David Simard | Université Paris-Est Créteil (original) (raw)

Papers by David Simard

Research paper thumbnail of La puissance sexuelle entre le normal et le pathologique

Sciences Sociales et Santé, 2019

L’article « La sexualité des hommes après un cancer de la prostate : âge, genre et pouvoir » du s... more L’article « La sexualité des hommes après un cancer de la prostate : âge, genre et pouvoir » du sociologue Louis Braverman étudie les conséquences du cancer de la prostate sur la sexualité à partir d’entretiens semi-directifs menés auprès d’hommes hétérosexuels atteints par cette maladie. Sa proposition est d’éclairer les témoignages recueillis en recourant au concept de masculinité hégémonique, et en le croisant avec une approche intersectionnelle soulignant les rapports de pouvoir liés à l’âge, au genre et à la classe sociale. Dans le cadre de ce commentaire, nous proposons de nous centrer sur trois points abordés par l’auteur qui peuvent relever d’une étude d’épistémologie historique, pour apporter un éclairage complémentaire à l’abord socio-(bio)politique de la question de la puissance sexuelle masculine : 1) l’approche organo-physiologique fonctionnaliste de la sexualité qui fait de la santé sexuelle une question de vigueur ; 2) le rapport de la sexualité masculine à la sexualité féminine sur le mode de la complémentarité ; 3) la reconfiguration du normal et du pathologique qui se fait jour à partir des entretiens rapportés.

Research paper thumbnail of Quand les perversions sexuelles n’en seront plus

Le transsexualisme figure toujours en bonne place sur la liste officielle des maladies psychiatri... more Le transsexualisme figure toujours en bonne place sur la liste officielle des maladies psychiatriques, tout comme les « perversions » sexuelles, sous le nom moins connoté de troubles paraphiliques. La société, pourtant, a évolué sur les questions touchant aux comportements sexuels et au genre. De sorte que la révision de l’une des principales classifications utilisées par les professionnels de santé à travers la planète, annoncée pour 2018, pourrait bien aboutir à une tout autre conception de ces particularités.

Research paper thumbnail of La question du consentement sexuel : entre liberté individuelle et dignité humaine

Sexologies

En matière sexuelle, le consentement est une notion devenue primordiale. Elle permet sur le plan ... more En matière sexuelle, le consentement est une notion devenue primordiale. Elle permet sur le plan juridique, notamment, de distinguer ce qui ne relève pas du viol et ce qui en relève. C’est toutefois une notion aux contours mal définis, qui donne lieu à des controverses, particulièrement sur la question de la prostitution et sur celle du sadomasochisme pour ce qui concerne l’éthique de la sexualité. Cet article a pour objectif de tenter d’éclairer les termes du débat. Il interroge d’abord les fondements du consentement sexuel, en analysant les différences ou les confusions conceptuelles entre le désir et la volonté, tout d’abord à partir de la lecture des philosophes du XVIIe siècle René Descartes et Baruch Spinoza, qui s’opposent sur la place du désir relativement à la raison chez l’être humain, et ensuite du psychanalyste Sigmund Freud, qui introduit l’idée de désir inconscient. L’article montre ensuite comment l’impossibilité d’une liberté absolue, et donc d’un consentement dégagé de toute contrainte, peut conduire certaines organisations féministes à mettre en question le consentement individuel même clairement formulé, et à lui opposer la notion de dignité humaine en un sens transcendant, inspirée du philosophe allemand du XVIIIe siècle Emmanuel Kant. Cette notion est interrogée et étudiée dans les cas de la prostitution et du sadomasochisme. L’analyse conceptuelle conduit à mettre en évidence le caractère métaphysique tant de l’approche individualiste du consentement que de l’approche d’inspiration kantienne de la dignité humaine.

Research paper thumbnail of The question of sexual consent: Between individual liberty and human dignity

In sexual matters, the concept of consent has recently come to the forefront. The concept allows ... more In sexual matters, the concept of consent has recently come to the forefront. The concept allows a distinction to be made, notably from a legal standpoint, between what is considered to be rape and what is not. It is however a concept that is difficult to define with any clarity; its boundaries are fuzzy and it is the subject of much controversy, particularly with regard to the issues of prostitution and sadomasochistic practices (BDSM) within the ethics of sexuality. The purpose of this article is to attempt to clarify the terms of the debate. It firstly questions the foundations of sexual consent by analysing the differences or the conceptual confusion between desire and will, based initially on a reading of the philosophers of the 17th century René Descartes and Baruch Spinoza, who have opposing ideas with regard to the position of desire relative to intellect in human beings, before moving on to the psychoanalyst Sigmund Freud, who introduces the idea of unconscious desire. The article then shows that the impossibility of absolute liberty, and therefore consent free of any constraint, leads certain feminist organisations to question individual consent, even when it has been clearly formulated, and to invoke against this the notion of human dignity in a transcending sense, inspired by Immanuel Kant, the German philosopher of the 18th century. This concept is examined and studied in cases of prostitution and sadomasochism (BDSM). The conceptual analysis ultimately reveals the metaphysical nature both of the individualistic approach of consent and of the Kant-inspired approach of human dignity.

