’un esclandre qui se noue avec Apollinaire autour de la peintre Marie-Laurencin et que le neveu d’Oscar Wilde – Arthur Cravan, boxeur et écrivain – a insulté, rendant fou « son » Guillaume.

Affiche d’une exposition de Marie Laurencin, Galerie 65, Cannes, 1962.

Mais dans ces quelques tourmentes, surtout anecdotiques, l’ambiance demeure bon-enfant et les hommes presque toujours partagent : si l’un vent un tableau, il offre à boire ou à manger à ses plus proches amis, aide parfois à d’autres achats [60]. De fait, la proximité et la pauvreté des ateliers sont telles que l’intimité qui en découle et la nécessaire solidarité qu’elles réclament, créent des amitiés profondes. Ces conditions de vies déracinées et en marges, comme leurs échanges, influencent les œuvres.

L’indigence matérielle d’abord et l’irréductible besoin de créer contribuent à l’usage de moyens de représentations nouveaux. Au bateau Lavoir, Max Jacob utilise le noir de fumée de sa lampe à pétrole, le marc de café ou la poussière déposée sur ses étagères pour ses aquarelles [61]. Ce dénuement entraîne surtout la récolte de tout un ensemble d’objets qui viennent progressivement s’intégrer aux toiles : bout d’affiche, papier journal, paquet de tabacs, cartes [62], etc. Cette insertion inédite bouleverse les codes de la figuration. En mai 1912, c’est Picasso qui fait le premier collage, greffant un bout de toile cirée sur une de ses peintures [63]. Le ton est donné : la surface picturale devient le lieu d’une expérimentation sans précédent. Désormais, tout peut signifier le réel et avoir une valeur esthétique. Mais cette avant-garde – mouvements artistiques novateurs – est d’abord celle du cubisme, amorcée par Picasso et Braque.

Georges Braque, compotier, bouteille et verre, 1912, Centre Pompidou, Paris.

Leurs peintures et sculptures, héritières des explorations spatiales de Cézanne – qui a libéré le plan pictural d’une imitation du réel trop rigoureuse – poursuivent la simplification des formes. L’espace se détend. Les détails se réduisent. Ils atteignent parfois la taille de petits cubes. De ce détachement de la perspective, apparaissent des possibilités de représentations encore impensées. Les explorations de Picasso et de Braque, exposées au Bateau Lavoir, leurs formes et jeux de couleurs révolutionnaires, inspirent des débats dont les discussions irriguent en retour les travaux des deux peintres. Leurs investigations incitent de nombreux artistes à simplifier leurs formes. Juan Gris, arrivé au Bateau Lavoir en 1906, et dont l’atelier est proche de son compatriote, est impressionné par leurs œuvres. C’est à Montmartre qu’il transforme ses manières de peindre. Mais son cubisme a des couleurs chatoyantes et plus sensuelles liées à l’influence combinée de Matisse.

Constantin Brancusi, Sculptures.

Brancusi aussi s’inspire de cette géométrisation. Il accentue l’épure de ses lignes. Ses expérimentations sculpturales l’emmènent par exemple à représenter un oiseau non plus comme réalité ornithologique et naturelle mais comme une entité en mouvement, comme il prend son envol. À son tour, le sculpteur Archipenko travaille les vides, les volumes en plein et en creux et essaye de traduire l’énergie du corps humain par des formes abstraites. Des centaines d’artistes poursuivent ces explorations. Elles débouchent sur le suprématisme, le futurisme, l’abstraction ou les ready-made, initiés par Marcel Duchamps.

Diego Rivera, fresque murale (détail).

Ces recherches s’exportent ensuite au-delà des frontières de la ville. C’est dans cette effervescence que Chana Orloff puise son inspiration pour fonder l’École des beaux-arts d’Israël et qu’en 1923, à son retour de Paris, Julio Ortiz de Zárate fonde le Grupo Montparnasse, à Santiago, et renouvelle la peinture chilienne. C’est là encore que Diego Rivera se libère de l’académisme espagnol alors dominé par Velasquez. Arrivé à Paris en 1909, et si le cubisme n’exerce sur son œuvre qu’un attrait passager, la scène artistique parisienne lui ouvre du moins la voie d’un horizon nouveau.

Diego Rivera, fresque murale (détail).

Alexander Archipenko, sculpture.

