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Papers by Arnaud Lestremau
Basileus Anglorum. La prétention impériale dans les titulatures royales à la fin de la période anglo-saxonne
Les titulatures reflètent l'étendue du pouvoir d'un roi, mais renvoient aussi l'image qu'il enten... more Les titulatures reflètent l'étendue du pouvoir d'un roi, mais renvoient aussi l'image qu'il entend donner de lui-même. Dans une période de mutation politique rapide dans le monde insulaire, il est donc logique que ces titulatures évoluent elles aussi, pour mettre en lumière les conquêtes ou les annexions, tout en signalant les revendications territoriales. Au début du IX e siècle, l'hégémonie mercienne se traduisait par l'utilisation de titres impériaux ; à compter de la fin du siècle, les victoires décisives remportées par le Wessex permettent à ses rois d'assumer une titulature de plus en plus audacieuse. Rendant d'abord compte de l'incorporation dans un même royaume d'Angles et de Saxons, le roi Alfred se présente comme roi d'un nouveau royaume, celui des « Anglo-Saxons ». Reprenant ensuite l'étiquette ethnique unificatrice et salvificatrice créée par Bède, lui et ses successeurs se présentent progressivement comme les rois des Anglais. Cette capacité à dominer plusieurs royaumes que tout séparait quelques décennies plus tôt, l'efficacité de la lutte contre les vikings, les conquêtes réalisées et l'influence croissante du roi en-dehors de son royaume lui permettent progressivement de passer une nouvelle étape, en adoptant des titres plus clinquants. Si l'on en croit la communication politique du Wessex aux X e-XI e siècles, le royaume est devenu un empire, a minima pendant le règne des souverains les plus puissants, comme AEthelstan, Edgar ou Cnut.
Regnal styles reflect how broad the power of a king is, but they also show the image that he wants to project. During a period of intense political change in the British isles, the regnal styles are intended to change too, so that conquests and annexations may be highlighted, and territorial claims asserted. At the beginning of the ninth century, the Mercian hegemony was manifested by the use of such titles; at the end of that century, the crucial victories of Wessex allow their kings to assume increasingly audacious styles. As he had incorporated Angles in a Saxon kingdom, King Alfred appeared as the king of a new kingdom, the kingdom of the Anglo-Saxons. Then, he and his successors took up an unifying and redeeming ethnic label forged by the Venerable Bede, and they progressively became the Kings of the English. Because they were able to rule several kingdoms, that were yet divided a few decades earlier, to fight efficiently against the Vikings, to achieve conquests and to have a growing influence outside the kingdom, the kings of Winchester chose even more daring and showy regnal styles. If one believes the political communication of Wessex during the tenth and eleventh centuries, the kingdom had become an empire, at the very least during the reign of its most powerful rulers, such as AEthelstan, Edgar or Cnut.
Il s'agit de la version antérieure à la publication. L'article est publié dans Clio, 45 : Le nom ... more Il s'agit de la version antérieure à la publication. L'article est publié dans Clio, 45 : Le nom des femmes, 45, 2017, p. 199-221.
Quo nomine vocaris ? Identifier les noms et les personnes dans les sources en Angleterre aux Xe-XIe siècles
Noms de lieux, noms de personnes. La question des sources
Dans le contexte de l'Angleterre médiévale, l'étude des noms de personnes constitue un passage ob... more Dans le contexte de l'Angleterre médiévale, l'étude des noms de personnes constitue un passage obligé pour étudier les dynamiques sociales et culturelles. Néanmoins, pour des raisons inhérentes à la période, au rôle de la culture écrite dans le royaume anglo-saxon et aux aléas de la conservation pendant les siècles ultérieurs, nous disposons d'une documentation rare et lacunaire, qui se prête peu aux exigences d'un discours scientifique sur les règles sous-jacents du système anthroponymique insulaire. Dans notre communication, nous souhaiterions établir une typologie des sources disponibles et utilisables, montrer les problèmes que ces sources soulèvent et proposer plusieurs solutions méthodologiques pour les exploiter.
Piscium quem vos haked nuncupatis. Communautés monastiques et imaginaire maritime dans l'Angleter... more Piscium quem vos haked nuncupatis. Communautés monastiques et imaginaire maritime dans l'Angleterre anglo-saxonne Withdrawal from the world and regular fasting have stimulated the foundation of monasteries in isolated and fishy areas, such as coastal regions, where land and sea mingle (islands, marshes, etc.). The economic expansion of several monasteries, like Ely or Ramsey, allowed them to cumulate rights and estates in places where they could control fishing activities and salt production. As a result, these religious institutions partly assumed the role of market for seafood, which made them central for interactions with the littoral communities. Thanks to this encounter between monks and littoral communities, elements from maritime culture were also preserved. Speeches about the sea and the littoral space, which had probably appeared in the maritime communities, were then the subject of original developments, whether in poetic collections, hagiographies, liturgical sources and even in the choice of personal names. It is this whole process that we wish to highlight in our communication, based on a varied documentation borrowing from both economic and cultural history.
Dans le contexte du second âge viking, l'opposition entre rois des Danois et des Anglo-Saxons se ... more Dans le contexte du second âge viking, l'opposition entre rois des Danois et des Anglo-Saxons se traduit par trois décennies de guerre. La circulation de stéréotypes négatifs sur les Danois et la mise en place d'une politique parfois violente contre ces derniers posent la question du stigmate ethnique. Comment pouvait-on identifier un Danois ? Les outils, en particulier linguistiques, étaient-ils utilisés par les acteurs et efficaces pour identifier un Danois ? Les individus susceptibles d'être identifiés adoptaient-ils des stratégies pour éviter d'être inscrits dans un groupe stigmatisé ?