Research paper thumbnail of La controverse de l’attirance sexuelle par les phéromones chez l’être humain - The controversy about the role of pheromones in sexual attraction between humans

Sexologies. Revue européenne de sexologie et de santé sexuelle

Cet article analyse les controverses scientifiques concernant le rôle des phéromones dans les att... more Cet article analyse les controverses scientifiques concernant le rôle des phéromones dans les attirances sexuelles chez l’être humain mais aussi la synchronisation des cycles menstruels chez les femmes. Il détaille les quatre points sur lesquels l’implication des phéromones dans les comportements sexuels humains fait l’objet aussi bien d’affirmations présentées comme des découvertes ou des données acquises, que d’interrogations voire de remises en question : si les phéromones sont des odeurs ou des substances chimiques distinctes, si l’être humain dispose d’un organe fonctionnel idoine à leur détection ou si elles sont captées par le système olfactif principal au même titre que les odeurs, si l’absence de réponse comportementale stéréotypée chez l’être humain permet de maintenir ou non l’hypothèse d’un rôle significatif ou amoindri des phéromones, et enfin, si l’être humain émet ou non des phéromones. L’analyse des publications sur les rôles supposés des phéromones dans l’espèce humaine permet tout autant de mettre en évidence les difficultés méthodologiques dans les expériences menées et les mesures statistiques effectuées, que les variations conceptuelles auxquelles est soumis le vocable de « phéromone ». En regard de la définition des phéromones proposée par Karlson et Lüscher à l’aube des années 1960, la désignation d’hormones stéroïdiennes telles l’androstadiénone ou l’estratetraenol comme des phéromones ne fait pas l’unanimité, alors qu’elle paraît évidente pour un certain nombre de chercheuses et de chercheurs. Apparaît également la diversité des champs scientifiques des chercheurs étudiant les phéromones : biologistes, biochimistes, neuroscientifiques, oto-rhino-laryngologues, zoologues, anthropologues, psychologues… Les enjeux de ces controverses sont multiples : d’une part, elles soulèvent la question des procédés méthodologiques mis en œuvre et des conclusions qu’il est possible de tirer des résultats obtenus ; d’autre part, elles alimentent les débats récurrents sur la part de déterminismes biologiques dans les comportements humains dont les chercheurs en sciences humaines et sociales rendent compte à partir de déterminants sociaux. Cette étude de controverse ne permet pas in fine de considérer comme acquis un quelconque rôle phéromonal dans les comportements sexuels humains.

English version :
This article investigates the ongoing scientific wrangling concerning the role of pheromones in sexual attraction in human beings, and also in the synchronisation of menstrual cycles in females. It looks in detail at the four areas where the involvement of pheromones in sexual behaviour in humans has given rise to affirmations presented as discoveries or acquired data, and at the same time to questions or even challenges: whether pheromones are distinct smells or chemical substances, whether the human being has an appropriate functional organ for detecting them or if they are detected by the main olfactory system in the same way as smells, whether the absence of stereotypical behavioural response in the human being allows the hypothesis of a significant role to be confirmed or disregarded, and finally, whether the human being releases pheromones or not. A review of literature on the hypothetical role of pheromones in humans evidences some methodological difficulties in the experiments conducted and the statistical measurements made, and as many variations in what is understood by the very concept of the word “pheromone”. Looking at the definition of pheromones coined by Karlson and Lüscher at the beginning of the 1960s, steroid hormones such as androstadienone or estratetraenol are considered to be pheromones, and although not everyone agrees with this definition, for other researchers it is undeniable. There are also differences in the scientific specialities of researchers studying pheromones: biologists, biochemists, neuroscientists, ENT specialists, zoologists, anthropologists, psychologists, etc. The stakes of the controversies are high: they raise the question of the methodologies used in the studies and the reliability of their conclusions; they also fuel the regular discussions about the share of biological determinism in human behaviour that researchers in human and social sciences measure based on social determinants. Ultimately, this study of controversy shows that a possible role for pheromones in human sexual behaviour is not something that can by any means be taken for granted.

Research paper thumbnail of Un Marx kantien ?

Conference Presentations by David Simard

Research paper thumbnail of Sexualité et nouvelles technologies : une révolution anthropologique ?

Les nouvelles technologies font l'objet aussi bien de discours technophobes que de discours techn... more Les nouvelles technologies font l'objet aussi bien de discours technophobes que de discours technophiles. L'humanité serait sur le point de connaître soit sa destruction, soit sa transformation transhumaniste. Malgré leur opposition, leur point commun est leur résonance théologique, d'inspiration millénariste. Dominique Lecourt a souligné combien ces discours procèdent par confusion entre technologie et technique, et entre science et technique. Ils reposent également sur l'idée de nature humaine.
A partir des éclairages et des pistes de renouvellement conceptuels de Dominique Lecourt, je propose de sortir de ces visions prophétiques pour demander si les nouvelles technologies appliquées au domaine de la sexualité, considérée comme intrinsèque à la condition humaine, engagent une révolution anthropologique, ou plus modestement des possibilités créatives de l'être humain, en utilisant notamment les concepts de techniques du corps de Marcel Mauss et de techniques de soi de Michel Foucault.

Research paper thumbnail of La santé sexuelle : un outil de biopouvoir ?