Une fois de retour au Mexique, il travaille avec le peintre David Alfaro Siqueiros à l’élaboration d’un art libéré des codes aristocratiques et coloniaux. Il veut honorer les cultures mayas et aztèques. C’est ce qu’il fait par des fresques murales, visibles à tous. Les effets vont en chaînes. C’est en s’inspirant de lui et de Gris, que les sculptures réalisées par Joszef Csaky ou Lipchitz prennent une allure plus acérées. C’est par ces influences encore, qu’Ossip Zadkine investi les objets qu’il sculpte d’une poésie singulière et qu’il tinte de thèmes épiques. En 1923, à son retour de Paris, Julio Ortiz de Zárate fonde le Grupo Montparnasse, à Santiago, et renouvelle la peinture chilienne. Mais cette explosion des codes entraîne parfois des angoisses. Après quelques années, Pascin est pris de doutes. Il croit avoir perdu la puissance et la sensibilité qu’il a toujours voulu donner à ses toiles. Dans les années d’après-guerre, le « prince de la nuit », comme on le nomme, devient celui de tous les excès. Progressivement, il sombre dans l’alcoolisme et s’ouvre les veines en 1930 [64].

Man Ray, Noire et Blanche, 1924.

À cette révolution figurative s’ajoute l’enthousiasme inédit des artistes pour les créations de tous les peuples. C’est vrai de l’art africain et océanien, à l’instar des fauves, comme de l’intérêt pour une certaine esthétique préhistorique. Cet engouement alimente les discussions et les styles. Les artistes s’échangent des revues, parfois des œuvres qu’ils ont chiné aux puces ou par quelques amis. C’est le cas de deux têtes Ibériques dont Picasso fait l’acquisition par une connaissance d’Apollinaire. Elles ont été volées et valent plus tard au second quelques nuits en prison [65]. Au bateau Lavoir puis à la Ruche, Modigliani s’imprègne de cette atmosphère. Parallèlement à ses visites au musée du Trocadéro, Brancusi et Archipenko l’encouragent à sculpter. La simplicité des formes qu’il couche sur ses toiles et la ligne sobre de ses sculptures – mais qu’il arrête vite à cause de la poussière que la taille impose à ses poumons fragiles – doit ses inspirations au maniérisme florentin, aux sculptures égyptiennes, aux masques africains et aux figures khmères qu’il découvre auprès de ses amis.

À la Ruche aussi, résidence où chacun offre en partage son influence et ses traditions, les œuvres s’enrichissent. La journée, chacun travaille dehors à l’activité qui le fait vivre. Les uns œuvrent dans des chantiers industriels : Renault pour Soutine, aux fourgons de la marée pour Kikoine, au café de la Rotonde comme homme de ménage pour Granowsky [66]. Beaucoup d’autres sont employés par des sculpteurs, des illustrateurs ou des particuliers où ils effectuent des travaux manuels. Dobrinsky balaye les dalles de certains temples afin de pouvoir acheter des harengs et des pommes de terre. Léger offre ses services à un architecte et aide un photographe à la retouche. Il joue de la harpe, Archipenko chante des morceaux ukrainiens et russes et ils courent ensemble les rues pour espérer quelques francs [67]. Mais le soir venu, la vie et l’art reprennent leurs droits. Les hommes partagent le souper, flânent sur les toits ou dans le jardin. Ils jouent de la mandoline et du violoncelle. Certains montent des pièces de théâtre. Selon les ateliers, raconte Chagall, s’échappent les bruits des artistes qui se retrouvent : de chez les italiens s’élève le son de la guitare ; depuis les appartements des russes, vibrent celui des verres frappés ; de chez les juifs monte l’écho de discussions dont les voix portent à travers les murs [68]. Tous les jours, surtout, les artistes voguent d’un atelier à l’autre. Ils admirent les toiles des uns, en parlent, s’influencent et s’encouragent. Lipchitz qui décrit ses errances dans les couloirs de la Ruche raconte ainsi : « Je flânais dans tous les ateliers et je découvrais un univers féerique, des toiles, de toutes dimensions. Je voyais des maisons, des fleurs, des ânes, des cochers de fiacres, des moujiks, des échelles, des couples volants. J’étais subjugué [69]». C’est entre ces murs que Léger, travaillant à la géométrisation de ses formes, crée ses plus belles peintures qu’Apollinaire nomme « tubistes ». Léger donne en effet là à tout ce qu’il dessine – corps, objets, plantes – l’aspect d’un tube, marque de son engouement pour le machinisme et de sa foi en l’homme [70].