Nomen impiorum putrescet. Exclure par le nom dans la France et l'Angleterre du haut Moyen Âge Ton... more Nomen impiorum putrescet. Exclure par le nom dans la France et l'Angleterre du haut Moyen Âge Ton nom seul est mon ennemi. Tu n'es pas un Montague, tu es toi-même. Qu'est-ce qu'un Montague ? […] Oh ! sois quelque autre nom ! Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Shakespeare, Roméo et Juliette, Acte II, Scène 2
In Anglo-Saxon England, the building of a united kingdom was a complex process. After 954, the Da... more In Anglo-Saxon England, the building of a united kingdom was a complex process. After 954, the Danish kingdoms north of the Thames had all been defeated and annexed by the West Saxons. By their dismissal as a group, the Danes were the ferment of the Anglo-Saxon unity, but their integration as individuals was also necessary. Then, in the late 10th century, many laws were written whose concern seems to have been to set the identities of people so that everybody got a specific role. As such, the authorities insisted on the cultural aspects of the border to strengthen the unity of the kingdom, by blurring the political and military dimensions of that border.
However, language and culture are highly flexible identity markers, that can be manipulated when the actors have an interest in building or removing a border. As a consequence, we will question the use of the names in the Anglo-Scandinavian context. Was there any boundary between ethno-linguistic groups, made visible by the names? Was there comments on ethnicity when migrants with a heterogeneous onomastic capital crossed it? Conversely, could names be used to blur threshold effects between groups, if used as masks by populations of distinct origins?
L’étude des formules introduisant le nom du bénéficiaire dans le corpus des chartes anglo-saxonne... more L’étude des formules introduisant le nom du bénéficiaire dans le corpus des chartes anglo-saxonnes, de 954 à 1066, révèle à la fois une variété des modèles documentaires et une assez grande concentration de la documentation conservée. Parmi les formules-vedettes, toutefois, aucune cohérence chronologique, spatiale ou institutionnelle ne semble perceptible. Cela confirme sans doute l’existence d’une chancellerie royale à cette période. L’usage de formules confirme par ailleurs la part des lettrés de l’époque dans ce processus de renforcement du pouvoir monarchique. À la solennité des chartes répond ainsi l’usage récurrent du style herméneutique. Entre normalisation à des fins juridiques, solennité à des fins de représentation sociale et variation à des fins stylistiques, la documentation laisse cependant affleurer certains usages culturels du nom.
Rex Anglorum ou Rex Britannie : l’utilisation du concept de peuple dans la politique des rois anglo-saxons au Xe siècle
Regnal styles reflect how broad the power of a king is, but they also show the image of himself h... more Regnal styles reflect how broad the power of a king is, but they also show the image of himself he wants to project. During a period of intense political change in the British isles, the regnal styles are intended to change too, so that conquests and annexations may be highlighted, and territorial claims asserted. At the beginning of the ninth century, the Mercian hegemony was manifested by the use of such titles; at the end of that century, the crucial victories of Wessex allow their kings to assume increasingly audacious styles. As he had incorporated Angles in a Saxon kingdom, King Alfred appeared as the king of a new kingdom, the kingdom of the Anglo-Saxons. Then, he and his successors took up an unifying and redeeming ethnic label forged by the Venerable Bede, and they progressively became the Kings of the English. Because they were able to rule several kingdoms, that were yet divided a few decades earlier, to fight efficiently against the Vikings, to achieve conquests and to have a growing influence outside the kingdom, the kings of Winchester chose even more daring and showy regnal styles. If one believes the political communication of Wessex during the tenth and eleventh centuries, the kingdom had become an empire, at the very least during the reign of its most powerful rulers, such as Æthelstan, Edgar or Cnut.