En m’inspirant du cadre théorique du dispositif de sexualité élaboré par Michel Foucault, je prop... more En m’inspirant du cadre théorique du dispositif de sexualité élaboré par Michel Foucault, je propose de mettre à l’épreuve le concept de « santé sexuelle », institutionnalisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les années 1970, et dont l’usage depuis les années 1990 dans les politiques de santé publique à travers le monde n’a cessé de croître, à la faveur notamment de la lutte contre le VIH/SIDA, et de la commercialisation de médicaments pour traiter certains troubles de l’érection. La question que je souhaite poser est celle-ci : le concept de « santé sexuelle » participe-t-il d’un dispositif de sexualité ? Constitue-t-il, dès lors, un outil de biopouvoir ? Les éléments qui me conduisent à poser cette question sont les suivants : le fait que la sexualité soit appréhendée à travers le prisme de la santé ; le fait que la notion de « santé sexuelle » ait pu être associée, à l’occasion, à l’idée de vertu sexuelle, et soit aujourd’hui parfois associée à celle de sexualité saine ; et enfin, le fait que l’institution promouvant le concept de « santé sexuelle » sur le plan international édite par ailleurs une classification des maladies qui comprend des paraphilies, c’est-à-dire ce que l’OMS appelait auparavant des « perversions sexuelles ».

Chapitres d'ouvrages by David Simard

Research paper thumbnail of Sexualité et handicap : le concept de consentement face au dispositif de sexualité

Sexualités, autonomie et handicaps : freins et perspectives, 2018

Sexualité et handicap semblent se trouver aujourd’hui dans un rapport d’opposition, le handicap e... more Sexualité et handicap semblent se trouver aujourd’hui dans un rapport d’opposition, le handicap entravant, voire empêchant l’accès à la sexualité. L’assistance sexuelle est proposée comme un moyen de lever cette opposition dans une certaine mesure, pas entièrement satisfaisant mais améliorant tout de même la situation des personnes en situation de handicap.
Or, ce rapport d’opposition pourrait s’inscrire dans une généalogie dont le point de départ est une articulation intrinsèque de ces deux termes, dans le cadre de ce que Michel Foucault a appelé un dispositif de sexualité. Selon le philosophe, handicap et sexualité ont été perpétuellement renvoyés l’un à l’autre à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, après qu’un premier rapprochement ait été fait entre la figure de l’individu monstrueux et celle du déviant sexuel au XVIIIe siècle. Le handicap, qu’il soit physique ou mental, faisait l’objet de programmes eugéniques, tandis que la sexualité était administrée par la médecine des perversions. L’articulation des deux s’opérait sous l’égide de la théorie de la dégénérescence, alors dominante à l’époque.

Plan

I. Handicap, perversions, eugénisme
A. Théorie de la dégénérescence à la fin du XIXe siècle
B. Handicap et eugénisme aujourd'hui

II. Dispositif de sexualité : un tiers intervenant
A. Sexualité et dispositif de sexualité
B. Le normal et l'anormal
C. Biopouvoir et population : par-delà le juridique

III. Consentement, Etat de droit et dispositif de sexualité
A. Consentement, liberté et Etat de droit
B. Le consentement comme argument juridique

IV. Le consentement comme problème
A. Les conditions du consentement
B. La capacité médicale à consentir
C. Le fondement du consentement

Research paper thumbnail of Santé sexuelle : entre éthique et morale

Santé sexuelle et droits humains. Un enjeu pour l’humanité, 2015

Dès qu’il est question de valeurs et de normes, le discours se trouve chargé d’une dimension mora... more Dès qu’il est question de valeurs et de normes, le discours se trouve chargé d’une dimension morale. Le clinicien ou la clinicienne dans les domaines de la santé sexuelle ou de la sexologie doit être attentif à cela, et aller au-delà de l’impression qui peut être la sienne selon laquelle ce qu’est une sexualité saine va de soi. Entre l’idée qu’il / elle se fait de ce qui est bien et mal en matière sexuelle, et son attitude vis-à-vis des personnes qui viennent le / la consulter et dont les propos, pratiques ou comportements peuvent heurter ses convictions morales, surgit immanquablement une tension entre ce en quoi le praticien ou la praticienne croit profondément – ses convictions, au sens ou le philosophe Max Weber l’entend dans l’éthique de conviction (Weber, 1959) –, et l’attitude d’écoute bienveillante que l’on peut attendre de lui / elle sur un plan déontologique – et qui fait ainsi son devoir au moins avec autant de force qu’une conviction.

Se joue alors dans le domaine de la santé sexuelle une tension contenue en germe dans l’élaboration conceptuelle de la santé sexuelle définie selon certaines valeurs et normes explicites et implicites, qui se répercute sur le terrain clinique sous la forme d’un problème d’articulation entre morale et éthique.

Thesis Chapters by David Simard

Research paper thumbnail of La santé sexuelle, genèse et usages d’un concept. Étude d’épistémologie historique, XIXe – XXIe siècles / Sexual Health: Genesis and Uses of a Concept, Study of Historical Epistemology, 19th – 21st centuries

Thèse de doctorat / PhD Thesis Français Le concept de santé sexuelle a été institutionnalisé pa... more Thèse de doctorat / PhD Thesis

Français

Le concept de santé sexuelle a été institutionnalisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les années 1970, alors que s’accroissaient les controverses entre la psychanalyse et le cognitivo-comportementalisme. La nouvelle définition de travail qu’en a proposé l’OMS au début des années 2000 a entériné l’approche cognitivo-comportementale articulée à l’utilitarisme, en l’inscrivant résolument dans la suite de son concept de santé comme état de bien-être. Ce concept mêle ainsi une dimension épistémologique à une dimension morale et sociale.