Guillaume Apollinaire, Atelier de Picasso, Boulevard de Clichy., 1910

C’est là qu’amis poètes viennent admirer des œuvres sur lesquelles ils écrivent et qu’ils promeuvent. C’est l’histoire de Blaise Cendras découvrant l’atelier de Chagall. Le poète a entendu parler d’un peintre qui représente des vaches et des têtes coupées. Il frappe en pleine nuit à sa porte, entre enthousiaste, retourne sans hésiter des toiles que l’artiste a mises face au mur pour ne pas affronter le regard d’un public. Cendrars est émerveillé et contribue immédiatement à faire connaître ces peintures [71]. C’est à Montparnasse que ce dernier et Apollinaire, devenu lui aussi un ami de Chagall, travaillent ensuite à trouver les titres de ses tableaux et à les traduire. Eux parlent le Russe, leur ami le Yiddish, mais ils se comprennent. C’est encore Apollinaire qui présente Modigliani au Marchand Paul Guillaume, puis Modigliani qui fait rencontrer Soutine à deux de ses mécènes, Georges Chéron et Léopold Zborowski [72].

Kees Van Dongen, La mendiante, 1907-1908.

De la rencontre de tous ces artistes, naissent quantité de portraits où chacun pose et se représente tour à tour. Gottlieb et Isaac Grünewald peignent Pascin, Kisling peint Salmon. Modigliani peint Soutine, Rivera, Paul Guillaume, Abdul Wahad, Apollinaire, Jacob, Henri Laurens ou Béatrice Hastings. Chana Orloff fait plus de trois cents portraits. Elle représente Modigliani, Anaïs Nin, Auguste Perret, Braque, Matisse. Les modèles passent d’un artiste à l’autre : Kiki apparaît dans les œuvres de Picasso, Kisling, Gwozdecki, Mendjizki et Pablo Gargallo. Jeanne Hébuterne apparaît dans celles de Foujita et de Modigliani. De cette « école », dans cette « identité collective mobile [73]», ce goût pour la figuration, bien que diversifiée désormais, est sans doute l’un des traits le plus caractéristique [74].

Amedeo Modigliani.

Mais la ville influence aussi les peintres. Ses rues et l’ambiance particulière de ses bistrots apparaissent sous les encres diluées de Foujita ; ses garçons de café tremblent sous les pinceaux de Soutine ; puissants, ses immeubles de pierres se hissent sous les gouaches de Gris. Ses monuments s’y déploient : Rivera peint Notre-Dame depuis les quais de Montebello ; Van Dongen, le seul qui poursuive la représentation de la vie Montmartroise, dessine le Sacré cœur depuis la place du Tertre. L’ambiance de ses cirques, de ses bals, de ses cabarets et des nouvelles libertés acquises par les femmes donnent ensuite un cachet plus charnel à leurs toiles. Pascin, Foujita et Van Dongen participent à cette peinture au caractère érotique plus sensible où les scènes de nus suggestives ou sensuelles se retrouvent souvent.

Tsuguharu Foujita, Au café, 1949, Centre Pompidou, Paris.

La photographie aussi exalte la beauté d’une ville de l’accueil et de l’audace. Florence Henri, Ilse Bing, Brassaï, Kertesz, Germaine Krull, Man Ray ou Outerbridge, tous exaltent le Paris fastueux ou indigent mais incroyablement accueillant de ce début de siècle ; ces années où pendant presque trente ans, des êtres en exils du monde entier purent se retrouver et rivaliser d’inventivités et de libertés pour créer et émouvoir dans un élan mutuel et cosmopolite inédit.

Trente ans d’une époque féconde, d’années de recherches et d’expérimentations ouvertes enfin au courage de l’audace. Des recherches dont les artistes, « s’ils n’en voyaient pas exactement l’aboutissement, voyaient » du moins « le chemin qui permettaient d’y arriver » [75], le partage et la fureur de vivre, l’ouverture exalté à l’autre et aux sens.

Les lumières de la ville s’éteignent.