« Anglo-Saxons », « Mercie », « Wessex », « Northumbrie », « East Anglia », « Kent », « Cnut le Grand », « Danelaw », « Concile de Whitby », « Stamford Bridge », « Levée d’Offa », « Usage anglo-saxon », « Onomastique romaine/germanique »
Talks by Arnaud Lestremau
Reviews by Arnaud Lestremau
De nombreux travaux se sont attachés à étudier les échanges de part et d'autre de la Manche (de W... more De nombreux travaux se sont attachés à étudier les échanges de part et d'autre de la Manche (de Wilhelm Levison à Stéphane Lebecq), tout en restituant l'origine sociale des missionnaires ou les moyens de la christianisation 1 . Cependant, ces travaux se concentrent souvent sur Boniface et Willibrord, tandis que les figures et textes mineurs « sont fondamentalement incompris à cause du petit nombre d'études qui se focalisent sur eux » (p. 20). Dans ce contexte, le véritable thème du livre est de « comprendre les vitae et les évolutions de la tradition hagiographique » pour analyser « le développement du culte des saints » en Germanie (p. 18). En effet, l'ouvrage ne porte pas sur la totalité des Anglo-Saxons présents dans le monde franc, mais sur les seuls missionnaires établis en Germanie. Par ailleurs, l'auteur s'intéresse principalement au processus d'écriture des textes et au public des hagiographies dans le monde franc, afin de restituer la circulation des topoi et des schèmes narratifs, tout en mettant en évidence les stratégies discursives d'auteurs qui cherchent bien souvent à promouvoir le monastère ou le siège épiscopal dont ils sont le plus proches. Ce faisant, l'auteur nuance et complète avec habileté les thèses de ses devanciers. L'ouvrage s'ouvre sur une introduction dense et substantielle, qui se déploie en trois grands axes : une synthèse sur les acquis historiographiques en langues anglaise et allemande majoritairement ; un point de méthode sur l'exploitation des sources hagiographiques, qui fonde leur crédibilité sur leur rôle dans la société, c'est-à-dire sur la « réponse [qu'elles apportaient] aux besoins individuels de groupes, de lieux et d'époques diverses » (p. 26) ; enfin, une présentation des sources hagiographiques, regroupées par familles de documents qui portent sur le même saint ou reprennent dans un même lieu une tradition similaire, mais auxquelles l'auteur adjoint la mention plus marginale de sources diplomatique, épistolaire, narrative ou normative. Le livre s'organise en cercles concentriques : tout d'abord, viennent les missionnaires et leurs alliés, auxquels succèdent l'image de leurs adversaires et la description de leur terrain d'action. Enfin, J. Palmer embrasse dans sa réflexion des horizons plus éloignés, dont la représentation sous-tend l'action et la légitimité des missionnaires ou de ceux qui s'en revendiquent. Il commence tout naturellement par les motivations de l'action missionnaire. J. Palmer nuance les deux éléments
La publication, en 1969, du catalogue des chartes anglo-saxonnes par Peter Sawyer marqua un renou... more La publication, en 1969, du catalogue des chartes anglo-saxonnes par Peter Sawyer marqua un renouveau dans les études diplomatiques insulaires. L'édition de ces chartes et la collation de tous les témoins manuscrits en constituent la suite logique. « La réussite d'un tel projet dépendra de la capacité des chercheurs actuels à prendre activement leur part dans ce travail, mais aussi dans leur capacité à former leurs étudiants et à les pousser dans cette voie », affirmait Nicholas Brooks, en 1974, au moment où le premier volume venait de paraître. Cette affirmation s'avère prophétique, puisque l'édition des 184 chartes de Christ Church est le produit d'une collaboration entre ces deux générations. En effet, dès 1984, Nicholas Brooks publiait la monographie de référence sur la cité de Canterbury et Susan Kelly en 1995 le troisième volume de la collection relatif aux chartes de Saint Augustine's et Minster-in-Thanet, deux autres monastères du Kent. Depuis cette date, le projet d'édition des chartes anglo-saxonnes s'est accéléré, grâce au travail assidu de Susan Kelly. Comme les précédents volumes, le présent ouvrage propose une concordance intégrale des chartes avec les principales éditions antérieures.
Cet ouvrage est la version publiée d'une thèse sur la famille des Leofwinesons, qui se maintienne... more Cet ouvrage est la version publiée d'une thèse sur la famille des Leofwinesons, qui se maintiennent comme earls en Mercie entre 994 et 1071. Stephen Baxter ne s'en tient toutefois pas à son projet initial, les earls devenant souvent un moyen de réfléchir à la nature du pouvoir seigneurial au XI e siècle en Angleterre. Sa façon de questionner l'objet l'indique : entre la vision d'un « Etat anglo-saxon maximal » (J. Campbell) et l'attention portée sur les pouvoirs locaux fondés sur des liens personnels (R. Davies), il opte pour une médiane, en tentant d'articuler ces deux échelles du lordship.
Avec Rome en Angleterre, Yann Coz propose la version publiée d'une thèse dirigée par Michel Sot (... more Avec Rome en Angleterre, Yann Coz propose la version publiée d'une thèse dirigée par Michel Sot (Paris IV) et soutenue en 2007. Pour autant, il a pris le soin de mettre à jour son travail en s'informant de publications plus récentes. La place habituelle de l'héritage romain dans les mondes médiévaux européens justifie d'autant plus une enquête sur les liens entre la Bretagne et Rome que ceux-ci se sont renouvelés avec éclat lorsque Grégoire le Grand décida de réévangéliser l'île. Partant de ce constat, le but est de comprendre l'image que Rome a pu laisser dans l'espace insulaire, en sollicitant tout ce qui peut culturellement y renvoyer : image de la Cité, légitimation du pouvoir par le recours à ses Empereurs, emploi et transmission de sa culture et de sa langue. À ce titre, Rome est définie lato sensu, ce qui permet d'inclure les faits culturels et politiques que l'Urbs a imposés au monde méditerranéen, depuis sa fondation jusqu'à sa christianisation. De la même manière, Yann Coz embrasse dans son étude la totalité de la période anglo-saxonne, de la migration jusqu'à la Conquête Normande. En