Ce travail de recherche se propose d’éclairer les usages contemporains du concept de santé sexuelle en en retraçant la genèse, qui précède de loin son institutionnalisation par l’OMS. Nous remontons ainsi à ses premières occurrences dans la première moitié du XIXe siècle, alors que la santé désigne principalement l’absence de maladies.

Nous adoptons une méthode d’épistémologie historique, avec un travail sur les textes de l’époque dans le champ médical anglo-américain et dans celui du continent européen. S’il est courant de mettre en question les concepts du champ médical et de celui de la santé, en particulier ceux touchant la sexualité, à partir d’un regard social qui met en évidence leur dimension normative et de biopouvoir, le présent travail se propose d’étudier le concept de santé sexuelle en menant une analyse interne aux champs dans lesquels le concept a été forgé et déployé. Sans contester la pertinence de l’abord socio-politique, le choix méthodologique qui fait droit à sa rationalité interne permet de mieux souligner ce qu’il peut y avoir d’irréductiblement normatif dans le concept de santé sexuelle.

Ce dernier est donc analysé à l’aune du modèle scientifique dans lequel il émerge, à savoir la physiologie hygiéniste vitaliste. Cette genèse va dessiner son histoire jusqu’à aujourd’hui, alors que s’opposent une sexologie qui en fait son objet, et une médecine sexuelle mécaniciste qui s’y réfère aussi. L’histoire des épistémologies de la biologie éclaire non seulement la genèse et les usages du concept de santé sexuelle, mais aussi ses rapports au domaine de la pathologie sexuelle. Les oppositions de modèles épistémologiques se traduisent par des approches thérapeutiques différentes, sinon adverses, pour la conception et la prise en charge des problèmes sexuels. Ne se réduisant pas à l’absence de maladies sexuelles, la santé sexuelle selon l’OMS, holistique, entend recouvrir également le mental et le social, dans une démarche préventive et éducative en santé publique. Ce dernier point en souligne en outre la charge éthique, dans une optique eudémonique, que lui ont conféré dès le XIXe siècle ses usages hygiénistes.

Ce travail permet ainsi à la fois : 1) de resituer le concept de santé sexuelle dans une histoire plus longue que celle qui la fait habituellement débuter après la Deuxième Guerre mondiale ; 2) d’enrichir l’historiographie de la sexologie, pour laquelle le concept de santé sexuelle est devenu majeur au XXIe siècle ; 3) d’interroger l’histoire de la sexualité telle que développée par Michel Foucault ; 4) d’éclairer les rapports du normal et du pathologique qui sont en jeu dans le concept de santé sexuelle et dans les controverses entre la psychodynamique et le cognitivo-comportementalisme ; 5) d’interroger l’idée selon laquelle les usages contemporains de ce concept participeraient de la médicalisation de la sexualité.

Anglais

The concept of sexual health was institutionalized by the World Health Organization (WHO) in the 1970s, when controversies between psychoanalysis and cognitive-behaviourism were growing. The new working definition proposed by the WHO in the early 2000s endorsed the cognitive-behavioural approach articulated to utilitarianism, by firmly embedding it in the continuation of its concept of health as a state of well-being. This concept thus combines an epistemological dimension with a moral and social dimension.

This research work aims to shed light on the contemporary uses of the concept of sexual health by tracing its genesis, which far precedes its institutionalization by the WHO. We thus go back to its first occurrences in the first half of the 19th century, when health refers mainly to the absence of disease.

We adopt a method of historical epistemology, with work on the texts of the time in the Anglo-American medical field and in the field of medicine on the European continent. While it is common to question the concepts of the medical and health fields, particularly those related to sexuality, from a social perspective that highlights their normative and biopower dimensions, this work aims to study the concept of sexual health by conducting an internal analysis of the fields in which the concept has been forged and deployed. Without contesting the relevance of the socio-political approach, the methodological choice that acknowledges its internal rationality makes it possible to better emphasize what can be irreducibly normative in the concept of sexual health.

The latter is therefore analysed according to the scientific model in which it emerges, namely vitalist hygienist physiology. This genesis will shape its history until today, while a sexology that makes it its object, and a mechanistic sexual medicine that also refers to it, are in opposition. The history of biological epistemologies sheds light not only on the genesis and uses of the concept of sexual health, but also on its relationship to the field of sexual pathology. The opposition of epistemological models results in different, if not adverse, therapeutic approaches to the conception and treatment of sexual problems. According to the WHO, sexual health is not reduced to the absence of sexual diseases, but is holistic and aims to cover the mental and social aspects as well, in a preventive and educational approach in the area of public health. This last point also underlines the ethical burden, from an eudemonic perspective, conferred on it by its hygienic uses since the 19th century.