La crise économique amorcée le 24 octobre 1929 provoque la montée des patriotismes. En qualifiant l’École de paris de «château de cartes construit à Montparnasse » Waldemar George, critique d’art qui vantait naguère le foisonnement extraordinaire de ses artistes, amorce les prémices d’une période dont la xénophobie montante sonne le glas d’une tradition d’accueil et de tolérance [76]. Soudain, ces hommes « d’autres » contrées, artistes pourtant considérés jadis comme ceux avec qui il fallait être et qu’il fallait soutenir, les accusent de souiller les structures de l’art véritable : «l’Ecole française[77]». La montée latente des nationalismes entraîne le rejet de ceux qui avaient su faire de Paris le foyer d’un art à portée européenne et universelle. Bientôt, la presse et les galeries refusent de les exposer. Devant les lumières d’une ville qui s’amenuisent [78], nombreux sont les hommes qui font route pour des terres plus hospitalières. Mais c’est la capitulation française, le 16 juin 1940, au début de la seconde Guerre Mondiale, qui précipite davantage la ruine de ce qui restait encore de cette école cosmopolite.

Ossip Zadkine comme Jacques Lipchitz partent aux États-Unis en 1941. Chagall s’y rend clandestinement, inquiété par la Gestapo. Eisenschitz se terre sous un pseudonyme dans la Drôme quand son fils David est arrêté en 1944. Chapiro se cache à Carpentras, Krémègne en Corrèze. Chana Orloff est sauvée in extremis de la rafle du Vel d’Hiv. Elle fuit à Lyon puis trouve refuge en Suisse, comme Morice Lipsi. Mais tous n’ont pas la « chance » d’un soutien ou d’un lieu sûr. La plupart des artistes étrangers qui n’ont pas quitté la capitale sont pourchassés et persécutés. Pol D’Ive est retrouvé mort dans la rue. Max Ernst est arrêté comme « étranger ennemi » et interné dans le camp des milles. Soutine, traqué, mène une vie clandestine. Il meurt le 7 août 1943 suite à un ulcère qu’il n’a pas pu soigner. En 1943, Jadwiga Zak, celle qui a ouvert la première galerie à exposer Vassili Kandinsky [79], est envoyée à Auschwitz. Son fils disparaît avec elle.

Max Jacob meurt dans le camp de Drancy en mars 1944. Ossip Lubitch comme Abraham Weinbaum accompagné de sa femme et sa fille, y sont emprisonnés puis déportés. Samuel Granowsky et ses tenues de cow-boy ; Robert Desnos et ses fourmis de dix-huit mètres (qui n’existent pas, qui n’existent pas) et Henri Epstein, lui qui avait vu son talent remarqué par un agent de police, Léon Zamaron, sont envoyés dans les chambres à gaz [80]. Vingt ans après la célébration d’une école qui voyait dans l’art un langage universel, art où « l’étranger » n’existait pas, selon la formule de Brancusi, ses membres finissaient pourchassés, humiliés, rejetés par les bras même d’une ville qui tantôt les embrassait.

À l’heure où les relents nauséeux des nationalismes resurgissent ; quand l’assistance à personne en danger est pénalisée ; quand les bateaux de naufragés sont déboutés loin des côtes avec la conscience tranquille, il n’est pas inutile de rappeler comment Paris, à une certaine époque, accueillait les étrangers, les exilés, les sans-papiers et s’en portait pourtant si bien. Il est encore moins inutile de rappeler la fin tragique de cette école tant l’issue qui fut la sienne, dans ses années de gloire, paraissait improbable. Le monstre ne dort jamais que d’un oeil.

Notes :

[1] Stefan Zweig, Le monde d’hier, souvenirs d’un européen, Paris, Press Pocket, 2017.

[2] Cette phrase de titre « En art il n’y a pas d’étranger » serait de Constantin Brancusi et prononcée en 1922. Le sous-titre de l’article est quant à lui aussi tiré du titre d’un livre, quoique les dates qui servent à circonscrire cette école (ici 1900-1930) soient différentes : Jean Louis Andral, Sophie Krebs, L’école de Paris, L’atelier Cosmopolite, (1904-1930), Paris-Musée, hors-série Gallimard-Zanardi, Paris, 2000.