se plaçant ouvertement dans la lignée de Wilhelm Levison, Margaret Deanesly et Michael Hunter, Yann Coz utilise abondamment les travaux de nombreux spécialistes européens, au rang desquels Michael Lapidge, Janet Bately ou Malcolm Godden figurent en bonne place. Citant la plupart des textes édités, il traque également son objet dans de nombreux manuscrits et dans le témoignage des sources matérielles (notamment numismatiques). Pour mener à bien sa démonstration, Yann Coz organise son propos en trois grandes parties chronologiques, précédées d'un chapitre autonome consacré à l'enseignement et aux textes « universaux » de l'Antiquité tardive. Il met en avant la place des grammairiens « classiques » (Donat, Servius) et des premiers historiens du christianisme (Orose, Eusèbe, Augustin), en se centrant sur certains épisodes (destruction du Temple, grandes persécutions, règne de Constantin), afin d'analyser l'image qu'ils transmettent de la Rome antique. Mentionnant l'oeuvre du breton Gildas, il souligne le statut d'étrangers que les Romains avaient chez cet auteur, avant de souligner la place prépondérante du monde grec dans les martyrologes (par opposition à l'Empire romain persécuteur). La première partie porte sur les débuts de la période anglo-saxonne. Chez Aldhelm, l'image de Rome est en retrait par rapport au monde grec et la culture païenne n'est mentionnée qu'en passant, sans occuper une place capitale. Chez Wynfreth-Boniface, les références au paganisme sont escamotées, hormis lorsqu'elles permettent de mieux comprendre et utiliser la langue latine. Bède, enfin, témoigne d'un intérêt plus fort pour l'histoire de l'Empire et surtout pour l'histoire du christianisme antique. Même s'il évite de se complaire dans les références païennes, il n'hésite pas à les utiliser si besoin, témoignant d'un rapport apaisé et mieux maîtrisé à la culture antique. En sollicitant l'appui d'autres types de sources, Yann Coz conclut à la fascination pour une Rome (qui déborde amplement sur le monde grec), sur le rejet de la mythologie classique (considérés comme un mal nécessaire pour l'apprentissage linguistique), au profit d'une Rome chrétienne. En conséquence, Rome n'est guère utilisée comme moyen de légitimation du pouvoir, hormis sur quelques monnaies du VII e siècle ou sous le règne d'Offa. La seconde partie est centrée sur la période alfrédienne. Ce règne marque un rapport ambigu à Rome. La Rome des papes est une nouvelle source de légitimité, tandis qu'une rupture définitive avec la culture antique se manifeste. L'idée d'une translatio studii qui trouve son origine chez les Hébreux permet de relativiser la place du latin dans l'histoire universelle et de donner sa place au vieil anglais. Le mouvement de traductions conforte cette idée d'une nouvelle langue de culture, tandis que les textes alfrédiens confirment un intérêt et une connaissance limités pour l'histoire impériale, la culture latine et l'histoire religieuse. Ce courant, en revanche, tente de contextualiser et de vulgariser les références, en les explicitant, tout en les adaptant au temps présent, par un effort d'actualisation. À ce titre, Rome ne constitue plus une réserve d'exemples ou une source de légitimité pour les Anglo-Saxons, mais plutôt un espace exotique dont la culture est devenue étrangère. La troisième partie est consacrée aux X e et XI e siècles. Interrogeant la notion de culture impériale, Yann Coz remet en cause un paradigme imprécis à ses yeux. Certes, la recherche de l'unité culturelle et liturgique accompagne les conquêtes du X e siècle. Toutefois l'apparition d'une revendication hégémonique sur le monde insulaire n'induit pas de revendication impériale ou la mobilisation d'un précédent « romain ». L'étude des titulatures royales et du couronnement d'Edgar en 973 confirment ce principe et expliquerait d'ailleurs que les Anglo-Saxons reconnaissent sans peine aux Ottoniens le titre d'Empereur. Si le goût pour Rome semble connaître une vogue sous AEthelred II, Yann Coz précise que Rome ne devient jamais pour autant un moyen de légitimer l'autorité royale. Le chroniqueur AEthelweard s'arroge une titulature romaine, mais ne s'intéresse pas spécifiquement au passé romain, tandis que le culte des saints s'inspire du culte romain, mais sans chercher à s'approprier de reliques issues de l'Urbs. AElfric constitue, à ses yeux, le seul contre-exemple : l'abbé de Cerne prête en effet une attention marquée aux évolutions historiques, insiste sur la compréhension de l'altérité culturelle romaine, tout en sollicitant l'exemple mémorable d'empereurs chrétiens. À terme, donc, si le rapport politique à Rome est renforcé (pallium des archevêques, denier de St Pierre), les liens culturels sont très faibles, puisque les textes classiques semblent disparaître du bagage culturel anglo-saxon, tandis que le pouvoir trouve dans l'histoire insulaire ses propres facteurs de légitimation. Au terme de l'ouvrage, l'image qui se dégage est celle d'une faiblesse globale de la référence romaine, toujours présente, mais jamais de manière très substantielle ou profonde. L'image de Rome et la culture latine sont sollicitées ponctuellement (notamment pour aider à la compréhension d'une langue fondamentale pour le christianisme, au moins avant les traductions du IX e siècle) et ne constituent presque jamais un moyen de légitimation du pouvoir royal -à la différence de ce que l'on peut notamment observer dans le monde carolingien. À ce titre, l'argument de Yann Coz me paraît convaincant : étant légitimes, les souverains anglo-saxons n'ont pas besoin de solliciter un modèle étranger pour justifier leur arrivée au pouvoir (contrairement à ce que les Carolingiens durent faire). Si la synthèse est ambitieuse et l'objet complexe, on peut regretter son caractère parfois flou, tant l'image et les traces de Rome recouvrent d'objets différents. L'ensemble, cependant utile, offre une synthèse agréable à lire, qui parvient efficacement à lier histoire culturelle et histoire politique. À terme, nous pouvons surtout regretter l'absence d'un index, qui eût été d'une grande utilité dans un volume d'une telle ampleur.