This work thus allows at the same time: 1) to place the concept of sexual health in a longer history than that which usually begins after the Second World War; 2) to enrich the historiography of sexology, for which the concept of sexual health has become major in the 21st century; 3) to question the history of sexuality as developed by Michel Foucault; 4) to shed light on the relationships between the normal and the pathological that are at stake in the concept of sexual health and in the controversies between psychodynamics and cognitive-behaviourism; 5) to examine the idea that contemporary uses of this concept would contribute to the medicalization of sexuality.

Research paper thumbnail of La puissance sexuelle entre le normal et le pathologique

Sciences Sociales et Santé, 2019

L’article « La sexualité des hommes après un cancer de la prostate : âge, genre et pouvoir » du s... more L’article « La sexualité des hommes après un cancer de la prostate : âge, genre et pouvoir » du sociologue Louis Braverman étudie les conséquences du cancer de la prostate sur la sexualité à partir d’entretiens semi-directifs menés auprès d’hommes hétérosexuels atteints par cette maladie. Sa proposition est d’éclairer les témoignages recueillis en recourant au concept de masculinité hégémonique, et en le croisant avec une approche intersectionnelle soulignant les rapports de pouvoir liés à l’âge, au genre et à la classe sociale. Dans le cadre de ce commentaire, nous proposons de nous centrer sur trois points abordés par l’auteur qui peuvent relever d’une étude d’épistémologie historique, pour apporter un éclairage complémentaire à l’abord socio-(bio)politique de la question de la puissance sexuelle masculine : 1) l’approche organo-physiologique fonctionnaliste de la sexualité qui fait de la santé sexuelle une question de vigueur ; 2) le rapport de la sexualité masculine à la sexualité féminine sur le mode de la complémentarité ; 3) la reconfiguration du normal et du pathologique qui se fait jour à partir des entretiens rapportés.

Research paper thumbnail of Quand les perversions sexuelles n’en seront plus

Le transsexualisme figure toujours en bonne place sur la liste officielle des maladies psychiatri... more Le transsexualisme figure toujours en bonne place sur la liste officielle des maladies psychiatriques, tout comme les « perversions » sexuelles, sous le nom moins connoté de troubles paraphiliques. La société, pourtant, a évolué sur les questions touchant aux comportements sexuels et au genre. De sorte que la révision de l’une des principales classifications utilisées par les professionnels de santé à travers la planète, annoncée pour 2018, pourrait bien aboutir à une tout autre conception de ces particularités.

Research paper thumbnail of La question du consentement sexuel : entre liberté individuelle et dignité humaine

Sexologies

En matière sexuelle, le consentement est une notion devenue primordiale. Elle permet sur le plan ... more En matière sexuelle, le consentement est une notion devenue primordiale. Elle permet sur le plan juridique, notamment, de distinguer ce qui ne relève pas du viol et ce qui en relève. C’est toutefois une notion aux contours mal définis, qui donne lieu à des controverses, particulièrement sur la question de la prostitution et sur celle du sadomasochisme pour ce qui concerne l’éthique de la sexualité. Cet article a pour objectif de tenter d’éclairer les termes du débat. Il interroge d’abord les fondements du consentement sexuel, en analysant les différences ou les confusions conceptuelles entre le désir et la volonté, tout d’abord à partir de la lecture des philosophes du XVIIe siècle René Descartes et Baruch Spinoza, qui s’opposent sur la place du désir relativement à la raison chez l’être humain, et ensuite du psychanalyste Sigmund Freud, qui introduit l’idée de désir inconscient. L’article montre ensuite comment l’impossibilité d’une liberté absolue, et donc d’un consentement dégagé de toute contrainte, peut conduire certaines organisations féministes à mettre en question le consentement individuel même clairement formulé, et à lui opposer la notion de dignité humaine en un sens transcendant, inspirée du philosophe allemand du XVIIIe siècle Emmanuel Kant. Cette notion est interrogée et étudiée dans les cas de la prostitution et du sadomasochisme. L’analyse conceptuelle conduit à mettre en évidence le caractère métaphysique tant de l’approche individualiste du consentement que de l’approche d’inspiration kantienne de la dignité humaine.

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In sexual matters, the concept of consent has recently come to the forefront. The concept allows ... more In sexual matters, the concept of consent has recently come to the forefront. The concept allows a distinction to be made, notably from a legal standpoint, between what is considered to be rape and what is not. It is however a concept that is difficult to define with any clarity; its boundaries are fuzzy and it is the subject of much controversy, particularly with regard to the issues of prostitution and sadomasochistic practices (BDSM) within the ethics of sexuality. The purpose of this article is to attempt to clarify the terms of the debate. It firstly questions the foundations of sexual consent by analysing the differences or the conceptual confusion between desire and will, based initially on a reading of the philosophers of the 17th century René Descartes and Baruch Spinoza, who have opposing ideas with regard to the position of desire relative to intellect in human beings, before moving on to the psychoanalyst Sigmund Freud, who introduces the idea of unconscious desire. The article then shows that the impossibility of absolute liberty, and therefore consent free of any constraint, leads certain feminist organisations to question individual consent, even when it has been clearly formulated, and to invoke against this the notion of human dignity in a transcending sense, inspired by Immanuel Kant, the German philosopher of the 18th century. This concept is examined and studied in cases of prostitution and sadomasochism (BDSM). The conceptual analysis ultimately reveals the metaphysical nature both of the individualistic approach of consent and of the Kant-inspired approach of human dignity.