[3] Expression sans doute utilisée pour la première fois par André Warnod dans un article du journal Comoedia en date du 27 janvier 1925 et cité ici par Jean-Pierre Rioux, L’école européenne de Paris, entre Montmartre et Montparnasse, in Vingtième Siècle, revue d’histoire, n°72, octobre-décembre 2001, Image et histoire. pp. 147-148.

[4] Michel Serres, le Tiers-Instruit, Paris, François Bourin, 1990, p. 12.

[5] Blaise Cendrars, La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, poème, Paris, 1913.

[6] Yvan Goll, Paris Brûle, 1921, poème, Le Nouvel Orphée – Éd. de la Sirène, Paris, 1923, pp. 137-155.

[7] Jean Louis Andral, Sophie Krebs, L’école de Paris, L’atelier Cosmopolite, Paris-Musée, hors-série Gallimard-Zanardi, Paris, 2000, p1.

[8] Parmi eux, il faut compter les écrivains Gertrude Stein, Ambroise Vollard et Daniel-Henry Kahnweiler, le sculpteur Walter Peter Brenner, l’éditeur Léonce Rosenberg, la galerie Bernheim-Jeune (ouverte par Alexandre Bernheim qui sera la première à exposer Van Gogh, à Paris), le photographe Eugène Druet, le poète Léopold Zborowski, le médecin chimiste Albert Barnes ou le marchand et grand amateur d’arts Africains Paul Guillaume.

[9] Dan Franck_, Le temps des Bohèmes_, Paris, Grasset, 2015, p.135.

[10] Georges Wormser, Français israélites. Une doctrine. Une tradition, Éditions de Minuit, Paris, 1963, p. 171.

[11] Jean-Marie Drot, Dominique Polad- Hardouin, Les heures chaudes de Montparnasse, Hazan, Paris, 1995, p12.

[12] Marie Vacher, Joseph Moiseevitch Tchaikov. De la Ruche des Makhmadim à l’idéologie soviétique (1910-1937), Les Cahiers de l’École du Louvre, 1, 2012 : https://journals.openedition.org/cel/661#quotation.

[13] Voir à cet égard Chaïm Potok, Je m’appelle Asher Lev, Paris, 10-18, 2007.

[14] Paulin Césari, Soutine l’incompris, in Le Figaro, 4 janvier 2013.

[15] Clarisse Nicoidski, Soutine ou la profanation, Paris, Jean Claude Lattès, 1993, p.25. Olivier Renault, Rouge Soutine, Paris, La Table Ronde, 2012, p.12.

[16] Catherine Gousseff, Les Juifs russes en France. Profil et évolution d’une collectivité, Archives Juives, 2001/2, 34, pp. 4-16, p.6.

[17] Il s’agit de la Moldavie et de la Roumanie actuelles.

[18] Steven J. Zipperstein, Pogrom: Kishinev and the Tilt of History, New-York: Liveright, 2018.

[19] Catherine Gousseff, Les Juifs russes en France. Profil et évolution d’une collectivité, Archives Juives, 2001/2, 34, p. 4-16, p.6.

[20] Nadine Niesswasser, Artistes juifs de l’Ecole de Paris 1905-1939, Paris, Éditions Somogy, 2015, p.10.

[21] S. Nathan, B. Ravera, Ecole Juive de Paris, Paris, CELIV, 1995, p.3.

[22] Frédéric Praud, Les artistes juifs déportés de l’Ecole de Paris, 28 septembre 2010 :

http://www.parolesdhommesetdefemmes.fr/les-artistes-juifs-deportes-de-l-ecole-de-paris

[23]Voir Jacques Lambert, de Montmartre à Montparnasse la vraie vie de Bohème (1900-1939) : avec Picasso, Juan Gris, Suzanne Valadon, Maurice Utrillo, Modigliani, Kisling, Vlaminck, Max Jacob, Apollinaire, Marie Laurencin, Soutine, Foujita, Francis Carco, Pierre Mac Orlan, Paris, Les Éditions de Paris, 2014.

[24] Janine Warnod, La Ruche et Montparnasse, Weber Genève-Paris, Paris, 1978, p.7.

[25] Jean-Paul Caracalla, Montparnasse, l’âge d’or, Denoël, Paris, 1997, p.106.

[26] Claire Le Thomas, Racines populaires du cubisme, Pratiques ordinaires de création et art savant, Dijon, Les presses du réel, 2016, p. 69.