Conference Presentations by Arnaud Lestremau
Books by Arnaud Lestremau
Basileus Anglorum. La prétention impériale dans les titulatures royales à la fin de la période anglo-saxonne
Les titulatures reflètent l'étendue du pouvoir d'un roi, mais renvoient aussi l'image qu'il enten... more Les titulatures reflètent l'étendue du pouvoir d'un roi, mais renvoient aussi l'image qu'il entend donner de lui-même. Dans une période de mutation politique rapide dans le monde insulaire, il est donc logique que ces titulatures évoluent elles aussi, pour mettre en lumière les conquêtes ou les annexions, tout en signalant les revendications territoriales. Au début du IX e siècle, l'hégémonie mercienne se traduisait par l'utilisation de titres impériaux ; à compter de la fin du siècle, les victoires décisives remportées par le Wessex permettent à ses rois d'assumer une titulature de plus en plus audacieuse. Rendant d'abord compte de l'incorporation dans un même royaume d'Angles et de Saxons, le roi Alfred se présente comme roi d'un nouveau royaume, celui des « Anglo-Saxons ». Reprenant ensuite l'étiquette ethnique unificatrice et salvificatrice créée par Bède, lui et ses successeurs se présentent progressivement comme les rois des Anglais. Cette capacité à dominer plusieurs royaumes que tout séparait quelques décennies plus tôt, l'efficacité de la lutte contre les vikings, les conquêtes réalisées et l'influence croissante du roi en-dehors de son royaume lui permettent progressivement de passer une nouvelle étape, en adoptant des titres plus clinquants. Si l'on en croit la communication politique du Wessex aux X e-XI e siècles, le royaume est devenu un empire, a minima pendant le règne des souverains les plus puissants, comme AEthelstan, Edgar ou Cnut.
Regnal styles reflect how broad the power of a king is, but they also show the image that he wants to project. During a period of intense political change in the British isles, the regnal styles are intended to change too, so that conquests and annexations may be highlighted, and territorial claims asserted. At the beginning of the ninth century, the Mercian hegemony was manifested by the use of such titles; at the end of that century, the crucial victories of Wessex allow their kings to assume increasingly audacious styles. As he had incorporated Angles in a Saxon kingdom, King Alfred appeared as the king of a new kingdom, the kingdom of the Anglo-Saxons. Then, he and his successors took up an unifying and redeeming ethnic label forged by the Venerable Bede, and they progressively became the Kings of the English. Because they were able to rule several kingdoms, that were yet divided a few decades earlier, to fight efficiently against the Vikings, to achieve conquests and to have a growing influence outside the kingdom, the kings of Winchester chose even more daring and showy regnal styles. If one believes the political communication of Wessex during the tenth and eleventh centuries, the kingdom had become an empire, at the very least during the reign of its most powerful rulers, such as AEthelstan, Edgar or Cnut.
Il s'agit de la version antérieure à la publication. L'article est publié dans Clio, 45 : Le nom ... more Il s'agit de la version antérieure à la publication. L'article est publié dans Clio, 45 : Le nom des femmes, 45, 2017, p. 199-221.
Quo nomine vocaris ? Identifier les noms et les personnes dans les sources en Angleterre aux Xe-XIe siècles
Noms de lieux, noms de personnes. La question des sources
Dans le contexte de l'Angleterre médiévale, l'étude des noms de personnes constitue un passage ob... more Dans le contexte de l'Angleterre médiévale, l'étude des noms de personnes constitue un passage obligé pour étudier les dynamiques sociales et culturelles. Néanmoins, pour des raisons inhérentes à la période, au rôle de la culture écrite dans le royaume anglo-saxon et aux aléas de la conservation pendant les siècles ultérieurs, nous disposons d'une documentation rare et lacunaire, qui se prête peu aux exigences d'un discours scientifique sur les règles sous-jacents du système anthroponymique insulaire. Dans notre communication, nous souhaiterions établir une typologie des sources disponibles et utilisables, montrer les problèmes que ces sources soulèvent et proposer plusieurs solutions méthodologiques pour les exploiter.
Piscium quem vos haked nuncupatis. Communautés monastiques et imaginaire maritime dans l'Angleter... more Piscium quem vos haked nuncupatis. Communautés monastiques et imaginaire maritime dans l'Angleterre anglo-saxonne Withdrawal from the world and regular fasting have stimulated the foundation of monasteries in isolated and fishy areas, such as coastal regions, where land and sea mingle (islands, marshes, etc.). The economic expansion of several monasteries, like Ely or Ramsey, allowed them to cumulate rights and estates in places where they could control fishing activities and salt production. As a result, these religious institutions partly assumed the role of market for seafood, which made them central for interactions with the littoral communities. Thanks to this encounter between monks and littoral communities, elements from maritime culture were also preserved. Speeches about the sea and the littoral space, which had probably appeared in the maritime communities, were then the subject of original developments, whether in poetic collections, hagiographies, liturgical sources and even in the choice of personal names. It is this whole process that we wish to highlight in our communication, based on a varied documentation borrowing from both economic and cultural history.