Research paper thumbnail of La controverse de l’attirance sexuelle par les phéromones chez l’être humain - The controversy about the role of pheromones in sexual attraction between humans

Sexologies. Revue européenne de sexologie et de santé sexuelle

Cet article analyse les controverses scientifiques concernant le rôle des phéromones dans les att... more Cet article analyse les controverses scientifiques concernant le rôle des phéromones dans les attirances sexuelles chez l’être humain mais aussi la synchronisation des cycles menstruels chez les femmes. Il détaille les quatre points sur lesquels l’implication des phéromones dans les comportements sexuels humains fait l’objet aussi bien d’affirmations présentées comme des découvertes ou des données acquises, que d’interrogations voire de remises en question : si les phéromones sont des odeurs ou des substances chimiques distinctes, si l’être humain dispose d’un organe fonctionnel idoine à leur détection ou si elles sont captées par le système olfactif principal au même titre que les odeurs, si l’absence de réponse comportementale stéréotypée chez l’être humain permet de maintenir ou non l’hypothèse d’un rôle significatif ou amoindri des phéromones, et enfin, si l’être humain émet ou non des phéromones. L’analyse des publications sur les rôles supposés des phéromones dans l’espèce humaine permet tout autant de mettre en évidence les difficultés méthodologiques dans les expériences menées et les mesures statistiques effectuées, que les variations conceptuelles auxquelles est soumis le vocable de « phéromone ». En regard de la définition des phéromones proposée par Karlson et Lüscher à l’aube des années 1960, la désignation d’hormones stéroïdiennes telles l’androstadiénone ou l’estratetraenol comme des phéromones ne fait pas l’unanimité, alors qu’elle paraît évidente pour un certain nombre de chercheuses et de chercheurs. Apparaît également la diversité des champs scientifiques des chercheurs étudiant les phéromones : biologistes, biochimistes, neuroscientifiques, oto-rhino-laryngologues, zoologues, anthropologues, psychologues… Les enjeux de ces controverses sont multiples : d’une part, elles soulèvent la question des procédés méthodologiques mis en œuvre et des conclusions qu’il est possible de tirer des résultats obtenus ; d’autre part, elles alimentent les débats récurrents sur la part de déterminismes biologiques dans les comportements humains dont les chercheurs en sciences humaines et sociales rendent compte à partir de déterminants sociaux. Cette étude de controverse ne permet pas in fine de considérer comme acquis un quelconque rôle phéromonal dans les comportements sexuels humains.

English version :
This article investigates the ongoing scientific wrangling concerning the role of pheromones in sexual attraction in human beings, and also in the synchronisation of menstrual cycles in females. It looks in detail at the four areas where the involvement of pheromones in sexual behaviour in humans has given rise to affirmations presented as discoveries or acquired data, and at the same time to questions or even challenges: whether pheromones are distinct smells or chemical substances, whether the human being has an appropriate functional organ for detecting them or if they are detected by the main olfactory system in the same way as smells, whether the absence of stereotypical behavioural response in the human being allows the hypothesis of a significant role to be confirmed or disregarded, and finally, whether the human being releases pheromones or not. A review of literature on the hypothetical role of pheromones in humans evidences some methodological difficulties in the experiments conducted and the statistical measurements made, and as many variations in what is understood by the very concept of the word “pheromone”. Looking at the definition of pheromones coined by Karlson and Lüscher at the beginning of the 1960s, steroid hormones such as androstadienone or estratetraenol are considered to be pheromones, and although not everyone agrees with this definition, for other researchers it is undeniable. There are also differences in the scientific specialities of researchers studying pheromones: biologists, biochemists, neuroscientists, ENT specialists, zoologists, anthropologists, psychologists, etc. The stakes of the controversies are high: they raise the question of the methodologies used in the studies and the reliability of their conclusions; they also fuel the regular discussions about the share of biological determinism in human behaviour that researchers in human and social sciences measure based on social determinants. Ultimately, this study of controversy shows that a possible role for pheromones in human sexual behaviour is not something that can by any means be taken for granted.

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Les nouvelles technologies font l'objet aussi bien de discours technophobes que de discours techn... more Les nouvelles technologies font l'objet aussi bien de discours technophobes que de discours technophiles. L'humanité serait sur le point de connaître soit sa destruction, soit sa transformation transhumaniste. Malgré leur opposition, leur point commun est leur résonance théologique, d'inspiration millénariste. Dominique Lecourt a souligné combien ces discours procèdent par confusion entre technologie et technique, et entre science et technique. Ils reposent également sur l'idée de nature humaine.
A partir des éclairages et des pistes de renouvellement conceptuels de Dominique Lecourt, je propose de sortir de ces visions prophétiques pour demander si les nouvelles technologies appliquées au domaine de la sexualité, considérée comme intrinsèque à la condition humaine, engagent une révolution anthropologique, ou plus modestement des possibilités créatives de l'être humain, en utilisant notamment les concepts de techniques du corps de Marcel Mauss et de techniques de soi de Michel Foucault.

Research paper thumbnail of La santé sexuelle : un outil de biopouvoir ?