[27] Dan Franck, Le Temps des Bohèmes, Paris, Grasset, 2015, pp. 18-19.

[28] Ibid.

[29] Jeanine Warnod, Le Bateau-Lavoir 1892-1914, Les presses de la connaissance, Paris, 1975.

[30] Dan Franck, Le Temps des Bohèmes, Paris, Grasset, 2015, p.88 et suivantes.

[31] Fernande Olivier, Picasso et ses amis, Paris, Pygmalion, 2001.

[32] Guillaume Apollinaire, La serviette des poètes, L’Hérésiarque & Cie, Paris, Stock, 1984.

[33] Dan Franck, L_e Temps des Bohèmes_, Paris, Grasset, 2015, p.80.

[34] Dan Franck, Le Temps des Bohèmes, Paris, Grasset, 2015, p. 88. Voir aussi : Amélie Harrault, Pauline Gaillard et Valérie Loiseleux, Les aventuriers de l’art moderne, Bohème (1900-1906), épisode 1/6, Coproduction Arte France, Silex Films, Financière Pinault, 2015.

[35] Béatrice de Andia, Gloire et bohème à Montparnasse, in Gilles-Antoine Langlois (dir.), Montparnasse et le XIVème arrondissement, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2000, pp.12-36.

[36] Béatrice Joyeux-Prunel, Les avant-gardes artistiques, 1848-1918. Une histoire transnationale, Paris, Folio Gallimard, 2015, p. 381.

[37] Extraits de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter.

[38] Béatrice Joyeux-Prunel, Les avant-gardes artistiques, 1848-1918. Une histoire transnationale, Paris, Folio Gallimard, 2015, p.381.

[39] Vincent Noce, La Closerie, légendes d’un grand siècle, in Libération, 7 mai 1997.

[40] Extraits de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter.

[41] Henri Sauguet, Max Jacob. Rue Ravignan, in Les Cahiers Max Jacob, 3, 1980. pp. 85-87, p. 85.

[42] Jean-Paul Caracalla, _Montparnasse. L’âge d’o_r, Paris, Editions de la table Ronde, 2005, p. 109 et suivantes.

[43] Le comédien Louis Jouvet y fait ses premier pas.

[44] Alfred Boucher meurt en 1934.

[45] Clarisse Nicoidski, Soutine ou la profanation, Paris, Jean Claude Lattès, 1993, pp. 114-115.

[46] Jean-Jacques Breton, Soutine ou le lyrisme désespéré, L’Estampille/L’Objet d’Art, Faton, 34, 2007, p. 27.

[47] Janine Warnod, La Ruche et Montparnasse, Weber Genève-Paris, Paris, 1978.

[48] Nadine Niesswasser (dir.), Artistes juifs de l’Ecole de Paris 1905-1939, Paris, Éditions Somogy, 2015, p.19.

[49] Jean-Paul Caracalla, Montparnasse, l’âge d’or, Denoël, Paris, 1997, p.106.

[50] Extraits du documentaire d’Amélie Harrault, Pauline Gaillard et Valérie Loiseleux, _Les aventuriers de l’art moderne, Paris-Capitale du Monde, épisode 3/6,_Coproduction Arte France, Silex Films, Financière Pinault, 2015.

[51] On date ses séjours au Bateau-Lavoir de 1905 à 1906 puis de 1908 à 1911.

[52] Entretien avec Janine Warnod, extrait de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter.

[53] Judicaël Lavrador, Marie Vassilieff. Omise en scène, Libération, 17 juin 2019. Voir aussi : Claude Bernès, Benoît Noël, _Marie Vassilieff – L’œuvre artistique, L’académie de peinture, La cantine de Montparnass_e, Livarot Pays d’Auge, Éditions BVR, 2017.

[54] Panneau de l’exposition « George Dorignac, Corps et âmes », Musée de Montmartre, 15 mars au 8 septembre 2019.

[55] Manuel Jover, Matières sensibles, Connaissance des Arts, SFPA, 341, 2007, p.19.

[56] Nadine Niesswasser (dir.), Artistes juifs de l’Ecole de Paris 1905-1939, Paris, Éditions Somogy, 2015, p. 312.

[57] Janine Warnod, La Ruche et Montparnasse, Weber Genève-Paris, Paris, 1978, p. 29 et suivantes.

[58] Ibid.

[59] Extraits de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter.