Dans le contexte du second âge viking, l'opposition entre rois des Danois et des Anglo-Saxons se ... more Dans le contexte du second âge viking, l'opposition entre rois des Danois et des Anglo-Saxons se traduit par trois décennies de guerre. La circulation de stéréotypes négatifs sur les Danois et la mise en place d'une politique parfois violente contre ces derniers posent la question du stigmate ethnique. Comment pouvait-on identifier un Danois ? Les outils, en particulier linguistiques, étaient-ils utilisés par les acteurs et efficaces pour identifier un Danois ? Les individus susceptibles d'être identifiés adoptaient-ils des stratégies pour éviter d'être inscrits dans un groupe stigmatisé ?
Nomen impiorum putrescet. Exclure par le nom dans la France et l'Angleterre du haut Moyen Âge Ton... more Nomen impiorum putrescet. Exclure par le nom dans la France et l'Angleterre du haut Moyen Âge Ton nom seul est mon ennemi. Tu n'es pas un Montague, tu es toi-même. Qu'est-ce qu'un Montague ? […] Oh ! sois quelque autre nom ! Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Shakespeare, Roméo et Juliette, Acte II, Scène 2
In Anglo-Saxon England, the building of a united kingdom was a complex process. After 954, the Da... more In Anglo-Saxon England, the building of a united kingdom was a complex process. After 954, the Danish kingdoms north of the Thames had all been defeated and annexed by the West Saxons. By their dismissal as a group, the Danes were the ferment of the Anglo-Saxon unity, but their integration as individuals was also necessary. Then, in the late 10th century, many laws were written whose concern seems to have been to set the identities of people so that everybody got a specific role. As such, the authorities insisted on the cultural aspects of the border to strengthen the unity of the kingdom, by blurring the political and military dimensions of that border.
However, language and culture are highly flexible identity markers, that can be manipulated when the actors have an interest in building or removing a border. As a consequence, we will question the use of the names in the Anglo-Scandinavian context. Was there any boundary between ethno-linguistic groups, made visible by the names? Was there comments on ethnicity when migrants with a heterogeneous onomastic capital crossed it? Conversely, could names be used to blur threshold effects between groups, if used as masks by populations of distinct origins?
L’étude des formules introduisant le nom du bénéficiaire dans le corpus des chartes anglo-saxonne... more L’étude des formules introduisant le nom du bénéficiaire dans le corpus des chartes anglo-saxonnes, de 954 à 1066, révèle à la fois une variété des modèles documentaires et une assez grande concentration de la documentation conservée. Parmi les formules-vedettes, toutefois, aucune cohérence chronologique, spatiale ou institutionnelle ne semble perceptible. Cela confirme sans doute l’existence d’une chancellerie royale à cette période. L’usage de formules confirme par ailleurs la part des lettrés de l’époque dans ce processus de renforcement du pouvoir monarchique. À la solennité des chartes répond ainsi l’usage récurrent du style herméneutique. Entre normalisation à des fins juridiques, solennité à des fins de représentation sociale et variation à des fins stylistiques, la documentation laisse cependant affleurer certains usages culturels du nom.
Rex Anglorum ou Rex Britannie : l’utilisation du concept de peuple dans la politique des rois anglo-saxons au Xe siècle
Regnal styles reflect how broad the power of a king is, but they also show the image of himself h... more Regnal styles reflect how broad the power of a king is, but they also show the image of himself he wants to project. During a period of intense political change in the British isles, the regnal styles are intended to change too, so that conquests and annexations may be highlighted, and territorial claims asserted. At the beginning of the ninth century, the Mercian hegemony was manifested by the use of such titles; at the end of that century, the crucial victories of Wessex allow their kings to assume increasingly audacious styles. As he had incorporated Angles in a Saxon kingdom, King Alfred appeared as the king of a new kingdom, the kingdom of the Anglo-Saxons. Then, he and his successors took up an unifying and redeeming ethnic label forged by the Venerable Bede, and they progressively became the Kings of the English. Because they were able to rule several kingdoms, that were yet divided a few decades earlier, to fight efficiently against the Vikings, to achieve conquests and to have a growing influence outside the kingdom, the kings of Winchester chose even more daring and showy regnal styles. If one believes the political communication of Wessex during the tenth and eleventh centuries, the kingdom had become an empire, at the very least during the reign of its most powerful rulers, such as Æthelstan, Edgar or Cnut.