En m’inspirant du cadre théorique du dispositif de sexualité élaboré par Michel Foucault, je prop... more En m’inspirant du cadre théorique du dispositif de sexualité élaboré par Michel Foucault, je propose de mettre à l’épreuve le concept de « santé sexuelle », institutionnalisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les années 1970, et dont l’usage depuis les années 1990 dans les politiques de santé publique à travers le monde n’a cessé de croître, à la faveur notamment de la lutte contre le VIH/SIDA, et de la commercialisation de médicaments pour traiter certains troubles de l’érection. La question que je souhaite poser est celle-ci : le concept de « santé sexuelle » participe-t-il d’un dispositif de sexualité ? Constitue-t-il, dès lors, un outil de biopouvoir ? Les éléments qui me conduisent à poser cette question sont les suivants : le fait que la sexualité soit appréhendée à travers le prisme de la santé ; le fait que la notion de « santé sexuelle » ait pu être associée, à l’occasion, à l’idée de vertu sexuelle, et soit aujourd’hui parfois associée à celle de sexualité saine ; et enfin, le fait que l’institution promouvant le concept de « santé sexuelle » sur le plan international édite par ailleurs une classification des maladies qui comprend des paraphilies, c’est-à-dire ce que l’OMS appelait auparavant des « perversions sexuelles ».

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Sexualités, autonomie et handicaps : freins et perspectives, 2018

Sexualité et handicap semblent se trouver aujourd’hui dans un rapport d’opposition, le handicap e... more Sexualité et handicap semblent se trouver aujourd’hui dans un rapport d’opposition, le handicap entravant, voire empêchant l’accès à la sexualité. L’assistance sexuelle est proposée comme un moyen de lever cette opposition dans une certaine mesure, pas entièrement satisfaisant mais améliorant tout de même la situation des personnes en situation de handicap.
Or, ce rapport d’opposition pourrait s’inscrire dans une généalogie dont le point de départ est une articulation intrinsèque de ces deux termes, dans le cadre de ce que Michel Foucault a appelé un dispositif de sexualité. Selon le philosophe, handicap et sexualité ont été perpétuellement renvoyés l’un à l’autre à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, après qu’un premier rapprochement ait été fait entre la figure de l’individu monstrueux et celle du déviant sexuel au XVIIIe siècle. Le handicap, qu’il soit physique ou mental, faisait l’objet de programmes eugéniques, tandis que la sexualité était administrée par la médecine des perversions. L’articulation des deux s’opérait sous l’égide de la théorie de la dégénérescence, alors dominante à l’époque.

Plan

I. Handicap, perversions, eugénisme
A. Théorie de la dégénérescence à la fin du XIXe siècle
B. Handicap et eugénisme aujourd'hui

II. Dispositif de sexualité : un tiers intervenant
A. Sexualité et dispositif de sexualité
B. Le normal et l'anormal
C. Biopouvoir et population : par-delà le juridique

III. Consentement, Etat de droit et dispositif de sexualité
A. Consentement, liberté et Etat de droit
B. Le consentement comme argument juridique

IV. Le consentement comme problème
A. Les conditions du consentement
B. La capacité médicale à consentir
C. Le fondement du consentement

Research paper thumbnail of Santé sexuelle : entre éthique et morale

Santé sexuelle et droits humains. Un enjeu pour l’humanité, 2015

Dès qu’il est question de valeurs et de normes, le discours se trouve chargé d’une dimension mora... more Dès qu’il est question de valeurs et de normes, le discours se trouve chargé d’une dimension morale. Le clinicien ou la clinicienne dans les domaines de la santé sexuelle ou de la sexologie doit être attentif à cela, et aller au-delà de l’impression qui peut être la sienne selon laquelle ce qu’est une sexualité saine va de soi. Entre l’idée qu’il / elle se fait de ce qui est bien et mal en matière sexuelle, et son attitude vis-à-vis des personnes qui viennent le / la consulter et dont les propos, pratiques ou comportements peuvent heurter ses convictions morales, surgit immanquablement une tension entre ce en quoi le praticien ou la praticienne croit profondément – ses convictions, au sens ou le philosophe Max Weber l’entend dans l’éthique de conviction (Weber, 1959) –, et l’attitude d’écoute bienveillante que l’on peut attendre de lui / elle sur un plan déontologique – et qui fait ainsi son devoir au moins avec autant de force qu’une conviction.

Se joue alors dans le domaine de la santé sexuelle une tension contenue en germe dans l’élaboration conceptuelle de la santé sexuelle définie selon certaines valeurs et normes explicites et implicites, qui se répercute sur le terrain clinique sous la forme d’un problème d’articulation entre morale et éthique.

Research paper thumbnail of La santé sexuelle, genèse et usages d’un concept. Étude d’épistémologie historique, XIXe – XXIe siècles / Sexual Health: Genesis and Uses of a Concept, Study of Historical Epistemology, 19th – 21st centuries

Thèse de doctorat / PhD Thesis Français Le concept de santé sexuelle a été institutionnalisé pa... more Thèse de doctorat / PhD Thesis

Français

Le concept de santé sexuelle a été institutionnalisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les années 1970, alors que s’accroissaient les controverses entre la psychanalyse et le cognitivo-comportementalisme. La nouvelle définition de travail qu’en a proposé l’OMS au début des années 2000 a entériné l’approche cognitivo-comportementale articulée à l’utilitarisme, en l’inscrivant résolument dans la suite de son concept de santé comme état de bien-être. Ce concept mêle ainsi une dimension épistémologique à une dimension morale et sociale.