[60] Ibid.

[61] Fernande Olivier, Picasso et ses amis, Paris, Pygmalion, 2001, p. 58.

[62] Philippe Dagen et Françoise Hamon (dir.), Histoire de l’art : époque contemporaine, XIXe-XXIe siècles. Paris, Flammarion, 2011, p. 281.

[63] Ibid, p. 282.

[64] Voir : Jean-Marie Gavalda, J_uan Gris, poète d’un cubisme coloré et tempéré_, Midi libre, 3 juillet 2007.

Radu Varia, Brancusi, Paris, Gallimard, 1989.

Andrea Kettenmann, Diego Rivera, 1886-1957. Un esprit révolutionnaire dans l’art moderne, Cologne, Taschen, 2006.

J.M.G Le Clézio, Diego et Frida, Paris, Folio, 1995.

Stéphen Lévy-Kuentz, Pascin et le tourment, Paris, La Différence, 2001.

Stéphen Lévy-Kuentz, Pascin libertin, Paris, Adam Biro, 2009.

[65] Claude Debon, L’écriture en guerre de Guillaume Apollinaire, Paris, Calliopées, 2006, p.30. Voir aussi : Dan Franck, le vol de la Joconde, Paris, Grasset, 2019.

[66] Nadine Niesswasser (dir.), A_rtistes juifs de l’Ecole de Paris 1905-1939_, Paris, Éditions Somogy, 2015, p. 141.

[67] Extraits de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter.

[68] Extraits du documentaire d’Amélie Harrault, Pauline Gaillard et Valérie Loiseleux, Les aventuriers de l’art moderne, Paris-Capitale du Monde, épisode 3/6, Coproduction Arte France, Silex Films, Financière Pinault, 2015.

[69] Entretien avec Jacques Lipchitz, Extraits de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter

[70] Extraits de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter.

[71] Ibid.

[72] Nadine Niesswasser (dir.), A_rtistes juifs de l’Ecole de Paris 1905-1939,_ Paris, Éditions Somogy, 2015, p.254.

[73] Béatrice Joyeux-Prunel_, Les avant-gardes artistiques, 1848-1918. Une histoire transnationale_, Paris, Folio Gallimard, 2015, p. 387.

[74] Annick Colonna-Cesari, Paris, Babel des artistes, in L’Express, 14 décembre 2000.

[75] Philippe Soupault, extraits de l’émission Chroniques sauvages, La Ruche de Montparnasse, présenté par Robert Arnault, avec Jean Paul Crespelle et Jeanine Warnod, Diffusé 6 février 1988, rediffusé le 11 juillet 2017, France Inter.

[76] Adriaan Darmon, Autour de l’art Juif – Encyclopédie des peintres, photographes et sculpteur, Paris, Carnot, 2003, p.31. Claire Le Thomas, Racines populaires du cubisme. Pratiques ordinaires de création et art savant, Dijon, Les presses du réel, 2016.

[77] Louis De Vauxcelles, cité par Nadine Nieszawer (dir.), Artistes Juifs de l’Ecole de Paris, 1905-1939, Introduction, Paris, Somogy, Editions d’Art, 2015, p.12.

[78] Max Jacob avait un jour appelé cette ville – Paris – « la Rome nouvelle de ce siècle », sans jamais imaginer ce qui lui arriverait. (Max Jacob, Chronique des temps héroïques, Paris, Broder, 1956).

[79] Voir notamment : Marc Masurovsky, La Galerie Zak, 1926-1945, Archives Juives, 2017/1, vol. 50, p.75-84.

[80] Limore Yagil, Au nom de l’art, 1933-1945, Exils, solidarités et engagement, Nouvelles Etudes Historiques, Paris, Fayard, 2015.

Référence électronique :

Amélie Faucheux, “En art, il n’y a pas d’étranger. L’École de Paris : l’atelier cosmopolite (1900-1929)”, Carnet de recherche, OpenEdition, Altérité & Violence, 1 | 2020, mis en ligne le 1er janvier 2020.

URL : https://penserlahaine.hypotheses.org/211#more-211

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Amélie Faucheux (1 janvier 2020). “En art, il n’y a pas d’étranger.” L’École de Paris : l’atelier cosmopolite (1900-1929). Altérité & Violence. Consulté le 26 septembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/ssvi