« Anglo-Saxons », « Mercie », « Wessex », « Northumbrie », « East Anglia », « Kent », « Cnut le Grand », « Danelaw », « Concile de Whitby », « Stamford Bridge », « Levée d’Offa », « Usage anglo-saxon », « Onomastique romaine/germanique »
De nombreux travaux se sont attachés à étudier les échanges de part et d'autre de la Manche (de W... more De nombreux travaux se sont attachés à étudier les échanges de part et d'autre de la Manche (de Wilhelm Levison à Stéphane Lebecq), tout en restituant l'origine sociale des missionnaires ou les moyens de la christianisation 1 . Cependant, ces travaux se concentrent souvent sur Boniface et Willibrord, tandis que les figures et textes mineurs « sont fondamentalement incompris à cause du petit nombre d'études qui se focalisent sur eux » (p. 20). Dans ce contexte, le véritable thème du livre est de « comprendre les vitae et les évolutions de la tradition hagiographique » pour analyser « le développement du culte des saints » en Germanie (p. 18). En effet, l'ouvrage ne porte pas sur la totalité des Anglo-Saxons présents dans le monde franc, mais sur les seuls missionnaires établis en Germanie. Par ailleurs, l'auteur s'intéresse principalement au processus d'écriture des textes et au public des hagiographies dans le monde franc, afin de restituer la circulation des topoi et des schèmes narratifs, tout en mettant en évidence les stratégies discursives d'auteurs qui cherchent bien souvent à promouvoir le monastère ou le siège épiscopal dont ils sont le plus proches. Ce faisant, l'auteur nuance et complète avec habileté les thèses de ses devanciers. L'ouvrage s'ouvre sur une introduction dense et substantielle, qui se déploie en trois grands axes : une synthèse sur les acquis historiographiques en langues anglaise et allemande majoritairement ; un point de méthode sur l'exploitation des sources hagiographiques, qui fonde leur crédibilité sur leur rôle dans la société, c'est-à-dire sur la « réponse [qu'elles apportaient] aux besoins individuels de groupes, de lieux et d'époques diverses » (p. 26) ; enfin, une présentation des sources hagiographiques, regroupées par familles de documents qui portent sur le même saint ou reprennent dans un même lieu une tradition similaire, mais auxquelles l'auteur adjoint la mention plus marginale de sources diplomatique, épistolaire, narrative ou normative. Le livre s'organise en cercles concentriques : tout d'abord, viennent les missionnaires et leurs alliés, auxquels succèdent l'image de leurs adversaires et la description de leur terrain d'action. Enfin, J. Palmer embrasse dans sa réflexion des horizons plus éloignés, dont la représentation sous-tend l'action et la légitimité des missionnaires ou de ceux qui s'en revendiquent. Il commence tout naturellement par les motivations de l'action missionnaire. J. Palmer nuance les deux éléments
La publication, en 1969, du catalogue des chartes anglo-saxonnes par Peter Sawyer marqua un renou... more La publication, en 1969, du catalogue des chartes anglo-saxonnes par Peter Sawyer marqua un renouveau dans les études diplomatiques insulaires. L'édition de ces chartes et la collation de tous les témoins manuscrits en constituent la suite logique. « La réussite d'un tel projet dépendra de la capacité des chercheurs actuels à prendre activement leur part dans ce travail, mais aussi dans leur capacité à former leurs étudiants et à les pousser dans cette voie », affirmait Nicholas Brooks, en 1974, au moment où le premier volume venait de paraître. Cette affirmation s'avère prophétique, puisque l'édition des 184 chartes de Christ Church est le produit d'une collaboration entre ces deux générations. En effet, dès 1984, Nicholas Brooks publiait la monographie de référence sur la cité de Canterbury et Susan Kelly en 1995 le troisième volume de la collection relatif aux chartes de Saint Augustine's et Minster-in-Thanet, deux autres monastères du Kent. Depuis cette date, le projet d'édition des chartes anglo-saxonnes s'est accéléré, grâce au travail assidu de Susan Kelly. Comme les précédents volumes, le présent ouvrage propose une concordance intégrale des chartes avec les principales éditions antérieures.
Cet ouvrage est la version publiée d'une thèse sur la famille des Leofwinesons, qui se maintienne... more Cet ouvrage est la version publiée d'une thèse sur la famille des Leofwinesons, qui se maintiennent comme earls en Mercie entre 994 et 1071. Stephen Baxter ne s'en tient toutefois pas à son projet initial, les earls devenant souvent un moyen de réfléchir à la nature du pouvoir seigneurial au XI e siècle en Angleterre. Sa façon de questionner l'objet l'indique : entre la vision d'un « Etat anglo-saxon maximal » (J. Campbell) et l'attention portée sur les pouvoirs locaux fondés sur des liens personnels (R. Davies), il opte pour une médiane, en tentant d'articuler ces deux échelles du lordship.
Avec Rome en Angleterre, Yann Coz propose la version publiée d'une thèse dirigée par Michel Sot (... more Avec Rome en Angleterre, Yann Coz propose la version publiée d'une thèse dirigée par Michel Sot (Paris IV) et soutenue en 2007. Pour autant, il a pris le soin de mettre à jour son travail en s'informant de publications plus récentes. La place habituelle de l'héritage romain dans les mondes médiévaux européens justifie d'autant plus une enquête sur les liens entre la Bretagne et Rome que ceux-ci se sont renouvelés avec éclat lorsque Grégoire le Grand décida de réévangéliser l'île. Partant de ce constat, le but est de comprendre l'image que Rome a pu laisser dans l'espace insulaire, en sollicitant tout ce qui peut culturellement y renvoyer : image de la Cité, légitimation du pouvoir par le recours à ses Empereurs, emploi et transmission de sa culture et de sa langue. À ce titre, Rome est définie lato sensu, ce qui permet d'inclure les faits culturels et politiques que l'Urbs a imposés au monde méditerranéen, depuis sa fondation jusqu'à sa christianisation. De la même manière, Yann Coz embrasse dans son étude la totalité de la période anglo-saxonne, de la migration jusqu'à la Conquête Normande. En se plaçant ouvertement