Ce travail de recherche se propose d’éclairer les usages contemporains du concept de santé sexuelle en en retraçant la genèse, qui précède de loin son institutionnalisation par l’OMS. Nous remontons ainsi à ses premières occurrences dans la première moitié du XIXe siècle, alors que la santé désigne principalement l’absence de maladies.

Nous adoptons une méthode d’épistémologie historique, avec un travail sur les textes de l’époque dans le champ médical anglo-américain et dans celui du continent européen. S’il est courant de mettre en question les concepts du champ médical et de celui de la santé, en particulier ceux touchant la sexualité, à partir d’un regard social qui met en évidence leur dimension normative et de biopouvoir, le présent travail se propose d’étudier le concept de santé sexuelle en menant une analyse interne aux champs dans lesquels le concept a été forgé et déployé. Sans contester la pertinence de l’abord socio-politique, le choix méthodologique qui fait droit à sa rationalité interne permet de mieux souligner ce qu’il peut y avoir d’irréductiblement normatif dans le concept de santé sexuelle.

Ce dernier est donc analysé à l’aune du modèle scientifique dans lequel il émerge, à savoir la physiologie hygiéniste vitaliste. Cette genèse va dessiner son histoire jusqu’à aujourd’hui, alors que s’opposent une sexologie qui en fait son objet, et une médecine sexuelle mécaniciste qui s’y réfère aussi. L’histoire des épistémologies de la biologie éclaire non seulement la genèse et les usages du concept de santé sexuelle, mais aussi ses rapports au domaine de la pathologie sexuelle. Les oppositions de modèles épistémologiques se traduisent par des approches thérapeutiques différentes, sinon adverses, pour la conception et la prise en charge des problèmes sexuels. Ne se réduisant pas à l’absence de maladies sexuelles, la santé sexuelle selon l’OMS, holistique, entend recouvrir également le mental et le social, dans une démarche préventive et éducative en santé publique. Ce dernier point en souligne en outre la charge éthique, dans une optique eudémonique, que lui ont conféré dès le XIXe siècle ses usages hygiénistes.

Ce travail permet ainsi à la fois : 1) de resituer le concept de santé sexuelle dans une histoire plus longue que celle qui la fait habituellement débuter après la Deuxième Guerre mondiale ; 2) d’enrichir l’historiographie de la sexologie, pour laquelle le concept de santé sexuelle est devenu majeur au XXIe siècle ; 3) d’interroger l’histoire de la sexualité telle que développée par Michel Foucault ; 4) d’éclairer les rapports du normal et du pathologique qui sont en jeu dans le concept de santé sexuelle et dans les controverses entre la psychodynamique et le cognitivo-comportementalisme ; 5) d’interroger l’idée selon laquelle les usages contemporains de ce concept participeraient de la médicalisation de la sexualité.

Anglais

The concept of sexual health was institutionalized by the World Health Organization (WHO) in the 1970s, when controversies between psychoanalysis and cognitive-behaviourism were growing. The new working definition proposed by the WHO in the early 2000s endorsed the cognitive-behavioural approach articulated to utilitarianism, by firmly embedding it in the continuation of its concept of health as a state of well-being. This concept thus combines an epistemological dimension with a moral and social dimension.

This research work aims to shed light on the contemporary uses of the concept of sexual health by tracing its genesis, which far precedes its institutionalization by the WHO. We thus go back to its first occurrences in the first half of the 19th century, when health refers mainly to the absence of disease.

We adopt a method of historical epistemology, with work on the texts of the time in the Anglo-American medical field and in the field of medicine on the European continent. While it is common to question the concepts of the medical and health fields, particularly those related to sexuality, from a social perspective that highlights their normative and biopower dimensions, this work aims to study the concept of sexual health by conducting an internal analysis of the fields in which the concept has been forged and deployed. Without contesting the relevance of the socio-political approach, the methodological choice that acknowledges its internal rationality makes it possible to better emphasize what can be irreducibly normative in the concept of sexual health.

The latter is therefore analysed according to the scientific model in which it emerges, namely vitalist hygienist physiology. This genesis will shape its history until today, while a sexology that makes it its object, and a mechanistic sexual medicine that also refers to it, are in opposition. The history of biological epistemologies sheds light not only on the genesis and uses of the concept of sexual health, but also on its relationship to the field of sexual pathology. The opposition of epistemological models results in different, if not adverse, therapeutic approaches to the conception and treatment of sexual problems. According to the WHO, sexual health is not reduced to the absence of sexual diseases, but is holistic and aims to cover the mental and social aspects as well, in a preventive and educational approach in the area of public health. This last point also underlines the ethical burden, from an eudemonic perspective, conferred on it by its hygienic uses since the 19th century.

This work thus allows at the same time: 1) to place the concept of sexual health in a longer history than that which usually begins after the Second World War; 2) to enrich the historiography of sexology, for which the concept of sexual health has become major in the 21st century; 3) to question the history of sexuality as developed by Michel Foucault; 4) to shed light on the relationships between the normal and the pathological that are at stake in the concept of sexual health and in the controversies between psychodynamics and cognitive-behaviourism; 5) to examine the idea that contemporary uses of this concept would contribute to the medicalization of sexuality.