dans la lignée de Wilhelm Levison, Margaret Deanesly et Michael Hunter, Yann Coz utilise abondamment les travaux de nombreux spécialistes européens, au rang desquels Michael Lapidge, Janet Bately ou Malcolm Godden figurent en bonne place. Citant la plupart des textes édités, il traque également son objet dans de nombreux manuscrits et dans le témoignage des sources matérielles (notamment numismatiques). Pour mener à bien sa démonstration, Yann Coz organise son propos en trois grandes parties chronologiques, précédées d'un chapitre autonome consacré à l'enseignement et aux textes « universaux » de l'Antiquité tardive. Il met en avant la place des grammairiens « classiques » (Donat, Servius) et des premiers historiens du christianisme (Orose, Eusèbe, Augustin), en se centrant sur certains épisodes (destruction du Temple, grandes persécutions, règne de Constantin), afin d'analyser l'image qu'ils transmettent de la Rome antique. Mentionnant l'oeuvre du breton Gildas, il souligne le statut d'étrangers que les Romains avaient chez cet auteur, avant de souligner la place prépondérante du monde grec dans les martyrologes (par opposition à l'Empire romain persécuteur). La première partie porte sur les débuts de la période anglo-saxonne. Chez Aldhelm, l'image de Rome est en retrait par rapport au monde grec et la culture païenne n'est mentionnée qu'en passant, sans occuper une place capitale. Chez Wynfreth-Boniface, les références au paganisme sont escamotées, hormis lorsqu'elles permettent de mieux comprendre et utiliser la langue latine. Bède, enfin, témoigne d'un intérêt plus fort pour l'histoire de l'Empire et surtout pour l'histoire du christianisme antique. Même s'il évite de se complaire dans les références païennes, il n'hésite pas à les utiliser si besoin, témoignant d'un rapport apaisé et mieux maîtrisé à la culture antique. En sollicitant l'appui d'autres types de sources, Yann Coz conclut à la fascination pour une Rome (qui déborde amplement sur le monde grec), sur le rejet de la mythologie classique (considérés comme un mal nécessaire pour l'apprentissage linguistique), au profit d'une Rome chrétienne. En conséquence, Rome n'est guère utilisée comme moyen de légitimation du pouvoir, hormis sur quelques monnaies du VII e siècle ou sous le règne d'Offa. La seconde partie est centrée sur la période alfrédienne. Ce règne marque un rapport ambigu à Rome. La Rome des papes est une nouvelle source de légitimité, tandis qu'une rupture définitive avec la culture antique se manifeste. L'idée d'une translatio studii qui trouve son origine chez les Hébreux permet de relativiser la place du latin dans l'histoire universelle et de donner sa place au vieil anglais. Le mouvement de traductions conforte cette idée d'une nouvelle langue de culture, tandis que les textes alfrédiens confirment un intérêt et une connaissance limités pour l'histoire impériale, la culture latine et l'histoire religieuse. Ce courant, en revanche, tente de contextualiser et de vulgariser les références, en les explicitant, tout en les adaptant au temps présent, par un effort d'actualisation. À ce titre, Rome ne constitue plus une réserve d'exemples ou une source de légitimité pour les Anglo-Saxons, mais plutôt un espace exotique dont la culture est devenue étrangère. La troisième partie est consacrée aux X e et XI e siècles. Interrogeant la notion de culture impériale, Yann Coz remet en cause un paradigme imprécis à ses yeux. Certes, la recherche de l'unité culturelle et liturgique accompagne les conquêtes du X e siècle. Toutefois l'apparition d'une revendication hégémonique sur le monde insulaire n'induit pas de revendication impériale ou la mobilisation d'un précédent « romain ». L'étude des titulatures royales et du couronnement d'Edgar en 973 confirment ce principe et expliquerait d'ailleurs que les Anglo-Saxons reconnaissent sans peine aux Ottoniens le titre d'Empereur. Si le goût pour Rome semble connaître une vogue sous AEthelred II, Yann Coz précise que Rome ne devient jamais pour autant un moyen de légitimer l'autorité royale. Le chroniqueur AEthelweard s'arroge une titulature romaine, mais ne s'intéresse pas spécifiquement au passé romain, tandis que le culte des saints s'inspire du culte romain, mais sans chercher à s'approprier de reliques issues de l'Urbs. AElfric constitue, à ses yeux, le seul contre-exemple : l'abbé de Cerne prête en effet une attention marquée aux évolutions historiques, insiste sur la compréhension de l'altérité culturelle romaine, tout en sollicitant l'exemple mémorable d'empereurs chrétiens. À terme, donc, si le rapport politique à Rome est renforcé (pallium des archevêques, denier de St Pierre), les liens culturels sont très faibles, puisque les textes classiques semblent disparaître du bagage culturel anglo-saxon, tandis que le pouvoir trouve dans l'histoire insulaire ses propres facteurs de légitimation. Au terme de l'ouvrage, l'image qui se dégage est celle d'une faiblesse globale de la référence romaine, toujours présente, mais jamais de manière très substantielle ou profonde. L'image de Rome et la culture latine sont sollicitées ponctuellement (notamment pour aider à la compréhension d'une langue fondamentale pour le christianisme, au moins avant les traductions du IX e siècle) et ne constituent presque jamais un moyen de légitimation du pouvoir royal -à la différence de ce que l'on peut notamment observer dans le monde carolingien. À ce titre, l'argument de Yann Coz me paraît convaincant : étant légitimes, les souverains anglo-saxons n'ont pas besoin de solliciter un modèle étranger pour justifier leur arrivée au pouvoir (contrairement à ce que les Carolingiens durent faire). Si la synthèse est ambitieuse et l'objet complexe, on peut regretter son caractère parfois flou, tant l'image et les traces de Rome recouvrent d'objets différents. L'ensemble, cependant utile, offre une synthèse agréable à lire, qui parvient efficacement à lier histoire culturelle et histoire politique. À terme, nous pouvons surtout regretter l'absence d'un index, qui eût été d'une grande utilité dans un volume d'une telle ampleur.